Étude de législation comparée n° 291 - juin 2020

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Juin 2020

- LÉGISLATION COMPARÉE -

NOTE

sur

L'ÉTAT ET LES CULTES

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Allemagne - Angleterre - Autriche - Belgique
Danemark - Espagne - Italie - Portugal - Pays-Bas

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Cette note a été réalisée à la demande de la Commission des lois.

AVERTISSEMENT

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs, à partir de documents en langue originale, par la Division de la Législation comparée de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

L'ÉTAT ET LES CULTES

AVANT-PROPOS

À la demande de la Commission des lois, la Division de la Législation comparée du Sénat a mené une recherche sur les rapports entre l'État et les cultes dans neuf pays européens, l'Allemagne, l'Angleterre au sein du Royaume-Uni, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et le Portugal. À cette occasion, elle a repris, refondu, amplifié et actualisé les diverses notes qu'elle a publiées sur des sujets connexes depuis 2001. Son étude traite à la fois des fondements et des contours de la liberté de religion et de culte, de la reconnaissance et de l'organisation des religions dans leur rapport avec l'État, et des modes de financement des communautés religieuses.

On constate que la liberté de conscience, de religion et de culte, comme l'égalité devant la loi constituent des principes partagés, même si le législateur et la jurisprudence ont pu développer des interprétations nationales différant à la marge tout en respectant le cadre commun de la Convention européenne des droits de l'homme. Ces nuances d'appréciation peuvent toucher la conciliation avec la liberté d'expression, la place des convictions religieuses dans l'enseignement scolaire ou la reconnaissance de droits ou avantages à certaines confessions au regard de leur ancrage historique et social.

Seuls de cet échantillon, l'Angleterre et le Danemark, dont le souverain est aussi chef de l'Église nationale, n'ont pas proprement prononcé de séparation de l'Église et de l'État.

Cependant, l'Angleterre se singularise encore en étant avec les Pays-Bas, le seul pays de l'échantillon ne prévoyant pas de financement public des cultes : c'est le recours au statut d'organisme à but non lucratif ou d'oeuvre de bienfaisance qui permet sous certaines conditions aux communautés religieuses de bénéficier au moins d'avantages fiscaux.

À l'inverse, le Danemark comme l'Allemagne et l'Autriche recourent à l'impôt d'église ou cultuel pour financer les principales confessions chrétiennes. L'Italie, l'Espagne et le Portugal ont opté pour un autre régime de financement public : le fléchage volontaire par le contribuable individuel d'une fraction de son impôt sur le revenu. Issue de leurs concordats avec l'Église catholique, cette solution a progressivement été étendue à des religions reconnues parvenant à un accord avec l'État.

Le statut juridique des confessions qui ne sont pas des Églises d'État est lié à la procédure de reconnaissance et à un éventuel conventionnement avec l'État. La sphère germanique penche pour un statut de droit public et la sphère latine pour la mobilisation des ressources du droit civil, notamment du droit des associations.

L'intégration des communautés musulmanes, souvent divisées selon des lignes de fractures proprement religieuses (sunnites, chiites duodécimains, ismaéliens, ahmadis) et également plus politiques ou identitaires (Marocains, Turcs), se fait selon des modalités et des rythmes bien différents selon les pays de l'échantillon. Plus que la reconnaissance officielle ou l'organisation interne, ce sont les questions de la formation sur place des prédicateurs et l'accès aux financements publics, lorsqu'ils sont autorisés, qui demeurent des pierres d'achoppement. Pour l'heure, l'islam européen reste très dépendant de l'accueil d'imams étrangers et des financements en provenance de l'étranger. Des initiatives en matière de formation des imams au sein des universités se développent progressivement mais peinent à satisfaire la demande.

Certains pays extracommunautaires semblent développer des stratégies d'influence auprès des communautés musulmanes d'Europe. L'inquiétude grandissante des pays européens se manifeste par la multiplication récente des enquêtes parlementaires et des projets législatifs pour accroître la transparence des associations cultuelles, encadrer l'activité des prédicateurs étrangers et restreindre les possibilités de dons depuis l'étranger. C'est particulièrement le cas en Autriche, en Belgique, au Danemark et aux Pays-Bas.

A. LE MODÈLE CONCORDATAIRE DE L'EUROPE DU SUD CATHOLIQUE ET SA DÉCLINAISON AUX AUTRES RELIGIONS DANS LE RESPECT DE LA LIBERTÉ DE CULTE

1. L'ITALIE

a) La liberté religieuse selon la Constitution italienne

La matière religieuse est l'objet d'une grande attention dans la Constitution italienne. L'article 3 pose un principe d'égalité et de non-discrimination sur le fondement de la religion, que complète l'article 8 al. 1 er en passant du niveau personnel au niveau collectif pour affirmer que toutes les confessions religieuses sont également libres devant la loi. Ce double principe d'égalité des personnes et des cultes est complété par la reconnaissance de la liberté de culte et de croyance, à la fois individuelle et collective, la liberté de promouvoir la diffusion de sa religion et d'en célébrer le culte en privé et en public, tant que les rites ne sont pas contraires aux bonnes moeurs (art. 19). Il est précisé que le caractère ecclésiastique ou la finalité religieuse d'une association ou d'une institution ne peut justifier ni des limitations légales spéciales, ni des charges fiscales ou financières particulières pour leur constitution, l'octroi de la capacité juridique ou pour toute forme d'activités (art. 20).

Comme les autres droits fondamentaux, la liberté religieuse n'est pas absolue et peut être limitée, comme l'a rappelé la Cour constitutionnelle. Les adhérents d'un culte qui s'organiseraient d'une manière incompatible avec l'ordre juridique italien ne pourraient invoquer l'égalité des religions protégée par l'article 8 et la pratique d'un culte contraire aux bonnes moeurs ne bénéficie pas de la garantie de l'article 19. Par ailleurs, la modulation de la protection de la liberté de religion, dans le respect du principe de proportionnalité, est possible pour satisfaire aux exigences constitutionnelles de maintien de la sécurité, de l'ordre public et de la coexistence pacifique au sein de la société. Ces mesures restrictives ne peuvent être prises que par l'État italien, conformément à la répartition des compétences prévues à l'article 117 de la Constitution, tandis que les régions ne peuvent s'y substituer mais seulement coopérer avec l'État dans le cadre de leurs attributions - notamment législatives - propres 1 ( * ) .

En outre, la Cour constitutionnelle italienne veille scrupuleusement à l'égalité des confessions. Elle a par exemple déclaré inconstitutionnelle l'appartenance obligatoire aux communautés israélites et en conséquence toute la réglementation de l'organisation de la religion juive datant de l'époque fasciste maintenue en vigueur jusque dans les années 1980, ce qui a ouvert la voie à la conclusion d'un accord réglant les relations entre l'État et la communauté hébraïque. 2 ( * )

C'est surtout en matière d'offense aux religions 3 ( * ) et de blasphème 4 ( * ) que la Cour constitutionnelle italienne a oeuvré pour éliminer les distinctions opérées dans la législation pénale entre le catholicisme alors présenté comme religion d'État et les autres confessions. Désormais, quiconque offense une religion quelconque par un outrage public à l'un de ses fidèles ou de ses ministres est condamné à la même amende pénale 5 ( * ) sans privilège du catholicisme (art. 403 code pénal). La même règle vaut pour l'offense dans un lieu destiné au culte via l'outrage porté à un objet consacré, tandis que détruire ou endommager un objet consacré d'un culte est puni de deux ans d'emprisonnement (art. 404 code pénal). Enfin, empêcher ou perturber une cérémonie religieuse, conduite par un ministre du culte ou se déroulant dans un lieu de culte ou un lieu public, est également puni de deux ans d'emprisonnement (art. 405 code pénal). En matière religieuse, la critique même radicale est permise et protégée si elle ne manifeste pas une attitude de pur mépris à l'égard de la religion visée, en méconnaissance de ses dogmes, rites et institutions, de telle sorte que l'offense publique est sa propre finalité 6 ( * ) .

En matière de blasphème ( bestemmia ), a été censurée la mention des insultes ou paroles outrageantes à l'égard des symboles ou des personnes vénérés dans la religion d'État. L'article 724 du code pénal ne porte plus que sur les insultes ou paroles outrageantes publiques contre la Divinité, quelle qu'elle soit. Depuis 1999, le blasphème est dépénalisé et fait uniquement l'objet d'une sanction administrative sous forme d'une amende minimale. 7 ( * ) Le blasphème est envisagé comme une manifestation publique de vulgarité contraire aux bonnes moeurs et non comme la manifestation d'une opinion 8 ( * ) . Dans les faits, les poursuites pour blasphème sont tombées en complète désuétude depuis des décennies quelle que soit la confession considérée 9 ( * ) .

La jurisprudence constitutionnelle reconnaît même un principe de laïcité depuis 1989. Il permet notamment d'écarter toute obligation de suivi des cours de religion catholique dans les écoles publiques. 10 ( * ) Ce principe de laïcité doit être interprété non comme une pure indifférence face à l'expérience religieuse mais comme une neutralité de l'État qui doit garantir la liberté de religion, dans un régime de pluralisme confessionnel et culturel.

Au-delà de la protection de la liberté de conscience et de culte, la Constitution italienne contient plusieurs dispositions sur la reconnaissance et l'organisation des confessions qui contribuent à préciser les modalités de séparation des Églises et de l'État. L'article 7 reconnaît l'Église catholique comme entité distincte de l'État italien et, comme lui, indépendante et souveraine dans son propre domaine. Leurs rapports sont réglés par les Accords du Latran ( Patti Lateranensi ) de 1929, les modifications ultérieures acceptées par les deux parties ne nécessitant pas de révision constitutionnelle.

L'article 8 al. 2 & 3 de la Constitution italienne règle le sort des religions autres que la confession catholique. Elles disposent de l'autonomie interne, le droit de s'organiser selon leurs propres statuts, à condition qu'ils ne soient pas contraires à l'ordre juridique italien, leur étant reconnu. Il est prévu que leurs rapports avec l'État soient réglés par des lois sur la base d'une entente avec leurs organes représentatifs.

Aux termes de la Constitution italienne, il faut donc distinguer trois cas en Italie pour la régulation, en général, des rapports entre l'État et les Églises, et en particulier, de la formation des ministres des cultes : celui de l'Église catholique, seule expressément mentionnée et reconnue dans le texte constitutionnel, celui des confessions qui ont conclu une entente avec l'État sur une base légale et celui des confessions qui n'ont pas conclu d'accord avec l'État.

b) Les rapports entre l'État et l'Église catholique et les religions signataires d'une entente
(1) Organisation et autonomie des cultes

Les rapports entre l'Église catholique et l'État italien sont régis par les Accords du Latran du 11 février 1929, modifiés par l'Accord de Villa Madame du 18 février 1984 valant nouveau concordat. 11 ( * )

La République italienne reconnaît à l'Église catholique la pleine liberté d'accomplir sa mission pastorale, éducative et caritative, d'évangélisation et de sanctification. Elle assure en particulier à l'Église catholique la liberté d'organisation (art. 2 al. 1). 12 ( * ) La nomination des titulaires des offices ecclésiastiques est librement effectuée par l'Église catholique (art. 3 al. 2). De ces dispositions se déduit la pleine autonomie d'organisation interne de l'Église, en particulier dans le recrutement et l'affectation des prêtres. Les instituts universitaires, séminaires, académies, collèges et toute autre institution pour religieux ou dédiée à la formation dans les matières ecclésiastiques ne dépendent que de l'autorité ecclésiastique et sont régis par le droit canon (art. 10 al. 1). Enfin, l'État italien reconnaît les titres et diplômes en théologie conférés par les facultés approuvées par l'Église catholique (art. 10 al. 2).

En outre, la République italienne garantit à l'Église catholique le droit d'instituer librement des établissements d'enseignement de tout ordre et de tout degré. Leurs élèves sont traités de façon équivalente à celui des établissements publics (art. 9 al. 1).

Le poids historique, culturel, social et politique de l'Église catholique en Italie ne peut être sous-estimé, malgré les tensions fortes qui ont existé entre les autorités religieuse et civile dans la foulée de l'Unité italienne et du Concile Vatican I et malgré l'opposition structurante entre la Démocratie chrétienne et le Parti Communiste italien après la Seconde Guerre mondiale. L'évolution du cadre juridique a permis de passer d'un statut de religion d'État à une simple prééminence de fait, qui ne remet en cause ni la liberté d'exercice des autres confessions et l'égalité des citoyens italiens, ni la séparation de l'Église et de l'État.

Le régime concordataire défini dans les accords conclus entre l'Église catholique et l'État italien pour régler leurs relations peut servir et a déjà servi de modèle pour les autres confessions qui sont nombreuses à avoir conclu des ententes avec l'État dont les dispositions sont matériellement très similaires. Il est toutefois important de souligner que les concordats avec l'Église catholique constituent des traités internationaux entre la République italienne et le Saint-Siège, alors que les ententes et accords avec les autres confessions ne relèvent que de l'ordre interne italien.

Douze communautés religieuses chrétiennes, juive, bouddhistes et hindouiste ont conclu une entente avec l'État italien 13 ( * ) . Les anglicans, les témoins de Jéhovah et l'Église orthodoxe roumaine ont également signé des accords mais ils n'ont pas encore été ratifiés par une loi et demeurent sans effet.

La procédure pour conclure une entente entre l'État italien et une communauté religieuse est régie par la loi. 14 ( * ) La première étape est la reconnaissance de la personnalité morale à l'institution cultuelle ( ente di culto ) par décret du Président de la République sur proposition du ministre de l'intérieur, après avis du Conseil d'État. Ensuite, les institutions cultuelles reconnues qui sont intéressées par la conclusion d'un accord doivent en faire requête au Président du Conseil. Une commission interministérielle est chargée de conduire les pourparlers avec les représentants de l'institution cultuelle. Le texte négocié est soumis à l'aval du Président du Conseil. Après signature de l'accord, un projet de loi d'approbation est enfin déposé au Parlement. Chaque accord est donc validé par une loi spécifique mais le Parlement ne peut apporter que des modifications de pure forme au texte négocié ou bien le rejeter. 15 ( * )

La régulation des rapports de l'État italien avec les autres confessions par la voie de conventions bilatérales s'inspire largement du modèle du nouveau concordat avec l'Église catholique de 1984. En particulier, les confessions jouissent de l'autonomie interne et sont responsables de la formation, du recrutement et de l'affectation de leurs cadres religieux. C'est ce qu'a confirmé le législateur italien en considérant que la formation des ministres du culte faisait partie des activités religieuses ou cultuelles propres à chaque religion. 16 ( * )

Des visas et permis de séjours spéciaux pour motifs religieux peuvent être délivrés. 17 ( * ) Ils s'adressent à des étrangers dont la condition de religieux est avérée, qu'ils soient prêtres, membres d'un ordre ou ministres d'un culte appartenant à une organisation à vocation religieuse inscrite auprès du ministre de l'intérieur, soit celles qui sont signataires d'une entente avec l'État ou auxquelles la personnalité morale est reconnue. Le motif de l'entrée et du séjour en Italie doit présenter un caractère religieux avéré comme la participation à une cérémonie du culte ou l'exercice d'activités ecclésiastiques, religieuses ou pastorales. L'intéressé doit disposer de moyens de subsistance propres et suffisants lorsque les dépenses de son séjour ne sont pas prises en charge par l'organisation religieuse 18 ( * ) . Le permis de séjour pour motif religieux ouvre le droit au regroupement familial, le cas échéant 19 ( * ) .

Le permis de séjour pour motif religieux est délivré dans des conditions dérogatoires au droit commun pour donner sa pleine effectivité à la liberté de culte et de conviction. À ce titre, il est étroitement relié à une fonction religieuse. Si l'exercice de cette fonction venait à manquer ou à expirer, quelle qu'en soit la raison, alors le permis de séjour deviendrait caduc sans possibilité de le convertir en permis de séjour pour travail salarié ou autonome. L'intéressé devrait alors déposer une nouvelle demande et attendre l'octroi d'un nouveau permis de séjour et de travail pour demeurer en Italie. 20 ( * ) En revanche, en sens inverse, les permis de séjour pour études peuvent être convertis éventuellement en permis de séjour pour motif religieux. C'est le cas pour nombre d'étudiants en théologie catholique ordonnés prêtres ou entrant dans les ordres.

Enfin, en matière de création et de gestion d'écoles confessionnelles, les confessions bénéficiant d'une entente avec la République italienne peuvent bénéficier d'un régime analogue à celui de l'Église catholique, sur la base du texte constitutionnel et selon les dispositions spécifiques de l'accord qui régit leur rapport avec l'État. En effet, l'article 33 de la Constitution prévoit que des collectivités autres que l'État et des particuliers ont le droit de créer des écoles et des instituts d'éducation, sans charges pour l'État (al. 3). Ces écoles peuvent bénéficier de la parité, c'est-à-dire d'un traitement égal à celui des établissements d'enseignement publics dépendant de l'État, dans les conditions fixées par la loi. En particulier, la loi doit garantir la pleine liberté des écoles dites paritaires ( scuole paritarie ) et un parcours éducatif équivalent à leurs élèves (art. 33 al. 4). Si leur entente avec l'État le prévoit, les religions autres que la religion catholique peuvent donc ouvrir des écoles confessionnelles paritaires de tout degré avec pleine reconnaissance de leur orientation culturelle et religieuse propre, conformément à la loi n° 62 du 10 mars 2000 adoptée sous le gouvernement D'Alema (DS). Ces écoles appartiennent pleinement au réseau de l'éducation nationale ( sistema nazionale di istruzione ). À la différence du cas des écoles ou instituts privés, leurs préparations aux examens et les diplômes qu'elles délivrent ont une valeur nationale reconnue par l'État. Leurs programmes ne peuvent toutefois contredire les libertés et droits fondamentaux protégés par la Constitution.

(2) Financement des cultes

Le régime de financement des cultes en Italie comprend essentiellement des subventions directes prélevées sur les ressources fiscales de l'État et des exemptions fiscales liées à leur vocation non lucrative.

En application de l'Accord de Villa Madame de 1984 valant nouveau concordat fut également défini un nouveau mode de financement par l'État de l'Église catholique sur la base du choix de fidèles : le « 8 pour mille ». Auparavant, l'État italien rémunérait directement les membres du clergé. Les contours du nouveau dispositif ont été définis dans la législation italienne en 1985. 21 ( * ) La faculté d'en bénéficier est étendue aux autres confessions qui concluent des ententes avec l'État.

Le « 8 pour mille » accorde au contribuable italien la faculté de flécher à sa discrétion 0,8 % du produit de son impôt sur le revenu (IR) annuel vers l'État pour divers programmes (catastrophes naturelles, aide aux réfugiés, entretien du patrimoine, rénovation des écoles, etc.) vers l'Église catholique ou vers l'une des religions qui ont conclu un accord avec l'État. Si le contribuable ne choisit aucun destinataire privilégié, 0,8 % du produit de son IR est reversé à l'État et à toutes les Églises bénéficiaires proportionnellement à la part qu'ils reçoivent des sommes fléchées par les contribuables qui ont exprimé leur choix. Les cultes peuvent consacrer les sommes reçues à la formation et à l'entretien du personnel religieux ou à des actions caritatives, sociales, éducatives, patrimoniales ou culturelles.

L'Église catholique reçoit de très loin l'essentiel des fonds fléchés au titre du « 8 pour mille » à hauteur d'environ 1 milliard d'euros par an dont elle consacre environ 350 millions à l'entretien du clergé, 360 millions aux exigences du culte et le reste à des oeuvres caritatives. Environ 60 % des contribuables n'utilisent pas leur droit de fléchage, le fléchage au bénéfice de l'État ne cessent de diminuer et tourne autour de 5 % contre 33 % pour l'Église catholique. Toutefois, grâce au mécanisme de redistribution proportionnelle des sommes non fléchées par le contribuable, la part de l'Église catholique dans les sommes allouées dépasse les 80 %.

Un recours contre le « 8 pour mille » a été porté par un contribuable italien devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) qui a repoussé sa requête comme irrecevable en 2007. Les juges ont noté que le dispositif n'enfreignait pas la liberté de pensée, de conscience et de religion et de conviction protégée par l'article 9 de la Convention car il n'imposait pas au contribuable de révéler sa religion et ne l'astreignait pas non plus à flécher des fonds vers la religion qu'il pouvait professer. Ils ont rappelé que le principe de non-discrimination de l'article 14 de la Convention n'interdisait pas des différences de traitement fondées sur des motifs objectifs et qu'à ce titre, un État était libre de ne pas financer toutes les confessions professées sur son territoire. Enfin, le moyen tiré du droit de propriété protégé à l'article 1 er du premier protocole additionnel était inopérant dans la mesure où aucune taxe supplémentaire n'était imposée et que le dispositif de fléchage ne constituait pas une charge financière manifestement disproportionnée sur les contribuables italiens. 22 ( * )

Par ailleurs, une grande réforme du secteur associatif est intervenue en 2017. Progressivement mise en oeuvre, elle modifie le régime des structures caritatives et à but non lucratif, ce qui se répercute sur les avantages fiscaux des cultes.

L'Église catholique et les confessions disposant d'une entente avec l'État bénéficiaient jusqu'alors des avantages fiscaux des organismes à but non lucratif ( organizzazione non lucrativa di utilità sociale - ONLUS ). En effet, le concordat et les accords en vigueur prévoient que la vocation religieuse est assimilée aux fins de bienfaisance et d'éducation pour toutes les questions fiscales. La législation sur les organismes à but non lucratif disposait explicitement que les établissements et organisations des confessions religieuses ayant conclu un accord avec l'État étaient automatiquement considérés comme des organismes à but non lucratif 23 ( * ) . À ce titre, ils étaient exemptés d'impôt sur les revenus non commerciaux et bénéficiaient d'une réduction d'impôt de 50 % sur les revenus commerciaux. Ils jouissaient également d'exonérations et de simplifications en matière de TVA, ainsi que d'exemptions de certaines taxes indirectes (droit de timbre,...) et de l'impôt communal sur les immeubles pour leurs immeubles utilisés à des fins non commerciales. Cette dernière exemption a donné lieu à de nombreux contentieux remontant jusqu'à la cour de cassation italienne et à des rectifications pour définir précisément son extension. Dans son principe, elle a toutefois été validée par la Cour de justice de l'Union européenne qui ne l'a pas considérée comme une aide d'État 24 ( * ) . De plus, le législateur a prévu un régime favorable permettant aux donateurs de déduire de leurs revenus imposables les dons aux organismes religieux en tant qu'organismes à but non lucratif. 25 ( * ) Enfin, depuis la loi de finances pour 2006 existe un dispositif de « 5 pour mille » permettant aux personnes physiques de flécher 0,5 % de l'impôt sur le revenu vers des organismes à but non lucratif, y compris les cultes reconnus.

Toutes ces mesures fiscales favorables survivent à la réforme du « troisième secteur », qui demande toutefois une réorganisation juridique de certaines entités confessionnelles 26 ( * ) et prévoit un nouveau régime des dons 27 ( * ) et du « 5 pour mille » 28 ( * ) qui n'est pas encore pleinement entré en vigueur.

En effet, l'ancien statut d'ONLUS est abrogé au profit de la notion d'établissements du troisième secteur ( Enti di Terzo settore - ETS ). L'obtention du statut d'ETS n'est pas automatique et nécessite une inscription au nouveau registre national unifié du troisième secteur, administré par le ministre du travail et des affaires sociales. Il s'agit d'un registre public accessible par voie électronique par tous les intéressés et divisé en rubriques correspondant aux différents types d'ETS : organisations de volontaires, associations de promotion sociale, organisations philanthropiques, entreprises sociales et coopératives, réseaux associatifs, sociétés de secours mutuel et autres. Le cas des cultes est expressément prévu : ils peuvent y faire inscrire au titre de leurs activités d'intérêt général des établissements religieux civilement reconnus et dotés de la personnalité juridique. Trois conditions nouvelles par rapport au statut ancien d'ONLUS s'imposent cependant aux établissements religieux pour bénéficier du statut d'ETS qui rouvre le droit aux exemptions fiscales, à la déductibilité des dons et au « 5 pour mille » : l'adoption d'un règlement intérieur déposé auprès du registre national, la constitution d'un patrimoine dédié et propre à l'ETS inscrit, des obligations comptables renforcées avec une nette séparation des activités non commerciales et commerciales résiduelles.

Le soutien financier des pouvoirs publics italiens aux cultes se manifeste également en faveur des édifices cultuels et des écoles confessionnelles.

Les régions italiennes, compétentes en matière d'urbanisme, peuvent financer la construction ou la rénovation de lieux de culte par des subventions directes ou par le reversement d'une fraction du produit des taxes sur les permis de construire 29 ( * ) . Il faut également noter l'existence du Fonds pour les édifices du culte ( Fondo edifici di culto - FEC ), qui est doté d'une personnalité juridique propre et placé sous la tutelle du ministre de l'intérieur pour assurer l'entretien, la conservation et la valorisation du patrimoine religieux 30 ( * ) . Il prend la suite d'autres structures d'État dont l'origine remonte à 1866, date à laquelle le Royaume d'Italie était devenu propriétaire d'une grande part des biens des congrégations religieuses catholiques. Ses moyens financiers sont prélevés sur le budget de l'État. Son administration locale est entre les mains des préfets.

La question du financement des écoles confessionnelles, catholiques ou autres, fait débat en Italie même si 90 % des élèves italiens demeurent dans des établissements d'enseignement gérés par l'État. En effet, une ambiguïté demeure dans le texte constitutionnel qui à la lettre demande que la création d'écoles hors du sein de l'État ne présente aucune charge pour l'État, mais elle n'évoque pas la gestion ultérieure. En outre, une interdiction totale de participation financière de l'État pourrait être interprétée comme une entrave excessive à l'effectivité du droit aux études et à la liberté d'éducation et d'enseignement. La Cour constitutionnelle a considéré qu'il n'existait pas d'obligation pour l'État d'assumer toutes les charges qui permettraient aux parents d'exercer sans restriction le libre choix du type d'école de leurs enfants 31 ( * ) , mais elle a validé l'intégration des écoles paritaires, y compris confessionnelles, dans l'éducation nationale 32 ( * ) opérée par la loi 62/2000. Sont ouverts ainsi aux écoles confessionnelles paritaires certains financements publics : des subventions directes pour la gestion au niveau de la maternelle et du primaire, des financements sur projets destinés à améliorer la qualité de l'offre de formation à partir du secondaire et indirectement un soutien financier aux familles qui souhaitent y inscrire leur enfant ( buoni scuola ).

c) Les cultes sans entente avec l'État et la question musulmane
(1) La possibilité de reconnaissance d'un statut juridique malgré l'absence d'entente

Les religions sans entente conclue avec l'État italien, comme l'islam dans ses différentes branches et affiliations, ne sont pas pour autant dépourvues de tout statut juridique. Elles restent sujettes à la législation ancienne sur les cultes autorisés. 33 ( * ) L'application du principe d'égalité conjugué à la liberté de culte les laisse maîtresses de s'organiser selon leur propre statut. Elles conservent aussi la possibilité de se faire reconnaître par l'État comme des institutions cultuelles dotées de la personnalité morale, première étape indispensable à la négociation éventuelle d'une entente. Cette reconnaissance officielle facilite leurs démarches dans la pratique.

Il n'existe aucune raison de traiter différemment des autres les religions dépourvues d'entente en matière de recrutement, de formation et d'affectation de leur personnel religieux puisque ce sont des éléments de l'organisation interne et des activités directement liées au culte, dans lesquelles l'État n'a pas à intervenir. En revanche, la répartition d'une fraction de l'impôt ou la reconnaissance des diplômes relèvent de la prérogative exclusive de l'État qui peut décider de les subordonner à la conclusion d'un accord avec la partie intéressée, dès lors que toutes les communautés religieuses sont libres de s'engager dans le processus contractuel.

