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ÉTUDE D'IMPACT

PROJET DE LOI

PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS D'ADAPTATION AU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

NOR : ECOM1935457L/Bleue-3

17 juin 2020

TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES MATIÈRES 3

INTRODUCTION GÉNÉRALE 5

TABLEAU DES INDICATEURS D'IMPACTS 10

TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS 12

TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION 15

CHAPITRE I ER - DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS 18

Article 1 er - Dispositions relatives aux contrats de vente de biens et de fourniture de contenus ou de services numériques - Transposition des directives 2019/770 et 2019/771 18

Article 2 - Adaptation des règles de protection des consommateurs - Transposition de la directive 2019/2161 28

Articles 3 et 4 - Dispositions visant à contrer le blocage géographique injustifié et d'autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d'établissement des clients dans le marché intérieur - Mise en conformité / règlement 2018/302 - Géoblocage 37

Article 5 - Dispositions renforçant la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs - Mise en conformité avec le règlement 2017/2394 46

CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À LA SURVEILLANCE DU MARCHÉ ET À LA CONFORMITÉ DES PRODUITS 56

Article 6 - Adaptation du code de la consommation avec les dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 sur la surveillance de marché 56

CHAPITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LES PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES ET POUR L'ÉQUITÉ ET LA TRANSPARENCE DANS LES RELATIONS INTERENTREPRISES 61

Article 7 - Habilitation pour transposer la directive 2019/633 PCD et le règlement 2019/1150 PtoB 61

CHAPITRE IV - DISPOSITIONS EN MATIÈRE DE FISCALITÉ ET DE RÉGLEMENTATION DOUANIÈRE 74

Article 8 - Adaptation au règlement 2015/1525 relatif à l'assistance mutuelle entre les autorités des Etats membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d'assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole 74

Article 9 - Adaptation au règlement 2018/273 relatif au secteur viticole 84

Article 10 - Adaptation au règlement 952/2013 (CDU) 89

Article 11- Adaptation au règlement (UE) 2018/1672 (cash control) 95

CHAPITRE V - DISPOSITIONS EN MATIÈRE FINANCIÈRE 107

Article 12 - Transposition de la directive (UE) 2019/2162 du Parlement européen et du Conseil concernant l'émission des obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties, dite « covered bonds » 107

Article 13 - Dispositions visant à transposer la directive (UE) 2019/2034 concernant la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement 117

Article 14 - Transposition de la directive (UE) 2019/1160 concernant la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif, dite « cross border » 125

Article 15 - Clarification des termes de l'habilitation portant transposition du paquet bancaire 130

Article 16 - Rétablissement de la nullité de clauses interdisant la cession de créance 133

CHAPITRE VI - DISPOSITIONS AMÉLIORANT LE FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ INTÉRIEUR 142

Article 17 - Obligations de transparence en matière d'aide d'Etat 142

Article 18 - Mise en conformité règlement RZUE 153

Article 19 - Législation sur la santé animale : règlement (UE) 2016/429 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 160

Article 20 - Stocks pétroliers 166

CHAPITRE VII - DISPOSITIONS RELATIVES À LA PRÉVENTION DE L'UTILISATION DU SYSTÈME FINANCIER AUX FINS DU BLANCHIMENT DE CAPITAUX OU DE FINANCEMENT DU TERRORISME 173

Article 21 - Dispositions visant à transposer la directive (UE) 2019/1153 du 20 juin 2019 fixant les règles facilitant l'utilisation d'informations financières et d'une autre nature aux fins de la prévention ou de la détection de certaines infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière 173

CHAPITRE VII BIS - AUTRES DISPOSITIONS 177

Article 22 - Paquet médicaments : règlement (UE) 2019/4 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 / règlement (UE) 2019/5 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 / règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 177

Article 23 I - 1°- Habilitation Tunnel sous la Manche 182

Article 23 I - 2°- Habilitation transferts de matériels spatiaux et de guerre 186

Article 23 I - 3° et 4° - Dispositions relatives à la sécurisation de l'exécution des contrats d'assurance, aux placements collectifs et aux plans d'épargne en actions 193

Article 23 II - Habilitation pour prendre toute autre mesure nécessaire au traitement de la situation des ressortissants britanniques résidant en France ou y exerçant une activité, des personnes morales établies au Royaume-Uni ou de droit britannique et exerçant une activité en France et des personnes morales établies en France et dont tout ou partie du capital social ou des droits de vote est détenu par une personne établie au Royaume-Uni 198

CHAPITRE VIII - DISPOSITIONS RELATIVES À LA GESTION DU FONDS EUROPÉEN AGRICOLE POUR LE DÉVELOPPEMENT RURAL 203

Article 24 - Prorogation des règles applicables à la gestion du FEADER pendant la période de transition avec la prochaine programmation et poursuite, au titre de la programmation suivante, du transfert de l'autorité de gestion du FEADER aux régions 203

CHAPITRE IX - DISPOSITIONS EN MATIÈRE DE CONCURRENCE 212

Article 25 - Habilitation pour mettre le droit national en conformité avec les règles européennes de la concurrence et de modifier le livre IV du code de commerce pour simplifier les procédures devant l'Autorité de la concurrence et en accroître l'efficacité 212

INTRODUCTION GÉNÉRALE

La présente étude d'impact accompagne le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière qui vise à transposer plusieurs directives et à mettre en conformité le droit national avec divers textes de l'Union européenne, déjà applicables ou dont la mise en application intervient en 2020 ou 2021, portant sur des dispositions diverses - en matière de protection des consommateurs, de transparence dans les relations interentreprises, de règlementation financière, douanière, de concurrence, de génétique et de santé animales - et poursuivant un objectif commun d'amélioration du fonctionnement du marché intérieur.

Le projet de loi adapte directement le droit national à huit règlements et deux directives. Compte tenu de la technicité des règlementations en cause, le Gouvernement demande au Parlement national l'autorisation de légiférer par ordonnance pour transposer huit directives ou mettre en conformité le droit interne avec six règlements.

Une habilitation à légiférer est demandée pour mettre en oeuvre les récentes modifications de la législation de l'Union européenne qui ont clarifié, modernisé et adapté à la réalité de l'économie numérique, les règles de protection des consommateurs afin de garantir un niveau de sécurité élevé tant dans la phase précontractuelle que dans l'exécution du contrat.

Issue du paquet « Nouvelle donne pour le consommateur » et modifiant quatre directives anciennes, la directive (UE) 2019/2161 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 en ce qui concerne une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs renforce les informations précontractuelles, la transparence sur les places de marché en ligne et le droit de rétractation.

Participant à la mise en oeuvre du premier pilier de la stratégie numérique de l'Union européenne dont l'objectif est l'amélioration de l'accès des consommateurs et des entreprises aux biens et services numériques, les directives (UE) 2019/770 et (UE) 2019/771 du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2019 encadrent désormais les contrats de fourniture de contenu numérique et les contrats de vente en ligne ou toute autre vente à distance de biens et prévoient la mise en place d'un régime de garantie légale de conformité.

Le projet de loi comporte également une demande d'habilitation pour intégrer dans le droit interne les obligations issues de deux textes européens règlementant les relations interentreprises : la directive 2019/633 relative aux pratiques commerciales déloyales (dit « PCD ») et le règlement 2019/1150 portant sur les services d'intermédiation en ligne (dit « PtoB »). L'intégration de ces dispositions dans le droit national, qui prévoit déjà un niveau de protection élevé en matière de pratiques commerciales déloyales, conduira à modifier le titre IV du livre IV du code de commerce.

Le projet de loi complète la mise en oeuvre du règlement Géoblocage (applicable depuis le 3 décembre 2018) en créant un régime de sanctions administratives, ainsi que des habilitations pour les agents de la DGCCRF à en contrôler l'application dans les échanges transfrontières. Il prévoit également des mesures visant à lutter contre le géoblocage injustifié susceptible d'affecter les consommateurs au niveau national, en particulier ceux situés outre-mer.

Le projet de loi comporte également les dispositions d'adaptation du code de la consommation au règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs et du règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché.

Les habilitations à légiférer demandées en matière financière permettront de transposer une série de directives récemment adoptées participant à la mise en place de l'Union des marchés de capitaux.

Ces directives procèdent à une harmonisation minimale des règles relatives aux obligations garanties afin de promouvoir ce type d'actif, au secteur des entreprises d'investissement, à la commercialisation transfrontalière des organismes de placement collectif en valeurs mobilières et aux fonds d'investissement alternatifs dans l'Union européenne.

Le projet de loi complète par ailleurs le champ de l'habilitation prévue par l'article 200 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises en ajoutant la mention de la référence des deux directives européennes désormais publiées au JOUE (2019/878 sur les holdings et 2019/879 sur la recapitalisation des établissements de crédits).

Il rétablit dans le code de commerce une disposition portant sur la nullité de clauses interdisant la cession de créances.

Les normes qui sont mises en oeuvre par les Etats membres pour prévenir, détecter et lutter contre les maladies animales ainsi que pour favoriser la production d'animaux des espèces bovine, porcine, ovine, caprine et équine dotés de qualités génétiques particulières, contribuent à la protection des exploitants agricoles et des autres professionnels du secteur contre les risques économiques que représentent ces maladies, mais sont également susceptibles, par leur hétérogénéité, de créer des entraves techniques aux échanges et à l'entrée dans l'Union des animaux, notamment des reproducteurs et de leurs produits germinaux. Une habilitation à légiférer est également demandée pour procéder à la mise en conformité de la législation nationale existante.

Le projet de loi procède à l'adaptation des législations nationales en matière douanière avec la réglementation européenne, afin de lutter efficacement contre les fraudes aux intérêts financiers de l'Union européenne en matière douanière et agricole, contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en mettant en oeuvre les nouvelles règles européennes relatives aux mouvements d'argent liquide en provenance ou à destination des pays tiers, mais également pour parfaire l'organisation commune du marché du vin et ouvrir l'activité de représentation en douane à toute personne afin d'accomplir pour autrui les formalités prévues par la législation douanière.

Il permet par ailleurs aux administrations fiscales de transmettre à la Commission européenne, pour publication, les données fiscales qui concernent les aides d'Etat dont le montant est supérieur ou égal au seuil applicable afin que le droit national ne fasse pas obstacle au respect des exigences de transparence posées par les règlements d'exemption ou attendues par la Commission dans le cadre de son pouvoir d'appréciation de la compatibilité des aides et renforcées par la communication de la Commission européenne du 27 juin 2014 (2014/C198/02).

Il supprime par ailleurs la qualité d'entité centrale de stockage (ECS) attribuée à la SAGESS lors de la mise en oeuvre d'une option pour la transposition de la directive 2009/110/CE concernant les stocks de produits pétroliers.

Le projet de loi comporte également une demande d'habilitation pour intégrer dans le droit interne certaines dispositions de la directive (UE) n°2019/1153 du 20 juin 2019 fixant les règles facilitant l'utilisation d'informations financières et d'une autre nature aux fins de la prévention ou de la détection de certaines infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière. L'intégration de ces dispositions dans le droit national conduira notamment à modifier le chapitre Ier du titre VI du livre V du code monétaire et financier.

Il comporte aussi une habilitation à adopter par ordonnance les mesures nécessaires pour procéder à la mise en conformité de la législation nationale existante avec le règlement (UE) 2019/4 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 concernant la fabrication, la mise sur le marché et l'utilisation d'aliments médicamenteux pour animaux, modifiant le règlement (CE) n 183/2005 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/167/CEE du Conseil, le règlement (UE) 2019/5 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 modifiant le règlement (CE) 726/2004 établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments, le règlement (CE) n°1901/2006 relatif aux médicaments à usage pédiatrique et la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain et le règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive 2001/82/CE, ainsi que des actes délégués et d'exécution qu'ils prévoient.

De plus, le projet de loi vise, dans le contexte du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, à permettre au Gouvernement d'adopter par ordonnance, diverses mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour tirer les conséquences de la fin de la période de transition prévue à l'article 126 de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique.

Ces mesures portent d'abord sur la désignation de l'autorité nationale de sécurité au sens de la directive (UE) 2016/798 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à la sécurité ferroviaire pour la partie de la concession du tunnel sous la Manche située en territoire français.

Elles visent, ensuite, à assurer la poursuite, par les bénéficiaires de licences et d'autorisations de transfert de produits et matériels à destination du Royaume-Uni, délivrées en application des articles L. 2335-10 et L. 2335-18 du code de la défense avant la fin de la période de transition mentionnée au premier alinéa, des prospections et négociations engagées et de la fourniture de ces produits et matériels jusqu'à l'expiration du terme fixé par ces licences et autorisations ;

Certaines mesures en matière de services financiers pourraient aussi s'avérer nécessaires pour sécuriser les conditions d'exécution des contrats d'assurance conclus avec des organismes établis au Royaume-Uni avant la fin de la période de transition, assurer la continuité des pouvoirs de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution vis-à-vis des entreprises ayant perdu ces agréments et introduire des règles adaptées pour la gestion de placements collectifs et pour les plans d'épargne en actions dont l'actif ou l'emploi respecte des ratios ou règles d'investissement dans des entités européennes.

Le projet de loi vise également, d'une part, à permettre, pour le FEADER qui pourrait faire l'objet d'une ou plusieurs années de transition sur le format de l'exercice 2014-2020 d'assurer l'application des règles mises en place à compter de 2014 (application des dispositions de l'article 78 de la loi MAPTAM) pendant cette transition, et, d'autre part, à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions relatives à la gestion du FEADER de façon à clarifier la répartition des responsabilités entre l'Etat et les régions dans la gestion de ce fonds et ainsi en améliorer l'usage pour la prochaine programmation.

Par ailleurs, il habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance diverses mesures destinées à mettre le droit français en conformité avec la directive visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur (dite « directive ECN+ »).

Il vise également à renforcer l'efficacité de l'action de l'Autorité de la concurrence et des agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui interviennent soit en coordination avec l'Autorité de la concurrence, soit en application du code de la consommation, par des mesures complémentaires, en lien avec la transposition de la directive ECN+.

Enfin, il comporte des mesures spécifiques à l'Outre-Mer destinées à assouplir l'exercice par l'Autorité de la concurrence des pouvoirs lui permettant d'agir sur la structure du marché (via des injonctions structurelles) et à stimuler la concurrence dans la distribution des produits lors qu'il existe une situation d'exclusivité d'importation.

Pour suivre l'impact du projet de loi et mesurer l'atteinte des résultats, les quatre indicateurs d'impact retenus sont les suivants :

- Nombre de plaintes de géoblocage divisé par nombre de plaintes transfrontières reçues par la DGCCRF ;

- Nombre de restriction d'accès à une interface en ligne ; messages d'avertissement ; suppression nom de domaine / total des suites engagées

- Nombre de transactions avec indemnisation, pour chacun des deux modes (pénal et administratif) sur le nombre total de transactions pour chacun des deux modes (pénal et administratif) ;

- Nombre de manquements à l'obligation déclarative (MOD) constatés sur un transfert d'argent liquide correspondant au nombre manquements à l'obligation déclarative tous types de transferts inclus (extra et intra UE, accompagné et non accompagné).

La définition, les modalités d'élaboration de l'indicateur et les impacts attendus sont précisés dans le tableau ci-dessous.

TABLEAU DES INDICATEURS D'IMPACTS

Nature de l'indicateur

Définition et modalités d'élaboration

Horizon temporel

Mesures prévues dans la loi

Nombre de plaintes de géoblocage divisé par nombre de plaintes

Le but de ses dispositions est de supprimer les pratiques de géoblocage dont sont victimes les consommateurs. L'indicateur proposé répond à cet objectif.

Il s'agit d'un ratio qui correspondrait au nombre de plaintes de consommateurs relatives au géoblocage divisé par le nombre total de plaintes transfrontières reçues par la DGCCRF.

La DGCCRF assure le suivi de cet indicateur.

5 ans

Article 3 : sanctionner les pratiques de géoblocage

Nombre de restriction d'accès à une interface en ligne ; messages d'avertissement ; suppression nom de domaine / total des suites engagées

L'objet de cet indicateur est de mesurer l'efficacité des moyens mis en oeuvre pour lutter contre les activités illicites des sites de commerce électroniques dont sont victimes chaque année les consommateurs.

L'indicateur consiste donc à établir le ratio qui correspondrait aux mesures prises pour faire cesser le manquement ou l'infraction (selon la modalité retenue) au regard du nombre de suites réellement engagées.

Ces mesures ne devant être mises en oeuvre que lorsque aucun autre moyen efficace n'est disponible, l'horizon temporel retenu est de 5 ans afin de permettre de disposer d'un temps suffisant pour évaluer l'effet des mesures.

La DGCCRF assure le suivi de cet indicateur.

5 ans

Article 5 : restreindre l'accès à une interface en ligne ;

-mettre des messages d'avertissement

supprimer des noms de domaine

Nombre de transactions avec indemnisation, pour chacun des deux modes (pénal et administratif) sur le nombre total de transactions pour chacun des deux modes (pénal et administratif)

Il est prévu une indemnisation des consommateurs dans le cadre d'une procédure de transaction. L'indicateur proposé répond à cet objectif d'indemnisation des consommateurs lésés par le manquement.

L'indicateur consistant à établir la part que représente les transactions donnant lieu à indemnisation dans la procédure de transaction pour chacune des deux modalités (administrative et pénale) vise à permettre une évaluation globale des mesures mises en oeuvre pour lutter contre les illicites des sites de commerce électroniques.

L'objectif étant de permettre de diminuer le nombre de victimes de ces sites et de réduire ainsi leur préjudice, l'horizon temporel retenu est de 5 ans afin de permettre de disposer d'un temps suffisant pour évaluer l'effet des mesures.

Les deux modalités de l'indicateur sont complémentaires de celles de l'indicateur ci-dessus et portant sur l'efficacité des moyens mise en oeuvre par l'administration.

La DGCCRF assure le suivi de cet indicateur.

5 ans

Article 5 : transaction administratives avec indemnisation du consommateur ;

et transaction pénale avec indemnisation du consommateur

Nombre de manquements à l'obligation déclarative (MOD) constatés sur un transfert d'argent liquide

L'indicateur correspond au nombre de manquements à l'obligation déclarative constaté sur un transfert d'argent liquide (en extra-UE et en intra-UE) a pour objet d'évaluer l'efficacité du contrôle effectués par les agents des douanes sur les flux d'argent dits « au porteur » ou « non accompagnés » soit l'argent envoyé par la Poste, par fret (y compris fret express) ou par transporteur.

Il fera l'objet d'un suivi annuel par la DGDDI. Cet indicateur est alimenté à partir des constatations faites par les services douaniers, enregistrées au fil de l'eau dans le SI "lutte contre la fraude" de la DGDDI. Il fera l'objet d'un suivi annuel par la DGDDI.

Valeur de référence : 2 046 en 2018

Annuel

Article 11 - règlement (UE) 2018/1672 cash control

TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS

Article

Objet de l'article

Consultations obligatoires

Consultations facultatives

1 er

Habilitation à légiférer pour transposer les directives 2019/770 et 2019/771 du 20 mai 2019 relatives aux contrats de vente de biens numériques et aux contrats de fourniture de contenus et services numériques

2

Habilitation à légiférer pour transposer la directive (UE) 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant une meilleure application et une modernisation des règles de protection des consommateurs.

