NOTE DE SYNTHESE

Après le Danemark qui, en 1984, se dota d'un dispositif complet de traitement du surendettement des particuliers, la France fut le deuxième pays européen à adopter des mesures similaires, avec la loi du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles, modifiée en 1995.

La législation actuellement en vigueur dans notre pays permet au consommateur en difficulté de saisir la commission départementale de surendettement. Celle-ci tente alors d'élaborer un plan conventionnel de redressement satisfaisant pour le débiteur et pour ses principaux créanciers. En cas d'échec de la négociation, elle propose des plans de remboursement (report ou rééchelonnement du paiement des dettes, réduction du taux d'intérêt...). Il s'agit de simples recommandations, auxquelles seul le juge peut conférer force obligatoire.

Une réforme de ce texte est envisagée. Elle devrait :

- porter de 5 à 8 ans la durée maximale des plans de remboursement ;

- laisser aux personnes surendettées un montant minimal de ressources ;

- instaurer un moratoire de 3 ans lorsque l'absence de ressources empêche l'élaboration d'un plan ;

- au terme de ce moratoire, permettre l'effacement des dettes du débiteur dans les cas extrêmes.

Pour apprécier la portée de ces propositions, il a semblé nécessaire d'analyser les principales législations étrangères correspondantes, en vigueur ou en préparation.

Les pays européens suivants ont été retenus : Allemagne , Angleterre et Pays de Galles , Belgique , Danemark , Pays-Bas et Suisse . On a également étudié la législation fédérale américaine ainsi que la loi québécoise .

Tous ces pays disposent en effet, sous des appellations et selon des modalités différentes, de procédures de traitement du surendettement des particuliers, ou sont sur le point d'en adopter.

Comme la loi française, les lois allemande, danoise et québécoise, ainsi que les projets belge et néerlandais, donnent aux consommateurs surendettés la possibilité d'échelonner le remboursement de tout ou partie de leurs dettes. En revanche, la loi suisse se contente d'organiser la faillite civile, c'est-à-dire la liquidation du patrimoine du débiteur pour satisfaire les créanciers. Quant aux droits anglais et américain, ils autorisent non seulement la faillite des particuliers, mais comportent aussi des procédures d'apurement progressif des dettes.

L'examen des législations étrangères fait apparaître que :

- la durée des plans de remboursement ne dépasse pas 7 ans, sauf au Québec où elle est illimitée ;

- les lois allemande et québécoise, ainsi que les projets belge et néerlandais définissent le revenu minimal laissé au débiteur pendant le plan ;

- aucune législation ne prévoit explicitement de moratoire lorsque les revenus ne permettent pas l'élaboration d'un plan ;

- sauf au Québec et en Suisse, le débiteur peut obtenir, automatiquement ou sur demande, l'effacement des dettes résiduelles à l'issue de la procédure.

1) A l'exception du Québec, qui ne prévoit pas de limite, aucun pays ne fixe à plus de 7 ans la durée des plans de remboursement

a) L'absence de limite de durée dans la législation québécoise

La loi québécoise sur le " dépôt volontaire " permet aux particuliers endettés de rembourser leurs dettes par l'intermédiaire du greffe de la Cour du Québec. Ils lui remettent en effet chaque mois la partie saisissable de leurs revenus, et les créanciers sont ainsi remboursés progressivement. La loi ne fixe aucune limite de durée à cette procédure.

b) Des plans de remboursement d'une durée généralement comprise entre 3 et 5 ans dans tous les autres pays

La procédure anglaise du " placement sous administration " , ouverte aux seules personnes dont l'endettement ne dépasse pas 50.000 francs, est comparable à celle du " dépôt volontaire " québécois. Elle prévoit en effet la remise à intervalles réguliers d'une certaine somme par le débiteur au tribunal afin que celui-ci puisse rembourser les créanciers. La loi ne prévoit aucune limite de durée. Cependant, le plus souvent, le plan de remboursement arrêté par le tribunal s'étale sur 3 ans .

La loi américaine permet à une personne physique qui dispose d'un revenu régulier de rembourser ses dettes sur ses revenus futurs, conformément à un plan approuvé par le tribunal dont la durée ne peut dépasser 5 ans .

Le projet de loi néerlandais prévoit que la durée des plans d'assainissement des dettes varie entre 3 et 5 ans , en fonction de l'importance des revenus laissés à la disposition de l'intéressé.