(2) Des garanties d'une relative égalité de traitement

La Cour constitutionnelle italienne protège les confessions qui n'ont pas conclu d'entente avec l'État. Le fondement de sa jurisprudence protectrice réside dans sa conception de la liberté de culte comme composante essentielle de la liberté religieuse, dont l'exercice constitutionnellement garanti ne peut pas être conditionné à la stipulation d'un accord avec l'État. Les ententes ne sont indispensables que si l'on souhaite faire produire des effets civils à certains actes de culte ou bénéficier de certains financements publics.

Ainsi, la Cour constitutionnelle a censuré des lois régionales des Abruzzes et de Lombardie en matière urbanistique qui subordonnaient à l'existence d'une entente avec l'État l'octroi de certains bénéfices financiers à des institutions religieuses. 34 ( * ) Les témoins de Jéhovah aussi bien que des communautés musulmanes ont ainsi vu leurs droits reconnus. Plus récemment, la Cour a également censuré une autre loi régionale de Lombardie de 2015 qui utilisait sa compétence sur la planification urbaine pour restreindre les possibilités d'ouverture de nouveaux lieux de culte, en particulier de mosquées. 35 ( * )

Lorsque sont reconnues des institutions cultuelles dotées de la personnalité morale, celles-ci sont libres de recruter leur personnel et notamment de recourir à des ministres venant de l'étranger dans les mêmes conditions que les cultes jouissant d'une entente avec l'État. Toutefois, si l'organisation d'accueil ne s'est pas fait officiellement reconnaître comme institution cultuelle, alors les visas et permis de séjour pour motifs religieux ne seront délivrés qu'après vérification préalable par le ministère de l'intérieur de sa nature cultuelle et de la conformité de ses statuts à l'ordre juridique italien.

Si les religions sans entente avec l'État ne peuvent émarger au « 8 pour mille », leurs organismes dotés de la personnalité morale et inscrits au registre national du troisième secteur pourront bénéficier du « 5 pour mille ».

Enfin, même en l'absence d'accord avec l'État, il est possible avec l'autorisation du ministre de l'éducation et du ministre de l'intérieur d'ouvrir une école confessionnelle élémentaire à la charge du culte, dès lors que celui-ci bénéficie d'une reconnaissance officielle.

(3) La consolidation inachevée de l'islam italien

Les projets d'accords entre les représentants des communautés musulmanes et la République italienne évoqués depuis 1993 ne se sont pas encore concrétisés.

Pour l'islam, seul le Centre culturel islamique d'Italie qui dirige la Grande Mosquée de Rome est reconnu proprement comme institution cultuelle dotée de la personnalité morale au sens de la loi de 1929. D'autres associations musulmanes ont été reconnues comme organismes à but non lucratif et doivent se réorganiser et se faire inscrire comme établissement du troisième secteur dans le nouveau registre national.

Comme dans d'autres pays européens, la constitution d'un islam italien est devenue un enjeu du débat public. Signé le 1 er février 2017 entre différentes fédérations musulmanes et le ministre de l'intérieur, le Pacte national pour un islam italien se veut l'expression d'une communauté ouverte, intégrée et adhérant aux valeurs et aux principes de l'ordre juridique italien. Il prévoit la création de cursus de formation d'imams, la prédication du vendredi en italien, un engagement contre le radicalisme, le respect des normes de sécurité et d'urbanisme par les lieux de prière, mais ce document sans réelle portée normative semble rester essentiellement une déclaration d'intention et le contexte politique demeure peu propice à sa concrétisation. Quelques formations d'imams sont organisées par des associations islamiques en Italie mais cela reste marginal par rapport à l'autoformation et au recrutement d'imams formés à l'étranger.

Le débat public s'est récemment intensifié autour des financements de mosquées et de centres islamiques par le Qatar à hauteur de 23 millions d'euros. Ces financements qui passent juridiquement par l'intermédiaire de Qatar Charity sont parfaitement légaux aujourd'hui, même s'ils deviennent un sujet de préoccupation.

2. LE PORTUGAL

a) La déclinaison de la liberté religieuse dans une loi dédiée
(1) La liberté de conscience, de religion et de culte dans la Constitution portugaise

L'article 41 de la Constitution portugaise de 1976 garantit la liberté de conscience, de religion et de culte, qu'il déclare inviolable (al. 1 er ). Sur ce fondement, nul ne peut être poursuivi, privé de droits ou exempté d'obligations ou de devoirs civiques à cause de ses convictions ou de sa pratique religieuse (al. 2). Il ne peut y avoir d'enregistrement individuel de la confession des citoyens ou d'affiliation officielle des citoyens à un culte. Nul ne peut en effet être interrogé par une autorité, quelle qu'elle soit, au sujet de ses convictions ou de sa pratique religieuse, sauf pour la collecte de données statistiques qui ne permettent pas l'identification individuelle, ni subir de préjudice pour avoir refusé de répondre (al. 3).

Le principe général d'égalité devant la loi, énoncé à l'article 13 de la Constitution portugaise, couvre expressément le cas des discriminations sur le fondement de la religion et interdit les différences de traitement, favorables ou défavorables, entre les citoyens pour ce motif. Ainsi, nul ne peut être privilégié, avantagé, défavorisé, privé d'un droit ou exempté d'un devoir en raison de sa religion ou de ses convictions. 36 ( * ) Ce principe général est repris et décliné pour protéger les travailleurs de toute discrimination sur le fondement de leur religion ou de leurs convictions (art. 59 al. 1 er ). 37 ( * )

Le caractère privé des convictions personnelles et de la religion est souligné dans les dispositions constitutionnelles encadrant l'utilisation de l'informatique. Ainsi, le traitement automatisé de données sur les convictions philosophiques ou la foi religieuse, comme sur l'affiliation partisane ou syndicale, la vie privée et l'origine ethnique, est interdit sauf consentement exprès de la personne et avec l'autorisation d'une loi en garantissant l'absence de discriminations ou l'anonymat des individus (art. 35 al. 3).

Parmi les droits fondamentaux protégés par la Constitution, la liberté de conscience et de religion fait partie du noyau dur des droits, qui ne peuvent être affectés par la déclaration de l'état d'urgence ou de l'état de siège, à l'instar des droits à la vie et à l'intégrité personnelle, qui interdisent notamment le recours à la peine de mort et à la torture, des droits à l'identité personnelle, à la capacité civile et à la citoyenneté, et des droits de la défense et de la non-rétroactivité de la loi pénale (art. 19 al. 6).

(2) Les droits individuels reconnus par la loi de liberté religieuse de 2001

Le législateur portugais est venu concrétiser le contenu de la liberté de conscience, de religion et de culte garantie par la Constitution. La loi de liberté religieuse de 2001 distingue un contenu positif et un contenu négatif.

Positivement, la liberté de religion comprend les droits suivants :

- avoir une religion, ne pas en avoir et cesser d'en avoir ;

- choisir librement sa croyance religieuse, en changer ou l'abandonner;

- pratiquer ou ne pas pratiquer les actes du culte propres à la religion professée ;

- professer sa propre croyance religieuse, lui procurer de nouveaux adeptes, exprimer et diffuser librement par la parole, l'image ou par tout autre moyen, ses idées en matière religieuse ;

- informer et s'informer sur la religion, apprendre et enseigner la religion ;

- se réunir et s'associer avec d'autres en accord avec ses convictions religieuses ;

- agir ou ne pas agir en conformité avec les normes de la religion professée, dans le respect des droits fondamentaux et de la loi ;

- choisir pour ses enfants des noms propres à l'onomastique de sa religion ;

- et produire des oeuvres scientifiques, littéraires et artistiques en matière de religion. 38 ( * )

Négativement, la liberté de religion se traduit par le fait que nul ne peut être soumis à une coercition religieuse. Nul ne peut être forcé de professer une croyance, de pratiquer un culte ou d'y assister, de recevoir une aide religieuse ou de la propagande religieuse. Nul ne peut être contraint à entrer dans une communauté religieuse, ni à y demeurer ou à la quitter. Nul ne peut être obligé de prêter un serment de nature religieuse. 39 ( * )

La seule limite posée à la liberté de conscience, de religion et de culte renvoie aux restrictions nécessaires pour préserver des droits ou des intérêts protégés par la Constitution, étant entendu que la perpétration de crimes au prétexte de la liberté religieuse ne peut être autorisée et que la loi peut réguler autant que nécessaire l'exercice de la liberté religieuse 40 ( * ) .

De ces éléments essentiels sont encore déduits d'autres droits individuels connexes : participer aux rites et pratiques, célébrer des mariages religieux et recevoir des obsèques religieuses, commémorer publiquement des festivités religieuses, éduquer ses enfants en cohérence avec ses convictions dans le respect de leur intégrité morale et physique, recevoir un soutien spirituel dans l'armée, la police, les hôpitaux, les internats et les lieux de détention, bénéficier de congés à la demande de l'intéressé pour les festivités religieuses. 41 ( * )

(3) La question du blasphème et la répression des outrages au sentiment religieux

Sans définir expressément le blasphème, le code pénal portugais distingue parmi les délits contre la vie en société les outrages aux sentiments religieux. Sont ainsi réprimés les outrages aux personnes, aux biens et aux actes de culte, caractérisés comme :

- le fait d'offenser ou de railler publiquement une personne en raison de sa croyance ou de sa fonction religieuse d'une manière susceptible de troubler la tranquillité publique (art. 251 al. 1 er CP) ;

- le fait de profaner un lieu ou un objet de culte ou de vénération religieuse d'une manière susceptible de troubler la tranquillité publique (art. 251 al. 2 CP) ;

- le fait d'empêcher ou de perturber l'exercice légitime du culte religieux, par des moyens violents ou en usant de menaces graves (art. 252 al. 1 er CP) ou le fait de publiquement vilipender ou railler un acte de culte religieux (art. 252 al. 2 CP).

La peine encourue dans les trois cas est d'un an d'emprisonnement ou d'une amende de 120 jours-amendes. Toutefois, les poursuites sont extrêmement rares. 42 ( * )

b) Des rapports des cultes et de l'État marqués par la coopération dans la séparation
(1) La séparation de l'Église et de l'État

La première République portugaise née de la Révolution de 1910 chercha immédiatement à limiter l'influence considérable de l'Église catholique et proclama dès 1911 la séparation des Églises et de l'État. Sous l'influence française, elle ira plus loin que les libéraux sous la monarchie constitutionnelle pour nationaliser les biens de l'Église et restructurer les paroisses en créant des associations cultuelles. Les autres confessions purent en 1918 constituer des communautés religieuses dotées de la personnalité morale et disposant de l'autonomie interne. Le coup d'État de 1926 et l'arrivée au pouvoir de Salazar en 1933 infléchit cette politique, l'Église catholique se voyant reconnaître comme religion de référence et pilier de la nation et bénéficiant de nombreux avantages financiers sous l'empire du concordat de 1940.

Le retour de la démocratie à partir de 1974 a conduit à la réaffirmation de la séparation de l'Église et de l'État dans la Constitution en 1976, complétée et précisée à l'adoption de nouvelles procédures de reconnaissance et de financement des cultes dans la loi de liberté religieuse de 2001 et à la conclusion d'un nouveau concordat avec le Saint-Siège en 2004. L'ensemble des dispositions constitutionnelles, légales et conventionnelles dessine un régime de coopération dans la séparation entre l'État portugais et les différentes confessions reconnues.

L'article 41 al. 4 de la Constitution portugaise prévoit que les Églises et autres communautés religieuses sont séparées de l'État, libres de leur organisation et libres dans l'exercice de leurs fonctions et du culte. Le principe fait partie des piliers essentiels de l'ordre constitutionnel qui ne peuvent faire l'objet d'une révision constitutionnelle, juste après l'unité et l'indépendance du pays et la forme républicaine de gouvernement (art. 288 - Constitution portugaise).

Les partis politiques doivent respecter la séparation, sans préjudice de leur programme, en ne pouvant choisir ni une dénomination faisant référence à une religion ou une église, ni un emblème associé à des symboles religieux (art. 51 al. 3). Ainsi, il existe bien un parti chrétien-démocrate faisant référence aux valeurs chrétiennes dans son programme mais il se dénomme Centre Démocratique et Social - Parti Populaire (CDS-PP).

En outre, un enseignement de religion peut librement s'organiser dans le cadre de chaque confession. Au nom de la liberté d'apprendre et d'enseigner, il est parallèlement interdit à l'État de décider de l'éducation et de la culture commune en suivant une quelconque idéologie philosophique, politique ou religieuse. L'enseignement public ne peut être confessionnel, tandis que le droit de création d'écoles libres confessionnelles est garanti. 43 ( * )

Bien que la lettre de la Constitution ne le prévoie pas, il est reconnu un enseignement optionnel d'éducation morale et religieuse dans l'enseignement public primaire et secondaire, conformément à la loi de liberté religieuse de 2001 et au concordat de 2004 avec l'Église catholique. 44 ( * ) Les enseignants sont nommés et engagés par l'État en accord avec l'autorité ecclésiastique. La définition du contenu de l'enseignement dépend exclusivement de l'autorité ecclésiastique mais doit être conforme à l'orientation générale du système éducatif portugais.

Enfin, chaque religion peut utiliser ses propres moyens d'information pour la poursuite de ses activités. Des temps d'émission religieuse sont également garantis sur la radiotélévision publique portugaise 45 ( * ) .

La loi de liberté religieuse de 2001 est venue à nouveau détailler et concrétiser les dispositions constitutionnelles pour définir précisément le cadre des relations entre l'État et les communautés religieuses. Elle reconnaît comme principes directeurs :

- l'égalité des cultes entre eux ;

- la séparation des Églises et de l'État avec, comme corollaire, la liberté d'organisation interne des cultes ;

- la neutralité de l'État, qui l'empêche d'adopter une religion, de se prononcer sur les questions religieuses, de doter les actes officiels ou le protocole d'État et d'imprimer un tour religieux à l'éducation ou à la culture ;

- la coopération entre l'État et les communautés religieuses enracinées au Portugal, à raison de leur représentativité, pour la promotion des droits de l'homme, du développement des personnes et des valeurs de paix, de liberté, de solidarité et de tolérance. 46 ( * ) La coopération avec l'État se manifeste en particulier dans le domaine social et caritatif où les religions, surtout l'Église catholique, sont très impliquées et reçoivent un soutien public.

La liberté d'organisation des Églises ou communautés religieuses et la liberté d'exercice des fonctions religieuses et du culte sont minutieusement définies par le législateur 47 ( * ) . L'autonomie est accordée aux communautés religieuses sur la formation, la composition et le fonctionnement de leurs organes, sur la désignation, les fonctions et les pouvoirs de ses représentants, ministres et missionnaires, sur la définition des droits et devoirs religieux des fidèles dans le respect de la liberté religieuse. Ces mêmes communautés peuvent fonder ou reconnaître des Églises ou communautés régionales ou locales, ainsi que des associations et des fondations pour l'exercice de leurs fonctions religieuses. Elles peuvent également pratiquer des actes de culte, publics et privés, sans interférence de l'État sous réserve des obligations de l'ordre public et de la liberté de circulation. Elles peuvent établir des lieux de culte ou de réunion à vocation religieuse, enseigner leur doctrine, procurer une assistance spirituelle à leurs membres.

Enfin, elles sont compétentes pour nommer et former les ministres de leur culte, ainsi que pour fonder des séminaires ou autre établissement de formation religieuse. Un statut à part est fait aux ministres du culte, dont la qualification dépend des normes internes de chaque culte. Il revient à la communauté religieuse de certifier leur qualité de ministre du culte et de les accréditer auprès de l'État. En particulier, ils ne peuvent être interrogés par les magistrats et les autorités sur des faits dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de leur ministère religieux. Ils bénéficient de dérogations et d'exemptions en matière de service militaire et de participation comme juré à un procès pénal 48 ( * ) .

Les ministres du culte étrangers sollicitent un visa de résidence de 4 mois, puis un permis de résidence renouvelable d'un type particulier. Il s'agit d'une sous-catégorie du visa D7 destiné aux retraités et aux personnes vivant des revenus de leur patrimoine mobilier et immobilier. 49 ( * ) Pour l'évaluation de leur dossier au cours de la procédure, leur ministère est considéré comme une activité professionnelle s'il est rémunéré et la communauté religieuse doit se porter garante de ses moyens de subsistance au Portugal et les accréditer auprès de l'État. Pour mémoire, les Brésiliens forment le premier contingent d'immigration au Portugal.

(2) La reconnaissance des cultes

Pour obtenir la personnalité morale et une pleine capacité d'action juridique, ainsi que le bénéfice d'un soutien financier public, les Églises ou communautés religieuses doivent être reconnues par l'État portugais. La reconnaissance se traduit par une inscription au registre des collectifs religieux ( registo das pessoas colectivas religiosas ), la procédure étant ouverte aux organes nationaux, régionaux et locaux des Églises et communautés religieuses, à leurs associations et fondations à vocation religieuse, ainsi qu'à leurs fédérations. Sont inscrits dans le registre la dénomination propre du collectif religieux, son établissement au Portugal, son siège, ses finalités religieuses, son patrimoine, son organisation interne et son mode de fonctionnement, le mode de désignation de ses représentants, l'identité des titulaires en fonction de ses organes internes. Sont examinées lors de l'instruction sa doctrine (articles de foi, actes de culte, droits et devoirs des fidèles) et les preuves de sa présence organisée et durable au Portugal. 50 ( * )

Il existe un deuxième niveau de reconnaissance qui ouvre le droit à la conclusion d'accords avec l'État et à des avantages fiscaux supplémentaires très significatifs, notamment le « 5 pour mille » (cf. ci-dessous). Sont ainsi reconnus comme cultes enracinés dans le pays 51 ( * ) , l'Église catholique, l'Alliance protestante évangélique et les communautés musulmane et israélite. Cette reconnaissance est obtenue par arrêté du ministre chargé des cultes sur avis de la commission de la liberté religieuse.

La Comissão da Liberdade Religiosa constitue un organe consultatif indépendant, qui produit pour le gouvernement et le Parlement portugais toute forme d'expertise en matière religieuse, en particulier sur l'application de la loi de liberté religieuse de 2001. Elle comprend onze membres dont deux membres désignés par la Conférence des évêques du Portugal, trois membres représentant les confessions non-catholiques et désignés par le ministre chargé des cultes, ainsi que cinq personnes qualifiées désignées par le ministre de la justice. Le président est un juriste désigné en Conseil des ministres pour un mandat de trois ans renouvelables 52 ( * ) .

Il convient de signaler deux cultes qui bénéficient de relations particulières avec l'État portugais : l'Église catholique, conformément à l'histoire du pays, mais aussi de façon inattendue, le chiisme ismaélien 53 ( * ) .

Aux termes du concordat de 2004 entre le Saint-Siège et la République portugaise, l'Église catholique et l'État sont chacun, dans leur propre domaine, autonomes et indépendants et ils coopèrent pour la promotion de la dignité de la personne humaine, de la justice et de la paix. Le dimanche est reconnu comme jour férié, ainsi qu'une liste de fêtes catholiques, et l'État s'engage à favoriser l'exercice par les catholiques portugais de leurs devoirs religieux pendant ces jours fériés. La personnalité juridique civile de l'Église, de la Conférence épiscopale, des diocèses, des paroisses et de toute autre juridiction ecclésiastique librement créée et organisée par l'Église est reconnue. Le droit canonique et le droit civil portugais leur sont appliqués par les autorités compétentes, chacune dans leur domaine. L'Église crée librement des instituts de formation et des séminaires qui ne sont pas soumis au contrôle de l'État mais dont les études, grades et titres sont reconnus. L'Université catholique portugaise fondée en 1967 exerce son activité selon le droit portugais mais dans le respect de sa spécificité institutionnelle. Elle est soutenue financièrement par l'État portugais en tant que personne morale d'utilité publique. Le secret de la confession et les effets civils des mariages religieux, après transcription à l'état civil, sont garantis. Les aumôniers catholiques des armées et des forces de sécurité, des prisons et des hôpitaux sont pris en charge par l'État. Les biens mobiliers et immobiliers de l'Église relevant du patrimoine national sont protégés par l'État qui a la charge de les conserver, restaurer et mettre en valeur, en respectant leur finalité cultuelle. Enfin, le concordat reprend les dispositions fiscales en faveur de l'Église et des organes ecclésiastiques.

Ainsi, il a été essentiellement question de rénover l'ancien concordat de 1940 pour en harmoniser les dispositions avec celles de la loi de liberté religieuse applicable à toutes les confessions, tout en reconnaissant la position prééminente du catholicisme au sein de la société portugaise.

Les relations du Portugal avec la communauté chiite ismaélienne se sont considérablement renforcées depuis les années 2000 mais elles sont anciennes et renvoient à l'expansion coloniale dans l'océan Indien. En effet, un grand nombre d'ismaéliens sont originaires du Gujarat en Inde, où le Portugal possédait des comptoirs jusqu'en 1961, et certains d'entre eux se sont installés au Mozambique, colonie portugaise jusqu'en 1975 d'où ils se sont installés au Portugal. Deux accords majeurs ont été conclus en 2009 et 2015 entre la République et l'Imamat ismaélien qui représente la communauté au niveau mondial autour de la figure de l'Aga Khan.

Après plusieurs protocoles de coopération qui avaient pour but de faciliter l'action de la Fondation Aga Khan reconnue d'utilité publique au Portugal, l'accord de 2009 a marqué une rupture en abordant de plain-pied les questions religieuses et en prenant la forme d'une véritable convention internationale approuvée par le Parlement et ratifiée par le Président de la République selon les formes prévues par la Constitution pour les traités 54 ( * ) . Ainsi, le Portugal a reconnu la personnalité juridique de droit international de l'Imamat ismaélien et conclu avec lui le premier concordat avec un culte autre que le catholicisme. Cet accord protège et réserve la dénomination d'ismaéliens, il garantit la liberté d'organisation interne de la communauté et l'exclusivité de la doctrine religieuse au profit de l'imam Aga Khan, il autorise la création d'instituts de formation pour les ministres du culte hors contrôle de l'État, ainsi que d'établissements d'enseignement scolaire à égalité avec les établissements publics. L' Aga Khan University , la University of Central Asia et l' Institute of Ismaili Studies , établis et contrôlés par l'Imamat, peuvent exercer au Portugal dans le respect à la fois de la loi portugaise et de leur spécificité institutionnelle. Le parallèle avec le concordat avec le Saint-Siège est net. En outre, le ministre de la justice peut désigner un représentant de l'Imamat désigné par l'Aga Khan comme membre de la commission de la liberté religieuse. 55 ( * )

Le statut exceptionnel conféré à la communauté ismaélienne est confirmé et amplifié par l'accord de 2015 qui a pour but de fixer à Lisbonne le siège mondial de l'Imamat 56 ( * ) . L'immunité, les privilèges et les facilités diplomatiques sont conférés à l'imam Aga Khan, aux hauts fonctionnaires et membres du personnel de l'Imamat et de son siège lisboète.

(3) Le soutien financier des pouvoirs publics

Dans la logique de la coopération entre l'État et les cultes, la loi de liberté religieuse de 2001 prévoit un soutien public aux cultes, essentiellement sous la forme d'avantages fiscaux.

Les Églises et communautés religieuses, quel que soit leur statut, sont exemptes de toute imposition au titre des donations des fidèles pour l'exercice du culte, des collectes publiques et de la distribution gratuite et de l'affichage de publications religieuses 57 ( * ) .

Les communautés religieuses reconnues et inscrites au registre national sont de surcroît exemptes de tout impôt ou contribution nationale ou locale sur les lieux de culte et les édifices à vocation religieuse, y compris les instituts de formation des ministres du culte. L'acquisition de biens immobiliers à des fins religieuses et l'institution de fondations sont exemptées des droits de mutation communaux. Enfin, les donations des particuliers sont déductibles de leur impôt sur le revenu à hauteur de 25 % des sommes versées dans la limite de 15 % du montant dû 58 ( * ) .

Les Églises et communautés religieuses enracinées au Portugal bénéficient du mécanisme du « 5 pour mille », très similaire aux solutions italiennes et espagnoles : une fraction de 0,5 % de l'impôt sur le revenu annuel des particuliers peut être fléchée par le contribuable au profit d'un culte enraciné. Le Trésor public reverse le montant aux Églises qui doivent présenter à la direction générale des impôts un rapport annuel sur l'utilisation des sommes ainsi reçues. Comme alternative, le contribuable peut destiner cette fraction à une personne morale reconnue d'utilité publique à vocation caritative ou sociale qu'il indique dans sa déclaration de revenus 59 ( * ) .

L'Église catholique bénéfice de quelques avantages supplémentaires notamment en matière de remboursement de la TVA. Surtout le concordat offre à la Conférence des évêques du Portugal la possibilité d'intégrer l'Église catholique au système de perception des recettes fiscales 60 ( * ) , plus précisément dans la collecte du « 5 pour mille » de l'impôt sur le revenu destiné aux cultes. De même l'accord de 2015 avec l'Imamat ismaélien lui accord un statut fiscal privilégié par rapport aux autres cultes non catholiques. Les dons et legs à l'Aga Khan ou à l'Imamat, ainsi que leurs revenus tirés de l'étranger, sont notamment exemptés de toute imposition 61 ( * ) .

3. L'ESPAGNE

Le droit des religions et les politiques à l'égard des cultes en Espagne répondent à la même inspiration qu'au Portugal. Les deux pays sont en la matière si proches au niveau des principes, de la doctrine et des instruments juridiques, comme sur le plan des dispositifs administratifs et fiscaux, que l'on pourrait parler d'un modèle ibérique. Les développements les plus récents venant du Portugal, il a été fait le choix de présenter avec davantage de précision le régime applicable dans ce pays, qui n'avait pas été évoqué précisément depuis l'étude de législation comparée de 2001 sur le financement des communautés religieuses. Ceci nous permet une présentation plus cursive du cas espagnol, tout en soulignant ses particularités comme le fléchage au bénéfice exclusif de l'Église catholique d'une fraction de l'impôt sur le revenu ou comme l'appui au financement des confessions non catholiques apporté par la Fondation pour le pluralisme et le vivre-ensemble ( Fundación Pluralismo y Convivencia ) créée en 2005.

a) La liberté religieuse dans la Constitution de 1978 et la loi organique de 1980

Le cadre des relations entre les confessions et l'État en Espagne fut profondément modifié au moment de la transition démocratique. Le catholicisme perdit son statut de religion d'État avec la proclamation de la nouvelle Constitution en 1978.

L'article 16 du texte garantit la liberté idéologique, religieuse et de culte des individus et des communautés sans autre limitation, dans leurs manifestations, que celles qui seraient nécessaires au maintien de l'ordre public protégé par la loi (al. 1). Il ne sera établi aucune religion d'État. Toutefois, les pouvoirs publics prendront en compte les croyances religieuses de la société espagnole et maintiendront des relations de coopération avec l'Église catholique, seule expressément nommée, et les autres confessions (al. 3). On peut y lire l'expression des principes de neutralité ou d'« aconfessionnalité » de l'État et de coopération dans la séparation entre l'État et les cultes, tandis que la place singulière de l'Église catholique qui occupe une position sociale prééminente est reconnue 62 ( * ) .

En outre, le principe d'égalité devant la loi (art. 14 de la Constitution) impose que les croyances religieuses ne puissent constituer un motif de discrimination. Aucun motif religieux ne peut être allégué pour empêcher quiconque d'exercer un travail, une activité, une charge ou une fonction.