3

Dispositions visant à contrer le blocage géographique injustifié et d'autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d'établissement des clients dans le marché intérieur - Mise en conformité du droit national au règlement 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d'autres formes de discrimination fondée sur la nationalité

4

Dispositions visant à lutter, au niveau national, contre des pratiques de blocage géographique injustifié

Ministère de l'économie et des finances - DGCCRF

5

Dispositions renforçant la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs - Adaptation du code de la consommation au règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017

6

Adaptation du code de la consommation avec les dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance de marché

7

Habilitation à légiférer pour transposer la directive 2019/633 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire et mettre en oeuvre le règlement 2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l'équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d'intermédiation en ligne

8

Adaptation du code des douanes pour tenir compte du règlement (UE) 2015/1525 du Parlement Européen et du Conseil du 9 septembre 2015 modifiant le règlement (CE) n515/97 du Conseil relatif à l'assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d'assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole.

9

Adaptation du droit national au règlement délégué 2018/273 de la Commission du 11 décembre 2017

10

Mise en conformité du code des douanes avec l'article 18 du règlement (UE) 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l'Union (CDU),

11

Adaptation du code monétaire et financier avec le règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant dans l'Union ou sortant de l'Union

12

Habilitation à légiférer pour transposer la directive 2019/2162 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant l'émission d'obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties

13

Habilitation à légiférer pour transposer la directive (UE) 2019/2034 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement

14

Habilitation à légiférer pour transposer on de la directive (UE) 2019/1160 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 modifiant les directives 2009/65/CE et 2011/61/UE en ce qui concerne la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif

15

Clarification des termes de l'habilitation portant transposition du paquet bancaire

16

Rétablissement dans le code de commerce de la nullité de clauses interdisant la cession de créance

17

Obligations de transparence en matière d'aide d'Etat

18

Habilitation à légiférer pour adapter le droit national au règlement du règlement (UE) n° 2016/1012 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016

19

Habilitation à légiférer pour adapter le droit national au règlement (UE) n° 2016/429 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale

20

Stocks pétroliers

21

Habilitation à légiférer pour transposer la directive (UE) 2019/1153 du 20 juin 2019 fixant les règles facilitant l'utilisation d'informations financières et d'une autre nature aux fins de la prévention ou de la détection de certaines infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière.

22

Habilitation à légiférer pour adapter le droit national à l'évolution de la réglementation européenne dans le domaine des médicaments vétérinaires -règlement (UE) 2019/4 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 / règlement (UE) 2019/5 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 / règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018

23

Habilitation à légiférer pour tirer les conséquences de la fin de la période de transition prévue à l'article 126 de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique

24

Prorogation des règles applicables à la gestion du FEADER pendant la période de transition avec le prochaine programmation et poursuite, au titre de la programmation suivante, du transfert de l'autorité de gestion du FEADER aux régions

25

Habilitation pour mettre le droit national en conformité avec les règles européennes de la concurrence et de modifier le livre IV du code de commerce pour simplifier les procédures devant l'Autorité de la concurrence et en accroître l'efficacité

Conseil supérieur de l'audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Commission nationale de l'informatique et des libertés

TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION

Article

Objet de l'article

Texte d' d'application

Administration compétente

1 er

Habilitation à légiférer pour transposer les directives n° 2019/770 et n° 2019/771 du 20 mai 2019 relatives aux contrats de vente de biens numériques et aux contrats de fourniture de contenus et services numériques

Ministère de la justice - DACS

Ministères économiques et financiers - DGCCRF

2

Habilitation à légiférer pour transposer la directive (UE) 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant une meilleure application et une modernisation des règles de protection des consommateurs.

Ministère de l'économie et des finances - DGCCRF

3

Dispositions visant à contrer le blocage géographique injustifié et d'autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d'établissement des clients dans le marché intérieur - Mise en conformité du droit national au règlement n° 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d'autres formes de discrimination fondée sur la nationalité

Ministère de l'économie et des finances - DGCCRF

4

Dispositions visant à lutter, au niveau national, contre des pratiques de blocage géographique injustifié

Ministère de l'économie et des finances - DGCCRF

5

Dispositions renforçant la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs - Adaptation du code de la consommation au règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017

Décret en Conseil d'Etat

Ministère de l'économie et des finances - DGCCRF

6

Adaptation du code de la consommation avec les dispositions du règlement (UE) n° 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance de marché

Ministère de l'économie et des finances - DGCCRF

7

Habilitation à légiférer pour transposer la directive 2019/633 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire et mettre en oeuvre le règlement 2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l'équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d'intermédiation en ligne

Ministères économiques et financiers

8

Adaptation du code des douanes pour tenir compte du règlement (UE) 2015/1525 du Parlement Européen et du Conseil du 9 septembre 2015 modifiant le règlement (CE) n515/97 du Conseil relatif à l'assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d'assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole.

Ministère de l'action et des comptes publics - DGDDI

9

Adaptation du droit national au règlement délégué 2018/273 de la Commission du 11 décembre 2017

Décret simple

Ministère de l'action et des comptes publics - DGDDI

10

Mise en conformité du code des douanes avec l'article 18 du règlement (UE) 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l'Union (CDU),

Ministère de l'action et des comptes publics - DGDDI

11

Adaptation du code monétaire et financier avec le règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant dans l'Union ou sortant de l'Union

Décret en Conseil d'État ;

Décret simple.

Ministère de l'action et des comptes publics - DGDDI

12

Habilitation à légiférer pour transposer la directive 2019/2162 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant l'émission d'obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties

Ministère de l'économie et des finances - DG Trésor

13

Habilitation à légiférer pour transposer la directive (UE) 2019/2034 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement

Ministère de l'économie et des finances - DG Trésor

14

Habilitation à légiférer pour transposer on de la directive (UE) 2019/1160 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 modifiant les directives 2009/65/CE et 2011/61/UE en ce qui concerne la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif

Ministère de l'économie et des finances - DG Trésor

15

Clarification des termes de l'habilitation portant transposition du paquet bancaire

Ministère de l'économie et des finances - DG Trésor

16

Rétablissement dans le code de commerce de la nullité de clauses interdisant la cession de créance

Ministères économiques et financiers

17

Obligations de transparence en matière d'aide d'Etat

Ministères économiques et financiers

18

Habilitation à légiférer pour adapter le droit national au règlement du règlement (UE) n° 2016/1012 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016

Ministère de l'agriculture et de l'alimentation

19

Habilitation à légiférer pour adapter le droit national au règlement (UE) n° 2016/429 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale

Ministère de l'agriculture et de l'alimentation

20

Stocks pétroliers

Décret en Conseil d'Etat

Ministère de la transition écologique et solidaire

21

Habilitation à légiférer pour transposer la directive (UE) 2019/1153 du 20 juin 2019 fixant les règles facilitant l'utilisation d'informations financières et d'une autre nature aux fins de la prévention ou de la détection de certaines infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière.

Ministères économiques et financiers

22

Habilitation à légiférer pour adapter le droit national à l'évolution de la réglementation européenne dans le domaine des médicaments vétérinaires -règlement (UE) 2019/4 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 / règlement (UE) 2019/5 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 / règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018

Ministère de l'agriculture et de l'alimentation

23

Habilitation à légiférer pour tirer les conséquences de la fin de la période de transition prévue à l'article 126 de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique

24

Prorogation des règles applicables à la gestion du FEADER pendant la période de transition avec le prochaine programmation et poursuite, au titre de la programmation suivante, du transfert de l'autorité de gestion du FEADER aux régions

Ordonnance

Décret en Conseil d'Etat

25

Habilitation pour mettre le droit national en conformité avec les règles européennes de la concurrence et de modifier le livre IV du code de commerce pour simplifier les procédures devant l'Autorité de la concurrence et en accroître l'efficacité

Ordonnance

Décret en Conseil d'Etat

CHAPITRE I ER - DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS

Article 1 er - Dispositions relatives aux contrats de vente de biens et de fourniture de contenus ou de services numériques - Transposition des directives 2019/770 et 2019/771

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La garantie légale des biens est actuellement prévue par la directive 1999/44/CEE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation. Elle prévoit un délai minimal de garantie de deux ans pour la vente de biens neufs assorti d'une période minimale de six mois durant laquelle la charge de la preuve quant à l'antériorité du défaut incombe au professionnel (article 5). La directive fixe un cadre d'harmonisation minimale, c'est-à-dire qu'elle autorise les États membres à prévoir des dispositions plus protectrices en matière de protection des consommateurs, en particulier s'agissant des délais applicables. Ainsi, le législateur français a étendu à vingt-quatre mois le délai durant lequel la charge de la preuve repose sur le professionnel, par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

La directive harmonise néanmoins les modes de dédommagement disponibles aux consommateurs 1 ( * ) : ceux-ci peuvent obtenir en premier lieu la réparation ou le remplacement du bien défectueux ; dès lors que la mise en conformité du bien est impossible ou est refusée par le vendeur, les consommateurs peuvent demander une réduction du prix payé ou obtenir la résolution du contrat.

La directive 1999/44/CEE a été transposée au sein du code de la consommation par l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 relative à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur. Celui-ci contient actuellement au titre I er du livre II « Formation et exécution des contrats », un chapitre VII consacré à l'obligation de conformité des biens, comprenant une vingtaine de dispositions (articles L. 217-1 à L. 217-17). Au sein de ce chapitre figurent une section relative au régime de garantie légale de conformité et une section relative aux obligations contractuelles en matière de garantie commerciale. En outre, une section du même chapitre a trait aux prestations de service après-vente ne relevant pas de la garantie commerciale. Par ailleurs, les deux articles du chapitre VIII instaurent le délai de prescription de 2 ans (délai dérogatoire à la prescription quinquennale de droit commun, et qui fait office de délai de garantie) et précisent que les professionnels et les consommateurs ne peuvent le modifier, ni ajouter aux causes de suspension ou d'interruption de ce délai.

1.2. CADRE COMMUNAUTAIRE

La Commission européenne a souhaité, à partir de 2011, moderniser le régime de garantie afin de tenir compte du développement du marché numérique. En effet, la garantie de conformité ne visait que les biens mobiliers corporels, ce qui n'offrait pas une protection suffisante pour les pratiques de consommation en ligne. De même, une harmonisation plus poussée des règles devrait participer au renforcement du marché unique et à l'accroissement des échanges transfrontaliers.

Une première proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente, présentée par la Commission européenne en 2011, n'avait toutefois pas recueilli un soutien suffisant ; elle a depuis lors été retirée en faveur d'instruments législatifs spécifiques. La proposition de directive concernant certains aspects des contrats de vente de biens et celle relative à la fourniture de contenus et services numériques ont été adoptées conjointement le 9 décembre 2015 par la Commission européenne, dans le cadre de sa stratégie sur le Marché unique numérique. Par la suite, la proposition de directive relative à la vente de biens a été révisée le 31 octobre 2017 afin que son champ d'application, initialement limité à la vente à distance, soit élargi à tous les canaux de vente.

Les deux directives ont été adoptées en séance plénière du Parlement européen le 26 mars 2019 et par le Conseil de l'Union européenne le 15 avril 2019. Elles ont été publiées au JOUE du 22 mai 2019.

Un délai de deux ans est prévu pour l'entrée en vigueur des règles transposées en droit national (soit au 1 er juillet 2021) et un délai de deux ans et demi est prévu pour leur mise en application (soit à partir du 1 er janvier 2022). Parallèlement, l'actuelle directive 1999/44/CEE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 est abrogée avec effet au 1 er janvier 2022 ; toutefois elle demeure le texte de référence en ce qui concerne les ventes de biens ayant lieu avant cette date.

Ces deux directives sont fondées, en grande partie, sur le principe d'harmonisation maximale. Ce principe n'autorise pas les États membres à créer ou maintenir des règles plus strictes, à l'exception des cas spécifiés pour lesquels ils conservent la faculté d'aller au-delà du texte. Pour ces deux directives, la seule disposition concernée vise la durée de la garantie légale.

1.2.1 Dispositions relatives à la fourniture de contenus et services numériques

La directive (UE) 2019/770 relative à la fourniture de contenus et de services numériques recouvre les données produites et fournies sous forme numérique (par exemple de la musique, des vidéos en ligne, etc.), les services permettant de créer, traiter ou stocker des données sous forme numérique (par exemple le stockage en nuage), les services de partage de données ainsi que tout support durable utilisé exclusivement pour transporter un contenu numérique (par exemple, les DVD). Son champ d'application exclut certains services spécifiques (services financiers, soins de santé, jeux de hasard, logiciels sous licence libre et ouverte).

Cette directive instaure un régime analogue à la garantie de conformité des biens physiques pour les contenus et services numériques ne relevant pas du contrat de vente d'un bien. Les contenus numériques et les services numériques, y compris ceux qui fournis en l'absence de contrepartie financière mais en échange de données, seront garantis contre tout défaut de conformité selon les critères prévus au contrat ou habituellement attendus par les consommateurs pour le même type de contenus ou services.

Le délai de garantie minimal est fixé à deux ans, cependant, le délai de présomption d'antériorité du défaut, pendant lequel la charge de la preuve incombe au professionnel, est fixé à un an, sans possibilité pour les États membres de l'étendre. Par ailleurs, les professionnels seront tenus à des obligations analogues à celles prévues par la directive (UE) 2019/771 sur la vente de biens, telle que la mise à jour des contenus et services. Les consommateurs bénéficieront de droits spécifiques en cas de modification du contenu ou du service numérique par le professionnel, ou encore s'agissant de la récupération des contenus lors de la résolution du contrat.

1.2.2 Dispositions relatives à la vente de biens

La directive (UE) 2019/771 relative à la vente de biens reprend pour l'essentiel les règles relatives à la garantie légale de conformité des biens fixées par la directive 99/44/CE et les enrichit en ce qui concerne les biens intégrant des éléments numériques.

Ces nouvelles règles prévoient que le consommateur dispose, en cas de révélation d'un défaut de conformité d'un bien, d'un droit au remplacement ou à la réparation de ce bien ou lorsque ce n'est pas possible, à une réduction du prix du bien voire à la résolution du contrat - et ce, pendant une période minimale de deux ans. Enfin, la période de présomption d'antériorité du défaut de conformité peut être fixée à un an ou deux ans (au choix des États membres) à compter de la délivrance du bien, ce qui signifie que le délai de deux ans déjà en vigueur en droit national pourra être maintenu.

Cette directive inclut des règles spécifiques pour les biens numériques (définis comme des biens comprenant des contenus et services numériques embarqués, comme, par exemple, les réfrigérateurs intelligents ou les montres intelligentes) en cohérence avec les règles prévues par la directive idoine, qui visent plutôt les contenus et services autonomes. Dans le détail, le professionnel est responsable de la conformité des contenus et services embarqués, soit pendant le délai de garantie, soit durant la période contractuelle (en cas de fourniture « continue » d'un service, par exemple). Les critères de conformité incluent désormais une obligation de mise à jour, dont l'omission pourrait engager la responsabilité du professionnel.

1.3. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

La grande majorité des États membres appliquent le délai minimal de 2 ans, fixé par la directive actuelle, pour la garantie légale des biens neufs, comme il ressort d'un rapport 2 ( * ) réalisé en janvier 2019 par Thierry Libaert (conseiller au Comité économique et social européen) dans le cadre de la feuille de route pour l'économie circulaire.

Certains États membres disposent d'un délai de garantie supérieur à 2 ans - allant de 3 ans (Suède) à 6 ans (Irlande) - et deux autres appliquent un délai variable en fonction de la valeur ou de la durée de vie du bien (Finlande, Pays-Bas).

S'agissant de la durée pendant laquelle la charge de la preuve repose sur le professionnel, la grande majorité des États membres appliquent le délai minimal de 6 mois fixé par la directive actuelle, trois autres l'ayant relevé à 12 mois. Seuls deux États membres (France et Portugal) appliquent un délai identique au délai de garantie de deux ans.

Tableaux extraits du rapport « Pour une consommation plus durable » (p. 8 à 10)

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Au regard de la nature législative des dispositions existantes en matière de garantie des biens et de leurs sanctions afférentes, il est nécessaire d'inscrire l'essentiel des dispositions de ces directives dans la loi française.

2.1.1 Sur les dispositions relatives à la vente de biens

Il est nécessaire d'adapter les dispositions existantes aux innovations introduites par la directive (UE) 2019/771 portant en particulier sur les « biens intelligents », ci-après désignés comme les « biens comportant des éléments numériques ». Ceux-ci sont définis comme des biens auxquels certains contenus et services numériques sont intégrés ou interconnectés, et qui en constituent des fonctionnalités essentielles. Si les modes de dédommagement offerts aux consommateurs en cas de défaut de conformité du bien demeurent inchangées, il convient d'adapter en particulier les délais applicables. En effet, le délai de garantie des biens comportant des éléments numériques peut différer en fonction du type de fourniture (spontanée ou continue) des contenus et services numériques embarqués : si le délai de 2 ans constitue un plancher, la garantie est le cas échéant étendue à la période durant laquelle le contrat prévoit la fourniture continue d'un contenu ou service numérique.

Par ailleurs, il est à noter que la directive (UE) 2019/771 concernant certains aspects des contrats de vente de biens (point 7 de son article 3) n'affecte pas la possibilité pour les consommateurs de pouvoir bénéficier des dispositions du code civil relatives à la délivrance conforme (articles 1604 à 1624) et à la garantie légale des défauts cachés de la chose vendue (articles 1641 à 1649). En effet, la délivrance conforme peut toujours être exercée dans le cadre d'une action contractuelle de droit commun. D'autre part, l'action pour défauts des vices cachés court à compter du jour de la découverte du vice caché et non de la vente comme le prévoit le régime de l'action en garantie de conformité. Il n'est donc pas prévu de modifier ces dispositions, qui s'appliquent au demeurant au-delà du cadre de la vente entre professionnels et consommateurs.

2.1.2 Sur les dispositions relatives à la fourniture de contenus et services numériques

Les dispositions du code de la consommation relatives aux contenus numériques sont actuellement limitées aux obligations d'informations précontractuelles, placées au sein du chapitre 1 er du titre Ier du Livre Ier de ce code (articles L. 111-1 et suivants).

Il n'existe pas, à l'heure actuelle, de disposition prévoyant une garantie légale pour la fourniture de contenus numériques ou de services numériques. Il est donc nécessaire de créer une section dédiée afin d'accueillir les règles instituées par la directive (UE) 2019/770.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La transposition des directives (UE) 2019/771 concernant certains aspects des contrats de vente de biens et (UE) 2019/770 relative à la fourniture de contenus et services numériques, a pour objectif de faire bénéficier aux consommateurs français de la modernisation du cadre juridique européen de protection des consommateurs en tenant compte de l'accroissement des ventes de produits connectés (tel que « l'internet des objets »), ainsi que de la fourniture de contenus et services numériques sous différentes formes (fourniture simple ou spontanée, ou fourniture continue).

Les règles transposées visent, d'une part, à conforter le régime existant de garantie légale de conformité des biens, en vigueur depuis 2005 en France, et d'autre part, à créer un régime analogue de garantie de la conformité des contenus et services numériques fournis en ligne.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1 Transposition dans le cadre d'un projet de loi

Il a été envisagé de réaliser directement la transposition des directives (UE) 2019/770 et (UE) 2019/771 dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière. Cependant, les travaux de rédaction des dispositions, de même que les consultations envisagées, n'ont pu être achevés dans les délais restreints de préparation de ce projet de loi.

3.1.2 Demande d'habilitation

Le gouvernement a préféré privilégier la voie d'une habilitation à transposer ces dispositions par ordonnance.