Au Danemark , la loi ne comporte aucune indication de durée, mais les tribunaux estiment que la normalisation de la situation financière des débiteurs doit être réalisée à moyen terme et que la durée des plans d'apurement ne doit pas excéder 5 ans .

Le projet de loi belge tend à introduire des plans de règlement judiciaire d'une durée comprise entre 3 et 7 ans .

La loi allemande prévoit une période de 7 ans au cours de laquelle le débiteur cède ses revenus saisissables afin qu'ils soient répartis entre les créanciers. Cependant, cette longue période doit être scindée en deux : pendant les 4 premières années, le débiteur remet la totalité de ses revenus saisissables, tandis que, pendant les 3 années suivantes, la somme laissée à sa disposition augmente progressivement.

2) Les lois allemande et québécoise, ainsi que les projets belge et néerlandais définissent le revenu minimum dont dispose le débiteur pendant le plan

Dans les lois allemande et québécoise, comme dans le projet belge, le revenu minimum laissé à la disposition du débiteur est défini en fonction de la fraction saisissable du revenu. Dans le projet de loi néerlandais, il est défini par rapport au minimum social.

En revanche, les autres textes ne définissent pas expressément les ressources minimales du débiteur pendant le plan de remboursement. Les lois danoise, suisse et américaine se réfèrent à ce qui est " nécessaire " à la subsistance du débiteur et de sa famille. Quant à la loi anglaise, elle laisse au tribunal le soin d'apprécier en fonction des circonstances.

3) Aucune des législations étudiées ne prévoit explicitement la possibilité d'un moratoire lorsque les revenus sont insuffisants pour permettre l'élaboration d'un plan

Cependant, les législations anglaise et danoise comportent des clauses comparables. En effet, l'ordonnance de " placement sous administration " du juge anglais peut, dans certains cas, se traduire par le versement par le débiteur d'une somme purement symbolique, de l'ordre de 10 francs par semaine. De même, la loi danoise permet au juge d'accorder purement et simplement la suppression des dettes lorsque ni les revenus futurs de l'intéressé ni son patrimoine ne permettent d'établir un vrai plan de remboursement.

Par ailleurs, le projet de loi néerlandais dispose que le juge peut inclure dans le plan d'assainissement toutes mesures qui, compte tenu des circonstances, lui paraissent " raisonnables et équitables ".

4) A l'issue de la procédure, le débiteur peut obtenir, automatiquement ou sur demande, l'effacement des dettes résiduelles dans tous les pays sauf au Québec et en Suisse

a) La libération automatique en Angleterre et au Pays de Galles, au Danemark et aux Etats-Unis

Conformément à la logique anglo-saxonne du " nouveau départ ", les textes anglais et américain prévoient la libération inconditionnelle du débiteur à l'issue de la procédure, qu'il ait opté pour la faillite ou pour le rééchelonnement de sa dette.

De même, le débiteur danois est, indépendamment du respect des obligations posées par le plan de remboursement, libéré de ses dettes résiduelles.

b) La libération conditionnelle en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas

En Allemagne, le débiteur peut être libéré des dettes restant dues à l'issue du plan de remboursement, à condition d'avoir demandé le bénéfice de cette disposition dès l'ouverture de la procédure. Le consentement des créanciers n'est pas requis, mais le tribunal ne prononce la libération que si le débiteur s'est acquitté de toutes ses obligations pendant la période de 7 ans. Or celles-ci sont assez strictes : le débiteur a notamment l'obligation d'" exercer une activité professionnelle appropriée " et de " ne refuser aucune activité acceptable ".

De la même façon, les projets belge et néerlandais prévoient que le tribunal puisse, en fonction des efforts et de la bonne foi du débiteur, décider de le libérer de ses dettes subsistantes.

c) L'absence de libération au Québec et en Suisse

Au Québec, la procédure du " dépôt volontaire " suppose le paiement de la totalité des dettes.

En Suisse, après clôture de la faillite, le débiteur n'est pas libéré de ses obligations envers les créanciers : ceux-ci peuvent le poursuivre pendant 20 ans.

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Des quatre mesures envisagées, allongement de 5 à 8 ans de la durée des plans de remboursement, définition d'un montant minimal de ressources pendant le plan, instauration d'un moratoire, effacement des dettes résiduelles, c'est la troisième qui est la plus originale, car toutes les autres existent déjà dans l'un ou l'autre des pays étudiés.

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