La parenté avec le cas portugais est nette et se manifeste encore dans l'existence d'une loi spécifique destinée à préciser les contours et les modalités d'exercice individuel et collectif de la liberté de culte. 63 ( * )

Le législateur espagnol a notamment prévu que, pour son exercice collectif, la liberté de religion et de culte comprenne le droit des Églises, confessions et communautés religieuses à :

- établir des lieux de culte et de réunion à des fins religieuses ;

- publier et propager sa foi ;

- maintenir des relations avec ses propres organisations et avec d'autres confessions, aussi bien sur le territoire espagnol qu'à l'étranger ;

- désigner et former les ministres de son culte. 64 ( * )

Ces éléments proprement religieux du culte sont protégés de toute ingérence de l'État. Ils constituent le noyau de la liberté religieuse reconnue à toutes les confessions.

En outre, les communautés religieuses reconnues définissent en pleine autonomie leurs propres normes d'organisation, de fonctionnement et de gestion de leur personnel, dans le respect des droits fondamentaux reconnus par la Constitution. Elles peuvent créer et développer des associations, des fondations et des institutions diverses pour l'accomplissement de leur vocation. 65 ( * )

L'autonomie d'organisation n'est expressément protégée que pour les Églises, confessions et communautés religieuses inscrites dans un registre public tenu par le ministre de la justice. Cette inscription sur requête accompagnée de pièces justificatives (expression des fins religieuses, conditions d'établissement en Espagne, données d'identification, régime de fonctionnement et organes représentatifs) implique la reconnaissance de la personnalité morale. 66 ( * )

Enfin, le législateur prévoit de compléter le cadre légal général par des accords de coopération bilatéraux avec les Églises reconnues bénéficiant d'un enracinement notoire en Espagne. Validés par des lois spécifiques, ces accords pourront étendre aux Églises reconnues les mêmes bénéfices fiscaux qu'aux institutions sans but lucratif. 67 ( * ) Ont été reconnus comme bénéficiant d'un enracinement notoire en Espagne d'abord le judaïsme, le protestantisme, l'islam, ces trois cultes concluant par la suite des accords de coopération avec l'État, puis ensuite les mormons, les témoins de Jéhovah, les bouddhistes et les orthodoxes, ces confessions ne bénéficiant pas d'accord avec l'État.

Ce schéma hiérarchisé de différenciation et de reconnaissance des cultes est similaire à celui qui prévaut au Portugal, malgré des divergences dans les relations avec l'Église catholique et le traitement des confessions minoritaires qui peut apparaître moins libéral en Espagne.

b) Les relations avec l'Église catholique

De même qu'en Italie et au Portugal, il convient de distinguer le cas de l'Église catholique de celui des autres confessions. Quelques jours après l'entrée en vigueur de la Constitution de 1978, qui entérina la séparation de l'Église et de l'État, quatre accords ont été signés le 3 janvier 1979 entre le Saint-Siège et l'Espagne pour réviser le concordat de 1953.

L'accord sur les affaires juridiques reconnaît à l'Église catholique le droit d'exercer sa mission apostolique, lui reconnaît l'exercice libre et public de ses activités cultuelles, juridictionnelles et d'enseignement dans son domaine propre. 68 ( * ) En matière de formation, l'accord avec le Saint-Siège sur l'enseignement et les affaires culturelles est essentiel. 69 ( * ) En vertu de cet accord, l'Église catholique peut établir des établissements de formation, qui pourront être traités comme des écoles, des collèges et des lycées, s'ils respectent le régime légal de l'enseignement scolaire. De plus, les universités et autres centres de formation universitaire établis par l'Église catholique sont reconnus par l'État. Leurs étudiants sont traités comme ceux des universités d'État. En particulier, l'Église catholique peut établir toute université, faculté, institut supérieur ou centres des sciences religieuses pour assurer en pleine autonomie et conformément au droit canon la formation des prêtres religieux et séculiers. La validation et la reconnaissance des diplômes et titres académiques délivrés dans ces organismes dépendent d'un accord subséquent entre l'Église et l'État repris dans un décret royal. Enfin, les universités d'État peuvent avec l'accord de l'autorité ecclésiastique compétente établir des centres d'études supérieures de théologie catholique. 70 ( * )

Les fondements du régime de financement de l'Église catholique se trouvent dans l'accord de 1979 avec le Saint-Siège sur les affaires économiques. 71 ( * ) L'Église est libre de recevoir des offrandes et des dons des fidèles et d'organiser des collectes publiques 72 ( * ) , mais l'État espagnol accepte également de lui apporter un soutien financier direct. Jusqu'en 1988, l'Église catholique espagnole a été financée sur le budget général de l'État via une dotation spéciale. Puis, a été mis en place un mécanisme d'assignation fiscale ( asignación tributaria ) qui flèche une fraction de l'impôt sur le revenu des contribuables qui le souhaitent comme en Italie et au Portugal 73 ( * ) . La quotité a été fixée initialement à 0,5239 % de l'impôt et des garanties de maintien des sommes affectées au niveau des anciennes dotations ont été accordées, ainsi qu'un régime favorable en matière de TVA qui s'est révélé incompatible avec le droit communautaire. À compter du 1 er janvier 2007, les modalités ont été ajustées de telle sorte que l'Église a renoncé aux revenus minimums qui lui étaient garantis et aux exemptions de TVA sur les acquisitions d'immeubles et de biens destinés aux cultes contre une hausse de la quotité.

Aujourd'hui, l'Église catholique reçoit 0,7 % du produit de l'impôt sur le revenu des contribuables espagnols qui le souhaitent. Le dispositif diffère quelque peu des modèles italien et portugais en ce sens que l'alternative pour le contribuable se pose uniquement entre l'Église catholique et les politiques sociales de l'État, sans qu'aucune autre confession ne puisse en bénéficier. En l'absence de décision du contribuable, les 0,7 % sont reversés au budget général de l'État sans affectation.

D'une année à l'autre, l'Église catholique espagnole reçoit environ 250 millions d'euros par an. Un peu plus d'un tiers des contribuables espagnols choisit comme bénéficiaire l'Église catholique, avec des variations importantes selon les régions. Ainsi, l'attribution fiscale est nettement plus fréquente dans la Rioja, en Castilla - la Mancha et en Estrémadure, et nettement plus basse en Catalogne, au Pays basque et en Galice. Ce financement important et exceptionnel est justifié comme au Portugal et en Italie par l'implication forte de l'Église dans le domaine social. Elle gère encore en Espagne des centaines de structures telles qu'hôpitaux, dispensaires, foyers pour personnes âgées et pour handicapés, orphelinats, garderies et centres sociaux 74 ( * ) .

Enfin, on retrouve également en Espagne les mécanismes classiques de soutien financier indirect via des exemptions fiscales, la déductibilité des dons et l'entretien des aumôniers, qui cette fois ne sont pas réservés à la seule Église catholique.

Il convient de relever que le 31 mai 2016 la Conférence des évêques d'Espagne et Transparency International ont signé une entente pour promouvoir l'adoption et l'application des meilleurs standards internationaux de transparence des comptes et d'emploi des fonds reçus par l'Église 75 ( * ) . Un portail internet dédié à la transparence sur son financement et ses activités a été ouvert à cette occasion par la Conférence épiscopale.

c) Les rapports avec les confessions minoritaires ayant conclu des accords de coopération

Le régime des accords bilatéraux introduit par la loi organique de 1980 s'inspire du modèle concordataire et l'étend aux autres confessions tout en restant dans l'ordre juridique interne. Trois des confessions minoritaires en Espagne ont fait usage de la possibilité de conclure des accords de coopération avec l'État après avoir été inscrites au registre des institutions religieuses. Ces trois conventions avec la Fédération évangélique protestante, avec la Fédération des communautés israélites et avec la Commission islamique ont été approuvées simultanément par le Parlement espagnol en 1992. 76 ( * )

Calqués sur un même modèle, les trois accords bilatéraux reconnaissent notamment aux communautés protestante, juive et musulmane la possibilité d'établir et de gérer des écoles primaires et secondaires, ainsi que des universités et des centres de formation confessionnels. Le législateur a également confié au gouvernement espagnol en 2007 la mission de définir les modalités de reconnaissance des diplômes de théologie et de ministre du culte qui seraient décernés dans des centres d'enseignement supérieur dépendant des confessions parties à un accord bilatéral avec l'État. 77 ( * ) Cette disposition n'a pour l'heure été appliquée qu'aux diplômes des centres et facultés de théologie protestante. Aucun centre de théologie islamique de niveau universitaire, ni aucun cursus similaire dans une université publique n'existe en Espagne. Malgré quelques tentatives parcellaires pour développer des unités de formation universitaires, les imams se forment très largement par eux-mêmes ou sont recrutés à l'étranger, au Maroc notamment. La Commission islamique espagnole estime que 1 200 imams environ prêchent en Espagne. La majeure partie sont étrangers et chaque imam dépend de l'association gérant la mosquée où ce dernier prêche.

Il convient de noter que les religieux et ministres du culte étrangers peuvent solliciter un visa et un permis de séjour exemptés de la demande d'un permis de travail 78 ( * ) . Pour cela, ils doivent être invités par une communauté religieuse inscrite au registre national, qui s'engage à couvrir leurs frais. Ils doivent également se cantonner à des activités strictement religieuses. Ce type d'exemption du permis de travail existe aussi pour les scientifiques, professeurs et ingénieurs étrangers invités par des organismes publics (universités, collectivités territoriales ou État), ainsi que pour les artistes et correspondants de presse.

Aux termes des accords qu'elles ont conclus avec l'État espagnol, les trois principales confessions minoritaires bénéficient aussi d'avantages fiscaux (exemption d'impôt foncier, déductibilité des dons, réduction des impositions sur activités économiques), ainsi que de la prise en charge de l'enseignement de leur religion à l'école et de l'entretien des conseillers spirituels - aumôniers qu'elles désignent dans les prisons, les hôpitaux et l'armée.

En revanche, elles ne bénéficient pas exactement du même soutien financier que l'Église catholique. En particulier, elles n'émargent pas au système d'assignation fiscale du « 7 pour mille ». Cette différence de traitement a donné lieu à un long contentieux initié par des Églises protestantes qui ont finalement été déboutées.

Ainsi, le Tribunal supérieur de justice de Valence a estimé qu'il n'existait pas « d'égalité de fait » entre les autres religions et l'Église catholique, cette dernière « [comptant] davantage de fidèles et [ayant] à sa charge un patrimoine culturel et historique » 79 ( * ) , ce qui justifierait le mécanisme de l'assignation fiscale. Ce raisonnement fut validé par le Tribunal suprême qui estima que la possibilité de conclure un accord avec l'État plaçait les autres religions « substantiellement sur un pied d'égalité » avec l'Église catholique 80 ( * ) . Saisi d'un recours en protection des droits fondamentaux ( amparo ) des requérants, le Tribunal constitutionnel jugea qu'il n'y avait eu aucune méconnaissance ni du principe d'égalité devant la loi, ni du droit à ne pas déclarer sa religion, ni encore du droit à un recours effectif 81 ( * ) . Enfin, une fois épuisées les voies de recours nationales, la Cour européenne des droits de l'homme fut saisie mais la requête fut déclarée irrecevable. La Cour estima en effet qu'« eu égard à la marge d'appréciation qu'il faut laisser à chaque État (...) notamment pour ce qui est de l'établissement des délicats rapports entre l'État et les religions, [l'] obligation [faite à une Église de conclure un accord avec l'État] ne saurait constituer une ingérence discriminatoire dans le droit à la liberté de religion des requérants. En effet, une telle marge d'appréciation est d'autant plus justifiée qu'il n'existe pas au niveau européen un standard commun en matière de financement des églises ou cultes ; ces questions étant étroitement liées à l'histoire et aux traditions de chaque pays . » 82 ( * )

Comme alternative au dispositif d'assignation fiscale du « 7 pour mille », le gouvernement espagnol a prévu, à compter de 2005 et tant que ne serait pas atteint l'autofinancement complet de toutes les confessions religieuses en Espagne, une dotation pour soutenir des projets destinés à faciliter l'intégration sociale et culturelle des confessions non catholiques qui ont conclu un accord de coopération avec l'État ou bénéficiant d'un enracinement notoire 83 ( * ) .

La gestion de la dotation est confiée à une fondation publique d'État, constituée spécialement à cette fin, la Fondation pour le pluralisme et le vivre-ensemble ( Fundación Pluralismo y Convivencia ). Elle est placée sous l'égide du ministre de la justice qui préside son organe de direction ( patronato ) composé de 12 membres représentant les administrations centrales de l'État (intérieur, finances, éducation, etc.) et 9 personnalités qualifiées nommées par le ministre. Initialement établie à 3 millions d'euros en 2005, cette dotation a été portée à 5 millions d'euros pour les années 2008-2010, pour retomber en dessous de 2 millions d'euros à partir de 2012 jusqu'à aujourd'hui. 84 ( * ) Elle permet de financer :

- des projets renforçant l'organisation et la coopération des communautés religieuses ;

- des projets éducatifs et culturels favorisant l'intégration sociale des religions minoritaires ;

- des projets de promotion des minorités religieuses (séminaires sur la liberté religieuse, sur le dialogue interreligieux, etc...).

Bien que la fondation soutienne, selon ses statuts, l'ensemble des religions minoritaires, ce sont les religions bénéficiant d'un accord de coopération avec l'État qui bénéficient de la quasi-exclusivité de ces financements.

Cependant, cette dotation ne résout pas le problème du financement des cultes minoritaires car elle est globalement trop modeste et ne porte que sur des projets d'intégration, en excluant totalement les finalités religieuses telles que la rémunération des ministres des cultes.

Les religions minoritaires sont donc essentiellement financées par des dons. Ainsi, dans le cas de l'islam, l'accord de 1992 dispose que la Commission islamique d'Espagne et les communautés qui en font partie peuvent collecter librement auprès de leurs membres des contributions, organiser des collectes publiques et recevoir des offrandes et des libéralités 85 ( * ) . La presse espagnole a soulevé la question du financement de mosquées par des pays étrangers, notamment l'Arabie saoudit e et leMaroc 86 ( * ) . Toutefois, la recherche n'a pas permis de mettre en évidence de dispositions législatives ou réglementaires spécifiques concernant les financements étrangers.

B. UNE SPHÈRE GERMANIQUE MARQUÉE PAR L'IMPÔT D'ÉGLISE ET LES STATUTS DE DROIT PUBLIC DES COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES

1. L'ALLEMAGNE

a) La reconnaissance des cultes par l'État fédéral et à l'échelon régional

En Allemagne , l'article 140 de la Loi fondamentale de 1949 prévoit que les dispositions des articles de la Constitution du 11 août 1919 relatives à la liberté religieuse et à l'autonomie religieuse font partie intégrante de l'actuelle Loi fondamentale. En application de l'article 137 87 ( * ) de la Constitution de la République de Weimar ainsi réintégré dans le bloc de constitutionalité allemand, il n'existe pas d'Église d'État et la liberté de former des communautés religieuses est garantie. Leur autonomie interne de gestion et d'administration est assurée dans la limite des lois qui s'imposent à tous. En particulier, les communautés religieuses disposent de leurs offices et fonctions comme elles l'entendent sans participation de l'État ou de la société civile.

La personnalité morale de droit public peut être accordée aux communautés religieuses en tant que Körperschaften des öffentlichen Rechts . 88 ( * ) Par l'octroi du statut d'établissement public cultuel, l'État fédéral leur garantit le bénéfice de certains droits, notamment la collecte d'impôts parmi leurs fidèles, le droit de gérer des jardins d'enfants ou des maisons de retraite et celui de dispenser des cours de religion, comme le permet l'article 7 al. 3 de la Loi fondamentale. Les représentants d'une communauté religieuse doivent s'adresser aux autorités compétentes du Land pour obtenir le statut d'établissement public cultuel. Ce statut ne leur sera accordé que si leur constitution et le nombre de fidèles qu'ils réunissent laissent supposer que l'existence de cette communauté religieuse perdurera dans le temps.

Les constitutions des Länder contiennent également des dispositions relatives aux cultes qui pour l'essentiel transposent les normes fédérales. Ainsi, la quatrième partie de la Constitution du Land de Hesse 89 ( * ) dispose que chaque Église, communauté religieuse et communauté idéologique ( Weltanschauungsgemeinschaft ) gère elle-même ses affaires dans le cadre des lois en vigueur pour tous (article 49) et que les Églises, communautés religieuses et communautés idéologiques qui étaient des collectivités de droit public avant son entrée en vigueur le demeurent, d'autres religions ou communautés idéologiques pouvant se voir reconnaître le même statut juridique par la loi si elles offrent une garantie de durée par leur constitution et le nombre de leurs membres (article 51).

Un Land peut également conclure une convention avec un culte. De telles conventions ont été passées avec les cultes catholique et protestant, certains avant 1949, à l'instar du concordat de Bavière (1924) toujours en vigueur. Les relations avec les autres cultes peuvent être également régies par des conventions. Ainsi les 16 Länder en ont-ils conclu avec le culte israélite, comme encore le Bade-Wurtemberg le 16 mars 2010.

S'agissant du culte musulman, les communautés religieuses musulmanes ne bénéficient pas en général de la personnalité morale de droit public en Allemagne et ne constituent pas des établissements publics cultuels ; ces communautés prennent pour la plupart la forme d'associations organisées ( organisierte Vereine ). Il existerait entre 2 350 et 2 750 associations ou communautés de mosquées en Allemagne. Font exception le Land de Hesse, qui a accordé pour la première fois, en 2013, le statut de collectivité de droit public à une association musulmane et la Ville-État de Hambourg, qui a fait de même en 2014. Dans les deux cas, il s'agit de l' Ahmadiyya Muslim Jamaat Deutschland , l'association représentant la communauté ahmadie, hétérodoxe et souvent rejetée par la tradition sunnite. Celle-ci a également déposé une demande de reconnaissance auprès du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, toujours en instance.

b) Le régime de l'impôt cultuel et la question des financements étrangers

L'impôt d'église (Kirchensteuer) permet de financer l'Église catholique et l'Église évangélique et leurs missions. La base juridique de l'impôt cultuel relève de lois fiscales spécifiques adoptées au niveau des Länder . Ces lois précisent notamment les critères pour être redevable de l'impôt, les principes généraux de la collecte de l'impôt cultuel, les règles de procédure et d'administration et les recours juridiques 90 ( * ) .

Le montant de l'impôt cultuel peut être prélevé de différentes façons, par exemple en complément de l'impôt sur le revenu et les salaires ou de l'impôt sur les revenus de capitaux, ou en complément de l'impôt sur le revenu calculé selon une structure tarifaire spéciale, ou encore en complément de l'impôt foncier ou de celui sur les biens immobiliers. Sauf dans les cas où l'impôt cultuel a été payé en tant que supplément à l'impôt sur les revenus de capitaux ou en tant que surtaxe sur l'impôt sur le revenu calculé selon la structure tarifaire spéciale, il est considéré comme une dépense spéciale déductible de l'impôt sur le revenu 91 ( * ) .

Le taux est de 9 % dans tous les Länder , à l'exception de la Bavière et du Bade-Wurtemberg où il est de 8 %. Il est collecté par le service des impôts 92 ( * ) et transmis aux Églises contre paiement de frais d'environ 3 % (ces frais ont représenté, en 2017, 187 millions d'euros pour l'Église évangélique). Un système de plafonnement (Kappung) a été mis en place dans la plupart des Länder de sorte que le montant du Kirchensteuer à acquitter par le contribuable ne dépasse pas un certain pourcentage du revenu imposable : ce taux de plafonnement varie entre 2,75 % et 4 % selon les Länder , à l'exception de la Bavière qui n'en a pas établi.

S'agissant de la religion catholique, la Conférence des évêques d'Allemagne 93 ( * ) précise que trois critères sont retenus pour déterminer les personnes redevables de l'impôt cultuel : le fait d'être membre de l'Église au sens de baptisé, le lieu de résidence habituel et la capacité fiscale. Cela exempte du paiement un certain nombre de membres de l'Église catholique et dans les faits, 37 % des catholiques paient 97 % des sommes perçues qui sont considérables. En 2018, les catholiques soumis à l'impôt cultuel ont versé 6,65 milliards d'euros contre 6,43 milliards en 2017.

L'Église évangélique allemande, quant à elle, annonce sur son site internet que la cotisation prenant en compte les ressources des individus, un peu moins d'un tiers de ses membres paient le Kirchensteuer . L'impôt cultuel, associé aux collectes, représente 45,9 % des revenus de l'Église évangélique. Le montant perçu à ce titre en 2014 s'élevait à 5,3 milliards d'euros et 5,79 milliards d'euros en 2018 94 ( * ) . En 2018, la contribution moyenne par fidèle au titre de l'impôt cultuel était de 268,86 euros 95 ( * ) .

S'agissant du judaïsme, le site du Conseil central des juifs d'Allemagne, qui compte 105 communautés totalisant environ 100 000 membres représentant tous les courants du judaïsme, indique que les communautés juives d'Allemagne sont fondamentalement indépendantes en tant que sociétés de droit public ou associations enregistrées et que, dans ce cadre, il leur appartient de déterminer si et à quelles conditions elles prélèvent des taxes cultuelles ou des frais d'adhésion auprès de leurs membres 96 ( * ) . À Hambourg, par exemple, un règlement sur l'impôt cultuel de la communauté juive est entré en vigueur le 1 er janvier 2006 97 ( * ) . Celui-ci, dans son §1, précise que les personnes tenues au paiement de l'impôt cultuel sont les membres de la communauté juive ayant leur résidence habituelle dans la ville-État de Hambourg ou dans le Land du Schleswig-Holstein. Le §4 confie au conseil d'administration de la communauté le soin de déterminer les modalités de collecte de l'impôt cultuel. Le conseil d'administration a fixé le taux de collecte à 9 % de l'impôt sur le revenu et le plafonnement des contributions à 3 % du revenu imposable 98 ( * ) .

Pour la religion musulmane, il existe un débat récurrent concernant la collecte d'un impôt pour les mosquées (Moscheesteuer) qui viserait aussi à limiter l'influence étrangère. Un document du Bundestag publié en janvier 2019 conclut qu'un tel impôt serait « pour les associations de mosquées (...) légalement envisageable, cependant, l'octroi du statut d'établissement public du culte requis est soumis à conditions » 99 ( * ) . La Conférence des musulmans d'Allemagne, même si elle ne rejette pas cette idée, appelle plutôt à la recherche d'alternatives qui pourraient être mises en oeuvre de façon plus rapide pour assurer le financement communautaire autrement que par une taxe 100 ( * ) .

Outre le bénéfice de l'impôt cultuel, les cultes peuvent bénéficier de subventions étatiques (Staatsleistungen) destinées à compenser initialement la perte des biens ecclésiastiques. Une étude du Bundestag de 2016 les qualifie d' « obligations légales des Länder , dont certaines remontent à l'expropriation des terres des églises » 101 ( * ) . Ces compensations peuvent prendre la forme de subventions pour compenser la charge que représentent les bâtiments ou de dotations pour la rémunération du personnel.

C'est le cas de l'Église évangélique, qui a perçu à ce titre 300 millions d'euros en 2018 102 ( * ) , tout comme l'Église catholique qui aurait perçu un peu plus de 200 millions d'euros. Les sommes versées varient d'un Land à un autre : ainsi les villes-États de Brême et Hambourg ne verseraient-elles pas de subvention à ce titre tandis que le Land du Bade-Wurtemberg aurait prévu quelque 126 millions d'euros en 2018 pour les deux Églises 103 ( * ) .

S'agissant de la communauté juive, le concept de Staatsleistungen se traduit par un accord conclu avec l'État fédéral en 2003 pour des versements à hauteur de 13 millions d'euros en 2018. Par cet accord, le gouvernement fédéral s'engage à verser chaque année au Conseil central des juifs d'Allemagne une prestation pour l'accomplissement de ses tâches de préservation et de protection du patrimoine culturel juif allemand et de développement de la communauté juive, ainsi que pour sa politique d'intégration et ses oeuvres sociales 104 ( * ) .

Une note du Bundestag de mai 2016 105 ( * ) rappelle qu'il existe de grandes différences dans le financement public des communautés religieuses en Allemagne. Certaines communautés obtenant peu ou pas de soutien étatique, il est légitime de s'interroger sur le soutien financier qu'elles reçoivent de l'étranger. Le document se concentre sur les cultes musulman, juif et orthodoxe tout en relevant que la problématique du financement étranger était surtout liée à la question des mosquées dans le débat public. Il prend notamment l'exemple de la mosquée Al-Nur, à Berlin, pour laquelle l'achat du terrain pour environ 2,4 millions d'euros fut mené par une société anonyme derrière laquelle se trouvait une fondation saoudienne, avant que le droit d'utilisation ne soit transféré à l'association de la mosquée Al-Nur. La Conférence des musulmans d'Allemagne indique néanmoins qu'il « faut faire attention de ne pas supposer que les communautés de mosquées en Allemagne sont principalement financées par l'étranger. Hormis le DITIB, dont le personnel religieux est détaché et payé en Turquie, une grande partie des communautés se financent principalement elles-mêmes et leur personnel par le biais des cotisations et des dons » 106 ( * ) .

La problématique du financement étranger paraît surtout liée à la question des mosquées dans le débat public, les religions juive et orthodoxe n'étant évoquées que fugacement. Néanmoins, on peut relever le cas de l'Église orthodoxe-russe de Magdebourg, qui aurait pu bénéficier de fonds du patriarcat de Moscou à hauteur de 300 000 euros pour un projet de construction avorté en 2009.

c) La formation des ministres du culte et le traitement des prédicateurs étrangers

En vertu des normes constitutionnelles, l'État allemand n'intervient pas dans les affaires internes des communautés religieuses et la formation des ministres du culte s'exerce en principe sous le contrôle des autorités religieuses. Cela ne signifie pas l'absence totale d'intervention des pouvoirs publics, qui apportent au contraire un soutien financier et institutionnel essentiel.

Les ministres du culte protestants, catholiques et juifs sont formés dans leur très grande majorité dans les nombreuses facultés de théologie des universités publiques dispensant des diplômes d'État. En ce qui concerne le clergé catholique, le concordat de 1933 est encore en vigueur. Il prévoit que les facultés théologiques catholiques existant dans les universités publiques soient maintenues 107 ( * ) . En outre, l'Église catholique est libre de créer ses propres séminaires et collèges théologiques ou philosophiques, qui dépendent exclusivement d'elle, si aucune subvention publique n'est recherchée. 108 ( * ) Par exception au principe d'autonomie interne, le concordat de 1933 reprend des éléments de la législation contraignante de la période du Kulturkampf pour prévoir que le personnel religieux souhaitant exercer des fonctions en Allemagne ou une activité pastorale ou éducationnelle doit posséder la nationalité allemande. 109 ( * ) En réalité, la baisse des vocations en Allemagne nécessite de recourir à des candidats étrangers à la prêtrise et dans les faits, l'administration est souple et accorde assez facilement des dispenses de nationalité. 110 ( * )

Il est aussi possible d'étudier la théologie islamique au sein d'universités publiques depuis 2011. Le gouvernement fédéral a décidé de financer pendant cinq ans les postes d'enseignement dans les centres de théologie islamique ( Zentren für islamische Theologie ) créés au sein de cinq universités publiques 111 ( * ) et proposant des parcours de licence et de master. Après des évaluations positives sur la période 2011-2016, le ministère fédéral de l'éducation et de la recherche a décidé de financer les cinq instituts pour cinq années supplémentaires jusqu'en 2021, pour un montant d'environ 36 millions d'euros. En novembre 2017 s'est ouverte à l'Université Goethe de Francfort, l' Akademie für Islam in Wissenschaft und Gesellschaft , qui vise à renforcer la position des études de théologie islamique dans le système universitaire allemand, ainsi que la coopération entre les cinq centres actuels tout en permettant un plus grand dialogue avec la société. Le ministère fédéral de l'éducation et de la recherche finance le fonctionnement de l'académie à hauteur de 8,5 millions d'euros pour les cinq années à venir. Cependant, un grand nombre des imams prêchant dans les mosquées allemandes sont étrangers en particulier dans la communauté turque.