Ce choix est justifié par :

- l'impact modéré de la transposition de la directive (UE) 2019/771 concernant certains aspects des contrats de vente de biens, qui se concentre sur les aspects relatifs aux biens comportant des éléments numériques ;

- la nécessité de maintenir une architecture cohérente des dispositions actuelles (chapitre IV de la section I du Livre II du code de la consommation) comme des dispositions nouvelles (section II bis du titre II du livre II de ce même code) ;

- la nécessité d'assurer la mise en place d'un cadre juridique le plus uniforme possible pour le régime des biens, d'une part, et pour le régime des contenus et services numériques, d'autre part, en veillant tout particulièrement à résorber les éventuels décalages ou incohérences pouvant exister entre les directives.

3.2. DISPOSITIF RETENU

Le projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives modifiant le code de la consommation pour transposer en droit interne la directive (UE) 2019/770 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques et la directive (UE) 2019/771 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE et abrogeant la directive 1999/44/CE.

Le choix quant à la structure des dispositions de l'ordonnance s'est porté sur une transposition en deux volets au sein du code de la consommation, le premier consacré à la garantie des biens physiques, y compris les biens intégrant des éléments numériques (intégrés ou interconnectés au bien) ; le second consacré aux contenus et services numériques fournis dans le cadre d'un contrat autonome. Cette répartition respecte les champs d'application respectifs des directives .

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

L'analyse précise des conséquences attendues de la mesure sera effectuée dans la fiche d'impact exposant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation.

Néanmoins, il peut d'ores et déjà être fait état des impacts suivants :

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

La transposition de la directive (UE) 2019/770 relative à la fourniture de contenus et de services numériques trouvera naturellement sa place dans le chapitre IV du titre II du livre II du code de la consommation, relatif aux règles spécifiques à des contrats ayant un objet particulier. Le choix de cet emplacement correspond à la nature sectorielle des contrats de fourniture de contenus et services numériques et permet de les distinguer clairement des contrats, de tous types, pour lesquels des documents sous format numérique peut être fourni (version scannée, mise en ligne etc.), qui ne sont pas couverts en tant que tels par ces directives.

4.2. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Les droits à la garantie des biens, contenus et services numériques reconnus aux consommateurs, et une meilleure information les concernant, constituent un des leviers d'action identifiés pour la mise en oeuvre des mesures préconisées pour réussir la transition énergétique.» 3 ( * ) .

Un panorama des différents secteurs de la réparation a permis notamment d'évaluer l'impact des activités de réparation au regard de « l'empreinte environnementale ». Plusieurs éléments en sont ressortis 4 ( * ) :

- Faciliter la réparation des biens, par une meilleure prise en charge au titre de la garantie légale, et une meilleure information de celle-ci, augmente la durée de vie des produits et permet une baisse significative des impacts environnementaux.

- Le développement de l'offre de biens durables repose en effet sur la consolidation des droits des consommateurs en ce qui concerne l'information précontractuelle, la garantie des biens et sur une offre de réparation qui sera d'autant plus attractive qu'elle sera concurrentielle.

- Le statut sous garantie ou hors garantie est le premier facteur influençant la demande de réparation d'un produit : la garantie inciterait le consommateur à faire réparer son produit et favorise l'achat de produits réparables et plus durables.

4.3. IMPACTS SUR LES ENTREPRISES

Les impacts économiques et financiers engendrés par la mise en oeuvre des mesures de transposition de ces deux directives devraient être relativement limités pour les entreprises. En effet, les coûts supplémentaires résultant de l'obligation d'assurer une information plus complète sur les droits à la garantie des consommateurs, sont considérés comme négligeables : les obligations d'informations précontractuelles comme contractuelles comprennent déjà celles relatives à l'existence et aux modalités d'exercice des garanties légales (art. L. 111-1 et L. 211-2 du code de la consommation).

S'agissant des dispositions relatives aux obligations portant sur les contenus et services numériques, celles-ci s'inscrivent essentiellement dans les pratiques actuelles des opérateurs économiques des secteurs concernés (création culturelle et audiovisuelle, services numériques). Dans la mesure où l'innovation joue un rôle majeur dans l'économie numérique, de plus en plus d'opérateurs proposent une mise à jour régulière de leurs produits pour en assurer la sécurité et la qualité.

4.4. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Les droits à la garantie des biens, contenus et services numériques reconnus aux consommateurs, participent pleinement de l'allongement de la durée de vie des produits au quotidien, de par la possibilité offerte d'assurer l'effectivité de la réparation des biens et la mise en conformité des contenus et services numériques. Les directives contiennent également des dispositions en matière de durée d'usage (telle que garantie commerciale de durabilité). L'extension des droits à la garantie aux non-professionnels étend la protection offerte aux consommateurs à des personnes morales qui ne sont pas des consommateurs au sens littéral du terme mais se trouvent dans la même situation d'infériorité vis-à-vis des professionnels en ce qui concerne le pouvoir de négociation ou l'expertise.

Les dispositions transposées assurent une plus grande information des consommateurs, leur permettant de mieux connaitre leurs droits à la garantie. Elles s'inscrivent dans la continuité du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dont le titre premier (originel) est consacré à l'information des consommateurs.

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Le délai d'habilitation de douze mois est justifié par le caractère technique de la transposition des dispositions relatives à la fourniture des contenus et services numériques ainsi qu'aux biens comportant des éléments numériques, afin d'assurer en particulier la cohérence des régimes ainsi créés. Il permet par ailleurs d'engager les consultations qui sont prévues à l'occasion du travail de transposition.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard trois mois après la publication de l'ordonnance.

Article 2 - Adaptation des règles de protection des consommateurs - Transposition de la directive 2019/2161

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CONTEXTE D'ADOPTION DE LA DIRECTIVE

La proposition de directive concernant une meilleure application et une modernisation des règles de protection du consommateur a été adoptée le 11 avril 2018 par la Commission européenne, dans le cadre de sa stratégie sur le Marché unique numérique.

La directive a été adoptée en séance plénière par le Parlement européen le 17 avril 2019 et par le Conseil de l'Union européenne le 27 novembre 2019.

La directive (UE) 2019/2161 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et les directives 98/6/CE, 2005/29/CE et 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs a été publiée au JOUE du 17 décembre 2019. Un délai de deux ans est prévu pour l'entrée en vigueur des règles transposées en droit national (soit au 28 novembre 2021) et un délai de six mois est prévu pour leur mise en application (soit à partir du 28 mai 2022).

Ainsi, le « New Deal pour les consommateurs » vise à renforcer l'application du droit européen des consommateurs en rendant plus effectives et plus dissuasives les sanctions en cas d'infractions, s'agissant, notamment, des infractions transfrontières de grande ampleur et à prévoir des recours individuels pour les consommateurs, plus de transparence sur les places de marché en ligne, l'extension de la protection des consommateurs en matière de services numériques, la suppression des charges pour les entreprises, à permettre aux Etats membres d'adopter des règles plus protectrices pour certaines formes et certains aspects des ventes hors établissement commercial et enfin à clarifier des règles sur les pratiques commerciales trompeuses concernant les produits à « double niveau de qualité ».

1.2. ÉTAT DU DROIT

Le code de la consommation contient actuellement des dispositions au chapitre I er du titre I er du livre I er « obligation générale d'information précontractuelle », au chapitre II du titre I er du livre I er « information sur les prix et conditions de vente », au chapitre I er titre II du livre I er « Pratiques commerciales interdites » ainsi qu'au chapitre I er du titre II du livre II « contrats conclus à distance et hors établissement ».

La directive de modernisation des règles de protection du consommateur modifie les dispositions précitées en les complétant, s'agissant des pratiques commerciales trompeuses, des obligations d'information incombant aux fournisseurs de places de marché ou des annonces de réduction de prix, ou en les modifiant, s'agissant notamment des dispositions relatives aux modalités de conclusion des contrats à distance. Le code de la consommation prévoit actuellement, en matière d'obligation générale d'information précontractuelle, un dispositif visant à soumettre les opérateurs de plateformes en ligne dont l'activité repose aussi bien sur le référencement et le classement de contenu que la mise en relation de différentes parties en vue de la conclusion d'un contrat à des obligations d'information relative aux modalités de référencement des contenus, à la qualité de la partie cocontractante du consommateur ou encore à l'existence de liens financier ou capitalistiques entre l'opérateur de plateforme et les annonceurs qui ont recours à ses services.

Le dispositif national, duquel s'inspire la Commission européenne, ayant un champ d'application plus large que les opérateurs de places de marché, il conviendra d'adapter les dispositions nationales en les rendant cohérentes avec les dispositions de la directive.

S'agissant des annonces de réduction de prix, ces pratiques commerciales ne peuvent être appréhendées, d'après la jurisprudence de la CJUE, que sous l'angle des pratiques commerciales trompeuses. Les nouvelles dispositions de la directive n°98/6 relatives aux annonces de réduction de prix nécessiteront une adaptation du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code de la consommation tout en renvoyant le soin à un décret de fixer les modalités d'application de telles publicités de prix.

S'agissant des pratiques commerciales interdites, la directive prévoit de nouvelles pratiques commerciales trompeuses et réputées trompeuses en toutes circonstances, notamment s'agissant des avis de consommateurs, des paramètres de classement des résultats de requête en ligne ou encore la commercialisation de produits ayant des caractéristiques différentes alors qu'ils sont présentés comme étant identiques dans différents Etats membres.

S'agissant des règles de protection du consommateur dans le cadre de contrats conclus à distance ou hors établissement, la directive étend le champ d'application de ces dispositions aux contrats de services numériques conclus en l'absence de contrepartie financière (ex : réseaux sociaux) et introduit, en plus des obligations d'information incombant aux opérateurs de places de marché, une obligation d'information relative aux moyens de communication que le professionnel doit fournir au consommateur avant la conclusion d'un contrat et prévoit de nouvelles exceptions au droit de rétractation. Enfin, elle permet aux Etats membres de prendre des mesures spécifiques de protection des consommateurs contre les pratiques commerciales trompeuses et agressives mises en oeuvre à l'occasion de visites non sollicitées au domicile du consommateur ainsi qu'à l'occasion d'excursions commerciales. Actuellement, de telles pratiques ne peuvent être appréhendées qu'à l'aune des dispositions générales relatives aux pratiques commerciales déloyales alors que les conditions de formation des contrats conclus à l'occasion de visites non sollicitées au domicile du consommateur ainsi qu'à l'occasion d'excursions commerciales sont régies par les dispositions du code de la consommation qui transposent les dispositions concernées de la directive n°2011/83.

2. NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

La directive a pour objet de modifier quatre directives de l'UE qui protègent les intérêts économiques des consommateurs, à savoir

- la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs,

- la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs,

- la directive 93/13/CEE concernant les clauses abusives dans les contrats et

- la directive 98/6/CE relative à l'indication des prix.

Cette directive fait suite au bilan tiré de l'évaluation de la mise en oeuvre de ces directives menées par la Commission européenne et publiée le 23 mai 2017, d'une part, et au constat résultant d'une consultation publique (PME, Etats membres, consommateurs et autres parties prenantes) menée par la Commission européenne pendant la phase d'élaboration de la proposition de directive qu'il était nécessaire de mieux appliquer et de mieux faire respecter les règles de protection des consommateurs ainsi que de les moderniser en fonction des évolutions observées dans le domaine numérique.

Ainsi, le « New Deal pour les consommateurs » vise à renforcer l'application du droit de l'UE des consommateurs en rendant plus effectives et plus dissuasives les sanctions en cas d'infractions, s'agissant, notamment, des infractions transfrontières de grande ampleur et à prévoir des recours individuels pour les consommateurs, plus de transparence sur les places de marché en ligne, l'extension de la protection des consommateurs en matière de services numériques, la suppression des charges pour les entreprises, à permettre aux Etats membres d'adopter des règles plus protectrices pour certaines formes et certains aspects des ventes hors établissement commercial et enfin à clarifier des règles sur les pratiques commerciales trompeuses concernant les produits à « double niveau de qualité ».

Cette révision ciblée d'une partie de l'acquis européen en matière de protection des consommateurs se traduit par des mesures visant à :

1) lutter contre la différence de qualité des produits de consommation au sein de l'UE par un aménagement sur ce point des règles interdisant les pratiques commerciales trompeuses ;

La directive modifie la directive 2005/29 en disposant expressément que les activités de marketing qui présentent un produit comme identique à un même produit commercialisés dans plusieurs Etats membres, alors que ces produits ont une composition ou des caractéristiques sensiblement différentes, et qui amènent ou qui sont susceptibles d'amener le consommateur à prendre une décision commerciale alors qu'il ne l'aurait pas prise autrement, constituent une pratique commerciale trompeuse que les autorités nationales devraient traitées au cas par cas.

2) homogénéiser les sanctions prévues par les droits nationaux en cas de violation des dispositions issues des quatre directives précitées et instaurer un régime de sanctions plus dissuasif au niveau européen ;

S'agissant des sanctions, la directive vise à définir une liste de critères communs et non exhaustifs que les autorités nationales devraient prendre en compte pour évaluer la gravité des infractions et prononcer des sanctions, tels le chiffre d'affaires, les bénéfices nets et toute amende déjà infligée au professionnel pour des infractions identiques ou similaires dans d'autres Etats membres.

Il est également institué une sanction minimale de 4% du chiffre d'affaire annuel en cas d'infraction de grande ampleur et d'infraction de grande ampleur à l'échelle de l'Union au sens de la directive 2017/2394 du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs.

Une infraction de grande ampleur est définie comme étant :

a) tout acte ou omission contraire aux dispositions du droit de l'Union en matière de protection des intérêts des consommateurs, qui a porté, porte ou est susceptible de porter atteinte aux intérêts collectifs des consommateurs résidant dans au moins deux États membres autres que celui :

i) où l'acte ou l'omission en question a son origine ou a eu lieu;

ii) sur le territoire duquel le professionnel responsable de l'acte ou de l'omission est établi; ou

iii) dans lequel se trouvent des éléments de preuve ou des actifs du professionnel en rapport avec l'acte ou l'omission ; ou

b) tous les actes ou omissions contraires aux dispositions du droit de l'Union en matière de protection des intérêts des consommateurs, qui ont porté, portent ou sont susceptibles de porter atteinte aux intérêts collectifs des consommateurs et qui présentent des caractéristiques communes, dont la pratique illégale identique, la violation du même intérêt et la simultanéité de l'infraction, commise par le même professionnel, dans trois États membres au minimum.

Une infraction de grande ampleur à l'échelle de l'Union est définie comme une infraction de grande ampleur qui a porté, porte ou est susceptible de porter atteinte aux intérêts collectifs des consommateurs dans au moins deux tiers des États membres représentant une population cumulée d'au moins deux tiers de la population de l'Union.

S'agissant des recours individuels des consommateurs victime d'une pratique commerciale déloyale, la directive instaure le droit pour le consommateur de résilier son contrat ainsi qu'à demander réparation.

3) aménager les règles encadrant l'exercice du droit de rétractation pour les contrats conclus à distance et hors établissement ;

La directive supprime le droit de rétractation dans les cas où le consommateur aurait manipulé les biens commandés d'une manière plus que nécessaire pour établir leur nature, leurs caractéristiques et leur bon fonctionnement.

Par ailleurs, elle permet au professionnel de ne rembourser le consommateur qui s'est rétracté de son contrat de vente qu'à la réception des biens retournés après la mise en oeuvre du droit de rétractation par le consommateur.

4) mettre à la charge des places de marché des obligations d'information à l'égard des consommateurs ;

La directive garantie au consommateur une information, mise à la charge des opérateurs de places de marché, relative aux principaux paramètres de classement des offres présentées au consommateur en réponse à sa requête sur une place de marché, la qualité de professionnel ou non du cocontractant du consommateur, l'applicabilité ou non des droits découlant de la législation de l'Union, l'identification du professionnel en charge de l'application des dispositions de protection du consommateur.

La directive définit une place de marché comme un service utilisant un logiciel, y compris un site internet, une partie de site internet ou une application, exploité par un professionnel ou pour son compte qui permet aux consommateurs de conclure des contrats à distance avec d'autres professionnels ou consommateurs

5) harmoniser les définitions de contenu numérique et de service numérique et étendre les règles d'information et de protection des consommateurs aux services numériques gratuits (réseaux sociaux) ;

Les modifications visent à définir les notions de contenu numérique et de service numérique ainsi qu'à étendre l'application des dispositions de la directive sur les droits des consommateurs (2011/83/UE) aux contrats de service numériques gratuits et à ceux en vertu desquels les consommateurs fournissent ou s'engagent à fournir des données à caractère personnel et non une contrepartie pécuniaire.

6) renforcer les mesures de protection des consommateurs contre les pratiques commerciales agressives ou trompeuses mises en oeuvre à l'occasion de la conclusion de certains contrats conclus hors établissement ;

La directive permet aux Etats membres d'adopter des dispositions visant à protéger les intérêts légitimes des consommateurs en ce qui concerne les pratiques commerciales ou de vente agressives ou trompeuses dans le cadre de visites non sollicitées du professionnel au domicile du consommateur ainsi que dans le cadre d`excursions organisées en vue de la vente ou de la promotion de biens et services.

Les mesures prises en la matière devront être notifiées à la Commission européenne qui les rendra publiques.

7) ne plus obliger les professionnels à communiquer leur adresse électronique dans le cadre de contrats conclus à distance mais à mettre à disposition des consommateurs des moyens de communications efficaces tels que des formulaires de contact ou des « chats ».

La directive actualise la liste des informations précontractuelles qui doivent être fournies au consommateur avant la conclusion du contrat. A cet effet, le numéro de télécopieur a été supprimé et les professionnels pourront dorénavant mettre à disposition du consommateur d'autres moyens de communication (formulaire de contact, messagerie instantanée) que l'adresse électronique.

La France adaptera les dispositions de son droit national conformément aux dispositions de la directive (UE) 2019/2161 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et les directives 98/6/CE, 2005/29/CE et 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs.

3. DISPOSITIF RETENU

Il est demandé au Parlement national une habilitation pour procéder par voie d'ordonnance à la transposition de cette directive.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

La transposition de la directive du 27 novembre 2019 concernant une meilleure application et une modernisation des règles de protection du consommateur nécessite des modifications des articles L. 121-2, L. 121-3 et L. 121-4 du code de la consommation relatif à la définition de certaines pratiques commerciales trompeuses par action ou par omission.

Elle nécessitera également une adaptation des dispositions du chapitre I er du titre II du livre II relatif aux modalités de formation des contrats conclus à distance, tant en ce qui concerne le champ d'application, les obligations d'information précontractuelle incombant aux professionnels que l'exercice du droit de rétractation, les obligations d'information incombant aux fournisseurs de places de marché en ligne ou encore l'encadrement des pratiques mises en oeuvre dans le cadre de visites non sollicitées d'un professionnel au domicile du consommateur ou dans le cadre d'excursions commerciales.

S'agissant des annonces de réduction de prix, la transposition de la directive nécessitera des aménagements des dispositions du chapitre II du titre I er du livre I er relatives à l'information sur les prix et conditions de vente, complétées par un arrêté visant à préciser les modalités de mise en oeuvre de telles annonces.

Enfin, la transposition de la directive nécessitera de définir des dispositions d'adaptation du droit relatives au régime de sanction relatifs aux infractions et aux manquements constatés pour la mise en oeuvre des directives révisées.

Il n'est pas prévu d'étendre l'application des dispositions du droit de l'Union transposées dans les collectivités et territoires d'outre-mer où le droit de l'Union ne s'applique pas. Aussi n'est-il proposé aucune modification au titre V du Livre II du code de la consommation. Il n'est pas non plus proposé de modification des dispositions relatives à la loi applicable aux contrats transfrontaliers, à l'exception de la mise à jour des articles en référence.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

Il est envisagé un faible impact économique et financier engendré par les mesures de transposition de cette directive. En effet, les coûts supplémentaires résultant de l'obligation d'assurer une information plus complète à destination du consommateur sont estimés comme négligeables. De plus, certaines mesures prévoyant des exceptions au droit de rétractation dans le cadre des contrats conclus à distance loin d'engendrer des coûts pour les professionnels sont de nature à renforcer leur compétitivité.