Aux termes de la loi sur le séjour et l'intégration des étrangers 112 ( * ) , les ministres du culte et prédicateurs étrangers extracommunautaires peuvent bénéficier d'un visa de courte durée, dit « visa Schengen », pour un séjour compris entre 90 et 180 jours. Pour un séjour plus long, ils doivent demander un visa national auprès de l'ambassade ou du consulat d'Allemagne dans leur pays et faire valoir leurs intérêts, les circonstances favorables et vérifiables et apporter les preuves nécessaires de leur situation, fournir certificats et permis à l'appui de la demande.

Le service de recherche du Bundestag a publié en juin 2018 une note sur l'entrée en Allemagne des imams issus de pays tiers 113 ( * ) . Il précise que les imams envoyés en service extérieur par le Bureau des cultes de Turquie, le Diyanet, peuvent bénéficier d'une procédure particulière d'octroi de visas et titres de séjour, dite « Diyanet-Verfahren » : celle-ci consiste en la fourniture par le Diyanet d'une lettre de confirmation à joindre à la demande de visa, cette lettre étant alors considérée dans la procédure comme un élément suffisant pour déterminer le sérieux de l'emploi en Allemagne. En réponse à une question écrite de députés du groupe Die Linke , le gouvernement fédéral a indiqué qu'en 2017, 350 visas avaient été accordés à des imams via la procédure particulière pour une période de validité de 180 jours 114 ( * ) . En 2016, 970 imams étaient rémunérés par la Turquie en Allemagne.

En 2019, a émergé dans l'espace public la question de savoir s'il fallait imposer la maîtrise de l'allemand aux prédicateurs étrangers. Le règlement sur les travailleurs étrangers de 2013 ne prévoyait pas de condition de ce type pour les visas délivrés principalement pour des raisons caritatives ou religieuses 115 ( * ) . En mars 2019, le ministre de l'intérieur a annoncé qu'il envisageait une réforme de la loi sur le séjour et l'intégration des étrangers et du règlement sur les travailleurs étrangers en faisant de la connaissance de l'allemand une condition préalable à l'entrée sur le territoire de prédicateurs étrangers. Si les imams étaient particulièrement visés, la modification a vocation à s'appliquer à toutes les religions et donc également aux prêtres catholiques venant de pays tiers. Le Cabinet fédéral a adopté le projet de révision du règlement une première fois le 6 novembre 2019, avant d'opérer quelques modifications de forme et de l'adopter de nouveau le 4 mars 2020. Présenté au Bundesrat dans des délais très resserrés, il a été finalement approuvé le 13 mars 2020 116 ( * ) . La rédaction proposée facilite la délivrance d'un permis de séjour pour des raisons principalement religieuses aux travailleurs ayant des connaissances linguistiques suffisantes en allemand. Une certaine latitude est laissée puisque s'il est déraisonnable ou impossible pour le travailleur d'acquérir l'allemand avant son entrée dans le pays, alors celui-ci pourra bénéficier d'un premier titre de séjour sans cela mais devra faire la preuve de ses connaissances en allemand dans un délai d'un an après l'entrée sur le territoire 117 ( * ) .

2. L'AUTRICHE

a) La reconnaissance par l'État des communautés religieuses comme personnes morales de droit public

Les catégories employées en Autriche sont très proches de celles du droit allemand. Toutefois, les relations entre les diverses confessions et l'État autrichien sont réglées par des lois spécifiques, plus que par un texte unique. De ce point de vue, on se rapproche des exemples italiens, portugais et espagnols : un concordat avec l'Église catholique et des accords de reconnaissance validés par la loi pour les religions minoritaires.

La liberté de religion et de conscience est garantie à tous les citoyens depuis la Loi fondamentale de l'État sur les droits généraux de 1867. 118 ( * ) En outre, toute église ou communauté religieuse reconnue par la loi dispose du droit à l'exercice public du culte. Elle règle et administre ses affaires internes de façon autonome et reste en possession et jouissance de ses biens pour l'exercice de ses missions de bienfaisance, d'enseignement et de culte. Elle demeure tenue au respect des lois générales de l'État. 119 ( * )

La reconnaissance par la loi autrichienne d'une communauté religieuse lui confère le statut de personne morale de droit public ( Körperschaft des öffentlichen Rechts ), analogue à celui du droit allemand. C'est toutefois en vertu du concordat de 1933 conclu entre la République d'Autriche et le Saint-Siège, à valeur de traité international, que l'Église catholique et ses organes internes érigés conformément au droit canonique bénéficient du statut de personne morale de droit public, du libre exercice de son ministère, de la protection de l'État et de l'autonomie interne 120 ( * ) .

Il appartient aux représentants d'une religion présente sur le territoire autrichien de déposer une demande de reconnaissance auprès du Bureau des cultes ( Kultusamt ), rattaché à la Chancellerie fédérale autrichienne. La reconnaissance par la loi autrichienne d'une communauté religieuse est conditionnée notamment par le respect des critères suivants :

- l'existence avérée d'une communauté confessionnelle sur le territoire autrichien pendant une durée d'au moins 20 ans dont 10 ans sous une forme organisée et une inscription auprès des autorités nationales en tant que communauté confessionnelle depuis au moins 5 ans ;

- l'apport de la preuve que la communauté religieuse en question représente au moins 0,2 % de la population autrichienne d'après le dernier recensement.

Le respect de ces critères sera contrôlé par le Bureau des cultes, qui procédera ou non à la reconnaissance officielle d'une religion sur le territoire autrichien. Bénéficient actuellement d'une reconnaissance par la loi autrichienne comme églises ou sociétés religieuses ( Kirchen und Religionsgesellschaften ) les cultes catholique, alévi, vieille-catholique, arménien, protestant évangélique, méthodiste, mennonite, orthodoxe-grecque, islamique, juive, des témoins de Jéhovah, mormone, copte, bouddhiste, syriaque et néoapostolique.

La formation des ministres du culte d'une religion reconnue fait l'objet de dispositions spécifiques dans les différents textes organisant les cultes reconnus par l'État autrichien. Il s'agit d'assurer les conditions du soutien financier de l'État et la préservation des cursus de théologie diplômants au sein des universités publiques. Ainsi, par exemple, la formation du clergé est assurée par les facultés de théologie catholique fondées par l'État et financées par lui, notamment à Vienne, Graz, Innsbruck et Salzbourg. La nomination et l'admission de professeurs et d'enseignants ne peuvent avoir lieu sans l'accord des autorités ecclésiastiques compétentes. 121 ( * ) De même, en vertu de la loi fédérale de 1961 sur les relations extérieures de l'Église évangélique, l'État autrichien garantit l'existence d'une faculté de théologie protestante à l'Université de Vienne, composée d'au moins six chaires, dont une consacrée à la théologie luthérienne et une autre à la théologie réformée. L'ensemble du corps enseignant doit être protestant et les nominations requièrent l'avis des autorités religieuses. 122 ( * ) Par exception, la loi de 1890 sur les relations extérieures de la communauté juive ne contient pas d'éléments sur la formation des rabbins autrichiens. De fait, les membres du grand Rabbinat viennois ont fait leurs études à l'étranger (Allemagne, États-Unis, Israël, Belgique).

b) Le financement des Églises chrétiennes par des contributions obligatoires

La base légale des contributions ecclésiastiques ou « impôt d'église » ( Kirchenbeitrag ) est la loi de 1939 relative à la collecte des contributions de l'Église en Autriche 123 ( * ) . Adoptée après l' Anschluss , cette loi a été reprise dans le nouvel ordre juridique autrichien par la loi de transition juridique du 1 er mai 1945 après la dictature nazie. Aux termes de la loi, l'Église catholique, mais aussi l'Église luthérienne-évangélique, les Églises réformées calvinistes et les vieux-catholiques 124 ( * ) , ont le droit de prélever des contributions pour couvrir leurs besoins matériels et en personnel. Tous les adultes confessant une de ces religions sont tenus au paiement de la contribution. Le montant est fixé et prélevé par l'Église dans le cadre de la réglementation et des décisions approuvées par l'État autrichien. 125 ( * )

Pour l'Église catholique, l'impôt d'église se fondait sur la liberté interne d'organisation et la protection de l'État prévues par le concordat de 1933. La collecte des contributions et la liberté d'en disposer librement ont été confirmées en 1960 dans un traité complétant le concordat sur les questions financières et patrimoniales 126 ( * ) .

Plus spécifiquement dans le cas catholique, sont tenus au paiement de la contribution les majeurs baptisés, quelle que soit leur nationalité, résidant dans le diocèse et disposant d'un revenu. En principe, tous les revenus servent comme base de calcul, y compris les revenus non imposables, les revenus étrangers, ... Le taux est de 1,1 % de la base contributive (Beitragsgrundlage) , une déduction générale de 57 euros est effectuée. D'autres abattements peuvent intervenir, comme le nombre d'enfants ou le fait d'être la seule personne du foyer à avoir un revenu. Le montant de la contribution peut être payé mensuellement, en 4 fois, par semestre ou une fois par an. Le montant versé ouvre droit, depuis 2012, à une déduction fiscale au titre de l'impôt sur le revenu pouvant atteindre 400 euros par personne.

En matière financière, la majeure partie des revenus de l'Église catholique autrichienne provient du Kirchenbeitrag , à hauteur de 474 millions d'euros, soit 75 % des recettes et produits. Cette contribution est calculée pour chaque personne se déclarant catholique en fonction de son impôt sur le revenu et collectée directement par l'Église. La contribution de l'État pour la réparation des dommages nazis s'élève à 49 millions d'euros, soit 8 % des revenus. Le reste des revenus (111 millions d'euros, soit 17 % du total) provient de la gestion du patrimoine, de locations, de subventions et autres 127 ( * ) .

S'agissant du financement du culte protestant, la loi organisant les rapports avec l'État de 1961 précitée confirme à l'Église évangélique d'Autriche la faculté de percevoir des contributions de ses membres afin de couvrir ses dépenses en confirmant le régime légal de 1939 . 128 ( * ) . En outre, cette contribution peut être complétée par des prélèvements additionnels levés par les paroisses ( Gemeindeumlage ). Sont soumis au Kirchenbeitrag tous les protestants vivant en Autriche ou y ayant leur résidence principale, quelle que soit leur nationalité, à partir de l'année où ils atteignent l'âge de 20 ans.

Le taux du Kirchenbeitrag pour l'Église évangélique est de 1 %, basé sur le revenu annuel de l'année précédente. De plus, 44 euros sont soustraits de la contribution annuelle, d'autres réductions pouvant s'y ajouter en fonction du nombre d'enfants (22 euros par tête) ou si l'on est la seule personne du foyer à disposer d'un revenu (15 euros). En outre, 400 euros sont déductibles des obligations fiscales au titre de l'impôt sur le revenu depuis 2012 comme pour les catholiques.

Le montant final de la contribution constitue la base de calcul du prélèvement additionnel ( Gemeindeumlage). Son taux est fixé par les paroisses en fonction de leurs besoins et peut être compris entre 0 et 25 % du montant de la contribution finale. Ainsi la communauté évangélique de Feffernitz 129 ( * ) a-t-elle mis en place un prélèvement additionnel d'un taux de 15 % à partir de 2014 pour pouvoir faire face aux frais induits par la restauration extérieure du temple, pour laquelle un crédit avait été souscrit. Il était alors convenu qu'après le remboursement, le prélèvement additionnel passerait à 8 % dans le but de constituer des réserves financières pour faire face à de futures rénovations. Cela a pu être mis en place dès 2018.

S'agissant des subsides perçus par les autres communautés religieuses, une partie provient des dons des membres et l'autre d'une subvention étatique.

La loi sur le judaïsme précitée prévoit par exemple une contribution annuelle de l'État autrichien 130 ( * ) composée d'une somme de 308 000 euros, versée par quart au plus tard au 31 mai, 31 juillet, 30 septembre et 30 novembre de chaque année, et de l'indemnisation des revenus de 23 employés de la communauté cultuelle sur la base d'un salaire moyen.

La communauté grecque orthodoxe est principalement financée par des dons. Les clercs en exercice en Autriche sont rémunérés soit par la communauté, soit par le diocèse, la plupart exerçant d'ailleurs une autre profession à côté 131 ( * ) .

c) L'organisation et la réglementation du culte musulman

Une des particularités du droit autrichien des cultes, régulièrement mise en avant dans les exercices de comparaisons internationales, est l'existence d'une loi sur l'islam, dont la première mouture date de l'annexion de la Bosnie-Herzégovine en 1912. La réécriture de cette loi en 2015 après trois ans de débat visait à prendre en compte le pluralisme religieux grandissant sur le territoire autrichien 132 ( * ) .

En dehors du cas particulier du culte alévi 133 ( * ) , la Communauté religieuse islamique d'Autriche ( Islamische Glaubensgemeinschaft in Österreich - IGGÖ ) est l'instance représentative officielle de la religion musulmane en Autriche. L'IGGÖ se compose entre autres d'un conseil supérieur ( Oberster Rat ), d'un conseil consultatif ( Schurarat ), ainsi que d'un tribunal arbitral ( Schiedsgericht ). Elle dispose d'une constitution interne ( Verfassung ). Après avoir été rejeté une première fois par le Bureau des cultes en 2008, le nouveau projet de constitution de l'IGGÖ a été retravaillé et finalement approuvé dans sa nouvelle version en novembre 2009.

Le conseil supérieur est l'organe administratif de l'IGGÖ. Il est composé de 15 membres élus par le conseil consultatif 134 ( * ) , dont les membres sont eux-mêmes désignés par les représentants des communautés cultuelles locales ( Kultusgemeinden ) en proportion de leur nombre de fidèles. 135 ( * ) Un mufti , exerçant traditionnellement une fonction de jurisconsulte en droit musulman, est rattaché au conseil supérieur en tant qu'organe consultatif. Il est élu parmi les membres du conseil consultatif à la majorité simple des suffrages du conseil supérieur. 136 ( * )

Le législateur a prévu des cas de révocation des personnes exerçant des fonctions au sein des communautés musulmanes. Une personne qui exerce des fonctions au sein d'une congrégation locale et qui aurait été condamnée de manière définitive par un tribunal autrichien pour une ou plusieurs infractions pénales punies d'un an minimum d'emprisonnement doit être démise de ses fonctions par la communauté. Cette obligation trouve également à s'appliquer si ladite personne a un comportement qui présente une menace pour la sécurité publique, l'ordre public, la santé et la morale, ou les droits et libertés d'autrui. 137 ( * )

Sur le modèle des confessions catholique et protestante, l'État autrichien s'est engagé à établir une formation en théologie musulmane à l'Université de Vienne. 138 ( * ) Le 1 er janvier 2017 a été créé l' Institut für Islamisch-Theologische Studien au sein de la faculté de philologie de Vienne ; la première rentrée a eu lieu à l'automne 2017. Il est destiné notamment à former les futurs théologiens, imams ou enseignants de la religion musulmane directement sur le territoire autrichien. L'institut propose une formation en licence, en master et en doctorat. L'admission dans ces formations est soumise aux conditions générales d'admission à l'Université de Vienne. Il est requis des étudiants étrangers une certification de maîtrise de la langue allemande de niveau C1.

Il n'est pas prévu d'obligation légale de formation dans l'institut de l'Université de Vienne pour être autorisé à exercer les fonctions d'imam. Les prédicateurs étrangers ou autres membres étrangers d'une religion légalement reconnue souhaitant exercer en Autriche peuvent demander un permis de séjour ou un permis d'établissement relevant de la catégorie « cas particulier d'emploi rémunéré » (Sonderfälle unselbstständiger Erwerbstätigkeit). Le permis de séjour s'adresse aux personnes qui ont vocation à séjourner temporairement en Autriche, sans intention de s'y installer. Peuvent prétendre à un permis d'établissement les prédicateurs, ressortissants de pays tiers et qui exercent un emploi indépendant au sein d'une communauté religieuse légalement reconnue et pour des cas particuliers d'emplois rémunérés qui ne sont pas visés dans la loi sur l'emploi des étrangers 139 ( * ) .

Cependant, il est prévu un encadrement du financement par l'étranger, et donc indirectement du recrutement d'imams étrangers. Le financement des besoins religieux des membres de la communauté religieuse doit être réalisé sur le territoire autrichien que cela soit par le biais de la communauté religieuse prise dans sa globalité, des congrégations locales ou de leurs membres individuels. Cette mesure a pour effet d'interdire le financement direct des imams et des mosquées par des fonds étrangers, sans empêcher la constitution d'une structure de droit autrichien qui pourrait jouer le rôle d'intermédiaire avec des financiers ou des gouvernements étrangers. 140 ( * )

Dans les faits, l'interdiction des financements étrangers s'est traduite par l'expulsion d'imams qui bénéficiaient d'un permis de séjour accordé selon les règles en vigueur avant la loi de 2015 et dont le renouvellement de titre a été refusé en vertu des nouvelles dispositions. Ils ont alors fait l'objet d'une injonction de quitter le territoire sous peine d'expulsion. Deux imams turcs, envoyés en service à l'étranger, rémunérés par leur pays via le Diyanet et imposés en Turquie, ont déposé un recours contre leur expulsion auprès du tribunal administratif, qui est remonté jusqu'à la Cour constitutionnelle autrichienne. Dans sa décision du 13 mars 2019, celle-ci a considéré que la limitation des financements étrangers interférait avec la liberté garantie par l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme. Pour autant, elle a estimé que cette limitation n'était pas disproportionnée dans la mesure où elle visait à garantir la préservation de l'indépendance des Églises et des communautés religieuses vis-à-vis de l'État mais aussi et surtout vis-à-vis des autres États et de leurs institutions, ce qui constitue un objectif d'intérêt général. La Cour constitutionnelle a toutefois précisé qu'elle était attachée à une interprétation restrictive de l'interdiction des financements des cultes depuis l'étranger, à savoir limitée aux États et à leurs institutions, et qu'elle n'avait pas vocation à s'appliquer aux dons de particuliers étrangers s'ils ne restreignaient pas l'indépendance de la communauté religieuse 141 ( * ) .

C. UNE DIVERGENCE NETTE D'APPROCHES DE L'INTERVENTION DES POUVOIRS PUBLICS AU SEIN DU BÉNÉLUX

1. LA BELGIQUE

a) Un régime de neutralité religieuse et de soutien à l'exercice du culte fort ancien

Après l'indépendance de la Belgique en 1830, une constitution reconnaissant la liberté des cultes a été adoptée en 1831. Le catholicisme a perdu le statut de religion d'État. Cependant, afin de compenser la confiscation des biens du clergé lors de l'occupation française, la prise en charge par l'État de la rémunération des ministres du culte a été maintenue et inscrite dans la Constitution.

Les principes constitutionnels définissant la position de l'État belge vis-à-vis des religions sont consacrés aux articles 19 à 21 et 181 de la Constitution en vigueur. Il en ressort que :

- « la liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés » (art. 19) ;

- « nul ne peut être contraint de concourir d'une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d'un culte, ni d'en observer les jours de repos » (art. 20) ;

- « l'État n'a le droit d'intervenir ni dans la nomination ni dans l'installation des ministres d'un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs, et de publier leurs actes, sauf, en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication. Le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale, sauf les exceptions à établir par la loi, s'il y a lieu » (art. 21) ;

- « Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à la charge de l'État ; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget » (art. 181 al. 1) et il en va de même des « traitements et pensions des délégués des organisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle » (art. 181 al. 2).

La neutralité de l'État belge se traduit ainsi par une interdiction d'intervenir dans la nomination des ministres d'un culte quelconque, reconnu ou non, et en général dans les affaires internes du culte mais elle lui permet, dans le même temps, de financer les cultes reconnus. L'égalité des droits et libertés des citoyens belges est garantie par l'article 11 de la Constitution, qui exige également la protection des minorités idéologiques et philosophiques.

Dans son exégèse de ses principes, la région Bruxelles-Capitale interprète la séparation de l'Église et de l'État à partir d'une distinction entre le domaine cultuel , dans lequel ni l'État, ni les régions ne peuvent interférer, et le domaine temporel, qui relève de leur compétence et qui couvre les aspects matériels, non seulement les traitements et pensions mais aussi les bâtiments et équipements qu'il convient de financer. En effet, l'exercice du culte peut être interprété comme un service public, les autorités publiques compétentes devant alors prévoir les moyens nécessaires à son libre déploiement. C'est pour traiter ces questions matérielles que sont créés des établissements de gestion du temporel du culte.

Lors de l'adoption de la Constitution belge en 1831, trois cultes étaient pris en compte : les cultes catholique, protestant-évangélique et israélite. Leurs actes de reconnaissance dataient de la période française antérieure. Ainsi, le culte catholique a été reconnu par la loi du 18 Germinal an X (8 avril 1802) relative à l'organisation des cultes, la religion protestante-évangélique a été reconnue par les articles 3 et 8 de la même loi et par le décret du 5 mai 1806 relatif au logement des ministres du culte protestant et à l'entretien des temples. Le culte israélite a fait l'objet à son tour le 17 mars 1808 de décrets de reconnaissance 142 ( * ) .

Prolongeant la réglementation en vigueur datant du premier Empire 143 ( * ) , la loi sur le temporel des cultes du 4 mars 1870 entérina les reconnaissances et le traitement à parité des religions reconnues, en y intégrant le culte anglican. Formant le socle de la relation entre l'État et les religions, cette loi organisait principalement les relations entre l'État belge et le culte catholique. Elle visait plus précisément à « établir des procédures d'élaboration et de contrôle des budgets et des comptes pour les fabriques d'églises, c'est-à-dire des établissements publics chargés de la gestion des biens des paroisses » 144 ( * ) , tout en spécifiant que les dispositions valaient aussi pour les cultes anglican, israélite et protestant-évangélique. Au fur et à mesure des reconnaissances postérieures à son adoption, la loi a été modifiée pour englober également les nouveaux cultes reconnus.

Deux autres cultes ont en effet été reconnus un siècle plus tard : le culte musulman, par la loi du 2 août 1974 portant reconnaissance des administrations chargées de la gestion du temporel du culte islamique, et le culte orthodoxe, par la loi du 17 avril 1985 portant reconnaissance des administrations chargées de la gestion du temporel du culte orthodoxe.

Enfin, en 1993, une révision de l'article 181 de la Constitution a étendu le régime à des organisations laïques à vocation philosophique en mettant à la charge de l'État le traitement de leurs délégués. La loi du 21 juin 2002 relative au Conseil central des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique, aux délégués et aux établissements chargés de la gestion des intérêts matériels et financiers des communautés philosophiques non confessionnelles reconnues, a complété ce dispositif. La conviction de laïcité est reconnue à ce titre.

Les mouvements laïques se sont structurés en Belgique tant du côté francophone que flamand autour de la question scolaire, notamment lors de la seconde guerre scolaire dans les années 1950 qui s'acheva par le pacte scolaire entre démocrates-chrétiens, socialistes et libéraux, consacré par la loi sur l'enseignement du 29 mai 1959.

Dans la perspective d'assurer un libre choix effectif tout en régulant la concurrence entre les réseaux public et libre, le pacte scolaire a apaisé les tensions entre les piliers chrétien et laïque de la société belge en garantissant le subventionnement public des écoles libres très majoritairement catholiques, en assurant la gratuité de l'enseignement moyen, en permettant à l'État de créer ses propres établissements publics là où l'offre était très déséquilibrée, en instituant des cours de religion et de morale laïque et en garantissant la liberté pédagogique des pouvoirs organisateurs tant public que privé dans le respect des programmes.

La révision constitutionnelle de 1988 consolidera ce compromis. La liberté d'enseignement est désormais garantie par l'article 24 de la Constitution belge qui assure également le respect du libre choix des parents et l'organisation d'un enseignement neutre respectant les conceptions philosophiques, idéologiques et religieuses des parents et des élèves. L'éducation morale ou religieuse dans tous les établissements publics et privés est une obligation à la charge des pouvoirs publics. Jusqu'à la fin de l'obligation scolaire, les écoles publiques offrent le choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues ou celui de la morale non confessionnelle.

b) L'articulation des compétences entre l'État fédéral et les régions en matière de reconnaissance des cultes et d'établissement des communautés

Si l'État belge reconnaît la séparation de l'Église et de l'État, il reconnaît certaines confessions - et convictions philosophiques - en raison de leur utilité sociale. La liste des cultes reconnus énumérés précédemment n'est pas figée, tout groupe religieux pouvant déposer une demande de reconnaissance, dont l'issue favorable dépend de la satisfaction de plusieurs critères :

- une implantation de longue durée sur le territoire belge, à l'échelle de plusieurs décennies ;

- l'intérêt social que représenterait cette reconnaissance pour la population, la preuve de ce critère étant à la charge du demandeur ;

- le nombre d'adeptes, qui doit être suffisamment important (au moins de l'ordre de quelques dizaines de milliers) ;

- la capacité du demandeur à se structurer pour constituer un seul organe représentatif qui servira d'interlocuteur unique pour les autorités. Une subvention peut être allouée pour faciliter une telle structuration.

En outre, le culte ou la conception philosophique en cause ne doivent pas développer d'activités contraires à l'ordre public.

Certains courants religieux qui ne sont pas reconnus officiellement en tant que cultes, peuvent se constituer en association sans but lucratif à l'instar des mormons ou des témoins de Jéhovah. Le bouddhisme a demandé à bénéficier du statut d'organisation philosophique non confessionnelle. Même s'il n'entre pas dans la catégorie des cultes reconnus, il reçoit tout de même une subvention à ce titre.

Pour chaque culte approuvé, l'État a reconnu un organe représentatif qui sera son interlocuteur pour ce qui relève des questions temporelles. Il s'agit de la Conférence épiscopale pour la religion catholique, du Synode de l'Église protestante unie de Belgique, du Consistoire central israélite, du Comité central anglican, de l'Exécutif des musulmans de Belgique et du Métropolite-archevêque du patriarcat oecuménique de Constantinople pour le culte orthodoxe. La laïcité est représentée par le Conseil central laïque organisé selon les termes de la loi de 2002 précitée.

La loi précitée sur le temporel des cultes a introduit des mécanismes de tutelle, financière principalement, sur les établissements gérant les biens des paroisses catholiques et des autres communautés religieuses. Appelés « fabriques », ces établissements de gestion du temporel doivent respecter des obligations de transmission de leur budget et de leurs comptes aux autorités publiques locales. 145 ( * ) Une fabrique qui ne respecterait pas ses obligations ne pourrait plus obtenir de subside ni de la commune, ni de la province, ni de l'État. La tutelle s'exerce aussi au niveau des actes, puisqu'un acte par lequel une fabrique sort de ses attributions, viole la loi ou blesse l'intérêt général peut être suspendu ou annulé par les autorités. Une fabrique d'église peut faire l'objet d'une tutelle coercitive pour la forcer à respecter ses obligations ou les dispositions juridiques auxquelles elle est soumise.

Ces dispositions qui ont longtemps prévalu uniformément sur l'ensemble du territoire belge ont été affectées par le mouvement de régionalisation qui a provoqué certaines divergences encore très mesurées entre la Flandre, Bruxelles-Capitale et la Wallonie dans l'application des orientations et des pouvoirs qui viennent d'être décrits.

En effet, à compter du 1 er janvier 2002, les régions ont reçu compétence pour « les fabriques d'églises et les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, à l'exception de la reconnaissance des cultes et des traitements et pensions des ministres des cultes » 146 ( * ) , questions qui demeurent de la responsabilité de l'État fédéral. La tutelle sur la gestion du temporel appartient désormais aux régions, tout comme la compétence en matière de travaux aux édifices des cultes, de patrimoine, de budgets et comptes et de legs.