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

L'impact sur les services administratifs est quasiment de nul effet, dans la mesure où l'application des dispositions concernées entre déjà dans le champ de compétence des agents la DGCCRF.

4.4. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La meilleure application et la modernisation des règles de protection du consommateur offrent un cadre renouvelé dans lequel les consommateurs devraient être mieux informés avant de prendre toute décision commerciale et mieux protégés.

Les dispositions de la directive (UE) 2019/2161 du 27 novembre 2019 visent à mieux informer le consommateur tant en vertu des dispositions de la directive n°2005/29 qu'en vertu de celles des directives n°2011/83 ou n°98/6.

La directive n°98/6 prévoit un dispositif d'information du consommateur sur la nature du prix de référence qu'un professionnel peut afficher sur une publicité d'annonce de réduction de prix.

La directive n°2005/29 prévoit l'interdiction de certaines pratiques commerciales trompeuses qui consistent, notamment, à ne pas informer le consommateur des modalités de classement des résultats d'une requête effectuée en ligne ou encore à ne pas informer le consommateur des modalités, mises en oeuvre par le professionnel, à même de garantir qu'un avis de consommateur en ligne qui se présente comme tel a été effectivement publié par un consommateur. Enfin, le consommateur doit être protégé contre les pratiques de commercialisation présentant un bien comme identique à un bien commercialisé dans d'autres États membres, alors que ce bien a une composition ou des caractéristiques sensiblement différentes.

La directive n°2011/83, dont le champ d'application s'étend aux contrats de service prestés en contrepartie de la fourniture de données à caractère personnel, prévoit un renforcement de l'information du consommateur sur les moyens de communication que le professionnel doit lui fournir avant la conclusion d'un contrat à distance ou hors établissement, d'une part, et, d'autre part, introduit des obligations d'information incombant aux fournisseurs de place de marché consistant à informer le consommateur des principaux paramètres de classement des offres présentées au consommateur ainsi que l'ordre d'importance de ces paramètres, de la qualité de professionnel ou de particulier de la partie cocontractante du consommateur, le fait que les droits des consommateurs provenant du droit de l'Union en matière de protection des consommateurs ne s'appliquent pas au contrat conclu entre un consommateur et un particulier et, s'il y a lieu, le mode de répartition des obligations liées au contrat entre le tiers proposant les biens, les services ou les contenus numériques et le fournisseur de place de marché en ligne, cette information étant sans préjudice de la responsabilité que le fournisseur de place de marché en ligne ou le professionnel tiers peut avoir en lien avec le contrat en vertu du droit de l'Union ou du droit national. En la matière, les Etats membres pourront prendre des mesures d'information pour renforcer l'information du consommateur.

S'agissant des contrats conclus hors établissement commercial, la directive n°2011/83 prévoit, en coordination avec la directive 2005/29, la possibilité pour les Etats membres de prendre des dispositions de protection du consommateur démarché dans le cadre de visites non sollicitées à son domicile ou encore dans le cadre d'excursions commerciales, par exemple, en étendant le délai de rétractation de contrats conclus dans ces circonstances de 14 à 30 jours.

De plus, la directive n°2005/29 prévoit la possibilité pour un consommateur qui serait victime d'une pratique commerciale trompeuse de demander l'annulation du contrat auprès de la juridiction compétente.

Enfin l'harmonisation des régimes de sanctions prévoit, dans le respect du principe de proportionnalité, des peines davantage dissuasives renforçant ainsi l'effectivité des obligations d'information incombant aux professionnels.

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Le délai d'habilitation de dix-huit mois est justifié par le caractère technique de la transposition en ce qui concerne une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs, ainsi que toute mesure de coordination et d'adaptation de la législation liée à cette transposition.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard trois mois après la publication de l'ordonnance.

La directive du 27 novembre 2019 concernant une meilleure application et une modernisation des règles de protection du consommateur n'impose aucune consultation préalable des parties prenantes avant la transposition en droit interne des dispositions visées. Il est néanmoins envisagé de procéder à la consultation des associations de consommateurs et fédérations professionnelles, notamment en ce qui concerne les dispositions relatives aux annonces de réduction de prix.

Articles 3 et 4 - Dispositions visant à contrer le blocage géographique injustifié et d'autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d'établissement des clients dans le marché intérieur - Mise en conformité / règlement 2018/302 - Géoblocage

1. ÉTAT DES LIEUX

Le droit national ne prévoit actuellement aucune disposition prohibant les restrictions aux pratiques de consommation sur des critères injustifiés tels que la nationalité d'un consommateur, son lieu de résidence ou encore le lieu d'établissement d'un professionnel.

Les consommateurs et professionnels de chaque Etat membre se heurtent aux pratiques des commerçants en ligne visant à restreindre les ventes transfrontières à distance. Plus largement, de telles pratiques de restrictions ont aussi été relevées au niveau national, au détriment des consommateurs ou des professionnels notamment établis en outre-mer. L'interdiction de discrimination basée sur la nationalité est un principe général du droit de l'Union européenne (article 21§2 de la Charte européenne des droits fondamentaux et article 18 du TFUE). Ce principe s'inscrit en droite ligne des quatre libertés qui fondent le marché intérieur de l'Union.

Le règlement (UE) 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d'autres formes de discrimination fondée sur le lieu de résidence et le lieu d'établissement des clients sur le marché intérieur, et modifiant les règlements (CE) n° 2006/2004 5 ( * ) et (UE) 2017/2394 6 ( * ) et la directive 2009/22/CE 7 ( * ) , est applicable depuis le 3 décembre 2018.

L'objectif général du règlement est d'octroyer aux clients, qu'ils soient consommateurs ou professionnels, un meilleur accès aux biens et aux services dans le marché unique en empêchant la discrimination directe et indirecte due à une segmentation artificielle du marché fondée sur la résidence des clients.

Ceux-ci sont confrontés à de telles différences de traitement lors de l'achat en ligne, mais également lorsqu'ils se rendent dans d'autres États membres pour acheter des biens ou des services.

Ce règlement s'applique aux professionnels, privés ou publics, grandes entreprises ou PME, établies dans l'UE ou dans un pays tiers s'ils exercent leurs activités dans l'UE. Il bénéficie également aux consommateurs qui possèdent la nationalité d'un Etat membre ou qui y ont leur lieu de résidence. Les consommateurs et entreprises concernés doivent être traités de la même manière lorsqu'ils se trouvent dans une situation similaire dans le cadre d'une transaction transfrontière. Ainsi, depuis son entrée en vigueur, les restrictions fondées sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu de connexion, imposées par les sites marchands en ligne, sont interdites. Cette interdiction s'applique aux ventes de biens sans livraison en dehors de la zone desservie par le professionnel et à la vente de services fournis par voie électronique ou dans un lieu physique précis. Enfin, l'interdiction du blocage géographique injustifié concerne également l'accès aux sites internet en général (dont l'interdiction de redirection sans consentement préalable) et la non-discrimination au niveau des paiements

Concrètement, les consommateurs ne peuvent plus être bloqués ou limités pour l'accès à un site ou à une application smartphone d'un professionnel établi dans un autre État membre pour des motifs liés par exemple à la nationalité, au lieu de résidence ou au lieu de connexion de l'ordinateur. Ils ne peuvent également plus être redirigés automatiquement vers un site national sans leur accord.

Les professionnels peuvent continuer à bloquer ou limiter l'accès à leurs sites à condition que cela soit nécessaire pour satisfaire à une exigence légale applicable à leurs activités (non-détention des droits de propriété intellectuelle pour un autre pays, par exemple) 8 ( * ) .

Les dispositions du code de la consommation (art.L.621-7 et L.621-8) transposant cette directive 2009/22/CE ne sont pas affectées par l'inscription de ce règlement géoblocage en annexe de la directive. Le règlement géoblocage entraîne une modification de l'annexe de la directive 2009/22/CE qui permet aux consommateurs d'effectuer des actions en cessations de pratiques illicites.

Chaque pays a désigné une autorité compétente avec un pouvoir de sanction en cas de manquement au règlement. En France, cette autorité est la DGCCRF et le Centre européen des consommateurs France (CEC) a été nommé point de contact pour les consommateurs.

Par ailleurs, ce règlement ne s'applique pas aux situations purement internes à un État membre. Or, la facilitation de l'accès des consommateurs ultra marins au commerce électronique est l'une des pistes identifiées par l'Autorité de la concurrence dans son avis 19-A-12 pour permettre le désenclavement des populations des outre-mer et la lutte contre la vie chère.

En effet, dans son avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-Mer, l'Autorité de la concurrence a formulé la recommandation suivante « Compte tenu de l'incertitude quant à l'applicabilité du règlement européen n° 2018/302 du 28 février 2018 relatif au geoblocking aux situations impliquant un consommateur des DROM et un site basé en métropole, adopter une réglementation nationale reprenant les interdictions du règlement européen ».

Comme l'indique l'Autorité de la concurrence, « [ il existe] une réelle demande des consommateurs ultramarins pour le commerce en ligne ». Toutefois, comme le souligne également l'Autorité, « les grandes enseignes consultées montrent un intérêt relativement limité pour les marchés ultramarins. Pour beaucoup, il s'agit de marchés de petite taille avec un potentiel insuffisant et des contraintes trop importantes pour être réellement profitables. ».

Pour lever ces obstacles, l'Autorité propose la solution de la « réexpédition » qui consiste pour le client à renseigner, au moment de sa prise de commande sur le site marchand, l'adresse d'un prestataire de réexpédition généralement situé en métropole - auprès de qui il aura préalablement créé un « compte client » - comme lieu de livraison. Le prestataire se voit alors livrer le produit par l'enseigne, le stocke et le réexpédie au client à tarif « réduit », c'est-à-dire négocié avec des prestataires de transport.

Enfin, la France fait l'objet d'une mise en demeure de la Commission européenne du 26 juillet 2019 concernant la mise en oeuvre du règlement (UE) n° 2018/302 du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d'autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d'établissement des clients dans le marché intérieur.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

A l'heure actuelle, une part toujours plus croissante des consommateurs sur le territoire national ainsi qu'en Europe concluent la majorité de leurs achats en ligne. L'objectif de ces dispositions est de donner davantage d'opportunités aux consommateurs et aux entreprises au sein du marché intérieur de l'Union.

Le règlement (UE) n°2018/302 du 28 février 2018 modifiant les règlements (CE) n°2006/2004 et (UE) n°2017/2394 et la directive 2009/22/CE est d'application directe. Or les mesures nationales actuellement en vigueur ne semblent permettre sa totale application. De plus, la France fait l'objet d'une mise en demeure de la Commission européenne le 26 juillet 2019 concernant la mise en oeuvre de ce règlement. La France doit donc prendre les mesures nationales pour mettre en oeuvre ce règlement.

En effet, les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ne sont pas habilités, à ce stade, pour contrôler l'application de ce règlement (UE) n°2018/302 du 28 février 2018.

Les mesures envisagées relatives à l'interdiction du géoblocage injustifié visent à habiliter à cette fin l'autorité chargée de la protection des consommateurs et lui donner le pouvoir d'infliger des sanctions administratives en cas de manquement aux dispositions du règlement n° 2018/302. Elles relèvent donc du domaine législatif, conformément à l'article 34 de la Constitution selon lequel « La loi fixe les règles concernant (...) les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ; (...) la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ».

S'agissant de l'extension des dispositions du règlement aux situations purement nationales, s'agissant tout particulièrement de protéger contre des discriminations injustifiées des consommateurs résidant dans un DROM, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, une loi est également nécessaire pour fonder les obligations nouvelles imposées à des opérateurs privés.

Il serait paradoxal qu'un consommateur français puisse bénéficier de la protection du règlement s'il navigue sur un site allemand mais ne soit pas couvert en naviguant sur un site français. C'est pourquoi, il est nécessaire de prendre des dispositions spécifiques pour lutter contre le géoblocage injustifié susceptible d'affecter certains consommateurs, notamment ultramarins.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les dispositions envisagées ont pour objectif de mettre en conformité le droit national en matière de régime de sanctions administratives contre le blocage géographique injustifié et d'autres formes de discrimination avec le règlement (UE) 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018.

L'objectif est également de mettre en place l'habilitation des agents chargés de contrôler l'application de ces dispositions conformément à l'article 7 du présent règlement.

3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU

Le dispositif retenu est dédié aux mesures d'adaptation nécessaires du code de la consommation aux dispositions du règlement (UE) n°2018/302 du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d'autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence et le lieu d'établissement des clients sur le marché intérieur et modifiant les règlements (CE) n°2006/2004 et (UE) n°2017/2394 et la directive 2009/22/CE.

Les dispositions prévues à l'article 4 du présent projet de loi ont pour but d'adopter au niveau national, les nouvelles règles européennes sur le géoblocage pour appréhender les situations auxquelles peuvent être confrontés les consommateurs, tout particulièrement ceux résidant dans les DROM, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon. Les solutions limitant le dispositif aux consommateurs résidant dans les DROM, ou plus largement aux consommateurs ultramarins ont été envisagées et écartées, un dispositif bénéficiant à l'ensemble des consommateurs a été préféré.

Les dispositions envisagées ont pour objet d'habiliter les agents de la concurrence, consommation et répression des fraudes à constater et poursuivre les manquements au règlement (UE) 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018 précité et aux dispositions d'adaptation prévues pour le territoire national.

Elles prévoient des sanctions en cas d'infraction au règlement ou aux dispositions d'adaptation du règlement géoblocage au droit national.

Ces dispositions permettent de répondre à la mise en demeure de la Commission Européenne du 26 juillet 2019 concernant la mise en oeuvre du règlement (UE) n° 2018/302 du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les dispositions envisagées modifient ou ajoutent certains articles au code de la consommation relative à la recherche et à la constatation des manquements ou infraction.

Une disposition concerne le titre I du livre V du code de la consommation qui a trait aux pouvoirs d'enquête et aux suites données aux contrôles. Elle consiste à ajouter un alinéa supplémentaire à l'article L. 511-7 du code de la consommation qui dresse la liste des textes pour lesquels ces agents sont habilités pour le contrôle de l'application du règlement géoblocage. Après l'article L. 141-1, il est également inséré un article L. 141-1-1 au code de la consommation.

Une autre disposition concerne le titre III relatif aux sanctions du livre Ier du code de la consommation. Elle consiste à ajouter après l'article L. 132-24, un article L. 132-24-1 des dispositions relatives aux sanctions prévues pour les manquements aux dispositions du Règlement géoblocage.

Ce règlement ne s'applique pas aux situations purement internes à un Etat membre. Il est nécessaire qu'un des éléments pertinents de la transaction (nationalité, lieu d'établissement ou lieu de résidence) soit transfrontalier, pour pouvoir alléguer des dispositions précitées.

En raison de l'exclusion des situations purement internes à un Etat, a été introduit un dispositif pour lutter contre les situations de blocage injustifié au niveau national en ajoutant l'article L.121-23 du code de la consommation soit une section XII au chapitre Ier du titre II du Livre I du code de la consommation.

Cette section XII permet d'ajouter dans le code de la consommation une nouvelle pratique commerciale interdite répondant aux mêmes sanctions que celles prévues pour les manquements au règlement. Les sanctions étant les mêmes, un article L.132-24-2 est ajouté après l'article L.132-24-1.

Concernant l'habilitation, est modifié le 1° de l'article L. 511-5 du code de la consommation en introduisant la référence à la section XII du chapitre I du titre II du Livre I du code de la consommation.

4.1.2. Articulation avec le droit de l'Union européenne

Les dispositions envisagées sont conformes aux exigences du règlement (UE) n°2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d'autres formes de discrimination fondée sur le lieu de résidence et le lieu d'établissement des clients sur le marché intérieur, et modifiant les règlements (CE) n° 2006/2004 et (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE. En effet, elles permettent son application effective sur l'ensemble du territoire national en prévoyant un régime de sanctions administratives et une habilitation pour les agents de la DGCCRF d'en contrôler l'application.

En effet, en application de l'article 7 du règlement (UE) n°2018/302 du 28 février 2018, chaque Etat membre désigne un ou plusieurs organismes chargés du contrôle de l'application de ce règlement. L'article 3, en conséquence, habilite les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Les mesures envisagées visent à répondre à la mise en demeure de la Commission européenne du 26 juillet 2019 concernant la mise en oeuvre du règlement (UE) n° 2018/302 du 28 février 2018 précité.

Les articles 3, 4 et 5 du règlement (UE) n°2018/302 du 28 février 2018 listent les pratiques commerciales interdites caractérisant des situations de géoblocage injustifié mais ne sont pas applicables à des situations internes aux Etats membres. La création d'une section XII dans le chapitre Ier « Pratiques Commerciales Interdites » du Titre II du Livre Ier a pour objet l'introduction dans le code de la consommation de dispositions reprenant les interdictions visées aux articles 3, 4 et 5 du règlement (UE) n°2018/302 du 28 février 2018 et de permettre ainsi leur mise en oeuvre à un niveau strictement national.

Ces dispositions spécifiques pour le territoire national du règlement (UE) n°2018/302 du 28 février 2018 s'appliqueront uniquement aux résidents français sur le territoire national. Elles ne s'appliqueront pas aux résidents en France (ou en outremer) de nationalité européenne, puisque le règlement précité prévoit que, dès lors qu'un critère concernant la transaction est présent, le règlement européen est applicable. Aucun chevauchement entre les deux textes n'est donc possible.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Le règlement géoblocage vise à contrer le blocage géographique injustifié en éliminant certains obstacles au fonctionnement du marché intérieur.

Les mesures prévues, qui composent un ensemble clair, uniforme et efficace de règles en nombre limité, pourront permettre de favoriser l'accès aux biens et aux services et leur libre circulation dans toute l'Union, sans discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d'établissement.

Ces mesures devraient viser à élargir le choix des clients et l'accès aux biens et aux services, tout en tenant dûment compte de la liberté des professionnels d'organiser leur politique commerciale conformément au droit de l'Union et au droit national.

Concernant spécifiquement les mesures visant à lutter contre le géoblocage injustifié susceptible d'affecter les consommateurs au niveau national, les dispositions prévues d'adoptation du Règlement géoblocage en droit national ont pour but de lutter contre les discriminations injustifiées liées au lieu de résidence du consommateur.

Or les consommateurs concernés peuvent être victimes de ces discriminations, en particulier s'ils sont situés outre-mer, alors qu'ils devraient au contraire profiter du développement du commerce en ligne, qui permet de desservir des consommateurs localisés sur des territoires souffrant de leur isolement et de structures de marché assez figées. Il peut également leur faciliter l'accès à des produits qui ne sont pas disponibles sur place.

Comme cela a pu être relevé à propos des zones rurales isolées, le commerce en ligne est ainsi susceptible de contribuer, dans une certaine mesure, au désenclavement des populations isolées et à la dynamisation de la concurrence. Il constitue donc potentiellement un facteur de compétitivité et in fine de lutte contre la « vie chère » dans les zones concernées. Le commerce en ligne peut aussi constituer un vecteur indirect de développement de l'emploi local, grâce aux activités logistiques qu'il génère.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Aucune obligation légale supplémentaire ne sera imposée aux entreprises en dehors de l'impact des dispositions du règlement (UE) n°2018/302 du 28 février 2018, qui est d'application directe en droit national.