De la compétence financière des régions découle leur compétence en matière d'établissement des communautés religieuses concrètes d'un culte reconnu. Aux termes de l'accord de coopération de 2008 qui définit plus précisément l'organisation et le partage des compétences entre État fédéral et régions, ces dernières jouent un rôle consultatif dans la reconnaissance des cultes. Ainsi, « saisie d'une demande de reconnaissance d'un culte, l'autorité fédérale sollicite un avis préalable de chaque Gouvernement régional et du Gouvernement de la Communauté germanophone qui ont quatre mois pour rendre cet avis dès réception de la requête. (...) Les décisions de l'autorité fédérale relatives à la reconnaissance d'un culte sont transmises pour information aux Régions et à la Communauté germanophone » . 147 ( * )

Une fois le culte reconnu au plan national, son établissement en communautés religieuses soutenues matériellement dépend des régions, l'État fédéral assumant inversement un rôle consultatif. L'organe représentatif du culte concerné doit transmettre la demande d'établissement d'une communauté religieuse à l'autorité régionale compétente qui doit saisir pour avis l'autorité fédérale en charge de la reconnaissance des cultes. Tout avis négatif de cette dernière basé sur des motifs tenant à la sécurité de l'État ou l'ordre public suspend la procédure d'établissement de la communauté 148 ( * ) .

Les critères d'établissement des communautés religieuses sont fixés au niveau de chaque région. À titre d'exemple, la Flandre a établi dans un arrêté de 2005 les critères d'agrément des communautés d'églises et religieuses locales des cultes reconnus. Tout dossier de demande doit contenir, outre l'identification et le ressort territorial, des informations concernant le bâtiment destiné à l'exercice du culte et concernant l'autre infrastructure utilisée par la communauté cultuelle, l'inventaire de la situation patrimoniale et financière destinée à l'organisation et au fonctionnement matériels de la communauté, le plan financier pour les trois années calendaires suivantes, le nombre de postes rémunérés demandés ainsi que l'identité des personnes en question, une note explicative prouvant la pertinence sociale de la communauté d'église ou religieuse locale, ainsi que des déclarations écrites relatives au respect de la législation sur l'emploi des langues et au respect par les ministres religieux actuels et futurs de l'obligation d'intégration civique. Enfin, les communautés s'engagent à écarter de leur organisation et de leur fonctionnement les individus agissant ou incitant à agir en violation de la Constitution et à ne pas collaborer elles-mêmes à de telles activités. 149 ( * )

Une fois l'établissement d'une communauté religieuse locale approuvée par la région, un établissement de gestion du temporel est constitué pour cette communauté et reçoit la personnalité morale de droit public . Par exemple, dans la région de Bruxelles-Capitale, il existe 172 établissements de gestion du temporel du culte, qui gèrent les aspects matériels permettant l'exercice du culte des communautés religieuses locales approuvées.

La fixation du nombre de places rémunérées de ministres du culte est également traitée dans l'accord de coopération de 2008. La demande est faite par l'organe représentatif à l'autorité fédérale, qui demande l'avis de la région concernée. Toute décision relative au nombre de postes rémunérés, avec ou sans lien avec l'établissement d'une communauté, est transmise pour avis à la région concernée. À titre d'exemple, l'article 26 bis de la loi du 2 août 1974 établit à 341 le nombre de places d'assistant paroissial pour le culte catholique 150 ( * ) . Par arrêté royal sont également désignées les paroisses ou les communautés dont les ministres du culte verront leurs salaires et pensions pris en charge par le financement public.

Le même type de procédure vaut pour les demandes relatives à la création, à la modification des limites territoriales, à la suppression d'archevêchés et d'évêchés.

c) Formation des ministres du culte et accueil des prédicateurs étrangers

La plupart des cultes reconnus sont couverts par des formations en Belgique. C'est le cas à l'évidence du catholicisme, qui offre une formation via des facultés de théologie (Université catholique de Louvain francophone et KUL-Katholieke Universiteit te Leuven néerlandophone) ou par des séminaires diocésains. S'agissant du protestantisme, la faculté de théologie protestante de Bruxelles, reconnue par arrêté depuis 1963 et bénéficiant de subsides publics, ou la faculté de théologie évangélique d'Heverlee (Louvain) sont les principales institutions de formation.

La formation en Belgique de prédicateurs musulmans était jusqu'à présent embryonnaire et se limitait à des séminaires à destination d'imams déjà en place. L'Exécutif des musulmans de Belgique (EMB) et son conseil des théologiens ont ainsi mis en place, de novembre 2015 à octobre 2016, un cycle de séminaires mensuels à destination des imams et conseillers islamiques reconnus afin de parfaire leurs connaissances en matières religieuse, sociologique et juridique.

Cependant, en 2020, pour la première fois, une formation universitaire d'imams s'est ouverte à la KUL . Le cursus a été élaboré en collaboration entre l'EMB et le gouvernement fédéral. L'enseignement doit être professé en néerlandais et en arabe et durer quatre ans. Un cursus équivalent pour les étudiants francophones devrait ouvrir en septembre à l'Université catholique de Louvain (UCL) 151 ( * ) .

La proportion de ministres du culte et de prédicateurs étrangers varie fortement selon les cultes. En l'absence de données officielles, on peut se référer à un rapport de 2006 estimant leur importance dans les effectifs à entre 8 % et 12 % pour le culte catholique, à un peu moins de 20 % pour les pasteurs protestants - mais jusqu'à 50 % pour les cultes non reconnus -, à 10 % pour le judaïsme, à 85 % pour le culte anglican, à la moitié environ pour les orthodoxes. S'agissant du culte musulman, le rapport indique que la proportion est inconnue mais très probablement élevée. 152 ( * )

La Belgique a recours à des prédicateurs musulmans en provenance de Turquie, sous l'autorité du Diyanet , et du Maghreb, notamment du Maroc. Traditionnellement, durant le mois de Ramadan, des psalmodieurs ou récitateurs marocains sont invités en Belgique à la demande de plusieurs mosquées. L'Exécutif des musulmans de Belgique précise que « le nombre d'imams présents en Belgique est en effet insuffisant pour répondre aux attentes de la communauté musulmane durant ce mois chargé en spiritualité ». L'EMB indique également que « leur rôle consiste à apporter un soutien spirituel et liturgique aux fidèles durant les prières et les veillées nocturnes du mois de Ramadan » et qu'« il s'agit de personnes, en majorité de niveau universitaire, formées et préparées pour s'exprimer dans un contexte européen. Le contenu de leurs interventions, qui s'articule autour des valeurs communes et du vivre ensemble, est vérifié au préalable par le Rassemblement des musulmans de Belgique ».

Un imam extracommunautaire souhaitant exercer en Belgique plus de trois mois doit introduire une demande unique auprès de la région compétente via l'Exécutif des musulmans de Belgique. Lorsque la demande est acceptée, l'imam reçoit un permis unique attestant qu'il est autorisé à séjourner plus de 90 jours en Belgique pour y travailler.

Dernièrement, le Conseil de contentieux des étrangers de Belgique 153 ( * ) a refusé des visas à des imams turcs envoyés en service extérieur par le Diyanet , en arguant notamment que « la simple désignation d'un étranger par son autorité nationale en vue de son envoi en tant que serviteur des cultes n'implique pas que les services publics belges soient tenus de délivrer un visa à l'intéressé » 154 ( * ) . Plus généralement, un visa peut être refusé si la mosquée n'est pas reconnue par les autorités belges.

d) Le financement national et étranger des cultes reconnus

L'une des conséquences majeures de la reconnaissance d'un culte est l'avantage financier direct ou indirect qui en découle, au niveau national comme local :

- au niveau national, les salaires et pensions de retraite des ministres du culte, des aumôniers et des professeurs de religion sont pris en charge par l'État, qui organise également les cours de religion dans l'enseignement public ;

- au niveau régional et local, outre des dépenses d'entretien, le déficit éventuel des administrations est pris en charge par les communes ou les provinces selon le cas.

Au niveau national, en 2016, un montant de 98,75 millions d'euros était prévu, dont bénéficiaient les cultes reconnus à hauteur de 85 117 000 euros, la laïcité à hauteur de 13 473 000 euros et le bouddhisme pour 165 000 euros 155 ( * ) .

La loi du 2 août 1974 relative aux traitements des titulaires de certaines fonctions publiques, des ministres des cultes et des délégués du Conseil central laïque fixe pour chaque culte reconnu les traitements annuels des différentes catégories de ministres du culte.

Pour la religion catholique, le traitement annuel pris en charge par l'État d'un archevêque est de 68 371,77 euros, d'un évêque de 55 127,56 euros, d'un curé, d'un desservant, d'un chapelain, d'un vicaire ou d'un assistant paroissial de 13 409,11 euros.

Pour le culte protestant, le traitement annuel payé par l'État va de 43 228,00 euros pour le Pasteur-président du Synode à 13 409,11 euros pour un pasteur auxiliaire. Les ministres orthodoxes reçoivent un traitement annuel pris en charge par l'État allant de 31 234,69 euros pour un Métropolite à 13 409,11 euros pour un curé-doyen, un desservant ou un vicaire. Pour la religion israélite, le traitement annuel du Grand Rabbin de Belgique est fixé à 31 234,69 euros et celui d'un rabbin ordinaire à 14 397,74 euros.

Les traitements annuels des ministres du culte musulman ont été revus en 2019 et s'élèvent désormais pour le Secrétaire général à 43 228 euros, pour un théologien ou un imam de premier rang à 18 652,70 euros, pour un prédicateur ou un imam de deuxième rang à 15 840,77 euros et pour un imam de troisième rang à 13 409,11 euros.

Outre le traitement annuel, diverses allocations sont accordées aux différents ministres des cultes reconnus, à l'instar de l'allocation de foyer ou de celle de résidence, des allocations familiales et de naissance, une allocation de fin d'année et un pécule de vacances. C'est ainsi que, par exemple, la région de Bruxelles-Capitale finance l'indemnité de logement pour les ministres des cultes orthodoxe et musulman, ainsi que pour l'archevêché de Malines-Bruxelles. Quant aux 19 communes qui composent cette région, elles financent l'indemnité de logement des ministres des cultes catholiques, protestants, anglicans et israélites.

Régions et communes interviennent également financièrement pour couvrir les déficits des budgets des établissements de gestion du temporel des cultes 156 ( * ) .

D'après un rapport de 2016 du Parlement de Wallonie sur la tutelle et le financement public des cultes par les autorités locales, « si le montant des interventions fédérales en faveur des ministres des cultes est aisément connu, il n'en va pas de même des interventions régionales et des pouvoirs locaux en faveur des implantations locales des différents cultes. [...] En matière d'établissements cultuels, les principales charges des communes sont la couverture du déficit des établissements cultuels, les travaux aux édifices du culte et le logement des ministres du culte. Ceci est valable pour les cultes catholique, protestant-évangélique, anglican et israélite. À ces dépenses obligatoires s'ajoutent des dépenses facultatives, tels les subsides aux communautés locales non reconnues ou financées en principe au niveau provincial ainsi qu'aux associations laïques, et les interventions en faveur de la construction de nouveaux édifices du culte. Les principales charges des provinces sont les mêmes obligations que les communes à l'égard des établissements des cultes islamique et orthodoxe, ainsi que des fabriques cathédrales du culte catholique. Elles sont également chargées de financer le déficit des établissements publics d'assistance morale, en vertu d'une loi fédérale cette fois.» 157 ( * )

Les dépenses en faveur des cultes pour l'ensemble des communes wallonnes en 2014 et 2015 pour le « service ordinaire » 158 ( * ) étaient budgétées respectivement à 45,3 millions d'euros et 44,1 millions d'euros. Sur ces sommes, plus de 30 millions relèvent des dépenses de transfert, c'est-à-dire, pour l'essentiel, la couverture du déficit des établissements cultuels et plus de 2 millions recouvrent des dépenses de fonctionnement qui « portent généralement sur les frais d'énergie de certains bâtiments, notamment lorsqu'un logement est mis à disposition du desservant » .

Les dépenses de « service extraordinaire », à savoir « l'ensemble des recettes et des dépenses qui affectent directement et durablement l'importance, la valeur ou la conservation du patrimoine communal, à l'exclusion de son entretien courant » étaient évaluées à 26,1 millions d'euros en 2014 et à 38,5 millions d'euros en 2015. Plus de 3 millions de ces sommes relèvent de dépenses de transfert, c'est-à-dire « des subsides en capital octroyés à des établissements cultuels (ou des Maisons de la Laïcité) afin de couvrir tout ou partie du coût de travaux » tandis que les dépenses d'investissement sont « des travaux dont la commune est le pouvoir adjudicateur » . 159 ( * )

Depuis 2016 et les attentats de Zaventem et de Maelbeek le financement étranger des cultes, notamment de l'islam, est devenu un sujet de préoccupation publique en Belgique.

En 2017, le Centre Islamique et Culturel de Belgique (CICB), qui gérait la Grande Mosquée de Bruxelles, était financé à hauteur d'environ 1,2 million d'euros par la Ligue islamique mondiale, dont le bailleur de fonds est l'Arabie saoudite 160 ( * ) . Depuis, l'État a repris la main sur la Grande Mosquée et en a confié la gestion à l'organe exécutif de la religion musulmane, l'EMB.

En juin 2018, une déclaration conjointe de l'Exécutif des musulmans de Belgique et du Premier ministre belge Charles Michel indiquait que « les organes représentatifs des cultes reconnus et de la laïcité organisée déclarent éviter les financements venant de l'étranger qui seraient de nature à nuire à leur indépendance et s'engagent à tout mettre en oeuvre, en vue de garantir la transparence et l'intégrité des flux financiers au sein des entités qui les composent » 161 ( * ) .

En mars 2019, le ministre de la justice belge a réuni des représentants des cultes reconnus pour instaurer des règles en matière de financement étranger des cultes. Une charte a ainsi été signée pour promouvoir la transparence financière, les mesures ayant vocation à figurer dans une fiche pratique à destination des sections locales. Parmi les mesures promues, on peut relever :

- éviter des dons financiers provenant de l'étranger, susceptibles de porter atteinte à l'indépendance de l'organisation ;

- respecter la législation anti-blanchiment ;

- ne pas recevoir ou verser de dons dont la provenance ou la destination est illégale ;

- faire signer tout acte entraînant un engagement pour l'institution par au moins deux personnes compétentes (bons de commande, approbation des factures, engagements de personnel, investissements financiers, etc.);

- suivre une formation sur les règles comptables et sur la bonne gestion comptable ;

- et respecter l'interdiction de distribution des bénéfices, sauf dans un but désintéressé déterminé dans les statuts 162 ( * ) .

Le contrôle des financements étrangers des communautés religieuses peut passer aussi par la transparence sur les dons et libéralités reçues par les associations à but non lucratif, forme juridique qu'empruntent fréquemment les communautés religieuses dont l'établissement n'est pas approuvé par les régions ou des organes connexes associés à des communautés établies.

En s'appuyant sur les recommandations du Groupe d'action financière (GAFI) et sur les conclusions de la commission d'enquête parlementaire sur les attentats de Zaventem et de Maelbeek, une proposition de loi, soutenue par le gouvernement fédéral a été déposée en février 2019 devant la Chambre des représentants 163 ( * ) . Adoptée très largement en commission du droit commercial et économique moyennant quelques amendements 164 ( * ) , la proposition de loi n'a pu être adoptée avant l'expiration de la législature et les élections législatives fédérale de mai 2019. Elle est devenue caduque 165 ( * ) et le blocage des négociations de constitution du gouvernement belge n'a pas permis de poursuivre dans cette voie pour l'instant.

La proposition de loi partait du principe qu'une interdiction de libéralités provenant et à destination de l'étranger n'est pas souhaitable mais préconise un renforcement net des obligations de transparence et du contrôle. Elle prévoyait une obligation généralisée de dépôt des comptes annuels des associations et des fondations auprès de la Banque nationale de Belgique. Surtout, elle les obligeait à tenir un registre des libéralités reçues et octroyées, en provenance et à destination de l'étranger, dès lors que leur montant total annuel dépassait 3 000 euros. Figurant dans la base de données de la Banque nationale de Belgique, le registre des dons devait pouvoir être consulté par les autorités publiques, sur simple demande.

2. LES PAYS-BAS

a) La conception néerlandaise de la liberté religieuse
(1) Bref historique

Le protestantisme réformé est au coeur de la naissance des Pays-Bas au XVI e siècle par sécession de l'empire espagnol. Toutefois, le sud du pays est toujours resté catholique et les Pays-Bas ont été connus pour leur politique de tolérance qui en a fait un refuge à la fois pour des libres penseurs, pour les communautés juives expulsées d'Espagne et du Portugal, pour les mouvements protestants hétérodoxes, pour les huguenots persécutés et pour les jansénistes. Une très large autonomie interne, ainsi que la police sur leurs membres, était reconnue aux diverses communautés et Églises, dès lors qu'elles ne troublaient pas l'ordre public, prêtaient allégeance au pouvoir de La Haye et s'abstenaient d'une participation politique active. Ce n'est que pendant la période révolutionnaire sous influence française que, pour la première fois, fut prononcée la séparation des Églises et de l'État sans prééminence de la religion réformée, que juifs et catholiques ont reçu l'égalité des droits civiques et que toutes les facultés de théologie ont été fermées.

Toutefois, la fondation du Royaume des Pays-Bas et la Constitution de 1815 sont marquées par l'appui du pouvoir politique à l'Église réformée. La constitution d'un État-nation néerlandais au XIX e siècle est associée à la figure du pasteur ( dominee ) formé à l'université et rémunéré par l'État, autant que la III e République française a pu être attachée à la figure de l'instituteur. La formation du citoyen néerlandais passait par son éducation morale qui devait être assurée par les membres d'une Église réformée placée sous le contrôle du ministère des cultes. La révision libérale de la Constitution en 1848 garantit néanmoins l'égalité de droits entre les Églises et accorda au nom de la liberté de culte plus de latitude à chaque confession pour s'organiser, y compris à l'Église catholique. 166 ( * )

À partir de la fin du XIX e siècle, le système social et politique des Pays-Bas se transforme pour adopter une structure en piliers autonomes et indépendants de l'État ( verzuiling ) où les institutions sociales (partis, syndicats, journaux, radios, écoles, universités, clubs sportifs...) se répartissent entre entités protestantes, catholiques, libérales et socialistes. L'émancipation des citoyens catholiques, longtemps dans une position sociale, si ce n'est juridique, de second rang est passée par une mobilisation collective du pilier catholique. De nos jours, une compénétration plus large quoique partielle entre protestants et catholiques a permis l'émergence d'un pilier chrétien, dont le parti chrétien-démocrate (CDA), systématiquement membre de toutes les coalitions au pouvoir, est aujourd'hui la meilleure illustration. Sont aussi représentés au Parlement néerlandais deux partis protestants, l'un conservateur, CU, qui avait refusé la fusion avec les catholiques mais participe au gouvernement Rutte III, l'autre calviniste fondamentaliste, SGP, dont la référence est le texte biblique.

(2) Dispositions constitutionnelles

Le moment décisif pour définir le cadre contemporain des relations entre les religions et l'État néerlandais coïncide avec la révision constitutionnelle de 1983 et les lois subséquentes. La séparation des Églises et de l'État néerlandais a été clarifiée :

- en posant comme principe premier l'égalité de toutes les croyances religieuses ( godsdienst ) entre elles et avec les philosophies de vie non-religieuses ( levensovertuiging ), sans aucune discrimination ;

- en levant les anciennes contraintes strictes pesant sur l'exercice public du culte - concrètement, en autorisant par exemple les processions religieuses catholiques ;

- en supprimant la disposition constitutionnelle garantissant depuis 1815 le financement des traitements, pensions et autre revenus pour les personnels religieux.

Si aucun texte spécifique ne pose, ni ne définit la séparation des Églises et de l'État en droit néerlandais, la jurisprudence et la doctrine la font naturellement découler des articles 1 er et 6 de la Constitution qui garantissent respectivement l'égalité des droits sans discrimination et la liberté de culte et de conviction. Les sujets de la liberté de culte sont aussi bien les individus que des collectifs avec ou sans la personnalité morale. Ils restent responsables de leurs actions en cas d'infraction au cadre légal.

La liberté religieuse se conjugue avec d'autres droits fondamentaux tels que la liberté d'expression, qui vaut pour toutes les convictions religieuses et philosophiques, y compris l'athéisme (art. 7 Gw), et la liberté de réunion et d'association qui permet la constitution de groupements à finalité religieuse ou philosophique, ainsi que l'exercice en commun de cultes et de rites (art. 8 Gw). La loi peut poser des règles en matière d'exercice de ce droit, pour protéger la santé publique, préserver la liberté de circulation et pour prévenir des désordres. En l'espèce, la loi sur les manifestations publiques de 1988 s'applique à toutes les réunions ou manifestations à caractère religieux dans les lieux publics, c'est-à-dire à l'extérieur des bâtiments ou des lieux clos, notamment aux processions. La commune dispose d'un pouvoir de police spéciale, qui lui permet si nécessaire d'imposer une notification préalable de l'événement et d'imposer des mesures restrictives proportionnées et adaptées 167 ( * ) .

La liberté de religion, de culte et de conviction recouvre le droit de créer des institutions confessionnelles comme des églises et leurs subdivisions, des écoles, des oeuvres de bienfaisance ou des associations culturelles. En particulier, l'article 23 de la Constitution néerlandaise accorde une très large liberté d'éducation et d'enseignement. Les parents disposent du droit de faire éduquer leur enfant dans un environnement qui s'accorde à leurs convictions religieuses ou philosophiques, ce qui recouvre aussi le droit de créer et de gérer des écoles confessionnelles. L'enseignement confessionnel est libre dans le cadre fixé par la loi et sous réserve de la surveillance des pouvoirs publics, qui vise notamment à s'assurer de l'intégrité ( deudgdelijkheid ) et de la compétence des enseignants. Il est financé par l'État dans des conditions analogues à celles qui prévalent pour les écoles publiques. La cour de cassation néerlandaise a précisé qu'un établissement confessionnel financé par l'État néerlandais peut se prévaloir de la liberté d'enseignement pour refuser l'inscription d'un élève d'une autre confession ou d'une autre obédience, dès lors qu'il s'agit d'une politique constante de l'école et non d'une décision individuelle ad hoc . 168 ( * ) L'enseignement public lui-même est neutre et respecte la religion et les convictions de chacun. Une instruction religieuse peut être dispensée dans les écoles publiques, à condition qu'elle ne soit pas obligatoire.

Selon le professeur Van der Brug 169 ( * ) de l'Université de Tilburg, le modèle néerlandais se caractérise par la « neutralité inclusive » de l'État par rapport aux communautés religieuses. La séparation entre la sphère privée et publique y est moins tranchée que dans un modèle plus strictement laïque et l'on y tolère plus largement les manifestations publiques de la religion, y compris dans les prestations de serment ou les formules rituelles de promulgation des lois signées de la main du souverain « par la grâce de Dieu ».

Cependant, les débats récurrents depuis les années 2000 sur la place de l'islam dans la société néerlandaise ont finalement débouché sur l'interdiction partielle du voile intégral. Entré en vigueur le 1 er août 2019, le nouveau dispositif interdit de porter dans les transports publics, les établissements d'enseignement, les bâtiments gouvernementaux et les hôpitaux des tenues qui couvrent complètement le visage ou qui le rendent méconnaissable. 170 ( * )

b) Les modes d'organisation et le soutien financier aux communautés religieuses

La séparation des Églises et de l'État implique que l'État reconnaisse la liberté d'organisation des communautés religieuses et que celles-ci ne jouent en retour aucun rôle formel dans le processus de décision politique. Tombé en désuétude depuis les années 1960, le délit de blasphème ( godslastering ) comme offense publique aux sensibilités religieuses 171 ( * ) a été retiré expressément du code pénal en 2013.

L'État doit respecter l'autonomie des institutions et se garder de toute interférence dans la profession de foi ou le contenu du culte ; il ne doit pas en particulier intervenir dans l'organisation interne des institutions religieuses.

Les communautés ecclésiales ou kerkgenootschappen 172 ( * ) , ainsi que leurs organes et subdivisions autonomes, jouissent de la personnalité morale en vertu du code civil néerlandais, qui leur accorde également la liberté de s'organiser selon leurs propres statuts, pour autant qu'ils ne contreviennent à aucune loi. 173 ( * ) Elles ne disposent donc pas d'un statut de droit public et sont inscrites au registre du commerce au même titre qu'une association, une fondation, une coopérative ou une société 174 ( * ) .

Il n'existe pas de procédure de reconnaissance formelle et officielle de communauté ecclésiale par l'État. Il appartient aux confessions de s'organiser ou non en communauté ecclésiale au niveau national ou au niveau local. L'Église catholique, les Églises réformées, l'Armée du Salut, différents mouvements protestants, certaines Églises orthodoxes, certaines organisations juives se sont constituées en communauté ecclésiale au sens du droit civil néerlandais. Il n'y a pas de privilèges ou de bénéfices particuliers accordés aux communautés ecclésiales enregistrées en tant que telles par rapport à d'autres confessions organisées différemment, en dehors de l'octroi automatique de la personnalité morale et une grande liberté d'organisation interne.

Les diverses communautés musulmanes des Pays-Bas, différenciées selon des bases religieuses, idéologiques, nationales ou fonctionnelles, ont choisi de ne pas se constituer et s'enregistrer comme kerkgenootschappen mais ont fait le choix généralement de se constituer soit en associations, soit en fondations de droit privé. Par exemple, l'émanation néerlandaise du bureau des cultes de l'État turc, le Diyanet, s'est constituée en fondation ( Islamistische Stichting Nederland - ISN ) pour fédérer 146 mosquées néerlandaises.

Dans la pratique, la différence est faible car les communautés musulmanes peuvent être considérées comme des communautés à vocation religieuse ou spirituelle ( genootschap op geestelijk of levensbeschouwelijke grondslag ), une catégorie reconnue par la jurisprudence et la législation comme assimilable à une communauté ecclésiale formellement constituée 175 ( * ) sans bénéficier d'un statut défini. Cependant, cela demande lors de contentieux devant les tribunaux ou dans les interactions avec les administrations communales ou l'État, que la vocation spirituelle ou religieuse de ces associations ou fondations soit évaluée in concreto - par exemple par l'examen de leurs statuts et de leur objet social - pour pouvoir les faire bénéficier des mêmes dispositifs et leur appliquer les mêmes règles qu'aux kerkgenootschappen proprement dites.

Au niveau national, des organes représentatifs ont été reconnus formellement comme partenaires de dialogue avec l'État et comme instances responsables de la sélection des conseillers spirituels - aumôniers ( geestelijk verzorger ) pour les prisons, les armées et les écoles. Ainsi, le Contact oecuménique pour les affaires gouvernementales ( Interkerkelijk Contact in Overheidszaken - CIO ) rassemble 29 Églises chrétiennes et deux communautés juives organisées en kerkgenootschappen. L'Organe de contact des musulmans et des autorités ( Contactorgaan Moslims en Overheid - CMO ) rassemble 10 associations de mosquées sunnites et représente 84 % du culte tandis que le Groupe de contact de l'Islam ( Contactgroep Islam - CGI ) rassemble les associations des chiites, des alévis et des ahmadis.

Le soutien financier public aux communautés religieuses a connu un tournant décisif en 1983, parallèlement à la révision constitutionnelle précitée. La loi du 7 décembre 1983 mettant fin au lien financier entre l'État et les Églises 176 ( * ) a validé un accord entre l'État et 12 communautés protestantes, juives et catholiques 177 ( * ) , par lequel l'État leur accordait une somme forfaitaire de 250 millions de florins en guise de compensation finale et définitive. Les sommes perçues et les intérêts générés par leur placement ont été affectées exclusivement au paiement des pensions de retraite des ministres du culte.