Pour ce qui concerne le dispositif créé au bénéfice de l'ensemble des consommateurs sur le territoire national, y compris ceux résidant outre-mer, les entreprises auront l'interdiction de bloquer l'accès de ces consommateurs à leur site internet, de leur appliquer des conditions discriminatoires pour l'accès à leurs biens ou à leur offre de service ou pour des motifs liés aux modalités de paiement, pour les situations purement nationales et les situations transfrontières.

En revanche, aucune obligation de livraison, sur le territoire national, dont l'Outre-mer ou vers un autre Etat membre ne leur sera imposée.

4.2.3. Impacts sur les particuliers

L'impact pour les consommateurs français de la mise en oeuvre effective du règlement géoblocage dont les manquements pourront désormais être sanctionnés devrait être favorable puisqu'il permettra l'accès aux biens et aux services et leur libre circulation dans toute l'Union européenne, avec comme effet un meilleur fonctionnement concurrentiel du marché, au plus grand bénéfice des consommateurs.

En effet, selon une étude de la Commission européenne de 2015, 63% des sites internet procèdent au blocage géographique, empêchant ainsi les consommateurs européens de bénéficier des mêmes opportunités dans des situations similaires, soit d'accéder à certains biens et prestations de services dans les mêmes conditions que les nationaux.

Pour les consommateurs isolés l'impact ne peut être que positif. La levée des obstacles au commerce en ligne pourra faciliter leur accès à des produits qui ne sont pas disponibles sur place et dynamiser la concurrence.

De plus, les dispositions relatives au géoblocage permettent de rendre plus visible ce dispositif de réexpédition recommandé par l'Autorité de la concurrence concernant les consommateurs ultramarins. En effet, il est mentionné dans le texte que le géoblocage interdit à un professionnel d'appliquer des conditions générales de vente de biens ou de fourniture de services différentes à un consommateur ultramarin, dans les cas où ce consommateur cherche à acheter des biens auprès d'un professionnel et que ces biens sont retirés en un lieu défini d'un commun accord entre le professionnel et le consommateur et pour lequel le professionnel propose une telle option dans ses conditions générales de vente (...) .

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Ces dispositions vont permettre aux agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de disposer des pouvoirs nécessaires à l'application du règlement (UE) n°2018/302 du 28 février 2018 sur l'ensemble du territoire national, qui est d'application directe en droit national.

Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression sont déjà en charge du contrôle des sites internet et habilités concernant les contrats de vente conclus à distance et plus largement concernant les droits liés aux usages du numérique (articles L.511-5 à L.511-9 du code de la consommation). En application de l'article L. 512-16, les agents CCRF peuvent également faire usage d'une identité d'emprunt pour le contrôle de la vente de biens et de fourniture de services sur internet.

Les dispositions du présent règlement s'ajouteront donc aux pouvoirs déjà exercés par ces agents. Les contrôles de site internet sont courants et effectués dans le cadre d'une procédure particulière. L'habilitation permettra aux agents CCRF de traiter les plaintes de consommateurs et/ou de professionnels, relatives au blocage géographique injustifié, sur le territoire national ou dans le cadre d'une opération transfrontière, afin de procéder à la mise en conformité et à la sanction des professionnels restreignant l'accès à leur site internet.

4.4. IMPACTS SOCIAUX

S'agissant du dispositif interdisant aux sites français le géoblocage des consommateurs situés dans des départements français, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin ou de Saint-Pierre-et-Miquelon, les consommateurs, particulièrement les plus fragiles, rencontrent de graves difficultés liées à la vie chère, qui ont été régulièrement à l'origine de mouvements sociaux.

Les consommateurs les plus isolés géographiquement, comme par exemple ceux des départements d'outre-mer, expriment régulièrement de fortes attentes vis-à-vis des pouvoirs publics quant à l'amélioration de la concurrence, et plus largement du fonctionnement des marchés, et d'abaissement du niveau des prix des biens de consommation. Le dispositif proposé permettra de renforcer la concurrence en élargissant l'offre de biens et donc d'améliorer la situation des consommateurs isolés les plus fragiles.

5. MODALITÉS D'APPLICATION

5.1.1. Application dans le temps

Les dispositions envisagées entreront en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel .

Le Règlement (UE) n°2018/302 du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d'autres formes de discrimination fondée sur le lieu de résidence et le lieu d'établissement des clients sur le marché intérieur est d'application directe en droit national depuis le 3 décembre 2018.

5.1.2. Application dans l'espace

Les dispositions envisagées seront applicables sur l'ensemble du territoire national, y compris l'Outre-Mer, et les iles de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin ou de Saint-Pierre-et-Miquelon,, et sur le territoire de l'Union européenne, y compris les PTOM précités.

Article 5 - Dispositions renforçant la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs - Mise en conformité avec le règlement 2017/2394

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE CONVENTIONNEL

Une coopération transfrontière efficace entre les autorités compétentes en matière de protection des consommateurs est indispensable au bon fonctionnement du marché intérieur et au maintien de la confiance des consommateurs. Le règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation a abrogé le règlement (CE) n° 2006/2004. Il est pris en application de l'article 114 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et est d'application directe.

En 2005, des mesures d'adaptation du droit national à ce règlement avait inscrit dans le droit de la consommation le pouvoir d'injonction administratif (articles L. 521-1 à L.521-3), et l'action en cessation (articles L. 524-1 et 524-2) par laquelle l'autorité administrative peut demander le cas échéant sous astreinte, à la juridiction civile (ou administrative) d'ordonner la suppression d'une clause illicite ou toute mesure de nature à mettre un terme aux manquements ou aux agissements illicites.

Le règlement (UE) 2017/2394 du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs révise les règles de coopération administrative au sein de l'Union européenne (UE) entre les Etats membres en matière de protection des consommateurs.

Il a pour objectif d'améliorer le fonctionnement de la coopération entre les autorités nationales des Etats-Membres chargées de la protection du consommateur, notamment en renforçant les pouvoirs de coordination de la Commission européenne, pour répondre aux infractions transfrontières affectant de nombreux consommateurs dans plusieurs Etats-Membres. Par ailleurs, il élargit le champ de la coopération entre les autorités compétentes à l'application de nouveaux textes (directives ou règlements sur le crédit immobilier, les services, les droits des passagers ferroviaires...).

Le règlement instaure également une liste de pouvoirs minimum, énoncés à l'article 9, dont doivent se doter les autorités nationales compétentes dans les différents États Membres pour assurer le respect de la législation protectrice des consommateurs par les professionnels.

Il s'agit de pouvoirs d'enquête (article 9.3) et d'exécution (article 9.4).

Dans le code de la consommation, les dispositions relatives aux pouvoirs d'enquête et aux suites données aux contrôles figurent dans le livre V. Le titre I de ce livre V est relatif à la recherche et à la constatation des manquements ou infraction.

Le chapitre Ier du titre 1 concerne les habilitations.

Les articles L. 511-1 à 511-26, dressent la liste des textes pour lesquels les agents de la CCRF peuvent effectuer des contrôles.

Le chapitre II a trait aux pouvoirs d'enquête.

Dans ce chapitre, les articles L. 512-8 à L. 512-15 sont relatifs aux pouvoirs ordinaires. Ils donnent aux agents de la CCRF le pouvoir d'avoir accès à tout document, sous quelque forme ou format que ce soit, et quelque l'endroit où ils sont stockés, et le pouvoir d'exiger la fourniture de tout document, donnée ou information pertinents, sous quelque forme que ce soit.

Les articles L. 512-50 à 512-65 sont relatifs aux opérations de visite et saisie, c'est-à-dire aux pouvoirs d'effectuer les inspections sur place nécessaires, compris celui d'accéder à tous les locaux, terrains ou moyens de transport.

Les articles L. 512 -7 et l'article 512-16 du code de la consommation prévoient respectivement que les agents habilités peuvent ne décliner leur qualité qu'au moment où ils informent la personne contrôlée de la constatation d'une infraction ou d'un manquement et qu'ils peuvent faire usage d'une identité d'emprunt.

Le titre II du Livre V du code de la consommation a trait aux mesures consécutives aux contrôles.

Parmi les pouvoirs listés par le règlement (UE) 2017/2394, l'article 9. 4 g) prévoit que lorsqu'aucun autre moyen efficace n'est disponible et en vue de prévenir des dommages sérieux et irréparables pour les consommateurs, des mesures de restriction d'accès à des interfaces en ligne, d'affichage sur celles-ci d'un message de prévention pour les consommateurs, de suppression de contenus en ligne ou de noms de domaines.

A ce jour, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut demander au juge de prendre toutes mesures proportionnées propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage causé par le contenu d'un service de communication au public en ligne ou d'un service téléphonique (article L. 524-3 du code de la consommation).

Elle ne dispose pas des autres pouvoirs prévus par l'article 9.4 g) du règlement (UE) 2017/2394.

Par ailleurs, ce texte prévoit la mise en place, à la charge des professionnels et à l'initiative de l'autorité nationale compétente, d'un mécanisme de réparation du préjudice subi par les consommateurs du fait de l'infraction aux règles européennes de protection des consommateurs, dans le cadre d'une procédure de transaction (article 9. 4. c). Un tel dispositif n'existe pas aujourd'hui en droit national.

Les dispositions envisagées à l'article 5 prévoient de doter l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation de ces pouvoirs.

1.2. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

En matière de pouvoirs pour lutter contre les pratiques qui lèsent les consommateurs, la situation dans les différents Etats-membres de l'Union est très contrastée. Toutes les autorités chargées de la protection des consommateurs ne disposent pas de pouvoirs, administratifs ou judiciaires, pour enquêter, constater et sanctionner ces pratiques.

En outre, dans certains Etats-membres, les compétences en matière de protection des consommateurs sont partagées entre les autorités fédérales et les autorités fédérées.

Enfin, certains Etats-membres doivent demander à des entités qualifiées, telles les associations de consommateurs, d'agir en justice pour faire faire cesser les manquements ou sanctionner les infractions aux règles de protection des consommateurs. Cette diversité des règles et des procédures est un obstacle à une coopération efficace.

Avant de proposer une révision du Règlement CPC, la Commission avait d'ailleurs fait le constat que les autorités chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection du consommateur disposaient de pouvoirs minimums insuffisants pour pouvoir coopérer de manière rapide et efficace, surtout dans l'environnement numérique.

C'est la raison pour laquelle la Commission a fait une proposition de révision du Règlement (CE) 2006/2004 qui a abouti à l'adoption du Règlement (UE) 2017/2394.

Pour se conformer au nouveau règlement, certains Etats-membres devront adapter leur droit et leurs procédures aux nouvelles exigences posées par ce texte.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Comme il a été indiqué supra, dans la mesure où la France dispose à ce jour de tous les pouvoirs requis par le règlement précité, elle n'a besoin que d'un petit nombre de mesures d'adaptation de dispositions figurant au code de la consommation afin de permettre l'application effective du règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs et abrogeant le règlement (CE) n° 2006/2004 entre en vigueur le 17 janvier 2020.

Les articles concernés du règlement précité sont :

- l'article 9.4. g : « lorsque aucun autre moyen efficace n'est disponible pour faire cesser ou interdire l'infraction couverte par le présent règlement afin de prévenir le risque de préjudice grave pour les intérêts collectifs des consommateurs:

i) le pouvoir de retirer un contenu d'une interface en ligne ou de restreindre l'accès à celle-ci ou d'ordonner qu'un message d'avertissement s'affiche clairement lorsque les consommateurs accèdent à une interface en ligne ;

ii) le pouvoir d'ordonner à un fournisseur de services d'hébergement qu'il supprime, désactive ou restreigne l'accès à une interface en ligne ; ou

iii) le cas échéant, le pouvoir d'ordonner aux opérateurs de registre ou aux bureaux d'enregistrement de domaines de supprimer un nom de domaine complet et de permettre à l'autorité compétente concernée de l'enregistrer »

- l'article 9. 4. c du règlement : « le pouvoir de recevoir de la part du professionnel, sur l'initiative de ce dernier, des engagements supplémentaires en matière de mesures correctives en faveur des consommateurs affectés par l'infraction supposée couverte par le présent règlement ou, le cas échéant, de tenter d'obtenir des engagements de la part du professionnel en vue d'offrir des mesures correctives adéquates pour les consommateurs affectés par ladite infraction ».

Les modifications envisagées concernent ainsi essentiellement les pouvoirs de l'autorité chargée de la protection des consommateurs, et peuvent aboutir à infliger des sanctions. Elles relèvent donc du domaine législatif, conformément à l'article 34 de la Constitution selon lequel « La loi fixe les règles concernant (...) les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ; (...) la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats».

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les mesures d'adaptation au droit national du Règlement (UE) 2017/2394 ont pour objectif le renforcement de l'effectivité et de l'efficacité de l'action de la DGCCRF dans l'économie numérique. Il s'agit d'abord d'introduire la possibilité pour la DGCCRF de faire des messages d'avertissement et de demander le déréférencement des sites Internet illicites.

Il s'agit ensuite de prévoir des dispositifs permettant l'indemnisation des consommateurs quand ils sont victimes de manquements ou d'infraction au droit de la consommation, dans le cadre d'une procédure négociée.

3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU

Le règlement (UE) 2017/2394 est d'application directe. Une option possible aurait été de ne pas prendre de mesures d'adaptation puisque la France disposait déjà de la quasi-totalité des pouvoirs réclamés par le Règlement.

Toutefois, outre la nécessité d'actualiser les références au règlement européen en vigueur dans les mesures législatives nationales, il a semblé plus pertinent de procéder à une adaptation du Règlement au droit actuel afin de renforcer l'effectivité de l'action de la DGCCRF dans l'économie numérique et pour prévoir de l'indemnisation des consommateurs dans le cadre d'une procédure de transaction, que la Cour des comptes estimait indispensable.

Les dispositions d'adaptation du règlement (UE) 2017/2394 concernent les pouvoirs de l'autorité chargée de la concurrence et de la consommation.

Afin de permettre aux agents de l'autorité de de la concurrence et de la consommation de faire des enquêtes et de faire cesser les manquements ou infractions aux règles de la protection du consommateur, dans le cadre d'une demande d'assistance, à l'article L. 511-10, il faut opérer deux changements: substituer le règlement (UE) 2017/2394 au règlement (CE) 2006/2004 et ajouter la Commission Européenne à la liste des entités qui peuvent faire une demande de coopération.

De même, pour permettre les actions « coordonnées » en vue de faire cesser les infractions de grande ampleur, il faut ajouter à l'article L. 512-18 du code de la consommation, la Commission européenne à la liste des entités avec laquelle l'autorité chargée de la concurrence et la consommation peut coopérer, et notamment transmettre des documents et des informations.

Pour se conformer au Règlement, deux nouvelles dispositions sont prévues.

La première disposition concerne les moyens d'actions pour lutter contre les activités illicites des sites de commerce électroniques et dont sont victimes chaque année des milliers de consommateurs.

Ainsi, lorsque aucun autre moyen efficace n'est disponible pour faire cesser le manquement ou l'infraction, le nouvel article L. 523-3-1 du code de la consommation reconnaît à l'autorité chargée de la concurrence et la consommation, le pouvoir d'ordonner des mesures de restriction d'accès à une interface en ligne et/ou la diffusion d'un message d'avertissement qui s'afficherait clairement sur ce site ainsi que la suppression d'un nom de domaine et de permettre, le cas échéant, à une autorité compétente de pouvoir l'enregistrer pour elle-même.

Ces mesures sont expressément prévues par les dispositions de l'article 9 du règlement (UE) 2017/2394. Pour des raisons d'efficacité de l'action publique, il est souhaitable que la DGCCRF puisse les exercer directement. Néanmoins, il convient de rappeler que ces mesures ne peuvent intervenir que lorsque aucun autre moyen efficace n'est disponible pour faire cesser le manquement ou l'infraction aux dispositions protégeant les intérêts des consommateurs et en vue de prévenir tout risque de préjudice grave pour ces derniers, sachant que bien évidemment cette décision de l'administration est susceptible d'un recours devant le juge administratif dans les conditions de droit commun.

Si le texte indique en effet que [l'autorité] « peut ordonner des mesures de restriction d'accès à un site Internet ou qu'un message d'avertissement s'affiche clairement sur ce site lorsque les consommateurs accèdent à une interface en ligne, afin de prévenir tout risque de préjudice grave pour les intérêts des consommateurs », il renvoie à un décret en Conseil d'Etat les modalités d'application du présent article.

Or, les modalités de restriction d'accès à un site envisagées seraient celle d'un déréférencement du site, opéré par un navigateur ou un moteur de recherche.

Toutefois l'accès à ce site ne serait pas totalement restreint. En effet, même s'il était déréférencé par les principaux moteurs de recherche et/ou navigateur (Google, Mozilla...), le site pourrait continuer à exister. La liberté du commerce serait donc préservée, étant précisé que les sites qu'il est envisagé de déréférencer sont des sites dont il aura été au préalable constaté les activités illicites.

La suppression d'un nom de domaine ne peut être faite que par le bureau d'enregistrement qui exerce son activité sous la responsabilité de l'office d'enregistrement et n'empêchera pas le professionnel de demander ultérieurement un autre nom de domaine.

En ce qui concerne la suppression d'un nom de domaine, les articles L. 45 et suivants du code des postes et des communications électroniques ne sont opposables qu'à l'AFNIC en tant qu'office d'enregistrement sous la responsabilité de laquelle les bureaux d'enregistrement enregistrent les noms de domaine que les professionnels/particuliers souhaitent exploiter.

Conformément à l'article L. 45, la désignation de l'AFNIC (Association française pour le nommage internet en coopération) en tant qu'office d'enregistrement du domaine de premier niveau du système d'adressage par domaines de l'internet correspondant au « .fr » a été prorogée pour 5 ans par arrêté du 15 avril 2017 (prorogation de l'arrêté du 25 juin 2012 portant désignation de l'AFNIC comme office d'enregistrement).

Les prescriptions qui s'imposent à l'AFNIC en application de l'article R. 20-44-35 du CPCE figurent, notamment, en annexe 1 de l'arrêté du 25 juin 2012. L'AFNIC est ainsi tenue de mettre en place un dispositif permettant de porter à la connaissance de l'office un nom de domaine présentant un caractère illicite ou contraire à l'ordre public.

La convention entre l'Etat et l'AFNIC portant sur la gestion du nom de domaine de premier niveau correspondant au « .fr » a également été renouvelée. Cette convention prévoit notamment qu'elle ne porte que sur les noms de domaine en « .fr », d'une part, et décrit le processus de remboursement du requérant en cas de recours à la procédure de résolution des litiges prévue à l'article L. 45-6.

Il ressort de ceci que, à considérer que la DGCCRF ait un intérêt à agir pour demander à l'office d'enregistrement (AFNIC) la suppression ou le transfert à son profit d'un nom de domaine (article L. 45-6) en raison d'un des motifs énoncés à l'article L. 45-2 (nom de domaine « susceptible de porter atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs ou à des droits garantis par la constitution ou par la loi » ou « susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité, sauf si le demandeur justifie d'un intérêt légitime », ou « identique ou apparenté à celui de la République française, d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales ou d'une institution ou service public national ou local, sauf si le demandeur justifie d'un intérêt légitime et agit de bonne foi »), cette action (en suppression, notamment) resterait cantonnée aux noms de domaine en « .fr ». Or, en réalité, nos enquêtes ne concernent pas les sites ayant un nom de domaine en « .fr ».

S'agissant de l'articulation des dispositions du CPCE et du futur article L. 521-3-1 : Les nouvelles dispositions du code de la consommation ne recoupent pas celles du CPCE dans la mesure où elles visent des noms de domaine autres que « .fr » et que l'action en suppression peut être menée pour un motif différent de ceux prévus par le CPCE, à savoir un « préjudice grave pour les intérêts des consommateurs ».Il n'existe pas de sanction en cas d'inexécution de ces mesures, mais, en pareil cas, l'autorité administrative pourra saisir, y compris en référé, le juge sur le fondement de l'article L. 524.3 du code de la consommation, en vue de prendre « , toutes mesures proportionnées propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage causé par le contenu d'un service de communication au public en ligne ».

Cette décision peut être prononcée, le cas échéant, sous astreinte.

Par ailleurs, les manquements au droit de la consommation, peuvent faire l'objet de mesures de police administrative (injonctions) et de sanctions administratives. Toutefois, il n'existe pas de procédure négociée, avec des engagements de la part du professionnel, qui permettrait une réduction de la sanction en contrepartie d'une indemnisation des consommateurs lésés par le manquement.

La seconde disposition concernant le titre II du livre V du code de la consommation vise à introduire cette possibilité dans le code de la consommation.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les dispositions envisagées modifient les articles L. 511-10 et L. 512-18, ou ajoutent certains articles au livre V du code de la consommation relatif à la recherche et à la constatation des manquements ou infraction. Il s'agit de l'article L. 521-3-1 relatif au pouvoir d'ordonner des mesures de restriction d'accès à une interface en ligne ou d'affichage d'un message d'avertissement sur celle-ci ainsi que de suppression de noms de domaines. Enfin, l'article L. 522-10 change de numérotation et devient L. 522-11.

Un nouvel article L. 522-10, est créé, relatif à la transaction administrative. Enfin l'article
L. 523-1 relatif à la transaction pénale est complété par un nouvel alinéa.

Elles concernent à la fois le titre Ier de ce livre, relatif à la recherche et à la constatation des manquements ou infraction (articles modifiés) et le titre II, qui a trait aux mesures consécutives aux contrôles (articles ajoutés).

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Les dispositions envisagées sont conformes à la législation européenne relative à la protection des consommateurs, puisque le règlement est relatif aux pouvoirs des autorités chargées de la protection des consommateurs pour appliquer cette législation. Les dispositions envisagées sont en outre parfaitement compatible avec le droit de l'Union puisqu'elles reprennent celles prévues dans le règlement précité.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

La lutte contre les pratiques illicites des professionnels, notamment dans le secteur du commerce électronique, permettra de réduire les préjudices subis par les milliers de consommateurs, qui sont victimes chaque année d'abonnements cachés sous les offres de réduction, de drop-shipping sans livraison, et contrefaçon. Elle permettra aussi de réduire les coûts de transaction pour l'ensemble des opérateurs, et d'améliorer l'efficacité de l'intervention publique et, en définitive, sera un facteur de croissance économique du fait de l'augmentation de la demande des consommateurs. Les bénéfices l'emportent sur nettement sur les coûts qui sont réduits pour les autorités publiques.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Aucune obligation légale supplémentaire ne sera imposée aux entreprises.

Le renforcement du contrôle de l'application de la législation de protection des consommateurs améliorera l'environnement réglementaire des entreprises et leur permettra, et notamment aux PME, d'éviter des frais d'expertise juridique lors de la commercialisation de leurs produits, et d'être plus confiantes dans l'application uniforme de la législation en matière de protection des consommateurs.

Une application effective de la législation de protection des consommateurs aura pour effet de renforcer la compétitivité des opérateurs honnêtes et respectueux des lois, de stimuler la concurrence et de créer des conditions de concurrence équitables dans le marché intérieur.

4.3. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Les consommateurs seront les grands bénéficiaires de l'amélioration du fonctionnement des marchés et du commerce en ligne, qui va dépasser le seuil des 100 milliards en 2019 ( FEVAD ), et qui concerne plus de 200 000 sites de e-commerce en France.

Dans l'étude d'impact réalisée pour le Règlement (UE) 2017/2394, la Commission a estimé que, du fait d'une diminution du nombre de litiges et d'un relèvement du niveau de protection lors d'achats en ligne, pour cinq marchés en ligne étudiés, serait observé une diminution de 10 points du taux de non-respect de 37 % de la réglementation, ce qui pourrait permettre de diminuer de 30 % le préjudice subi par les consommateurs, estimé à 770 millions d'euros par an, qui passerait à quelque 539 millions d'euros.. En France, DGCCRF a enregistré pour 2019, 13 000 plaintes de consommateurs concernant des achats sur Internet. Si 10% des plaintes concernent des problèmes de retard de livraison, près de 50 %  a trait à des pratiques frauduleuses 9 ( * ) . La possibilité pour l'administration de restreindre l'accès au site d'opérateurs frauduleux et/ou de diffuser un message d'avertissement pourra permettre de diminuer le nombre de victimes de ces sites et de réduire ainsi leur préjudice.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Les mesures envisagées ne devraient pas avoir d'impact sur les services administratifs. En effet, la procédure de transaction administrative va s'insérer dans une procédure existante, qui prévoit déjà que la personne mise en cause soit informée de la mesure de police administrative ou de la sanction prise à son encontre. De même, la personne mise en cause est informée de l'éventuelle publicité. Il n'y aura donc pas de changement véritable pour les services administratifs qui disposeront seulement d'une option supplémentaire. Quant à la possibilité de restreindre l'accès à un site Internet ou d'imposer un message d'avertissement, elle offrira à l'administration au contraire une possibilité de solution pour résoudre les problèmes liés à l'activité de sites illicites.

5. MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. APPLICATION DANS LE TEMPS

Le Règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs et abrogeant le règlement (CE) n° 2006/2004 entre en vigueur le 17 janvier 2020.

5.2. APPLICATION DANS L'ESPACE

Il n'est pas prévu d'étendre l'application des dispositions du droit de l'Union ici transposées dans les collectivités et territoires d'outre-mer où le droit de l'Union ne s'applique pas.

Il n'est pas non plus proposé de modification des dispositions relatives à la loi applicable aux contrats transfrontaliers, à l'exception de la mise à jour des articles en référence.

5.3. TEXTES D'APPLICATION

Un décret en Conseil d'Etat devrait fixer les modalités d'application des dispositions envisagées dont celles concernant la proposition d'entrée en voie de composition ou transaction administrative).

CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À LA SURVEILLANCE DU MARCHÉ ET À LA CONFORMITÉ DES PRODUITS

Article 6 - Adaptation du code de la consommation avec les dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 sur la surveillance de marché

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Cet article procède à l'adaptation du code de la consommation aux dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) n°765/2008 et (UE) n°305/2011.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les chapitres IV (Organisation, activités et obligations des autorités de surveillance du marché et du bureau de liaison unique) et V (Pouvoirs et mesures en matière de surveillance du marché) du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 incluent des dispositions relatives à la surveillance du marché des produits non alimentaires qui nécessitent des mesures d'adaptation du code la consommation.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Selon l'étude d'impact produite par la Commission européenne au moment du dépôt de sa proposition de règlement, la valeur des produits soumis aux règles harmonisées de l'UE s'élève à plus de 2 400 milliards d'euros par an, représentant 69% de la valeur totale des produits manufacturés dans l'UE. L'existence de produits non conforme expose les acteurs économiques européens à une concurrence déloyale.

Les causes profondes de ce constat sont une connaissance limitée des règles et une faible dissuasion du cadre juridique précédent. Le problème devrait augmenter en raison de la croissance des ventes en ligne et des importations de pays tiers.

Le nouveau règlement vise à réduire le nombre de produits non conformes dans le marché unique, par un renforcement des procédures de coopération, par une augmentation de la capacité opérationnelle de mise en application, par une amélioration de l'efficacité et de la disponibilité des ressources, et enfin par un renforcement des outils pour l'application du cadre juridique.

Le nouveau règlement entraine une surveillance plus efficace des produits non conformes dans l'ensemble du Marché unique, et un contrôle plus efficace des importations. Les utilisateurs de produits seront mieux protégés contre les risques, de même que l'environnement, la santé publique et la sécurité au travail. Les entreprises bénéficieront d'un environnement concurrentiel assaini.

3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU

Le dispositif retenu repose sur un chapitre dédié aux mesures d'adaptation nécessaires du code de la consommation avec les dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) n°765/2008 et (UE) n°305/2011.

En application de l'article 14 du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019, qui encadre les pouvoirs minimaux des autorités de surveillance du marché, la mesure envisagée habilite les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à contrôler les dispositions pertinentes de ce règlement, c'est-à-dire les dispositions de ses articles 4 (obligations des opérateurs économiques), 5 (obligations du mandataire) et 7 (obligation de coopération des opérateurs économiques) au travers d'une modification de l'article L. 511-12 du code de la consommation.

L'article 7 inclut les mesures d'adaptation du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 nécessaires au sein du chapitre II du titre Ier du livre V du code de la consommation. Il a ainsi pour objet :

- En application de l'article 11 du règlement précité, qui encadre les activités des autorités de surveillance du marché, de permettre la communication des informations et documents détenus ou recueillis en matière de conformité ou de sécurité des produits par les agents habilités à la Commission Européenne et aux autres ASM européennes, que ce soit pour les produits soumis à l'obligation générale de sécurité (comme prévu par l'article L. 512-20 du code de la consommation dans sa rédaction actuelle) ou pour les produits soumis à une réglementation européenne harmonisée.

- En application de l'article 16 du règlement précité, qui encadre les mesures de surveillance du marché, de permettre la levée du secret professionnel et du secret de l'enquête pour la notification de produits non conformes auprès des places de marché de commerce électronique, au travers de la création d'un nouvel article L. 512-22-1 du code de la consommation.

- En application de l'article 14 du règlement précité et en cohérence avec 13 règlements délégués complétant la directive 2010/30/UE concernant l'étiquetage énergétique des produits liés à l'énergie, de prévoir, lors des procédures de prélèvements pertinentes, la consignation des unités supplémentaires nécessaires dans l'attente des résultats de l'essai réalisé sur la première unité, au travers de la création d'un nouvel article L. 512-33-1 du code de la consommation.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La disposition envisagée intègre les mesures d'adaptation nécessaires du code de la consommation avec les dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) n°765/2008 et (UE) n°305/2011.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

Les mesures envisagées portant sur l'adaptation des pouvoirs des agents chargés de la surveillance du marché des produits vis-à-vis des dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) n°765/2008 et (UE) n°305/2011, elles ne présentent aucun impact économique ou financier significatif en elles-mêmes.

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Pas d'impact autre que l'impact des dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 lui-même, qui est d'application directe en droit national.

4.2.2. Impacts budgétaires

Pas d'impact autre que l'impact des dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 lui-même, qui est d'application directe en droit national.

4.2.3. Impacts sur les entreprises

Pas d'impact autre que l'impact des dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 lui-même, qui est d'application directe en droit national.

4.2.4. Impacts sur les particuliers

Pas d'impact autre que l'impact des dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 lui-même, qui est d'application directe en droit national.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Les mesures envisagées portant sur l'adaptation des pouvoirs des agents chargés de la surveillance du marché des produits vis-à-vis des dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) n°765/2008 et (UE) n°305/2011, elles ne présentent aucun impact sur les collectivités territoriales en elles-mêmes.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Dispositions permettant aux agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de disposer des pouvoirs nécessaires à l'application du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 lui-même, qui est d'application directe en droit national.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

Les mesures envisagées portant sur l'adaptation des pouvoirs des agents chargés de la surveillance du marché des produits vis-à-vis des dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) n°765/2008 et (UE) n°305/2011, elles ne présentent aucun impact social significatif en elles-mêmes.

4.5.1. Impacts sur la société

Pas d'impact autre que l'impact des dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 lui-même, qui est d'application directe en droit national.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Pas d'impact autre que l'impact des dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 lui-même, qui est d'application directe en droit national.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Pas d'impact autre que l'impact des dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 lui-même, qui est d'application directe en droit national.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Pas d'impact autre que l'impact des dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 lui-même, qui est d'application directe en droit national.

4.6. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Les mesures envisagées portant sur l'adaptation des pouvoirs des agents chargés de la surveillance du marché des produits vis-à-vis des dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) n°765/2008 et (UE) n°305/2011, elles ne présentent aucun impact environnemental en elles-mêmes.

5. MODALITÉS D'APPLICATION

Application sur l'ensemble du territoire national (et sur l'ensemble du territoire de l'Union Européenne pour le règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 en lui-même).

CHAPITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LES PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES ET POUR L'ÉQUITÉ ET LA TRANSPARENCE DANS LES RELATIONS INTERENTREPRISES

Article 7 - Habilitation pour transposer la directive 2019/633 PCD et le règlement 2019/1150 PtoB

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Dès l'ordonnance du 1 er décembre 1986, le droit des pratiques restrictives de concurrence s'est constitué et développé dans le droit français pour tenir aujourd'hui une place prépondérante parmi les outils juridiques permettant d'assurer l'équilibre et la loyauté des relations commerciales et ainsi éviter qu'une des parties au contrat utilise sa puissance d'achat pour imposer à son cocontractant une relation commerciale déséquilibrée et susceptible de compromettre, dans la durée, l'efficacité et la pérennité économique de l'autre partie.

Depuis plus de 30 ans, le législateur français et la jurisprudence ont affiné ces dispositions et ont permis la mise en place, au sein du titre IV du livre IV du code de commerce, d'un corpus législatif d'une grande efficacité pour garantir des relations commerciales équilibrées et loyales entre les acteurs économiques.

Ainsi, parallèlement aux travaux communautaires relatifs à la directive (UE) 2019/633 du Parlement Européen et du conseil du 17 avril 2019 (ci-après, directive « PCD ») et au règlement 2019/1150 du 20 juin 2019 (ci-après, règlement « platform to business ») (point 1.1.3), le Président de la République a, au niveau national, lancé les Etats Généraux de l'Alimentation (EGA) dès l'été 2017. Ces EGA ont réuni l'ensemble des parties prenantes du secteur agroalimentaire autour de deux axes de travail, rappelés par le Président de la République dans son discours du 11 octobre 2017 à Rungis :

« permettre aux agriculteurs de vivre du prix juste payé, permettre à tous dans la chaîne de valeur de vivre dignement », d'une part et « permettre à chacune et chacun d'avoir accès à une alimentation saine, durable, sûre », d'autre part.

Les travaux ont été structurés en deux chantiers et quatorze ateliers. Dans le cadre du chantier n°1 portant sur « la création et la répartition de la valeur », les membres de l'atelier n°7 ont été amenés à travailler à l'amélioration des relations commerciales et contractuelles entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs.

Dans ce contexte, la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018, dite loi « Egalim », a notamment habilité le Gouvernement à procéder, par voie d'ordonnance, à la modification du titre IV du livre IV du code de commerce portant sur les pratiques commerciales restrictives de concurrence, c'est-à-dire les pratiques commerciales déloyales.

L'élaboration de cette ordonnance a fait l'objet d'un large travail de concertation auprès des professionnels : près de 80 organisations professionnelles représentatives de l'ensemble des acteurs du commerce (alimentaire et non alimentaire) ont été consultées au cours de l'hiver 2018.

Les principales mesures prévues par l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées sont les suivantes :

- amélioration de la lisibilité d'ensemble du titre IV du livre IV du code de commerce par une réorganisation thématique plus logique :

1) la transparence de la relation commerciale qui englobe les conditions générales de vente, les obligations de formalisme contractuel, la facturation et les délais de paiements,

2) les pratiques commerciales déloyales entre entreprises qui rassemblent les pratiques restrictives de concurrence, dont le nombre a été réduit et le champ d'application renforcé pour plus d'efficacité du dispositif, et les autres pratiques prohibées,

3) une partie dédiée aux dispositions relatives aux produits agricoles ;

- clarification des règles, notamment de facturation par leur harmonisation avec le code général des impôts dans un souci de meilleure lisibilité pour les professionnels et d'une amélioration du traitement des factures ;

- modification du formalisme des conventions en matière de relations commerciales par la création d'un régime de droit commun applicable tous secteurs confondus et d'un régime plus spécifique pour le secteur de la distribution des produits de grande consommation, ce qui correspond à la finalité poursuivie par le législateur ;

- recentrage du droit des pratiques restrictives de concurrence, garant de la loyauté dans les relations commerciales, autour de trois notions générales renforcées : le déséquilibre significatif, l'avantage sans contrepartie et l'interdiction de la rupture brutale des relations commerciales, tout en maintenant les dispositions concernant l'interdiction de la revente hors réseau de distribution sélective;

- prise en compte des indicateurs de coûts de production dans les conditions générales de vente (CGV) et sur toute la chaîne contractuelle agroalimentaire, aux fins d'une meilleure rémunération des agriculteurs ;

- renforcement de l'efficience des règles par l'amélioration des dispositifs de sanction.

Au terme d'un travail approfondi avec l'ensemble des acteurs économiques, cette ordonnance a permis d'améliorer l'intelligibilité du droit et de simplifier les règles afin d'en renforcer l'effectivité.

Garant de la protection de l'ordre public économique, le ministre de chargé de l'économie dispose du pouvoir de saisir le juge judiciaire pour voir condamner un acteur économique qui ne respecte pas ces règles de transparence et de loyauté. Ainsi, le ministre peut intervenir dans ces relations commerciales et assigner devant les juridictions civiles de tels acteurs économiques aux fins de demander au juge qu'il sanctionne les pratiques commerciales déloyales et prononce une amende civile pouvant aller jusqu'à cinq millions d'euros, le triple des sommes indument perçues ou 5 % du chiffre d'affaires de l'auteur des pratiques.

La mise en oeuvre de ce dispositif par le ministre chargé de l'économie s'est traduite, au cours des dix dernières années (institution du déséquilibre significatif par la loi n° 2008-776 de modernisation de l'économie du 4 août 2008), par :

- plus de cinquante assignations en justice : la moitié concerne la distribution alimentaire, l'autre moitié est répartie entre le domaine du numérique (GAFA, plateformes hôtelières), du bricolage (Castorama, Bricorama), de la grande distribution hors alimentaire (Darty) et enfin de la franchise ;

- plus de 17 M€ de condamnations à des amendes civiles ;

- plus de 180 M€ de condamnations à la restitution de sommes indument payées ;

- 905 amendes administratives ont été notifiées pour un montant total de 42 millions d'euros en délais de paiement, représentant 11 329 établissements contrôlés ;

- la construction d'une jurisprudence précise et détaillée autour de la notion de déséquilibre significatif.

Au total, l'activité du ministre en matière de contentieux devant les juridictions civiles a donné lieu à près de 270 décisions de justice (décisions sur le fond ou décisions de procédure confondues, devant les tribunaux de première instance, la cour d'appel et la Cour de cassation).

1.1.1. Cadre constitutionnel

Le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé à quatre reprises sur la conformité du droit national des pratiques commerciales restrictives de concurrence à la Constitution (décisions QPC 2010-85, 2011-126, 2016-542 et 2018-749).

1.1.2. Cadre conventionnel

La Cour européenne des droits de l'homme a eu l'occasion de confirmer la conformité à la convention européenne des droits de l'homme de l'action judiciaire du ministre en matière de pratiques restrictives de concurrence, ainsi que des sanctions qu'il peut demander au juge judiciaire de mettre en oeuvre, notamment dans sa décision récente du 1 er octobre 2019.

Les institutions européennes ont également déjà confirmé la conformité du droit national des pratiques restrictives de concurrence avec le droit communautaire. D'une part, le règlement CE n°1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence réserve la possibilité pour le droit national de mettre en oeuvre sur leur territoire des lois nationales plus strictes qui interdisent ou sanctionnent un comportement unilatéral d'une entreprise, à l'instar du droit français des pratiques restrictives. D'autre part, dans son arrêt du 24 novembre 1993, « Keck et Mithouard » (affaires jointes C-267/91 et C-268/91), la CJCE a affirmé que la législation française interdisant de façon générale la revente à perte (article L. 442-5 du code de commerce) ne constituait pas un obstacle à la libre circulation des marchandises.