Les dons constituent cependant la ressource essentielle des communautés religieuses aux Pays-Bas. L'Église catholique aux Pays-Bas estime ainsi que les revenus des paroisses (141 millions d'euros en 2017 pour un déficit de 12 millions d'euros) proviennent environ à 60 % des dons des fidèles et à 40 % des revenus de leurs propriétés et placements 178 ( * ) . L'Église catholique et les principales Églises réformées organisent depuis 1973 une campagne annuelle de collectes de dons, l'opération Kerkbalans , essentielle pour leur financement.

Pour stimuler les dons, les communautés religieuses peuvent aussi compter sur une aide indirecte de l'État en demandant à bénéficier soit directement, soit pour leurs oeuvres de bienfaisance du statut d'établissement reconnu d'utilité publique ( algemeen nut beogende instelling - ANBI ). Par exemple, l'organe de contact oecuménique des confessions chrétiennes et juives (CIO) ou la fondation qui fédère les mosquées turques des Pays-Bas (ISN) bénéficient de ce statut, qui est largement ouvert aux organes des communautés religieuses. L'agrément est délivré par l'administration fiscale et ouvre droit à des avantages fiscaux : les dons et legs en faveur des établissements reconnus d'utilité publique sont exonérés en principe de tout droit de mutation ; les dons des personnes physiques sont déductibles de l'impôt sur le revenu ; les dons des personnes morales sont déductibles de l'impôt sur les sociétés. 179 ( * )

La loi de 1983 sur le rachat pour solde de tout compte des dettes contractées par l'État auprès des Églises ne signifie pas que leur serait désormais systématiquement interdit tout soutien financier. Seules les activités à caractère religieux, proprement liées au culte, sont exclues du soutien public au nom de la séparation de l'Église et de l'État, ainsi que l'a rappelé le Conseil d'État néerlandais. 180 ( * )

L'égalité de traitement de tous les groupes religieux ou philosophiques prime. Elle prohibe toute discrimination et toute manifestation de préférence ou de partialité. En matière de soutien à des activités portées par des organisations religieuses, cela implique que l'on ne saurait exclure une organisation religieuse reconnue du bénéfice d'un dispositif d'aides proposé à d'autres, si celle-ci souhaitait en bénéficier, comme l'a souligné le Conseil d'État néerlandais. 181 ( * )

Un soutien financier des pouvoirs publics aux communautés religieuses reste possible au cas par cas, en l'absence de toute disposition légale contraire, pour soutenir des activités sociales et culturelles, notamment à des fins éducatives, estimées utiles localement et servant à ce titre l'intérêt général. Ce soutien peut venir de l'État, des provinces ou des communes. Des subventions publiques ou des avantages fiscaux sont également permis pour l'entretien d'un patrimoine historique et pour garantir la mise à disposition de conseillers spirituels-aumôniers dans les institutions publiques (armée, hôpitaux, prisons).

On rappelle enfin que les établissements d'enseignement confessionnels, du primaire au supérieur, sont financés par l'État dans la mesure où ils dispensent les mêmes prestations que les établissements publics. Ainsi, des universités d'inspiration confessionnelle, comme l'Université libre d'Amsterdam créée par le courant protestant orthodoxe en 1880 ou l'Université Radboud de Nimègue fondée par le pilier catholique en 1923 ont toujours été financées sur fonds publics.

La mise en place de formations religieuses peut également bénéficier de fonds publics dès lors qu'elle respecte le principe constitutionnel d'égalité de traitement et pour autant que cela est nécessaire pour assurer l'exercice effectif de la liberté de culte. Des formations en théologie peuvent être instaurées dans les universités financées par l'État et aboutir à des diplômes reconnus. La création de formations reconnues par l'État d'imams, de théologiens islamiques et de conseillers spirituels-aumôniers musulmans a été soutenue financièrement à partir de 2005. Le bilan de cette expérience est mitigé 182 ( * ) et ne parvient pas à diminuer la dépendance à l'égard de prédicateurs étrangers, notamment de ceux mis à dispositions des mosquées de la communauté turque par le Diyanet .

c) La lutte contre les influences étrangères sur les cultes : un sujet de débat récurrent, la multiplication d'initiatives politiques

La question des ingérences des puissances étrangères aux Pays-Bas via l'instrumentalisation des cultes, en particulier de l'islam via l'envoi de prédicateurs et le financement des associations musulmanes, donne lieu à un vif débat politique depuis plusieurs années.

Des motions parlementaires avaient été déposées dès 2004-2005 respectivement pour exiger que les imams exerçant aux Pays-Bas soient titulaires d'une formation théologique néerlandaise et pour refuser systématiquement les autorisations de séjour des imams étrangers. Ces motions largement soutenues politiquement se heurtaient toutefois à des objections juridiques sérieuses qui n'ont pas été levées.

En effet, la liberté religieuse et la séparation des Églises et de l'État entraînent l'indépendance organisationnelle des communautés religieuses en matière d'organisation du culte. Il revient à ce titre aux communautés religieuses de décider du cursus, du niveau de diplôme et de l'expérience professionnelle qu'elles requièrent pour devenir ministre de leur culte ou occuper des offices à responsabilité en leur sein. La commission consultative sur l'immigration, saisie par le gouvernement néerlandais du sujet de l'entrée et du séjour d'étrangers exerçant des fonctions religieuses, a ainsi considéré que la formation et le recrutement des cadres religieux relevait de la sphère réservée des Églises. 183 ( * ) La commission pilotée par le magistrat et ancien Garde des Sceaux De Ruiter sur la formation des imams avait adopté la même position de principe. 184 ( * )

Dès lors qu'il n'existe aucune menace à l'ordre public, à la santé publique ou à l'autorité de la loi, l'État ne peut intervenir pour encadrer la pratique religieuse que s'il y est invité par la communauté elle-même. En outre, son intervention doit être proportionnée. Imposer une obligation de formation aux Pays-Bas ou refuser systématiquement les autorisations de séjour pour les imams étrangers reviendrait en l'état actuel à poser des obstacles excessifs à l'exercice de la liberté de culte garantie par l'article 6 de la Constitution néerlandaise et par l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme. L'obstacle conventionnel est particulièrement important, car seul le Parlement est compétent en matière de contrôle de constitutionnalité stricto sensu aux Pays-Bas et le juge néerlandais s'appuie sur les traités internationaux, interprétés au prisme de la Constitution néerlandaise, pour assurer la protection des droits fondamentaux. La neutralité et la non-interférence de l'État sont consacrées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) qui considère qu'une ingérence poussée avec les affaires internes d'un culte ou l'exercice de pressions est contraire à la liberté de culte. 185 ( * )

Le régime des autorisations de séjour et de travail pour les immigrés en provenance de pays hors de l'Union européenne et de la Suisse a connu plusieurs révisions majeures notamment en 2006 et en 2013. Les étrangers qui souhaitent exercer comme ministres du culte ( geestelijk bedienaar ) aux Pays-Bas constituent une catégorie particulière. Il n'existe pas de permis de séjour ou de travail distinct pour eux mais ils sont soumis à quelques conditions spécifiques, prévues explicitement par les textes légaux et réglementaires. Certaines sont plus légères, d'autres plus lourdes que le régime le plus général applicable aux immigrés se destinant à un travail salarié quelconque.

En préalable à toute démarche, le candidat provenant d'un pays extracommunautaire doit bénéficier avant son arrivée au Pays-Bas d'un visa spécial valant autorisation de séjour temporaire pour plus de 90 jours ( machtiging tot voorlopig verblijf-mvv ). La demande est le plus souvent faite par un référent qui doit accueillir ou employer le candidat aux Pays-Bas. Pour obtenir leur autorisation temporaire, les ministres du culte et les candidats au regroupement familial sont soumis à une exigence particulière : ils doivent avoir réussi l'examen élémentaire d'intégration civique qui vérifie la maîtrise du néerlandais et la connaissance de la société élémentaire et de ses usages. 186 ( * ) À titre dérogatoire, les contemplatifs cloîtrés ou les personnes n'exerçant qu'une fonction administrative interne au sein d'un organisme religieux ne sont pas soumis à cette obligation. 187 ( * )

Une fois en possession de son autorisation temporaire de séjour après la réussite à l'examen élémentaire, qui lui permet de se rendre aux Pays-Bas, le candidat aux fonctions de ministre du culte aux Pays-Bas ou l'organisation qui souhaite l'employer doit solliciter un permis combiné de séjour et de travail ( gecombineerde vergunning voor verblijf en arbeid - GVVA ). 188 ( * ) La demande s'effectue auprès du service de l'immigration et de la naturalisation 189 ( * ) , sous tutelle du ministre de la sécurité et de la justice. Une autre agence publique, l'institut de mise en oeuvre des assurances des salariés 190 ( * ) , est chargée d'émettre un avis sur la demande en fonction des conditions posées dans la loi sur le travail des immigrés et ses textes d'application 191 ( * ) . Le service de l'immigration rend sa décision sur le permis de séjour et de travail sur la base de l'avis de l'institut de mise en oeuvre des assurances des salariés.

Le candidat doit établir qu'il bénéficiera de revenus suffisants. L'organisme religieux qui l'accueille doit détenir la personnalité morale, être inscrit au registre du commerce et remplir des conditions de solvabilité, de stabilité et de fiabilité. Le service de l'immigration considère comme des éléments de preuves suffisantes de la solidité financière de l'organisation religieuse des attestations fiscales, un rapport d'audit d'un expert-comptable ou une attestation d'un organisme bancaire 192 ( * ) . Pour les ministres du culte sont levées trois conditions applicables aux autres immigrés extracommunautaires qui souhaitent exercer un travail salarié d'une durée supérieure à 3 mois aux Pays-Bas. En principe, l'employeur devrait ne pas avoir trouvé de candidat qualifié dans l'Union européenne, l'emploi devrait être vacant depuis plus de 5 mois, l'employeur doit faire tout son possible pour trouver du personnel aux Pays-Bas ou dans l'Union européenne. Les pasteurs, prédicateurs ou théologiens qui doivent conduire le culte en sont exemptés. L'octroi ou la prolongation du permis de séjour et de travail nécessite toutefois qu'ils détiennent la formation, les connaissances ou l'expérience nécessaire à l'accomplissement de leur fonction cultuelle, que leur présence soit d'une importance essentielle pour l'accomplissement du culte et le bon fonctionnement de la communauté religieuse qui les accueille. 193 ( * )

Aux termes de loi sur l'intégration civique dans la société néerlandaise, les ministres du culte venant de pays extracommunautaires sont soumis expressément à une obligation d'intégration civique ( inburgerinsplicht ) qui se prolonge après l'octroi du permis de séjour et de travail. Bien que les ministres de culte fassent l'objet d'une mention propre dans la loi, cette obligation est en fait commune à tous les détenteurs de permis de résidence permanente. Dans les quatre semaines, le ministre du culte doit être inscrit auprès du ministère de l'éducation, de la culture et de la recherche pour commencer son parcours d'intégration, qui comprend des cours de langue (au moins jusqu'au niveau A2) et des séquences destinées à comprendre la société néerlandaise et ses valeurs par des mises en situation pratiques, ainsi qu'un accompagnement sous la supervision de la commune de résidence. 194 ( * ) L'obligation d'intégration civique est remplie soit après la réussite à l'examen d'intégration civique soit par la détention d'un diplôme néerlandais.

Le débat aux Pays-Bas s'est centré récemment sur le financement des cultes en provenance de l'étranger, notamment des mosquées et associations musulmanes financées par la Turquie ou les Pays du Golfe (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Koweït, Qatar). Ces financements extérieurs sont suspectés par le gouvernement de servir en particulier à soutenir certains courants salafistes qui prônent le séparatisme, l'intolérance, le rejet de l'autorité de l'État et des institutions démocratiques. 195 ( * )

Un projet de loi visant à renforcer la transparence des flux financiers venant de l'étranger à destination d'associations et, le cas échéant les interdire, est en cours d'élaboration par le gouvernement néerlandais. Dans sa première mouture rendue publique en décembre 2018 mais encore soumise à consultation, toutes les organisations à but social ou religieux, constituées en association, fondation ou communauté ecclésiale exerçant leur activité aux Pays-Bas devraient établir la liste de toutes les donations de plus de 15 000 euros en indiquant le montant et la date du don, le nom et l'adresse ou le siège du donateur. Cette liste serait rendue publique sur le site internet et devrait rester accessible à tout moment pendant 7 ans. Le ministère public et tout ayant droit pourrait demander l'exécution de ces obligations. En outre, si le montant total des donations d'un même donateur excédait 15 000 euros sur une même année, les mêmes informations devraient être rassemblées et publiées. Tout manquement à ces règles constituerait un délit économique passible de 6 mois de détention et d'une amende. 196 ( * )

Parallèlement, depuis juillet 2019 une commission d'enquête parlementaire de la chambre basse examine la façon dont des États illibéraux ou autoritaires ( onvrije landen ) influencent des organisations néerlandaises à but social ou religieux. 197 ( * ) Elle est composée de neuf membres, un par groupe politique, dont notamment un membre de Denk , le parti de la minorité turque. Le travail se concentre sur l'influence exercée par la Turquie, le Maroc et les Pays du Golfe sur les mosquées et associations musulmanes des Pays-Bas. Les auditions d'experts, de responsables d'associations ou de fondations cultuelles, d'élus locaux et des services de renseignement se poursuivent pendant tout le premier trimestre 2020. Le rapport final et le débat en plénière sont attendus pour le printemps 2020.

D. DEUX MODÈLES CONTRASTÉS D'ÉGLISE D'ÉTAT ET LEUR ADAPTATION EN CONTEXTE LIBÉRAL

1. LE DANEMARK

a) La liberté de culte sans séparation de l'Église et de l'État
(1) Une religion d'État, une Église nationale

Le Danemark se distingue du restant de l'échantillon analysé en n'ayant pas prononcé de séparation de l' Église et de l'État. Le luthéranisme est encore aujourd'hui religion d'État. La Constitution danoise n'a pas été amendée sur ce point depuis 1849 si bien que son article 4 prévoit toujours que l'Église évangélique-luthérienne est l'Église nationale ( Folkekirken ) danoise et qu'elle est, en tant que telle, soutenue par l'État. Le souverain danois doit obligatoirement en être membre en vertu de l'article 6. Il revient au ministre des cultes et au Parlement de décider des questions administratives et économiques regardant l'Église danoise, tandis que les évêques demeurent la seule autorité dans les matières proprement religieuses, tant pour la doctrine que pour les actes de culte.

La formation du personnel religieux de l'Église danoise fait l'objet de dispositions légales et réglementaires, en vertu de sa position constitutionnelle. Les formations théoriques et pratiques des candidats aux fonctions de pasteur ( præster ), ainsi que la formation continue des pasteurs en poste, sont assurées par le centre de recherche et d'enseignement de l'Église danoise. 198 ( * ) Cet établissement placé sous la tutelle du ministre des cultes, qui lui fixe des objectifs et évalue sa performance, est financé par un fonds d'État spécial ( Fællesfonden ).

Toutefois, l'absence de séparation de l'Église et de l'État est conjuguée avec la protection de la liberté de croyance et de culte assurée par le chapitre VII de la Constitution danoise. Ainsi les citoyens ont-ils le droit de s'unir en communautés ( forene sig i samfund ) pour célébrer leur culte de la façon qui s'accorde avec leurs convictions, pourvu que rien n'y soit enseigné ou entrepris qui contrevienne aux bonnes moeurs et à l'ordre public (art. 67). La dispense de toute contribution personnelle à une confession autre que la sienne est sanctuarisée (art. 68).

Le principe d'égalité est décliné positivement et négativement en matière religieuse. Ainsi, nul ne peut être privé d'accès à la complète jouissance de ses droits civiques et politiques au prétexte de sa foi ( trosbekendelse ) ou de son origine. Réciproquement, nul ne peut invoquer sa foi ou son origine pour se soustraire à l'accomplissement des obligations civiques communes (art. 70).

(2) La reconnaissance des confessions minoritaires

La position des communautés religieuses ( trossamfund ) s'écartant de l'Église danoise est régie par la loi, conformément à l'article 69 de la Constitution. Cela ne signifie pas que tout culte ou toute association à but cultuel doit être au préalable approuvé par l'État. La liberté de religion et la liberté d'association suffisent pour écarter tout régime préventif de ce type.

Néanmoins, pour bénéficier de certains droits, les communautés religieuses doivent avoir été reconnues ( anerkendt ) avant 1970 ou approuvées ( godkendt ) depuis cette date, par décret royal, en tenant compte de leur taille, de leur degré d'organisation et de leur pérennité probable 199 ( * ) . C'est le cas pour que les mariages religieux produisent un effet légal, pour que les prédicateurs étrangers reçoivent un permis de séjour, pour établir des cimetières propres et pour bénéficier d'exemptions fiscales.

Les cultes réformé, catholique et juif avaient déjà fait l'objet d'un privilège partiel dès 1682. Ont été reconnues ensuite différentes Églises protestantes (méthodiste, anglicane, baptiste, nationale suédoise et nationale norvégienne), ainsi que le patriarcat orthodoxe russe avant la fin des années 1950. Les approbations se sont ensuite multipliées tandis que la procédure évoluait. Tout groupe de personnes de nationalité danoise appartenant à une confession particulière peut demander sa reconnaissance en tant que communauté religieuse. Sa demande doit être adressée au ministère des cultes, qui la transmet pour avis à un comité consultatif indépendant et composé d'experts en droit, en théologie, en sociologie et en histoire des religions. La décision finale de reconnaissance appartient au ministère des cultes.

En ce qui concerne l'islam, une mosquée ahmadi a été approuvée en 1974 et le Centre culturel islamique en 1977. Aujourd'hui, le ministre des cultes recense 28 communautés musulmanes approuvées et 38 congrégations connexes ( tilknyttede menigheder ), souvent regroupées autour d'une mosquée. On peut distinguer les milieux turc, arabe, pakistanais, bosniaque, albanais, chiite et ahmadi. 200 ( * ) La formation du personnel religieux est laissée à l'autonomie interne de chaque communauté. 95 % des communautés musulmanes reconnues au Danemark disposent d'un ou plusieurs imams permanents, qui pour les trois quarts d'entre eux viennent de l'étranger, dont tous ceux qui dépendent de la fondation turque.

Exercer au Danemark en tant que prédicateur religieux étranger est soumis à l'obtention d'un permis de séjour particulier, appelé forkyndervisum . L'obtention de ce permis dépend de diverses conditions, vis-à-vis du demandeur principalement, mais également vis-à-vis de la communauté religieuse concernée.

Le demandeur doit avoir des liens avec l'Église nationale danoise ou une communauté religieuse reconnue ou approuvée. Cela peut être démontré à l'aide d'un contrat ou d'une déclaration de la communauté concernée. Il doit également présenter des preuves de sa capacité à exercer ses fonctions dans une communauté religieuse reconnue ou approuvée. Cela vaut pour les prédicateurs, les missionnaires et les membres d'ordres religieux qui doivent tous avoir une qualification ou une formation adéquate pour exercer. Le demandeur doit également fournir une attestation sur l'honneur qu'il respectera la législation danoise, y compris la liberté d'expression et de religion, l'égalité entre les genres et la liberté de l'orientation sexuelle, la non-discrimination et les droits des femmes. Il doit aussi joindre à son formulaire une déclaration sur l'honneur selon laquelle pendant son séjour au Danemark, il n'entreprendra rien qui puisse constituer une menace contre la sécurité publique, l'ordre public, la santé, les bonnes moeurs ou les droits et obligations des autres. Enfin, il doit attester que ni lui ni sa famille ne percevront d'aide publique lors de leur séjour au Danemark.

La communauté religieuse, quant à elle, voit sa taille prise en considération. Le nombre d'étrangers titulaires d'un titre de séjour en tant que prédicateur, missionnaire, nonne ou moine dans une communauté religieuse doit être proportionné à la taille de la communauté. Celle-ci doit signaler autant le nombre de ses membres que celui des prédicateurs, missionnaires, nonnes ou moines qui y exercent.

Les permis de séjour pour exercer en tant que prédicateur sont normalement d'une durée de 7 mois, laquelle peut être prolongée d'un an à la fois, dans une limite de 3 ans. Cette prolongation est toutefois soumise à la réussite d'un examen migratoire (indvandringsprøve) dans les 6 mois suivant l'obtention du titre de séjour initial. Si le prédicateur a compétence pour célébrer des mariages, il a la possibilité d'obtenir un titre de séjour prolongé d'une durée de 2 ans, puis d'une durée de 3 ans et 5 mois et ensuite pour des périodes de 4 ans à chaque fois, sans limitation de durée.

b) Le financement des cultes entre impôt d'église et contrôle des fonds étrangers
(1) Un large financement public de l'Église danoise

Tous les Danois enregistrés comme membres de l'Église nationale, soit encore les trois quarts de la population environ, doivent acquitter l'impôt d'église ( kirkeskat). En sont dispensés les non-membres.

En moyenne 201 ( * ) , l'impôt cultuel représente 0,87 % du revenu imposable, le montant figure sur l'avis d'impôt sur le revenu et est prélevé par ce biais. Il est ensuite reversé à l'Église et réparti entre les caisses communales pour la part locale (lokal kirkeskat) et le fonds commun national pour la part nationale (landskirkeskatten) . En 2017, les membres de l'Église danoise ont versé un total de 6,8 milliards de couronnes danoises (910 millions d'euros) au titre des impôts cultuels, se répartissant entre 80 % dévolus aux caisses locales, soit 5,7 milliards (760 millions d'euros), et 20 % versés au fonds commun national, soit 1,1 milliard (150 millions d'euros) 202 ( * ) .

La taxe d'église versée aux caisses locales est gérée par les conseils paroissiaux locaux, composés d'au moins 5 membres élus et du ou des pasteurs. Elle est utilisée localement dans la paroisse où vivent les membres. Le taux en est fixé par la commune.

À l'inverse, la taxe d'église nationale est collectée dans le fonds commun ( Fællesfonden ) administré par le ministère des cultes. Le budget global du fonds qui sert à couvrir les dépenses communes entre les paroisses est fixé par le ministre des cultes, tout comme le montant de la taxe nationale. Le projet de loi de finances pour 2020 précise que relèvent notamment du fonds commun national une part des salaires ou les dépenses des administrations diocésaines.

Outre cet impôt cultuel, des crédits sont votés chaque année en loi de finances, en particulier pour couvrir en partie les salaires et pensions des pasteurs 203 ( * ) . Ainsi, même s'ils échappent à l'impôt d'église, tous les contribuables danois participent à l'entretien de l'Église nationale indirectement via les subventions accordées sur le budget de l'État en application des dispositions constitutionnelles.

Au total, le budget de l'Église nationale danoise, avec ses trois composantes, s'élevait à 8,658 milliards de couronnes en 2018 (1,16 milliard d'euros), dont 6,649 milliards au titre des caisses locales (890 millions d'euros), 1,175 milliard pour le fonds commun national (160 millions d'euros) et 834 millions de couronnes (111,7 millions d'euros) de subventions étatiques 204 ( * ) .

(2) Une volonté politique forte de limiter les financements étrangers soutenant des tendances religieuses antidémocratiques

La question du financement étranger des communautés religieuses est présente dans la sphère publique et politique danoise depuis quelques années.

Le ministère de l'immigration et de l'intégration a constitué un groupe de travail pour accroître la transparence des dons étrangers aux communautés religieuses, qui a publié son rapport en 2017 205 ( * ) . Le rapport rappelle en introduction qu' « historiquement, un certain nombre d'associations et de confessions religieuses [...] au Danemark se sont développées avec l'inspiration et le soutien de l'étranger [...]. La vie religieuse et culturelle au Danemark est étroitement liée à l'étranger et repose sur une large coopération internationale tant sur le plan des contenus que sur le plan économique. Cependant, cela peut constituer un défi lorsque le soutien provient de pays, d'organisations ou d'individus qui s'opposent à une société démocratique ouverte et libre comme le Danemark, et qui représentent une vision sociale et une vision du monde en conflit direct avec les libertés reconnues dans les sociétés libérales, comme la liberté d'expression, l'égalité générale entre les sexes et les principes démocratiques ».

Le groupe de travail a regretté un manque de transparence concernant les dons étrangers qui ne permet pas de savoir qui finance, qui est financé et à quelle échelle. Il a estimé qu'une ouverture est nécessaire pour donner au public une image plus claire de qui se cache derrière les financements et exerce une influence sur le travail des associations ou des communautés religieuses, et que cela permettrait aussi aux autorités de mieux cibler la polarisation, les tendances antidémocratiques et la radicalisation.

Dans son rapport, quatre solutions possibles sont présentées pour accroitre l'ouverture et la transparence en matière d'aides étrangères :

- le renforcement des exigences comptables pour les communautés religieuses reconnues et approuvées, qui devraient soumettre et publier des comptes chaque année ;

- une obligation comptable générale et la publication des comptes pour toutes les associations au Danemark ;

- une surveillance ciblée et renforcée du soutien étranger aux associations recevant également des soutiens publics (fonds ou locaux) de la part des municipalités ;

- et un travail d'information et de conseil auprès des associations sur les bonnes pratiques en matière d'ouverture des financements.

Le groupe de travail a également été chargé d'évaluer si un système d'approbation et de contrôle des dons étrangers pouvait être introduit, afin de s'assurer que les donateurs étrangers ne soutiennent pas ceux qui luttent contre la démocratie, les libertés fondamentales et les droits de l'homme. Il a ensuite présenté dans son rapport trois modèles possibles de réglementation des dons étrangers :

- fonder la réglementation sur la situation du destinataire des fonds, en interdisant aux associations ou communautés religieuses qui s'opposent ou portent atteinte aux valeurs démocratiques, aux libertés fondamentales et aux droits de l'homme de recevoir une aide étrangère ;

- fonder la réglementation sur la situation de l'expéditeur en interdisant aux associations et communautés religieuses basées au Danemark de recevoir un soutien financier de la part de certains pays, associations, particuliers ... ;

- fonder la réglementation sur les transactions, en mettant en place un système d'agrément pour les associations et communautés religieuses qui reçoivent une aide de l'étranger et qui devront alors requérir une autorisation.

Le groupe de travail remarque cependant que ces trois modèles soulèvent des questions car ils vont à l'encontre de quelques principes fondamentaux comme la liberté d'association, la liberté d'expression ou encore le principe d'égalité et de non-discrimination. Il lui semble qu'il est difficile d'identifier des dispositifs pour empêcher certaines donations à des organisations ou sociétés religieuses, en dehors de la réglementation déjà existante en matière de financement du terrorisme ou de blanchiment d'argent.

Le 13 décembre 2018, à l'occasion d'une question parlementaire au ministre de l'immigration et de l'intégration sur le blocage de transferts d'argent en provenance de l'étranger pour la construction de mosquées 206 ( * ) , le Parlement a voté à une large majorité, tous partis confondus, une motion pour manifester son insatisfaction devant le soutien apporté par divers organisations et régimes étrangers à la construction de lieux de culte et à diverses activités qui portent atteinte aux valeurs fondamentales sur lesquelles repose le Danemark. Le Parlement a demandé qu'un nouveau régime soit mis en place afin d'empêcher les dons étrangers aux communautés confessionnelles ou associations en cas d'atteinte à la démocratie, aux libertés fondamentales et aux droits de l'homme.

En mai 2019, le précédent gouvernement danois, composé d'une alliance de trois partis de centre-droit, a conclu un accord politique avec les populistes portant sur le cadre précis d'une interdiction de certains dons, y compris par l'enregistrement de donateurs - personnes physiques ou morales - sur une liste d'interdiction, si ce soutien économique contribue ou vise à s'opposer ou à porter atteinte à la démocratie, aux libertés fondamentales et aux droits de l'homme. Le gouvernement actuel, en place depuis juin 2019 sous la direction du parti social-démocrate non signataire de l'accord politique du mois de mai, a indiqué qu'il l'approuvait dans les grandes lignes et s'engageait à lui donner une traduction législative : un projet de loi pour lutter contre le « soutien aux éléments antidémocratiques » (antidemokratisk støtte) doit être présenté au Parlement danois au printemps. Un avant-projet est déjà disponible 207 ( * ) . Il indique dans son premier article que le texte s'appliquera aux dons de personnes physiques ou morales qui s'opposent ou portent atteinte aux valeurs démocratiques, aux libertés fondamentales et aux droits de l'homme, quel que soit l'objet affiché du don.

C'est le ministre de l'immigration et de l'intégration qui décidera, sur proposition de la direction de l'immigration, si les personnes physiques ou morales concernées par l'interdiction sont à inscrire sur une liste d'interdiction publique. Le ministère des affaires étrangères sera également consulté, dans la mesure où toute inscription sur une liste d'interdiction pourrait avoir des conséquences en matière diplomatique.

L'inscription sur la liste d'interdiction d'une personne physique ou morale sera valable 4 ans et pourra être prolongée de 4 ans à chaque fois. Elle sera publiée au Journal officiel. La liste publique pourra contenir des informations telles que le nom, le pays de résidence, l'adresse et la date de naissance des personnes physiques ou le nom, le logo, l'adresse et le gestionnaire pour les personnes morales. Une personne physique ou morale inscrite sur la liste pourra demander à la direction de l'immigration de reconsidérer son cas. Cela n'aura pas d'effet suspensif.

Selon la rédaction de l'avant-projet de loi, toute personne recevant un ou plusieurs dons qui, ensemble, représentent une somme dépassant les 10 000 couronnes danoises (DKK - environ 1 338 euros) dans une période de 12 mois consécutifs de la part d'une personne physique ou morale inscrite sur la liste d'interdiction publique sera punie d'une amende. Ces dispositions s'appliqueront uniquement aux dons octroyés à une personne physique ou morale résidente au Danemark, si les dons sont accordés ou utilisés à des fins religieuses ou d'enseignement ou pour d'autres activités de nature à influencer des personnes.

L'avant-projet de loi précise que le montant de l'amende à laquelle s'exposera le destinataire d'un don prohibé sera d'environ 30 % du don reçu, avec cependant un montant minimal fixé à 2 000 DKK (environ 268 euros). Le tableau suivant présente les différents niveaux d'amendes :

Montant du don en DKK
(équivalent en euros)

Montant de l'amende en DKK (équivalent en euros)

< 50 000 DKK (< 6 691 €)

2 000 à 15 000 DKK (268 à 2 007 €)

50 000 à 150 000 DKK (20 074 €)

15 000 à 45 000 DKK (6022 €)

150 000 à 500 000 DKK (66 915 €)

45 000 à 150 000 DKK (20 074 €)

500 000 à 1 500 000 DKK (200 745 €)

150 000 à 450 000 DKK (60 223 €)

1 500 000 à 5 000 000 DKK (669 150 €)

450 000 à 1 500 000 DKK (200 745 €)

> 5 000 000 DKK

> 1 500 000 DKK

Source : Avant-projet de loi, p.55

Ces montants sont indicatifs, les tribunaux ayant toute latitude pour apprécier les circonstances de chaque affaire et définir à la hausse comme à la baisse le niveau de l'amende, en vertu du code pénal.

La personne recevant un don prohibé aura 14 jours pour retourner le don au donateur. À l'expiration de ce délai, dans l'hypothèse où elle n'a pas été reversée à l'expéditeur, la somme devra être transférée sur un compte du ministère de l'immigration et de l'intégration dans les 7 jours. Quiconque ne retourne ni ne transfère les fonds en question sera redevable d'une amende et les dons pourront être confisqués.

L'avant-projet de loi précise que le montant de l'amende à laquelle s'exposera la personne qui n'aura pas restitué un don prohibé sera d'environ 15 % du don reçu, avec cependant un montant minimal fixé à 1 000 DKK (environ 134 euros).

Le tableau suivant présente les différents niveaux d'amendes pour non-restitution ou non-transfert à l'État d'un don prohibé :

Montant du don en DKK
(équivalent en euros)

Montant de l'amende
en DKK (équivalent en euros)

< 50 000 DKK (<6 691 €)

1 000 à 7 500 DKK (134 à 1 004 €)

50 000 à 150 000 DKK (20 074 €)

7 500 à 22 500 DKK (3 011 €)

150 000 à 500 000 DKK (66 915 €)

22 500 à 75 000 DKK (10 037 €)

500 000 à 1 500 000 DKK (200 745 €)

75 000 à 225 000 DKK (30 112 €)

1 500 000 à 5 000 000 DKK (669 150 €)

225 000 à 750 000 DKK (100 372 €)

> 5 000 000 DKK

> 750 000 DKK

Source : Avant-projet de loi, p.59

Tout comme les montants donnés dans le cadre des amendes liées au fait de recevoir un don prohibé, les montants pour la non-restitution d'une somme sont indicatifs, les tribunaux ayant toute latitude pour apprécier les circonstances de chaque affaire et définir à la hausse comme à la baisse le niveau de l'amende, en vertu du code pénal.

Le donateur qui verra son don transféré sur un compte au ministère de l'immigration et de l'intégration pourra, dans les 6 mois à compter de ce transfert, demander sa restitution. Passé ce délai, la somme reviendra au Trésor public.

2. L'ANGLETERRE

a) La liberté de religion sans séparation formelle de l'Église et de l'État

Comme au Danemark, il n'existe pas de séparation formelle entre l'Église et l'État en Angleterre 208 ( * ) . L'Église d'Angleterre (Church of England) demeure une Église établie dont la Reine est le gouverneur suprême (Supreme Governor) .

La Reine détient le titre de « Défenseur de la foi ». Lors de son couronnement, elle a prêté serment de maintenir et préserver inviolablement l'Église d'Angleterre établie comme Église d'État. Sur avis du Premier ministre, la Reine nomme les archevêques, évêques et doyens de l'Église d'Angleterre, qui en retour prêtent serment d'allégeance et rendent hommage à la Reine. Les diacres et prêtres également sont tenus de prêter allégeance. Par ailleurs, 26 évêques siègent à la Chambre des Lords.

Du point de vue spirituel comme matériel, l'Église d'Angleterre est dirigée par 108 évêques et gérée par un synode général élu tous les 5 ans par les laïcs et le clergé de ses 41 diocèses. Le Synode se réunit deux fois par an et peut proposer des mesures législatives sur toute matière concernant l'Église d'Angleterre. Cette proposition est soumise au Parlement, qui peut s'y opposer, et reçoit une approbation royale comme acte du Parlement. 209 ( * ) Le Synode général adopte des règlements ecclésiastiques, qui lient le clergé et les laïcs de l'Église d'Angleterre, et qui sont soumis à la Reine pour promulgation par licence royale sur avis du ministre de l'intérieur. Enfin le Synode général approuve le budget annuel de l'Église d'Angleterre.

À titre de contraste, il convient de mentionner brièvement la situation de l'Église nationale d'Écosse ( Scots Kirk, Church of Scotland ) dont la position et l'indépendance ont été scellées par le Parlement britannique en 1921 après de longues querelles 210 ( * ) . Le souverain britannique n'en est pas le chef mais un membre ordinaire. Il n'exerce pas de pouvoirs de nomination mais jure solennellement de maintenir le protestantisme et l'Église d'Écosse conformément à l'Acte d'Union entre l'Angleterre et l'Écosse de 1707. Il s'agit en effet non d'une église épiscopalienne comme en Angleterre mais d'une église presbytéro-synodale héritière du calvinisme. C'est l'Assemblée générale de l'Église d'Écosse, présidée par un Modérateur élu chaque année parmi les pasteurs les plus renommés, qui en est l'organe central.

Malgré l'intrication symbolique et formelle de l'Église et de l'État en Angleterre, depuis le XIX e siècle et la levée des restrictions sévères à l'exercice du culte catholique héritées de la Révolution de 1688 et de la lutte contre les prétendants Stuart, la liberté de religion est garantie en Angleterre.

La loi du 9 novembre 1998 sur les droits de l'homme 211 ( * ) vise à renforcer les droits et libertés garantis par la Convention européenne des droits de l'homme qui garantit, dans son article 9 relatif à la liberté de pensée, de conscience et de religion, que :

« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.

2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » .

Enfin, la loi sur l'égalité de 2010 212 ( * ) protège les citoyens contre toute forme de discrimination, notamment liée à la religion.

b) L'octroi du statut d'oeuvre de bienfaisance aux institutions religieuses

Il n'existe pas de procédure de reconnaissance des autres cultes même si en cas de litige pour l'application d'une législation, les juges peuvent être amenés in concreto à apprécier si telle conviction ou tel acte revêt un caractère religieux.

Les institutions autres que l'Église d'Angleterre qui poursuivent un objet religieux peuvent obtenir le statut d'oeuvre de bienfaisance (charity) 213 ( * ) . Ce statut est accordé par la Charity Commission for England and Wales . Cette commission agit comme agence publique de régulation. Indépendante des structures ministérielles, elle rend toutefois compte de son activité devant le Parlement.

Le statut de charity est accordé par la commission des oeuvres de bienfaisance aux organisations qui sont établies uniquement à des fins charitables, c'est-à-dire servant l'intérêt général. 214 ( * ) Parmi les objets conformes à la notion de charity évoqués par le législateur figure la promotion de la religion ou de l'harmonie religieuse.

L'exercice de la liberté de culte et le bénéfice de la protection légale contre les discriminations ne dépendent pas de la constitution de ce type d'oeuvres de bienfaisance ou d'associations sans but lucratif. En revanche, le statut de charity ouvre le droit à des avantages fiscaux qui seront détaillés plus loin.

Dans l'Église d'Angleterre elle-même, pourtant Église d'État, chaque conseil paroissial est constitué en Charitable trust propre. La religion catholique, via un fond géré par la Conférence des évêques d'Angleterre et du Pays-de-Galles (Catholic Trust For England And Wales) , est également constituée en charity .

c) La formation des ministres du culte et l'accueil des prédicateurs étrangers

Des départements de théologie sont ouverts dans la plupart des universités britanniques, ou en partenariat avec elles. À titre d'exemple, l'Université d'Oxford, sur le site dédié à son département de théologie, indique qu' « Oxford est un lieu de formation pour le ministère chrétien depuis les origines de l'Université. Aujourd'hui, la Faculté de théologie et de religion poursuit cette longue tradition en offrant deux diplômes en partenariat avec les neuf collèges et Halls d'Oxford qui offrent actuellement une formation pour l'ordination et un ministère élargi dans l'une des dénominations de l'Église chrétienne » 215 ( * ) .

L'Église d'Angleterre précise que les personnes recommandées 216 ( * ) pour suivre une formation pour être ordonnées peuvent choisir entre trois parcours à travers un établissement d'enseignement théologique :

- la formation dans un établissement à temps plein sous forme d'internat, proposée dans 10 établissements partenaires de l'Église d'Angleterre ;

- la formation « apprendre en faisant », qui conjugue formation sans internat et formation en paroisse en parallèle. 9 établissements d'enseignement théologique proposent cette formule ;

- la formation « étudier en travaillant » qui permet un cursus universitaire à mi-temps tout en continuant d'exercer un emploi salarié à temps complet. Ce schéma est proposé par 16 établissements 217 ( * ) .

Les personnes recommandées bénéficient de la prise en charge des frais d'inscription à l'université par leur diocèse et d'une bourse pour leurs frais.

Pour la formation des rabbins, le collège Leo Baeck 218 ( * ) propose une formation en cinq ans destinée à permettre aux étudiants, à l'issue de leur cursus, d'exercer autant à l'étranger qu'au Royaume-Uni. Les programmes sont développés et validés en partenariat avec l'Université Middlesex de Londres.

S'agissant de la formation des imams, une commission présidée par le député Dominic Grieve et mise en place par la charity « Citizens UK » a étudié la place des musulmans au Royaume-Uni. Dans son rapport publié en 2017 219 ( * ) , elle a relevé que les imams avaient un rôle très important à jouer dans la société mais que beaucoup d'entre eux étaient nés et avaient été formés à l'étranger. Pour les commissaires, si cela avait pu être nécessaire pour répondre aux besoins de la première génération d'immigrants, les deuxièmes et troisièmes générations tiraient moins de bénéfices d'un prédicateur qui n'est pas de langue maternelle anglaise et qui n'est donc pas à même d'apprécier ni les subtilités de langage ni parfois les sensibilités culturelles. Le rapport en conclut qu'il est très important que les mosquées privilégient des imams nés britanniques, ayant une bonne compréhension de la culture britannique et parlant couramment anglais par rapport à des alternatives étrangères. Pour atteindre ce but, le rapport recommande que les universités établissent des partenariats avec les séminaires afin que le parcours éducatif des imams comprenne à la fois une qualification éducative et une qualification religieuse.

Les formations théologiques en religion musulmane sont de deux ordres : les institutions musulmanes d'enseignement supérieur et de formation et les formations universitaires. Les deux sont soumises à des critiques, les premières parce que leur formation basée sur la foi ne satisferait pas aux normes de qualité offertes par les universités, les secondes car elles ne seraient pas des formations légitimes aux yeux des musulmans. Pour plus de légitimité, quelques instituts ont conclu des partenariats pour faire valider par une université leur formation d'études islamiques, à l'instar du collège islamique de Londres, partenaire de l'Université Middlesex ou encore l'Institut Al-Mahdi, qui a établi un partenariat avec l'Université de Birmingham : les étudiants en dernière année peuvent valider un master en études islamiques de l'université. 220 ( * )

Les prédicateurs étrangers (hors espace économique européen ou Suisse) souhaitant exercer au Royaume-Uni, doivent être détenteurs d'un visa :

- de court terme de travailleur religieux (religious worker) d'au plus 24 mois ;

- ou de long terme de ministre du culte (minister of religion) pour un séjour qui n'excède pas une limite de 3 ans et 1 mois.

Un visa de court terme s'adresse aux personnes souhaitant effectuer un travail religieux, tel que prêcher ou travailler dans un ordre religieux, qui détiennent un certificat de parrainage établi par l'employeur britannique avec un description du poste occupé, et qui peuvent prouver d'une certaine capacité financière (945 £ d'épargne, soit 1 071 euros, présents sur le compte 90 jours avant la demande de visa). Ce visa ne permet pas de recevoir des fonds publics mais il autorise le demandeur à étudier, à travailler en conformité avec le certificat, à avoir un second emploi d'au plus 20 heures par semaine dans la mesure où il est dans le même secteur que le premier et à emmener sa famille avec lui.

Un visa de long terme s'adresse aux personnes qui se voient offrir un poste dans une communauté religieuse, sous réserve de remplir les critères suivants : être en possession d'une attestation confirmant le travail, prouver ses connaissances en anglais, avoir suffisamment de moyens financiers pour pouvoir subvenir à ses besoins en Angleterre, présenter son historique de voyages au cours des cinq années précédentes et, pour les ressortissants de certains pays, se prêter à un test de dépistage de la tuberculose.

Le demandeur doit démontrer sa capacité à tenir le poste pour lequel le certificat ou attestation le désigne. Pour cela les autorités de délivrance du visa ont toute latitude pour :

- convoquer le candidat à un entretien et refuser l'admission en cas de refus sans explication légitime ;

- demander des informations supplémentaires et des preuves, et refuser l'admission si ces informations ou preuves ne sont pas fournies.

Pour évaluer les compétences du candidat, le service prend notamment en compte la connaissance du poste, toute expérience pertinente en lien avec les connaissances exigées pour le poste, la connaissance de l'employeur britannique, l'explication de la manière dont le candidat a été recruté et toute autre information pertinente 221 ( * ) .

d) Un financement des cultes fondé sur les dons

Il n'existe pas de réglementation générale relative au financement des cultes au Royaume-Uni, ni de financement direct des cultes de la part de l'État.

Les avantages, indirects, dont bénéficient les cultes sont dus à la constitution de charities , qui leur permet 222 ( * ) :

- d'être exemptés des taxes sur les revenus, y compris du capital ;

- de demander le reversement fiscal (gift aid) , par lequel une c harity peut récupérer de l'État le taux de taxation de base payé par les donateurs, soit 25 %. Le montant total reversé en 2011-2012 est de l'ordre d'un milliard de livres, dont 20 % pour les oeuvres religieuses. En général, 10 % du montant total du g ift aid annuel revient à l'Église d'Angleterre ;

- de bénéficier d'une exemption ou d'une réduction de l'impôt sur les biens immobiliers. Un lieu de culte enregistré comme tel bénéficie d'une exemption complète. Les charities obtiennent une réduction de 80 % de cet impôt, les collectivités territoriales ayant toute latitude pour décider de lever ou non les 20 % restants.

La rénovation des lieux de culte permet néanmoins aux institutions religieuses de bénéficier de financements des pouvoirs publics :

- directement, par des subventions. Les collectivités territoriales ( local authority) sont autorisées à réaliser une dépense qui leur paraît servir l'intérêt de ses habitants et leur apportera des bénéfices 223 ( * ) . Cette disposition de portée générale serait, selon un guide publié par l'Église d'Angleterre 224 ( * ) , applicable aux opérations de réparation des lieux de culte, dans la limite des conditions posées par la collectivité locale concernée. Cette aide, dont le montant est fixé annuellement, est limitée à 7,36 £ (environ 8,34 euros) par électeur pour l'année 2018-2019 ;

- indirectement au titre du caractère historique ou patrimonial du monument. Le Planning (Listed Builidings and Conservation Areas) Act 1990 s'applique aux constructions dotées d'un intérêt architectural ou historique spécial. Les lieux de culte peuvent bénéficier de financements de la loterie pour le patrimoine (Heritage Lottery Fund). Le fonds de la loterie pour le patrimoine indique qu'au cours des cinq dernières années, un financement à hauteur de 250 millions de livres (soit environ 283 millions d'euros) a été alloué aux lieux de culte 225 ( * ) .

Les charities sont soumises à des exigences strictes et complexes en matière de transparence. Les informations sont publiques et permettent de visualiser l'argent perçu par chacune. À titre d'exemple, le fonds catholique pour l'Angleterre et le Pays-de-Galles a perçu en 2018 7,7 millions de livres (8,73 millions d'euros) provenant de dons et legs à hauteur de 5,07 millions de livres (5,75 millions d'euros), d'activités commerciales pour un montant de 1,22 million de livres (1,38 million d'euros), d'investissement pour 0,99 million de livres (1,12 million d'euros), d'activités caritatives pour 210 000 livres (240 000 euros) et d'autres sources de revenus pour également 210 000 livres 226 ( * ) .

Les dons en provenance de l'étranger ne sont pas interdits. Toutefois, la commission des oeuvres de bienfaisance attire l'attention des administrateurs des charities sur les financements extérieurs au Royaume-Uni. Elle a publié un guide général pour sécuriser la détention, le transfert et la réception des dons qui indique que si les sources internes de financement sont susceptibles d'être facilement identifiables et vérifiables, tel n'est pas nécessairement le cas des sources de financement provenant de l'étranger :

« Bien que les administrateurs puissent accepter des dons anonymes, ils doivent être en mesure d'identifier et disposer d'assurances en cas de dons substantiels. Exercer toute la diligence requise facilite l'évaluation des risques, garantit qu'il est approprié d'accepter l'argent et donne l'assurance que le don ne provient pas d'une source illégale ou inappropriée. Pour s'acquitter de leur devoir de prudence, les administrateurs doivent veiller à ce qu'un contrôle préalable approprié des donneurs a été effectué et considérer les circonstances particulières entourant les dons de l'étranger [...]. ». 227 ( * )

La commission a préparé une liste des questions à examiner lorsque l'oeuvre de bienfaisance reçoit un don de l'étranger : la vérification et l'enregistrement de la source et de l'origine du don extérieur ont-ils fait l'objet d'assez de prudence et de soin ? Les dons attendus et les paiements reçus concordent-ils ? Les administrateurs sont-ils convaincus qu'aucune condition, explicite ou implicite, contraire aux intérêts de l'oeuvre, n'est attachée à la donation ? A-t-on exercé d'une manière ou une autre une forme de pression pour accepter le don ou pour l'employer d'une certaine façon ? Des intermédiaires sont-ils intervenus ? Toutes les règles de prévention du blanchiment d'argent sont-elles respectées ? Les dons en espèces ont-ils respecté les normes légales et fiscales ? 228 ( * )

Toute oeuvre de bienfaisance est tenue de publier un rapport financier annuel. Depuis l'an dernier, des questions sur les revenus hors Royaume-Uni sont posées aux charities dans le cadre de la déclaration annuelle sur la ventilation des sources de revenus dans chaque pays où un organisme de bienfaisance reçoit des fonds 229 ( * ) . Plusieurs origines de provenance des fonds sont distinguées : gouvernements étrangers ou organes quasi gouvernementaux, oeuvres caritatives ou ONG étrangères, institutions étrangères (à l'instar de donations d'entreprises privées), donateurs individuels résidents à l'étranger, inconnu 230 ( * ) .

L'effort accru de transparence sur les dons étrangers demandé depuis l'an dernier est le fruit de la mission lancée par le gouvernement britannique fin 2015 sur le financement interne et externe des entités prônant une interprétation extrémiste de l'islam. Cependant, la ministre de l'intérieur a estimé que le rapport final ne pouvait en être publié au regard des impératifs de la sécurité nationale. Elle en a toutefois présenté les grandes lignes en répondant à une question écrite de la chambre des Communes en juillet 2017 :

- il existe des preuves que certaines organisations islamistes extrémistes cherchent à éviter tout contrôle ou régulation ;

- la forme la plus courante de soutien aux organisations islamistes extrémistes au Royaume-Uni consiste en de petits dons anonymes dont la majorité provient d'individus résidant au Royaume-Uni ;

- certaines associations islamistes extrémistes se présentent sous la forme de charities pour accroître leur crédibilité et certaines sont volontairement vagues quant à leurs activités et leur statut caritatif ;

- pour un petit nombre d'organisations suspectes d'extrémisme, le financement étranger est une source importante de revenus. Cependant, pour la grande majorité des groupes extrémistes au Royaume-Uni, le financement étranger n'est pas une source significative de revenus ;

- le soutien étranger a permis de fournir de la littérature et des prédicateurs très conservateurs aux mosquées britanniques et d'envoyer des personnes étudier dans des institutions promouvant une forme profondément conservatrice de l'islam. Certaines des personnes ainsi formées sont depuis devenues des sujets d'inquiétude. 231 ( * )


* 1 Corte costituzionale, décision du 24 mars 2016, n° 63.

* 2 Corte costituzionale, décisions du 13 juillet 1984 n° 239 et du 13 juillet 1988 n° 43.

* 3 Corte costituzionale, décision du 18 avril 2005, n° 168 aboutissant à la modification de l'article 403 du code pénal par l'art. 7 de la loi n° 85 du 24 février 2006 sur la réforme des délits d'opinion.

* 4 Corte costituzionale, décision du 18 avril 2005, n° 168

* 5 De 1 000 euros à 5 000 euros pour un outrage à un fidèle et de 2 000 euros à 6 000 euros pour un outrage à un ministre du culte.

* 6 Cassazione penale, arrêt du 13 octobre 2015 n° 41044, à propos d'affiches exposées à Milan figurant le pape et son secrétaire personnel dans un contexte sexuel commenté par une citation de l'évangile.

* 7 De 50 euros à 309 euros.

* 8 Cassazione penale, Sez. Unite, arrêt du 15 juillet 1992, n° 7979.

* 9 Cf. étude de législation comparée n° 262 de janvier 2016 sur la répression du blasphème.

* 10 Corte costituzionale, décision du 18 octobre 1995, n° 440 censurant la mention des symboles et des personnes vénérés par la religion de l'État à l'article 724 du code pénal.

* 11 Ce traité international a été transposé en droit italien par la loi n° 121 du 25 mars 1985.

* 12 Sont aussi garantis l'exercice public du culte, l'exercice du magistère spirituel et la justice ecclésiastique.

* 13 L'Union des églises méthodistes et vaudoises, l'Union des églises adventistes du septième jour, l'Assemblée de Dieu en Italie (pentecôtiste), l'Union des communautés hébraïques italiennes, l'Église évangélique-luthérienne d'Italie, l'Union chrétienne évangélique baptiste d'Italie, l'Archidiocèse orthodoxe - Exarchat pour l'Europe méridionale, l'Église apostolique en Italie (pentecôtiste), l'Union bouddhiste italienne, l'Union hindouiste italienne et l'Institut bouddhiste italien - Soka Gakkai et l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours (mormons).

* 14 Loi du 23 août 1988, n° 400 et décret législatif du 30 juillet 1999 n° 303.

* 15 Presidenza del Consiglio dei Ministri, L'esercizio della libertà religiosa in Italia, juillet 2013, p 18.

* 16 Art. 16, Loi du 20 mai 1985, n° 222 - Beni ecclesiastici e sostentamento del clero. Cette disposition adoptée au bénéfice de l'Église catholique est étendue de droit à l'ensemble des religions bénéficiant d'une entente avec l'État italien.

* 17 Art. 5 al. 2, décret législatif n° 286 du 25 juillet 1998 - Testo unico sulla disciplina dell'immigrazione e sulla condizione dello straniero.

* 18 Annexe A, point 12, décret du ministre des affaires étrangères du 12 juillet 2000 - Definizione delle tipologie dei visti d'ingresso e dei requisiti per il loro ottenimento.

* 19 Art. 29, décret législatif n° 286/1998 précité.

* 20 L'avis du Conseil d'État italien n° 1048 du 15 juillet 2015 a été suivi en la matière par la circulaire du ministre de l'intérieur n° 4621 du 27 août 2015.

* 21 Art. 47-48, loi n° 222/1985 précitée.

* 22 CEDH, Spampinato c. Italie, décision du 9 mars 2007, n° 23123/04.

* 23 Art. 10, décret législatif du 4 décembre 1997, n° 460 - Disciplina tributaria degli enti non commerciali e delle organizzazioni non lucrative di utilità sociale (ONLUS).

* 24 CJUE, Suola Elementare Maria Montessori, 6 novembre 2018 (3 affaires réunies C-622/16 P à C-624/16 P).

* 25 À partir de 2015 grâce aux mesures « Più Dai - Meno Versi » (décret-loi n°35/2005), l'abattement pour les personnes physiques et les entreprises pouvait aller jusqu'à 10 % du revenu dans la limite de 70 000 euros par an.

* 26 Art. 1, décret législatif n°112 du 3 juillet 2017 - Revisione della disciplina in materia di impresa sociale & art. 4, décret législatif n°117 du 3 juillet 2017 - Codice del Terzo settore

* 27 En matière de donations, le nouveau régime prévoit un choix entre une réduction d'impôt sur le revenu (IR) à hauteur de 30 % des montants des dons dans la limite de 30 000 euros ou un abattement de 10 % sur les revenus imposables sans l'ancien plafonnement. Est également prévu un « social bonus » sous la forme d'un crédit d'impôt pour les dons à des ETS récupérant et utilisant à des fins non commerciales des immeubles publics désaffectés ou des biens saisis au crime organisé (Art. 81, décret législatif n°117/2017 précité).

* 28 Décret législatif n°111 du 3 juillet 2017 - Disciplina dell'istituto del cinque per mille dell'imposta sul reddito delle persone fisiche. La réforme est ici essentiellement procédurale.

* 29 Cf. étude LC N°255 d'octobre 2014 sur les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte.

* 30 Titre III, loi n° 222/1985 sur les biens ecclésiastiques précitée.

* 31 Corte costituzionale, décision du 22 janvier 1982, n° 36.

* 32 Corte costituzionale, décision du 30 janvier 2003, n° 42, refus d'une demande de référendum abrogatif sur la loi de 2000 sur la parité en matière d'éducation.

* 33 La loi du 24 juin 1929 n° 1159 et le décret royal du 28 février 1930 n° 289.