Ainsi, les dispositions de la directive et du règlement transposées en droit national s'intégreront dans un ensemble législatif respectueux du cadre conventionnel.

1.1.3. Éléments de droit comparé

A - La directive « PCD »

La directive (UE) 2019/633 du Parlement Européen et du conseil du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire s'inscrit dans la continuité des réflexions menées par les institutions européennes sur la nécessité de proposer des règles communes relatives aux pratiques commerciales déloyales entre entreprises.

Depuis 2009, la Commission a fait paraître trois publications axées sur le fonctionnement de la chaîne d'approvisionnement alimentaire, notamment sur le recours à des pratiques commerciales déloyales :

- la communication de la Commission du 28 octobre 2009 relative à une chaîne d'approvisionnement alimentaire plus performante en Europe,

- la communication de la Commission du 15 juillet 2014 portant sur la lutte contre des pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire interentreprises,

- et le rapport de la Commission du 29 janvier 2016 sur les pratiques commerciales déloyales interentreprises dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire.

- En 2011, le forum à haut niveau sur l'amélioration du fonctionnement de la chaîne d'approvisionnement alimentaire 10 ( * ) , piloté par la Commission, a approuvé un ensemble de principes de bonnes pratiques relatives aux relations verticales dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire 11 ( * ) , qui ont été arrêtés par des organisations représentant la majorité des opérateurs de la chaîne d'approvisionnement alimentaire.

- Le Parlement européen (résolution du 7 juin) et le Conseil (conclusions du 12 décembre 2016) ont invité la Commission à proposer un cadre européen pour lutter contre les pratiques déloyales interentreprises. Sur la base de ces recommandations, la Commission a lancé en 2017 une analyse d'impact initiale et une consultation publique 12 ( * ) sur l'amélioration de la chaîne d'approvisionnement alimentaire, qui ont permis de répertorier les pratiques commerciales déloyales traitées spécifiquement par la directive précitée du 17 avril 2019.

- La France a toujours soutenu cette initiative, tout en militant pour que celle-ci se fasse dans le cadre d'une harmonisation minimale permettant aux Etats-membres de prévoir un niveau de protection plus important.

- La Commission a répondu favorablement aux demandes du Parlement et du Conseil en proposant un projet de directive en avril 2018.

- La France a accueilli cette proposition de la Commission européenne permettant d'établir un cadre harmonisé de lutte contre les pratiques commerciales déloyales entre professionnels. En effet, si la France bénéficie depuis longtemps d'un cadre juridique renforcé en cette matière, de telles dispositions restaient encore une exception en Europe. Ainsi, à l'heure du développement des centrales d'achat européennes, les différences de régimes juridiques entre les Etats-membres auraient pu à terme être à l'origine de nouvelles pratiques déloyales, telles que des délocalisations fictives de négociation.

- Le projet de directive de la Commission a donné lieu à un travail intense et productif du Conseil et du Parlement qui ont trouvé un accord fin décembre 2018, finalisant ainsi la directive en moins de 8 mois.

- La France a été attentive à deux points majeurs au cours de la négociation de cette directive : le principe d'une harmonisation minimale, préservant les acquis importants du droit national, et la compétence des autorités nationales pour poursuivre les auteurs de pratiques commerciales déloyales, garantissant que chaque Etat-membre conserve l'opportunité des poursuites.

- Le choix d'une directive d'harmonisation minimale a toujours été fortement défendu par la France. En effet, un tel niveau d'harmonisation doit permettre à la France de s'assurer que les fournisseurs gardent une grande protection sur le marché français, particulièrement marqué par un fort déséquilibre des relations commerciales dans le secteur des produits de grande consommation alimentaire.

- Les choix retenus dans cette directive qu'il s'agisse de la liste des pratiques interdites (comme les paiements tardifs, les annulations de commande à brève échéance ou encore les modifications unilatérales ou rétroactives des contrats) ou de l'application de ces règles par des autorités de contrôle amenées à coopérer entre elles constituent un standard minimal de protection des entreprises implantées au sein de l'Union européenne.

- Egalement, le texte a retenu une solution très protectrice pour les fournisseurs concernant la détermination de l'autorité compétente pour traiter les plaintes, notamment dans le cas de pratiques transfrontalières.

- Cette question de l'autorité compétente a constitué un point juridique fondamental. En effet, pour la France, le choix de l'autorité compétente pour sanctionner des pratiques déloyales ne devait pas dépendre du lieu d'implantation de l'acheteur, qui est parfois établi dans un pays où il n'a aucune activité de distribution. Si la directive avait retenu le principe selon lequel l'autorité compétence est celle du lieu de résidence de l'acheteur, cela aurait obligé les fournisseurs français à saisir une autorité de contrôle d'un autre pays (notamment ne parlant pas sa langue) afin de demander l'arrêt des pratiques déloyales menées par un acheteur (centrale d'achat par exemple) implanté à l'étranger).

- Dans cette optique, le choix défendu par la France lors des négociations, qui a finalement été retenu, désignant l'autorité de contrôle compétente comme celle qui reçoit la plainte du fournisseur, semble être la solution la plus pertinente pour protéger les fournisseurs. La pertinence de cette règle sera par ailleurs assurée grâce au principe de coopération qui amènera les autorités compétentes à échanger et à travailler ensemble face à des cas de pratiques transfrontalières.

B - Le règlement « platform to business »

Le règlement (UE) 2019/1150 du Parlement Européen et du conseil promouvant l'équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d'intermédiation en ligne a été adopté le 20 juin 2019. Ce règlement vise à protéger les entreprises offrant des biens ou des services aux consommateurs par l'intermédiaire de plateformes numériques, notamment via des places de marché en ligne (marketplaces) ou des magasins d'applications (applications gratuite ou payante que l'on télécharge sur téléphone mobile). Il s'applique donc dans le cadre des relations entre les plateformes numériques et les vendeurs opérant sur ces plateformes (relation BtoB ).

Au titre de leurs obligations de transparence, les plateformes sont soumises à un formalisme contractuel leur imposant de mentionner dans leurs conditions générales un certain nombre d'informations comme les motifs de suspension ou de résiliation du service ou encore les critères de classement des résultats de recherche. Au titre de l'équité, les plateformes doivent notamment respecter des délais de préavis pour modifier leurs conditions générales ou restreindre l'accès de l'entreprise utilisatrice à la plateforme. Enfin, le règlement « platform to business » met en place des obligations en matière de résolution des litiges entre la plateforme et les entreprises utilisatrices (traitement des plaintes et médiation).

Ce règlement s'inscrit dans le contexte du développement important des plateformes numériques en Europe, de leur potentiel par nature transfrontalier et de l'impact important qu'elles peuvent avoir sur le succès commercial des entreprises qui les utilisent pour entrer en contact avec les consommateurs. Il fait suite à une proposition de la Commission européenne publiée le 25 avril 2018.

La France a suivi avec attention les travaux relatifs à l'adoption du règlement « platform to business » compte tenu, notamment, de l'implication de ce règlement sur les actions menées à l'encontre des plateformes numériques en France,

En effet, dès 2011, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) a enquêté sur les relations commerciales entre des plateformes numériques et leurs utilisateurs professionnels sur la base du droit français des pratiques restrictives de concurrence. Plusieurs procédures contentieuses ont ainsi été lancées par le ministre chargé de l'Économie contre des plateformes numériques de tailles importantes :

- Par jugement du Tribunal de commerce de Paris du 29 novembre 2016, la société BOOKING a été condamnée à une amende de 2 millions d'euros pour des clauses illicites insérées dans les conditions générales (clauses dites de parité tarifaire) applicables aux hôteliers proposant des nuitées par l'intermédiaire de son site internet. Cette décision est devenue définitive ;

- Par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 21 juin 2017, plusieurs sociétés du groupe EXPEDIA ont été condamnées à une amende de 2 millions d'euros pour des clauses illicites (notamment clauses dites de parité tarifaire). Cette décision fait actuellement l'objet d'un pourvoi devant la chambre commerciale de la Cour de cassation ;

- Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 septembre 2019, deux sociétés du groupe AMAZON ont été condamnées à une amende de 4 millions d'euros pour plusieurs clauses déséquilibrées relatives, notamment, aux modalités de modification des conditions générales ainsi que celles applicables à la suspension ou à la résiliation du service. Le délai d'appel est en cours.

Par ailleurs, deux affaires distinctes sont actuellement pendantes devant le Tribunal de commerce de Paris concernant les sociétés APPLE et GOOGLE. Le ministre de l'Économie a assigné chacune de ces sociétés pour des clauses significativement déséquilibrées imposées aux développeurs proposant leurs applications dans l'AppleStore (APPLE) et le GooglePlay de (GOOGLE). Des amendes civiles de 2 millions d'euros ont été demandées par le ministre dans chacun de ces deux dossiers.

Dans ce contexte, la France a donc tenu à ce que la règlementation européenne en matière de plateformes s'accorde au mieux avec sa règlementation nationale efficace sur les pratiques restrictives de concurrence. Cette articulation du règlement européen « platform to business » avec les droits nationaux des Etats membres repose sur son article 1§4, qui précise que ce règlement est « sans préjudice des règles nationales qui, conformément au droit de l'Union, interdisent ou sanctionnent les comportements unilatéraux ou les pratiques commerciales déloyales, dans la mesure où les aspects pertinents ne sont pas régis par le présent règlement ».

Sur le fond, le règlement « platform to business » comporte des obligations de transparence et de loyauté qui complètent utilement le droit national, dont le cadre est plus transversal et multisectoriel, sur la question spécifique des plateformes numériques.

Ce règlement entrera en application le 12 juillet 2020.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

2.1.1. Directive « PCD »

A - Sur les dispositions relatives aux délais de paiement :

Malgré l'existence de la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, il apparaît que la législation française relative aux délais de paiement interprofessionnels est plus développée que celle des autres Etats membres.

Les modifications qui lui sont apportées dans le cadre de la transposition en droit français de la directive (UE) 2019/633 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 visent principalement à la mettre en conformité avec les dispositions de la directive sur quelques points sur lesquels elle est actuellement moins favorable aux créanciers que la directive. En effet, les délais de paiement plafonds prévus par le code de commerce dans certaines situations sont actuellement supérieurs aux délais maximaux prévus par la directive : achats de denrées alimentaires non périssables destinées à être exportées en l'Etat hors de l'Union européenne (90 jours en droit français contre 60 jours dans la directive) et achats de denrées alimentaires périssables en l'absence d'accord d'approvisionnement régulier (30 jours date de livraison dans la directive contre 30 jours fin de décade de livraison en droit français) (cf. supra).

Toutefois, le secteur vitivinicole fait exception puisque la directive prévoit un cadre juridique dérogatoire au délai de paiement maximum de 60 jours uniquement pour les raisins et moûts. Pour ces produits, il est seulement possible de conserver des délais de paiement dérogatoires prévus dans les contrats types interprofessionnels rendus obligatoires avant le 1er janvier 2019.

Les vins, qui bénéficient en droit national du même cadre juridique que les raisins et moûts, ne font pas partie des exceptions prévues par la directive. En pratique, les pouvoirs publics ne s'opposent actuellement pas à l'extension de délais de paiement allant jusqu'à la vendange suivante (soit presque 1 an). Avec la directive, ce délai de paiement sera au maximum de 60 jours.

B - Sur les autres pratiques commerciales déloyales :

Le titre IV du livre IV du code de commerce a instauré une réglementation encadrant les relations commerciales et garantissant l'existence d'une grande transparence, d'une loyauté et d'un équilibre dans ces relations commerciales.

Dans ce cadre, le ministre peut intervenir en tant que garant de cet ordre public économique notamment lorsque :

- un acteur économique a obtenu de son partenaire contractuel un avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné par rapport à la contrepartie consentie (article L. 442-1 I 1° du code de commerce).

- un acteur économique a soumis ou tenté de soumettre son partenaire contractuel à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties (article L. 442-1 I 2° du code de commerce).

Cette notion de déséquilibre significatif introduite en 2008 dans la réglementation française est fondamentale et a donné lieu à une jurisprudence abondante et riche 13 ( * ) sur les comportements constituant ou non une telle pratique illicite. La notion de soumission ou de tentative de soumission à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties a ainsi vocation à sanctionner toute clause ou pratique abusive, injustifiée et non réciproque, imposée à une partie en position de soumission et sans marge réelle de négociation.

Compte-tenu de cette législation sur la régulation des relations commerciales et de la jurisprudence qui l'accompagne, force est de constater que la directive 2019/633 liste des pratiques commerciales déloyales qui, pour la plupart, sont déjà largement prohibées en droit français.

En conséquence, s'agissant de la nécessité de légiférer, il conviendra de procéder à la transposition, dans les conditions du paragraphe 2 de l'article premier de la directive, s'agissant des produits agricoles et alimentaires, des seules pratiques prohibées qui ne peuvent être considérées comme étant déjà régulées par le droit français.

2.1.2 Règlement « platform to business »

Le règlement européen « platform to business » a un effet direct en droit français de sorte que les obligations qui en découlent n'ont pas besoin de transposition législative pour y être applicables. Cependant, la nécessité de légiférer au regard de l'entrée en vigueur prochaine du règlement « platform to business » se justifie par l'obligation d'assurer l'effectivité des dispositions du règlement. Cette obligation découle des articles 14 et 15 du règlement lui-même.

En effet, l'article 14 du règlement « platform to business » prévoit que des procédures judiciaires devront être mises à la disposition des organisations et associations ayant un intérêt légitime à représenter les vendeurs tiers, ainsi qu'à celle des organismes publics chargés de défendre les intérêts collectifs des vendeurs tiers, en vue de faire cesser ou d'interdire tout manquement aux exigences applicables du règlement.

En outre, l'article 15 du règlement impose aux Etats membres dont la France de mettre en oeuvre le règlement, en prévoyant les mesures qui seront applicables aux infractions à ses dispositions, et qui devront être effectives, proportionnées et dissuasives.

Il est donc nécessaire, d'une part, d'adapter le droit national pour créer de nouvelles voies procédurales permettant aux autorités publiques et aux personnes justifiant d'un intérêt légitime de faire appliquer le règlement et, d'autre part, d'habiliter les autorités publiques déjà en charge des questions de loyauté des rapports interprofessionnels à enquêter sur les manquements au règlement et, le cas échéant, à les sanctionner.

Dans un objectif de sécurité juridique des opérateurs et de lisibilité des règles applicables aux plateformes, les modifications insérées dans le code de commerce devront également tenir compte du cadre juridique existant et de la nécessaire articulation qui doit être assurée entre ce cadre et celui du règlement, conformément à l'article 1§4 de ce dernier.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

2.2.1. Directive « PCD »

A - Sur les dispositions relatives aux délais de paiement :

Malgré l'existence de la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, il apparaît que la législation française relative aux délais de paiement interprofessionnels est plus développée que celle des autres Etats membres.

Les modifications qui lui sont apportées dans le cadre de la transposition en droit français de la directive (UE) 2019/633 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 visent principalement à la mettre en conformité avec les dispositions de la directive sur quelques points sur lesquels elle est actuellement moins favorable aux créanciers que la directive. En effet, les délais de paiement plafonds prévus par le code de commerce dans certaines situations sont actuellement supérieurs aux délais maximaux prévus par la directive : achats de denrées alimentaires non périssables destinées à être exportées en l'Etat hors de l'Union européenne (90 jours en droit français contre 60 jours dans la directive) et achats de denrées alimentaires périssables en l'absence d'accord d'approvisionnement régulier (30 jours date de livraison dans la directive contre 30 jours fin de décade de livraison en droit français) (cf. supra).

Toutefois, le secteur vitivinicole fait exception puisque la directive prévoit un cadre juridique dérogatoire au délai de paiement maximum de 60 jours uniquement pour les raisins et moûts . Pour ces produits, il est seulement possible de conserver des délais de paiement dérogatoires prévus dans les contrats types interprofessionnels rendus obligatoires avant le 1 er janvier 2019.

Les vins, qui bénéficient en droit national du même cadre juridique que les raisins et moûts, ne font pas partie des exceptions prévues par la directive. En pratique, les pouvoirs publics ne s'opposent actuellement pas à l'extension de délais de paiement allant jusqu'à la vendange suivante (soit presque 1 an). Avec la directive, ce délai de paiement sera au maximum de 60 jours.

B - Sur les autres pratiques commerciales déloyales :

Comme précédemment expliqué, l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 précitée portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce a réorganisé, clarifié et simplifié les dispositions portant sur les pratiques restrictives de concurrence, afin d'en améliorer sa lisibilité et d'en renforcer l'effectivité.

Désormais, le droit national des pratiques commerciales restrictives de concurrence est recentré autour de trois pratiques illicites générales : le déséquilibre significatif, l'avantage sans contrepartie et la rupture brutale des relations commerciales. Il s'agissait ainsi de simplifier la longue liste de pratiques commerciales restrictives existantes en supprimant les pratiques qui pouvaient être appréhendées par l'une des trois notions générales précitées ou celles qui n'étaient pas utilisées par les opérateurs économiques.

Ainsi, l'objectif poursuivi est de maintenir un dispositif réglementaire simplifié, compréhensible par les opérateurs et protecteur, en ajoutant uniquement les pratiques visées par la directive qui ne seraient pas couvertes par le dispositif juridique déjà existant en droit français relatif aux pratiques commerciales restrictives.

2.2.2. Règlement P2B

L'objectif poursuivi est d'assurer l'effectivité du règlement « platform to business » en procédant aux adaptations législatives suivantes :

- Déterminer les autorités publiques habilitées à constater et sanctionner les manquements au règlement « platform to business » ;

- Déterminer le régime de sanctions applicable aux manquements au règlement « platform to business » ;

- Déterminer les voies procédurales permettant aux personnes visées par l'article 14 du règlement de demander la cessation ou l'interdiction des manquements au règlement « platform to business » ;

- Assurer la nécessaire articulation entre les dispositions du règlement « platform to business » et les dispositions existantes du droit français, conformément à l'article 1§4, du règlement.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Il a été envisagé de réaliser la transposition de la directive 2019/633 dans le cadre de la loi portant diverses dispositions d'adaptation de la ýlégislation au droit de l'Union européenne.

Néanmoins, le gouvernement a préféré exclure une telle option et privilégier la voie d'une habilitation à transposer ces dispositions par ordonnance.

Ce choix est justifié par :

- le faible impact de la transposition de la directive en droit national du fait du niveau déjà élevé de protection offert par le droit français,

- la nécessité de maintenir une architecture cohérente des dispositions du titre IV du livre IV du code de commerce qui viennent d'être refondues,

- la volonté de coordonner ses dispositions avec les adaptations rendues nécessaires par le règlement « platform to business » visant à garantir la transparence et la loyauté des relations commerciales dans le secteur de l'intermédiation en ligne.

Enfin, compte tenu, d'une part, de la relative proximité des sujets traités par la directive « PCD » et par le règlement « platform to business », qui participent dans des secteurs différents à assurer la loyauté et la régulation des rapports interprofessionnels et, d'autre part, de l'entrée en application prochaine du règlement « platform to business » 14 ( * ) , le gouvernent a fait le choix d'opter pour un vecteur législatif commun à la directive PCD et au règlement « platform to business ».