* 34 Corte costituzionale, décisions du 19 avril 1993 n° 195 (Abruzzes) et du 8 juillet 2002 n° 346 (Lombardie).

* 35 Corte costituzionale, décision du 24 mars 2016, n° 63.

* 36 Sont aussi prohibées simultanément les discriminations sur le fondement de l'ascendance, du sexe, de la race, de la langue, du territoire d'origine, de l'instruction, de la situation économique, de la condition sociale et de l'orientation sexuelle.

* 37 Les travailleurs portugais ont sans distinction droit au salaire, au repos, à des conditions suffisantes d'hygiène et de sécurité, ainsi qu'à une assistance matérielle en cas de chômage ou d'accident du travail.

* 38 Art. 8, Lei da liberdade religiosa, n°16/2001 du 22 juin 2001.

* 39 Art. 9, Lei da liberdade religiosa.

* 40 Art. 6, Lei da liberdade religiosa.

* 41 Art. 10, 11,13 & 14, Lei da liberdade religiosa.

* 42 Cf. étude LC N°262 (2016) précitée.

* 43 Art. 41 al. 5 et art. 43, Constitution portugaise.

* 44 Art. 19, Concordata entre a República Portuguesa e a Santa Sé du 18 mai 2004 et Art. 24. Lei da liberdade religiosa.

* 45 Art. 41 al. 5 et Constitution portugaise et art. 25, Lei da liberdade religiosa.

* 46 Art. 2 à 5, Lei da liberdade religiosa.

* 47 Art. 22 & 23, Lei da liberdade religiosa.

* 48 Art. 15 à 18, Lei da liberdade religiosa.

* 49 Art. 58, al. 1, Lei n° 23/2007 de entrada, permanência, saída e afastamento de estrangeiros du 4 juillet 2007 et spécifiquement art. 24, lettre d) du décret d'application n° 84/2007 du 5 novembre 2007.

* 50 Art. 33 à 35, Lei da liberdade religiosa.

* 51 Art. 37 et 45, Lei da liberdade religiosa.

* 52 Art. 52 à 57, Lei da liberdade religiosa.

* 53 Il s'agit de la branche principale, dite nizarite, sous l'autorité de l'Aga Khan. Ils sont aussi appelés Khojas en référence à leur origine gujaratie.

* 54 F. Pereira Coutinho, « A Subjetividade Internacional do Imamat Ismaili », in de Melo Cartaxo, Rodríguez Barrigón, Pereira Coutinho, Os Sujeitos Não Estaduais no Direito Internacional, Petrony, 2019, pp 89-108.

* 55 Acordo entre a República Portuguesa e o Imamat Ismaili du 8 mai 2009.

* 56 Acordo entre a República Portuguesa e o Imamat Ismaili - Estabelecimento da sede do Imamat Ismaili em Portugal du 3 juin 2015.

* 57 Art. 31, Lei da liberdade religiosa.

* 58 Art. 32 al. 1 à 3, Lei da liberdade religiosa & art. 63, decreto-lei n°215/89 - Estatuto dos Benefícios Fiscais. Les sommes versées sont réévaluées à 130 % du montant de la donation.

* 59 Art. 32 al. 4 à 10, Lei da liberdade religiosa.

* 60 Art. 27, Concordat du 18 mai 2004.

* 61 Art. 11, Accord du 3 juin 2015.

* 62 S. Wattier, Le financement public des cultes et des organisations philosophiques non confessionnelles, 2016, Bruylant, pp. 734-738.

* 63 Ley Orgánica 7/1980 de Libertad Religiosa, du 5 juillet 1980.

* 64 Art. 2 (2), loi organique de 1980.

* 65 Art. 6, loi organique de 1980.

* 66 Art. 5, loi organique de 1980. En vertu de la première disposition transitoire de ladite loi, les églises qui jouissaient de la personnalité morale avant son entrée en vigueur, continuent d'en bénéficier.

* 67 Art. 7, loi organique de 1980.

* 68 Acuerdo entre el Estado español y la Santa Sede sobre asuntos jurídicos du 3 janvier 1979 (art. I. 1).

* 69 Acuerdo entre el Estado español y la Santa Sede sobre enseñanza y asuntos culturales du 3 janvier 1979 (art. VIII à XIII).

* 70 M. Rodríguez Blanco, « Public Authorities and the Training of Religious Personnel in Spain », in F. Messner (ed.), Public Authorities and the Training of Religious Personnel in Europe, Comares (Granada), 2015.

* 71 A. Torres Gutiérrez, « Limites? En la financiación de las confesiones religiosas en España » Anuario de Derecho Eclesiástico del Estado, vol. XXXV, 2019, pp 47-123.

* 72 Acuerdo entre el Estado español y la Santa Sede sobre asuntos éconómicos du 3 janvier 1979 (art. I).

* 73 Acuerdo sobre asuntos éconómicos du 3 janvier 1979 (art. II).

* 74 S. Wattier, Le financement public des cultes et des organisations philosophiques non confessionnelles, 2016, Bruylant, p 741.

* 75 http://www.transparenciaconferenciaepiscopal.es/convenio.html
L'entente a été renouvelée en 2018.

* 76 Leyes 24/1992, 25/1992, 26/1992 du 10 novembre 1992.

* 77 11 e disposition additionnelle, Ley Orgánica 4/2007 du 12 avril 2007 modifiant la loi organique sur les Universités.

* 78 Art. 41, h), Ley Orgánica 4/2000 sobre derechos y libertades de los extranjeros en España y su integración social du 11 janvier 2000.

* 79 STSJ de Valence, 22 avril 1990, considérant n°5.

* 80 STS, 20 octobre 1997, STS 6194/1997, considérant n°1 et 3.

* 81 STC, 13 mai 1999.

* 82 CEDH, 14 juin 2001, Alujer Fernandez et Caballero Garcia contre Espagne.

* 83 13 e disposition additionnelle, Ley 2/2004 de Presupuestos Generales del Estado du 27 décembre 2004 (Loi de finances pour 2005).

* 84 S. Wattier, Le financement public des cultes et des organisations philosophiques non confessionnelles, 2016, Bruylant, pp 766-773.

* 85 Art. 11, accord approuvé par la loi n° 26/1992.

* 86 http://www.elconfidencial.com/mundo/2015-01-17/quien-paga-las-mezquitas-las-finanzas-del-islam-en-europa_623113/

* 87 Artikel 137 (Weimarer Verfassung)

* 88 Dès 1919 bénéficiaient officiellement de ce statut les Églises réformées, l'Église luthérienne, l'Église catholique, la Communauté juive, l'Église vieille catholique, les Baptistes et les Mennonites.

* 89 http://starweb.hessen.de/cache/hessen/landtag/enquetekommissionverfassung/Hessische%20Verfassung.pdf

* 90 À titre d'exemple, la loi du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie sur la collecte de l'impôt cultuel https://recht.nrw.de/lmi/owa/br_text_anzeigen?v_id=10000000000000000118

* 91 § 10 (1) - 4 de la loi sur l'impôt sur le revenu.

https://www.gesetze-im-internet.de/estg/EStG.pdf

* 92 Le site de l'Église évangélique y voit un avantage pratique : « si l'église devait collecter elle-même ces contributions, elle devrait créer ses propres structures. Cela entraînerait des coûts considérables. Le bureau des impôts, qui possède toutes les données nécessaires et les gère en toute sécurité, est beaucoup plus pratique ». https://www.ekd.de/kirche-und-geld.htm

* 93 https://www.dbk.de/themen/kirche-und-geld/kirchensteuer/

* 94 https://www.ekd.de/ekd_de/ds_doc/Steuerstatistik_Bericht_2018.pdf

* 95 https://www.ekd.de/statistik-kirchensteuer-44297.htm

* 96 https://www.zentralratderjuden.de/service/faq/ « Sind die Juden in Deutschland von den Kirchensteuer befreit ? » On parle pour le judaïsme de Kultussteuer et non de Kirchensteuer.

* 97 https://www.jghh.org/de/gemeinde/kultussteuerordnung

* 98 https://www.jghh.org/de/gemeinde/kultussteuerbeschluss

* 99 https://www.bundestag.de/resource/blob/636978/b6ce2bd2af07b0dd6ecedad1f4e429e6/WD-10-094-18-pdf-data.pdf

* 100 http://www.deutsche-islam-konferenz.de/DIK/DE/DIK/01_UeberDieDIK/01_Aktuelles/12dik2019-moscheesteuer/moscheesteuer-inhalt.html

* 101 https://www.bundestag.de/resource/blob/481524/a5fedeee8656fc1efddece3a38958836/wd-10-040-16-pdf-data.pdf

* 102 https://www.ekd.de/staatsleistungen-53875.htm

* 103 https://www.katholisch.de/artikel/18006-staatsleistungen-an-die-kirchen-wer-zahlt-was

* 104 https://www.gesetze-im-internet.de/zjdvtr/BJNR159800003.html

* 105 https://www.bundestag.de/resource/blob/435466/c47df953b6f5104c98a97c0afc878926/WD-1-021-16-pdf-data.pdf

* 106 http://www.deutsche-islam-konferenz.de/DIK/DE/DIK/01_UeberDieDIK/01_Aktuelles/12dik2019-moscheesteuer/moscheesteuer-inhalt.html

* 107 § 19 Reichskonkordat (RK) du 20 juillet 1933

* 108 § 20 RK de 1933

* 109 § 14 RK de 1933

* 110 M. Pulte « Public Authorities and the Training of Religious Personnel in Europe - The German Perspective », in F. Messner (ed.), Public Authorities and the Training of Religious Personnel in Europe, Comares (Granada), 2015, pp 109-123.

* 111 Les universités Goethe de Francfort, d'Erlangen, de Münster, d'Osnabrück et de Tübingen déjà renommées pour leurs facultés de théologie et de sciences religieuses.

* 112 Aufenthaltsgesetz du 25 février 2008.

* 113 https://www.bundestag.de/resource/blob/568070/03834ff3ca31a457f394be88fce1767a/WD-3-170-18-pdf-data.pdf

* 114 https://www.linksfraktion.de/fileadmin/user_upload/PDF_Dokumente/19-1521_-_DITIB.pdf

* 115 https://www.gesetze-im-internet.de/beschv_2013/BeschV.pdf

* 116 https://www.bmas.de/DE/Service/Gesetze/mantelvo-zur-aenderung-der-beschv-und-der-aufenthv.html

* 117 https://www.bmas.de/SharedDocs/Downloads/DE/PDF-Gesetze/vo-zur-aenderung-der-beschaeftigungsverordnung-bundesrat.pdf?__blob=publicationFile&v=4

* 118 Art. 14, Staatsgrundgesetz über die allgemeinen Rechte der Staatsbürger für die im Reichsrathe vertretenen Königreiche und Länder du 21 décembre 1867.

* 119 Art. 15, Staatsgrundgesetz de 1867.

* 120 Art. I & II, Konkordat zwischen der Republik Österreich und dem Heiligen Stuhl du 5 juin 1933 (ratifié et entré en vigueur le 1 er mai 1934).

* 121 Art. V, Konkordat zwischen der Republik Österreich und dem Heiligen Stuhl du 5 juin 1933 (ratifié et entré en vigueur le 1 er mai 1934).

* 122 Art. 15, Bundesgesetz über äußere Rechtsverhältnisse der Evangelischen Kirche du 6 juillet 1961.

* 123 Gesetz über die Erhebung von Kirchenbeiträgen im Lande Österreich du 28 avril 1939.

* 124 Les vieux-catholiques se séparent de l'Église catholique en refusant les conclusions du concile Vatican I er consacrant le dogme de l'infaillibilité pontificale. Ils sont surtout présents en Autriche et en Allemagne.

* 125 Art. 1 er à 3, Gesetz über die Erhebung von Kirchenbeiträgen im Lande Österreich (Kirchenbeitragsgesetz Ö) du 28 avril 1939.

* 126 Art. II (4), Vertrag zwischen den Heiligen Stuhl und der Republik Österreich zur Regelung von vermögensrechtlichen Beziehungen du 23 juin 1960.

* 127 https://kirchenfinanzierung.katholisch.at/kirchenfinanzen

* 128 https://www.gerecht.at/warum-diese-homepage.html

* 129 http://www.evang-feffernitz.at/index.php/kirchenbeitrag/gemeindeumlage

* 130 Art. 14, Gesetz betreffend die Regelung der äußeren Rechtsverhältnisse der israelitischen Religionsgesellschaft du 21 mars 1890.

* 131 https://www.derstandard.at/story/2000087013142/woher-kommt-das-geld-in-den-kassen-der-religionsgemeinschaften

* 132 Bundesgesetz über die äußeren Rechtsverhältnisse islamischer Religionsgesellschaften - Islamgesetz (Islamgesetz) du 25 février 2015.

* 133 L'alévisme est une branche hétérodoxe importante de l'islam turc rattachée au chiisme et présentant une forte composante mystique. Ses relations avec les autorités turques sont souvent présentées comme difficiles.

* 134 Art. 8 (2), Verfassung der Islamischen Glaubensgemeinschaft in Österreich.

* 135 Art. 8 (3), IGGÖ Verfassung.

* 136 Art. 11, IGGÖ Verfassung. L'exercice de la fonction de mufti est conditionné par la possession d'un diplôme universitaire d'études islamiques.

* 137 Art. 21, Islamgesetz 2015.

* 138 Art. 24 (1), Islamgesetz 2015.

* 139 https://www.oesterreich.gv.at/themen/leben_in_oesterreich/aufenthalt/3/2/Seite.120313.html

* 140 Art. 6 (2), Islamgesetz 2015. L'article 31 al. 4 de la même loi pose cependant une exception au principe énoncé de telle sorte qu'au moment de l'entrée en vigueur de cette loi fédérale, les titulaires de fonctions religieuses en exercice qui seraient financés par des fonds étrangers puissent continuer à exercer leurs fonctions pendant un an à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi fédérale.

* 141 https://www.vfgh.gv.at/medien/VfGH_zu_Imame-Ausweisungen__Beschwerden_abgewiesen.de.php

* 142 C. Sägesser & V. De Coorebyter, Cultes et laïcité en Belgique, CRISP, dossier n° 51, 2000.

* 143 Décret impérial du 30 décembre 1809 concernant les fabriques des églises.

* 144 C. Sägesser, Cultes et laïcité, CRISP, dossier n° 78, 2011, pp 16-17.

* 145 Cela vaut pour les quatre cultes catholique, protestant, juif et anglican initialement visés dans la loi de 1870, les cultes islamique et orthodoxe étant en la matière organisés et financés sur une base provinciale et non communale, leurs budgets et comptes étant soumis au contrôle du ministre de la Justice après avis des députations permanentes des provinces.

* 146 Art. 4, 6°, loi spéciale belge du 13 juillet 2001 portant transfert de diverses compétences aux régions et communautés.

* 147 Art. 2, Accord de coopération du 2 juillet 2008 modifiant l'accord de coopération du 27 mai 2004 entre l'Autorité fédérale, la Communauté germanophone, la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale en ce qui concerne la reconnaissance des cultes, les traitements et pensions des ministres des cultes, les fabriques d'église et les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus.

* 148 Art. 3, Accord de coopération du 2 juillet 2008.

* 149 Besluit van de Vlaamse Regering houdende vaststelling van de criteria voor de erkenning van de plaatselijke kerk- en geloofsgemeenschappen van de erkende erediensten du 30 septembre 2005

* 150 L'arrêté royal du 13 mars 2009 fixant la répartition des places d'assistant paroissial du culte catholique a établi ce nombre de 341.

* 151 https://www.levif.be/actualite/belgique/des-septembre-les-imams-seront-aussi-formes-du-cote-francophone/article-news-1233037.html?cookie_check=1585746564

* 152 Jean-François Husson, Pour une formation des imams en Belgique, Fondation Roi Baudouin, 2006. https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/89986/1/PUB_1580_Formation_imams.pdf

* 153 Il s'agit d'une juridiction administrative indépendante spécialisée en contentieux des décisions individuelles en matière d'accès au territoire, de séjour, d'établissement et d'éloignement des étrangers. Elle a été instituée par la loi belge du 15 septembre 2006 de réforme du Conseil d'État.

* 154 https://2016.ibz.be/category/asile-et-migration/conseil-du-contentieux-des-etrangerslitiges/

* 155 Chambre des représentants, Documents parlementaires, n°54 1352/001, 13 novembre 2015, pp 265-267.

* 156 http://pouvoirs-locaux.brussels/theme/cultes-et-laicite/organisation-et-financement-du-temporel-du-culte

* 157 P.-Y., Jeholet, député wallon (MR), La législation wallonne sur les cultes : état des lieux et pistes de réformes, 17 mai 2016, p 48.

* 158 Le service ordinaire se définit comme « l'ensemble des recettes et des dépenses qui se produisent une fois au moins au cours de chaque exercice financier et qui assurent à la commune des revenus et un fonctionnement réguliers ».

* 159 Rapport au Parlement wallon de 2016 précité, pp 49-50.

* 160 https://www.levif.be/actualite/belgique/le-mr-recommande-la-fin-du-financement-etranger-des-cultes/article-normal-629683.html

* 161 https://www.embnet.be/fr/declaration-commune-les-representants-de-lemb-ont-rencontre-le-premier-ministre

* 162 https://www.koengeens.be/news/2019/03/26/de-meilleures-regles-sur-le-financement-etranger-des-cultes-et-sur-la-transparence-des-as

* 163 https://www.lachambre.be/FLWB/PDF/54/3550/54K3550001.pdf

* 164 https://www.lachambre.be/doc/FLWB/pdf/54/3550/54K3550003.pdf

* 165 https://www.lachambre.be/kvvcr/showpage.cfm?section=flwb&language=fr&cfm=flwbn.cfm?db=FLWB&legislat=54&dossierID=3550

* 166 Cf. W. Boender, « Het Nederlandse `imamopleidingdebat' in historisch perspectief », Tijdschrift voor Religie, Recht en Beleid, Boomjuridisch, 2014 (5) 2, pp 26-48.

* 167 Art. 2 & 3, Wet openbare manifestaties du 20 avril 1988.

* 168 Hoge Raad, Maimonides v. Brucker, 22 janvier 1988. L'école privée juive Maïmonides financée sur fonds publics a pu légitimement refuser l'inscription d'un élève qu'elle ne considérait pas comme juif au regard de son interprétation constante de la Halakha. L'article 23 de la Constitution et l'article 2 du premier protocole de la Convention européenne des droits de l'homme auraient pu donner une base aux parents pour demander à l'État de respecter leur choix d'éducation, mais ces dispositions ne peuvent être invoquées contre une école privée qui peut elle-même invoquer l'article 23 garantissant sa propre liberté d'enseignement.

* 169 W. van der Brug, Het ideal van de neutrale Staat - Inclusieve, exclusieve en compenserende visies op godsdienst en cultuur (Oratie Rotterdam), Boom juridisch, 2009.

* 170 Wet gedeeltelijk verbod gezichtsbedekkende kleding, du 27 juin 2018.

* 171 Ancien art. 147 du code pénal néerlandais. Le blasphème devait être une manifestation de mépris (smalend).

* 172 Le terme néerlandais a une connotation nettement ecclésiale même s'il n'est pas réservé aux confessions chrétiennes.

* 173 Art. 2, livre II, Burgelijk Wetboek (BW). Toutefois, les autres dispositions du code civil relatives aux personnes morales ne leur sont pas applicables, à l'exception du principe d'assimilation des personnes morales aux personnes physiques en matière de droit patrimonial (Art. 5 livre II, BW).

* 174 Art. 5 & 6, Handelsregisterwet du 22 mars 2007.

* 175 Par exemple, dans l'article premier de la loi sur l'intégration de 2006 pour permettre de définir le ministre du culte.

* 176 Wet beëidiging financiële verhouding tussen Staat en Kerk du 7 décembre 1983.

* 177 Sont parties à l'accord financier, après la constitution de fondations pour recevoir les fonds qui ne pourront servir à d'autre fins que l'entretien des personnels religieux qui avaient acquis des droits dans l'ancien régime constitutionnel : la Société baptiste générale, l'Église chrétienne réformée aux Pays-Bas, l'Église évangélique-luthérienne aux Pays-Bas, l'Église réformée aux Pays-Bas, l'Église réformée néerlandaise, l'Église rénovée néerlandaise, la province romaine catholique des Pays-Bas, la Fraternité des remontrants, l'Église vieille-catholique des Pays-Bas, la Communauté israélite néerlandaise, la Communauté israélite portugaise, l'Alliance des juifs libéraux des Pays-Bas. Toutes ces confessions sont organisées en kerkgenootschappen au sens du code civil néerlandais.

* 178 Rooms-Katholiek Kerkgenootschap in Nederland, Cijfers - Kerkbalans 2017, pp 3-5.

* 179 Art. 32 & 33, Successiewet du 28 juin 1956 ; Sect. 6.9, art. 6.32 à 6.40, Wet inkomstenbelasting 2001 du 11 mai 2000 ; Art. 16, Wet op de vennootschapsbelasting 1969 du 8 octobre 1969. Dans le cas des sociétés, en principe, la déduction se fait dans la limite d'un double plafond de 50 % des bénéfices et de 100 000 euros.

* 180 ARRvS, 19 décembre 1996, AB1997, 414.

* 181 ARRvS 18 décembre 1986, AB 1987, 206 ; ARRvS 1 er août 1983, AB 1984, 532.

* 182 Regioplan, Evaluatie Islam- en Imamopleidingen in Nederland, décembre 2012. Cf. étude LC 285, La formation des ministres du culte, juillet 2018.

* 183 Adviescommissie voor Vremdelingenzaken, Toelating en verblijf voor religieuse doeleinden, juillet 2005, pp 58-60.

* 184 Adviescommissie De Ruiter, Imams in Nederland: wie leidt ze op?, rapport, décembre 2003, p 7.

* 185 CEDH, 14 décembre 1999, Sérif c/Grèce ; 26 octobre 2000, Hasan & Chaush ; 13 décembre 2001, Église métropolite de Bessarabie c/Moldavie.

* 186 L'examen se déroule dans une ambassade ou un consulat néerlandais. Les frais d'inscription s'élèvent à 150 euros en 2020.

https://secure.cdn.vellance.com/naarnederland/website/brochure/Frans.pdf

* 187 Vreemdelingen circulaire 2000, B1, 4.7 (dernière version en vigueur au 25 février 2020).

* 188 En 2020, les frais administratifs s'élèvent à 290 euros.

* 189 Immigratie- en Naturalisatiedienst (IND)

* 190 Uitvoeringsinstituut Werknemersverzekeringen - UWV. Il s'agit d'un acteur essentiel des politiques sociales néerlandaises qui a reçu du législateur la mission générale d'appliquer les différentes lois de protection sociale des salariés.

* 191 Wet arbeid vreemdelingen du 21 décembre 1994 (dernière version en vigueur depuis le 1 er janvier 2018) ; Regeling uitvoering Wet arbeid vreemdelingen du 17 mars 2014

* 192 Vreemdelingen circulaire 2000, B5, 2.3.

* 193 Les moines cloîtrés et les missionnaires sont également exemptés mais doivent remplir quelques conditions spéciales supplémentaires notamment en lien avec l'accomplissement du voeu de pauvreté.

* 194 Art. 3 & 7, Wet inburgering du 30 novembre 2006 (dernière version en vigueur au 1 er janvier 2020) ; Regeling inburgering du 6 décembre 2006.

* 195 Brief van de Minister van Sociale Zaken en Werkgelegenheid aan de Voorzitter van de Tweede Kamer der Staten Generaal, 29 614 Nr. 108 (2018-2019), 11 février 2019.

* 196 Conceptwetvoorstel Transparantie maatschappelijke organisatie, 21 décembre 2018.

* 197 Parlementaire ondervragingscommissie Ongewenste beïnvloeding uit onvrije landen (2019-2020) : https://www.tweedekamer.nl/kamerleden_en_commissies/commissies/pocob

* 198 Lov om folkerkirkens institutioner til uddanelse og efteruddannelse af præster du 16 mai 1990 & Bekendtgørelse om Folkekirkens Uddannelses- og Videnscenter, décret du 10 janvier 2018.

* 199 Ægteskabloven (loi sur le mariage) du 4 juin 1969

* 200 L. Kühle, « De godkendte muslimske trossamfund - og de nye tendenser », Religion i Danmark 2017, Århus, pp 7-32.

* 201 Le taux le plus bas est 0,41 % dans la municipalité de Gentofte, le plus élevé étant de 1,30 % dans la commune de Læsø.

* 202 https://www.folkekirken.dk/om-folkekirken/oekonomi/kirkeskat

* 203 § 22, Folkekirken et § 36, Pensionsvæsenet.

https://www.ft.dk/ripdf/samling/20191/lovforslag/l1/20191_l1_som_fremsat.pdf

* 204 https://www.km.dk/folkekirken/oekonomi/oekonomiske-oversigter-samlet/

* 205 https://www.regeringen.dk/media/3735/aabenhed-om-udenlandske-donationer-til-trossamfund-og-religioese-foreninger-1.pdf

* 206 https://www.ft.dk/samling/20181/forespoergsel/f3/index.htm

* 207 https://www.ft.dk/samling/20191/almdel/uui/bilag/74/2156587.pdf

* 208 On reviendra très brièvement sur la situation différente de l'Écosse. L'Église d'Irlande et l'Église du Pays de Galles se sont séparées de l'Église d'Angleterre en 1869 et en 1920 mais demeurent dans la communion anglicane sans être Églises d'État.

* 209 Church of England Assembly (Powers) Act 1919.

* 210 Church of Scotland Act 1921.

* 211 Human Rights Act 1998 (UK) http://www.legislation.gov.uk/ukpga/1998/42/contents

* 212 Equality Act 2010 (UK) http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2010/15/contents

* 213 Sect. 3, Charities Act 2011 (UK).

* 214 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/637648/CC4.pdf

* 215 https://www.theology.ox.ac.uk/graduate-study

* 216 Les personnes intéressées par l'ordination doivent au préalable en parler avec un représentant de leur paroisse, qui travaillera avec eux pour élaborer et finaliser le projet. Celui-ci sera envoyé à un panel de sélection via l'évêque, qui recommandera ou non à l'évêque la suite du parcours d'ordination.

* 217 https://www.churchofengland.org/life-events/vocations/preparing-ordained-ministry/your-pathway

* 218 https://lbc.ac.uk/study-with-us/awards-programmes/rabbinic-programme/

* 219 https://www.barrowcadbury.org.uk/wp-content/uploads/2017/07/Missing_Muslims_Report_-full-report.pdf

* 220 J. Shah, « Assessing Muslim Higher Education and Training Institutions (METIs) and Islamic Studies Provision in Universities in Britain: An Analysis of Training Provision for Muslim Religious Leadership after 9/11 ». Religions 2019, 10, 623.

* 221 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/836921/2019.06.05_-_MAAP_guidance_FINAL1.pdf

* 222 F. Messner (ed.), Public funding of religions in Europe, Routledge, 2014

* 223 Sect. 137, Local Government Act 1972.

* 224 https://www.churchofengland.org/sites/default/files/2019-02/CCB_Local-Authority-Investment-in-Church-Buildings-Guidance.pdf

* 225 https://www.heritagefund.org.uk/our-work/places-worship

* 226 https://beta.charitycommission.gov.uk/charity-details/?subid=0&regid=1097482

* 227 Charity Commission for England and Wales, Holding, moving and receiving funds safely in the UK and internationally, 2011 (2016). p.16-17

* 228 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/571773/Chapter4_Tool2.pdf

* 229 Auparavant les revenus issus de dons étaient répertoriés sans distinction entre ceux provenant de sources britanniques et ceux provenant de sources étrangères

* 230 https://www.gov.uk/government/news/charity-annual-return-2018

* 231 https://www.parliament.uk/business/publications/written-questions-answers-statements/written-statement/Commons/2017-07-12/HCWS39/

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