3.2. DISPOSITIF RETENU

L'option retenu permet au Gouvernement de procéder par la voie d'une ordonnance unique à la stricte transposition des nouvelles pratiques prohibées par la directive « PCD » qui ne sont pas déjà sanctionnées par le droit français, et à l'adaptation du droit français au règlement « platform to business ».

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

L'analyse précise des conséquences attendues de la mesure sera effectuée dans la fiche d'impact exposant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation.

Néanmoins, il peut d'ores et déjà être précisé que les mesures prises par l'ordonnance n'auront qu'un faible impact juridique, économique ou financier. En effet, du fait du très haut niveau de protection actuel du droit français concernant les pratiques commerciales déloyales et la transparence des relations commerciales, l'inscription des quelques dispositions de la directive et du règlement devant faire l'objet d'une transposition en droit interne ne constituera qu'une adaptation mineure d'une réglementation déjà bien comprise par les entreprises françaises et faisant l'objet de contrôles récurrents de la part de la DGCCRF.

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Le délai d'habilitation de douze mois est justifié d'une part par le caractère technique de la transposition qui va nécessiter plusieurs mois de travail et par les consultations qui devront à l'occasion du travail de transposition.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard trois mois après la publication de l'ordonnance.

CHAPITRE IV - DISPOSITIONS EN MATIÈRE DE FISCALITÉ ET DE RÉGLEMENTATION DOUANIÈRE

Article 8 - Adaptation au règlement 2015/1525 relatif à l'assistance mutuelle entre les autorités des Etats membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d'assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. Cadre conventionnel

A. Cadre communautaire

Le règlement (CE) n° 515/97 modifié du Conseil relatif à l'assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d'assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole constitue l'un des principaux instruments juridiques de l'assistance administrative mutuelle et de la lutte contre les violations de la réglementation douanière communautaire. L'objectif principal est de leur permettre de partager des informations sur des violations réelles ou présumées de cette législation. Ces informations, obtenues sur la base de l'« assistance mutuelle », peuvent être utilisées comme éléments de preuve dans des procédures administratives et judiciaires.

Sa modification est apparue nécessaire afin de lutter efficacement contre les fraudes aux intérêts financiers de l'Union européenne (UE). En matière douanière, la protection des intérêts financiers de l'Union européenne vise à garantir la bonne perception des « ressources propres traditionnelles » au budget de l'Union, c'est-à-dire les droits de douane, les droits anti-dumping, les droits additionnels et les droits compensateurs. Sont plus particulièrement ciblées par le dispositif communautaire, les fausses déclarations de l'origine douanière des marchandises, assorties de manoeuvres de transbordement, afin d'éluder ou de compromettre des droits anti-dumping. Le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (article 325) fait obligation aux Etats membres de protéger les intérêts financiers de l'Union européenne (UE) dans les mêmes conditions que les intérêts financiers nationaux.

Pour ce faire, les autorités douanières nationales s'appuient notamment sur le portail « AFIS » (« Anti Fraud Information System ») de l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF). Les travaux de révision de ce texte ont débuté en janvier 2014, à l'initiative de l'OLAF et de la présidence grecque de l'UE. Ils ont abouti à la publication du règlement (UE) 2015/1525 du 9 septembre 2015 15 ( * ) . Les principales avancées de ce texte sont les suivantes.

Ø Les avancées du règlement (UE) 2015/1525 qui justifient la présente mesure :

Ce texte prévoit la création d'un répertoire des messages sur le statut des conteneurs (« Container Status Messages », CSM).

Le répertoire CSM est un applicatif géré par l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF), accessible aux autorités douanières des États membres. Il permet à ces dernières de détecter les fraudes, notamment douanières (par exemple, lutte contre les trafics de contrefaçons, de cigarettes, de marchandises dangereuses pour la santé et la sécurité), portant sur les marchandises à destination et en provenance du territoire douanier de l'Union européenne, ainsi que et d'identifier les conteneurs utilisés à cet effet

Le répertoire CSM est alimenté par les transporteurs maritimes dans les cas de figure prévus au paragraphe 6 de l'article 18 bis du règlement n° 515/97, modifié par le règlement 2015/1525, et dans la mesure où ils ont connaissance des mouvements de conteneurs et qu'ils ont donné lieu à la production, au recueil ou la conservation dans leurs registres électroniques .

L'obligation d'alimentation pèse sur les transporteurs maritimes qui conservent les données relatives aux mouvements et au statut de chaque conteneur destiné à entrer sur le territoire douanier de l'Union européenne ou à en sortir, ou qui font effectuer cette conservation pour leur compte (paragraphe 4 de l'article 18 bis) .

Ce texte prévoit l'alimentation du répertoire par des messages transmis directement par les transporteurs maritimes et définissent les obligations qui incombent à ces derniers. Les modalités techniques de ces transmissions (fréquence, format et méthodes) sont déterminées par le règlement d'exécution (UE) 2016/345 de la Commission du 10 mars 2016.

Le répertoire CSM est opérationnel depuis 1 er septembre 2016, date d'entrée en application des dispositions du règlement (UE) 2015/1525. Il vise à recueillir un ensemble de données aussi complet que possible, tout en évitant les répercussions financières et techniques négatives pour la profession.

Pour chaque conteneur, les données transmises sont les suivantes :

- numéro du conteneur,

- lieu de l'événement,

- statut du conteneur (chargé ou vide),

- date du mouvement,

- type du mouvement (chargement, déchargement, transbordement, entrée dans le territoire douanier de l'Union européenne (TDUE), sortie du TDUE),

- nom du navire,

- identifiant / le numéro du voyage,

- numéro de document de transport (connaissement maritime) ou le numéro de réservation.

Le transporteur maritime est tenu de notifier un message CSM au plus tard 24 heures après la production, le recueil ou la conservation de ce message dans son registre électronique.

Lorsqu'un transporteur maritime a connaissance "a posteriori" (du fait d'un déroutement), qu'un conteneur est destiné à être introduit sur le territoire douanier de l'Union européenne ou à en sortir, il a l'obligation de notifier l'historique des mouvements du conteneur.

Lorsque ces informations ne sont pas disponibles dans ses registres électroniques, le transporteur doit notifier :

- à l'importation, les messages CSM d'une période minimale de 3 mois précédant et d'un mois suivant l'arrivée physique du conteneur,

- à l'exportation, les messages CSM d'une période d'au moins 3 mois suivant la sortie du TDUE.

Dans la pratique, le répertoire CSM est utilisé par les autorités douanières comme une source supplémentaire d'informations pour les besoins de l'analyse de risque et du ciblage. Concrètement, les agents habilités peuvent être amenés à l'utiliser en cas de doute lors du contrôle de la déclaration en douane ou de l'un des documents d'accompagnement (facture, document de transport, certificat d'origine, etc), afin de retracer l'itinéraire réellement suivi par le conteneur dans lequel étaient contenues les marchandises.

Le répertoire permet également d'effectuer des "levées de doute", par exemple lorsque l'OLAF demande aux autorités douaniè res de mener des actions de contrôle et d'enquête en cas de soupçon de fraude douanière ("cas d'assistance mutuelle").

Enfin, il permet de restituer l'ensemble des conteneurs correspondant à des critè res de recherches et de mettre des conteneurs sous alerte pour en suivre les mouvements (tracking).

Les données issues des messages notifiés par les transporteurs maritimes sont conservées au maximum cinq ans (cf. article 18 bis, paragraphe 8 du règlement n° 515/97 modifié par le règlement 2015/1525). Les données à caractère personnel qui ne sont pas nécessaires pour détecter les mouvements de marchandises frauduleux sont immédiatement effacées ou anonymisées et ne peuvent en tout état de cause pas être conservées au-delà de trois ans (cf. article 18 bis, paragraphe 7 du règlement n° 515/97 du règlement 2015/1525).

Le règlement (UE) 2015/1525 ne comporte donc à proprement parler aucune disposition en matière de sanction du non-respect de leurs obligations par les transporteurs maritimes : il prévoit ainsi l'obligation pour les États membres de mettre en place de tels dispositifs de sanctions, qui soient « effectives, proportionnées et dissuasives » (cf. dernier alinéa du paragraphe 6 de l'article 18 bis du règlement n° 515/97 modifié par le règlement 2015/1525).

Ø Les autres avancées du règlement (UE) 2015/1525 :

1 . Il clarifie l'admissibilité en tant que preuves des documents et des informations obtenues par les autorités nationales des États membres dans le cadre de l'assistance mutuelle. Ainsi, ces documents et ces informations peuvent être utilisés comme preuves aussi bien dans les procédures judiciaires (sauf si l'autorité requise stipule explicitement le contraire lorsqu'elle communique les documents ou les informations) que dans les procédures administratives. Ces documents et ces infirmations sont admissibles comme preuves, qu'ils aient été communiqués spontanément par les autorités d'un autre État membre de l'Union européenne (cf. article 16 du règlement n° 515/97 modifié par le règlement 2015/1525), ou qu'ils aient été obtenus sur demande auprès d'une telle autorité (cf article 12 du même texte).

2 . Le règlement modifié prévoit l'accès de la Commission aux documents commerciaux des opérateurs économiques (article 18 sexies ).

Il s'agit de permettre à l'OLAF d'accélérer le déroulement de ses enquêtes. L'OLAF doit adresser ses demandes aux autorités nationales compétentes. Ces dernières disposent d'un délai de réponse de quatre semaines, qui peut être prolongé, sur justification, d'un délai supplémentaire de six semaines.

3 . Outre le répertoire CSM décrit supra, le règlement 2015/1525 créée un répertoire des importations, des exportations et du transit (article 18 quinquies ) reprenant toutes les marchandises qui entrent dans l'Union européenne, qui y transitent et qui en sortent. Techniquement, sa mise en place consiste à dupliquer des informations existantes dans d'autres bases de données et traitées par différents services de la Commission, afin de les exploiter de manière plus rationnelle via le portail AFIS de l'OLAF 16 ( * ) .

B. Cadre national

Ø Cadre juridique national actuel

L'article 410 du code des douanes punit d'une amende de 300 à 3000 euros, « toute infraction aux dispositions des lois et règlements que l'administration des douanes est chargée d'appliquer lorsque cette irrégularité n'est pas plus sévèrement réprimée par le présent code » .

Pour autant, l'article 410 du code des douanes ne peut pas s'appliquer pour sanctionner l'absence de transmission de données ou la transmission de données erronées ou incomplètes au répertoire mis en place par la Commission européenne. Si cette disposition est applicable à « toute infraction aux dispositions des lois et règlements que l'administration des douanes est chargée d'appliquer [...] », elle n'est pas applicable au répertoire des messages sur le statut des conteneurs qui n'est pas géré par l'administration des douanes mais directement par la Commission européenne

Ø Cadre administratif national du répertoire CSM

À la date du 5 décembre 2019, le répertoire CSM est accessible aux agents des douanes français affectés :

- à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) : 50 agents habilités, dont 17 analystes du renseignement et 33 enquêteurs ;

- au service d'analyse de risques et de ciblage (SARC) : 45 agents habilités ;

- aux agents en poste dans les cellules de ciblage des principaux ports maritimes, à savoir Dunkerque (6 agents), Le Havre (3 agents), Marseille (8 agents), Nantes (2 agents).

L'accès à ce répertoire peut être étendu sur demande officielle et dûment justifiée à des agents des douanes en poste d'autres services de la DGDDI, par exemple ceux situés le long d'axes fluviaux (Seine, etc.).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le dernier alinéa du paragraphe 6 de l'article 18 bis du règlement (UE) n° 2015/1525 a modifié le règlement (CE) n° 515/97 et fait ainsi obligation aux États membres de prévoir un dispositif de sanction pour manquement à l'obligation de fournir des données ou pour fourniture de données incomplètes ou erronées, à la date d'entrée en application des dispositions communautaires en la matière, soit le 1 er septembre 2016.

La direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) a entrepris, dès la publication du règlement (UE) 2015/1525, les travaux juridiques nécessaires à la mise en place du dispositif de sanction. Toutefois, aucune de ses propositions de mesures n'a été retenue dans les précédents véhicules législatifs.

C'est pourquoi, en l'état actuel de la législation, le code des douanes ne comporte pas de dispositif de sanction approprié. En effet, l'article 410 du code des douanes ne peut s'appliquer à l'absence de transmission de données ou à la transmission de données erronées ou incomplètes au répertoire mis en place par la Commission européenne. Si cette disposition est applicable à « toute infraction aux dispositions des lois et règlements que l'administration des douanes est chargée d'appliquer [...] », elle n'est pas applicable au répertoire des messages sur le statut des conteneurs lequel n'est pas géré par l'administration des douanes mais directement par la Commission européenne.

Il est donc indispensable d'adopter un texte normatif afin de rendre ce dispositif de sanction applicable au défaut de transmission des données CSM ou à leur transmission erronée.

Dès lors une modification de l'article 410 du code des douanes est nécessaire pour permettre à l'administration des douanes de contrôler le respect des obligations imposées aux transporteurs maritimes et, en cas de manquements d'infliger une sanction adaptée.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Le présent article vise à permettre de renforcer les capacités de l'administration des douanes à lutter contre les fraudes fiscales ayant un impact sur les intérêts financiers de l'Union européenne et notamment sur les ressources propres traditionnelles (droits de douane et droits anti-dumping notamment), notamment :

- à identifier les conteneurs impliqués dans de potentielles fausses déclarations de l'origine douanière de marchandises importées dans l'Union européenne, assorties de manoeuvres de transbordement, ayant pour but ou pour effet d'éluder ou de compromettre des droits anti-dumping ;

- à contrôler le respect par les transporteurs maritimes des obligations définies par le règlement communautaire (UE) 2015/1525 et, le cas échéant, à en sanctionner le non-respect.

En effet, en l'état actuel, le code des douanes national ne permet pas aux services douaniers de sanctionner le non-respect des obligations des transporteurs maritimes.

Or, tous les opérateurs ne respectent pas leurs obligations de notification de message dans le répertoire, ce qui obère les potentialités de l'outil et l'intérêt de son utilisation par les services. La création d'une infraction permettant de sanctionner les transporteurs du fait de non-respect de leurs obligations est de nature à limiter ce risque.

3. DISPOSITIF RETENU

La sanction prévue à l'article 410 du code des douanes est de nature à remplir cet objectif tout en répondant aux conditions d'effectivité, de proportionnalité et de dissuasion que doit revêtir la sanction au sens de l'article 18 bis du règlement n° 515/97 modifié.

Le maximum de l'amende prévue par l'article 410 du code des douanes national est de 3000 euros, de sorte que le caractère intentionnel de l'absence de transmission peut être pris en compte pour déterminer une amende plus ou moins importante.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La mesure envisagée complète l'article 410 du code des douanes par l'ajout d'un paragraphe 3 visant expressément les manquements à l'obligation de notification des messages sur le statut des conteneurs, prévue à l'article 18 bis du règlement n° 515/97 modifié.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La mesure proposée vise à permettre aux agents des douanes français de contrôler le respect de leurs obligations de notifications des messages sur le statut des conteneurs (CSM) par les transporteurs maritimes, pour en sanctionner le non-respect éventuel. En, l'état actuel, cette compétence n'est pas prévue par le code des douanes national et ne peut donc valablement pas être mise en oeuvre par les agents des douanes français.

De ce fait, la mesure proposée permettra à la douane française de respecter l'obligation qui lui est posée par les dispositions du dernier alinéa du paragraphe 6 de l'article 18 bis du règlement n° 515/97 modifié par le règlement 2015/1525.

A. Sur la possibilité de prononcer une sanction sur le fondement de l'article 410 du code des douanes national

Il est indispensable d'adopter un texte normatif afin de rendre ce dispositif de sanction applicable au défaut de transmission des données CSM ou à leur transmission erronée.

En effet, le code des douanes ne comporte pas en l'état actuel de disposition permettant de sanctionner le défaut de transmission des messages CSM ou à leur transmission erronée ou incomplète.

Plus précisément, l'article 410 du code des douanes, qui prévoit pourtant les sanctions les plus adaptées pour sanctionner les manquements précités, n'est pas applicable puisqu'il vise « toute infraction aux dispositions des lois et règlements que l'administration des douanes est chargée d'appliquer [...] » alors que le répertoire des messages sur le statut des conteneurs est géré par la Commission européenne et non par l'administration des douanes elle-même.

Dès lors, l'article 410 du code des douanes doit être complété.

B. Sur le caractère effectif, dissuasif et proportionné de la sanction prévue à l'article 410 du code des douanes national

La sanction prévue à l'article 410 du code des douanes est de nature à répondre aux conditions d'effectivité, de proportionnalité et de dissuasion que doit revêtir la sanction au sens de l'article 18 bis du règlement n° 515/97 modifié.

Le maximum de l'amende prévue par l'article 410 du code des douanes national est de 3000 euros, de sorte que le caractère intentionnel de l'absence de transmission peut être pris en compte pour déterminer une amende plus ou moins importante.

Par ailleurs, en application de l'article 439, paragraphe 2 du code des douanes, « en cas de pluralité de contraventions ou de délits douaniers, les condamnations pécuniaires sont prononcées pour chacune des infractions dûment établies ». Cette disposition permet d'appliquer une amende pour chaque information non transmise ou d'information erronée transmise, ce qui peut conduire à l'application d'une sanction pécuniaire très importante dès lors que l'absence de transmission des informations s'est poursuivie sur une longue période.

Les conditions d'application des sanctions prévues à l'article 410 du code des douanes national satisfont aux conditions d'effectivité, de proportionnalité et de caractère dissuasif de la sanction applicable, prévues par le dernier alinéa du paragraphe 6 de l'article 18 bis du règlement n° 515/97 modifié.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

La mesure générera un gain financier, notamment pour le budget de l'UE, mais qu'il est difficile à chiffrer puisqu'il sera issu des contrôles que ce nouvel outil permettra d'effectuer.

Le montant des fraudes et irrégularités aux ressources propres de l'Union européenne constaté par la douane française s'élève à 96 151 343 euros en 2018 et à 29 799 654 euros en 2017.

Il est précisé qu'il s'agit uniquement des cas de fraudes et d'irrégularités ayant pour but ou pour effet d'éluder ou de compromettre des montants de ressources propres supérieurs à 10 000 euros. Ces montants figurent dans les rapports annuels de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la protection des intérêts financiers de l'Union européenne. Les enjeux budgétaires de la mesure sont donc difficiles à « lisser » : ils sont compris entre trente et cent millions d'euros par an.

Elle n'a pas non plus d'incidence économique majeure pour les entreprises. En effet, elle impactera dans un premier temps les transporteurs maritimes qui pourront faire l'objet de contrôle et être sanctionnés en cas de non-respect des obligations définies par le règlement (CE) n° 515/97 modifié.

Les contrôles ainsi mentionnés pourront se dérouler aussi bien sur pièce (documentaires) que sur place (physiques). La durée de tels contrôles ne peut pas être quantifiée a priori, dans la mesure où il peut s'agit de contrôles menés dans le cadre d'une opération de dédouanement (contrôles dits « a priori ») ou d'enquêtes douanières (contrôles dits « ex post »), dont la durée peut être de plusieurs jours, semaines ou mois, selon la complexité des faits et des opérations en jeu.

Par voie de conséquence et dans un deuxième temps, la mesure aura des conséquences pour les personnes morales auteures de fraudes, notamment aux ressources propres, que les données contenues dans le répertoire des messages sur le statut des conteneurs permettront de contrôler et auxquelles, il sera possible de notifier des redressements de droits et taxes.

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La mesure proposée permettra aux agents des douanes de sanctionner les manquements aux obligations prévues en application des dispositions du règlement (CE) n° 515/97 modifié.

À la date du 5 décembre 2019, le répertoire CSM est accessible aux agents des douanes français affectés :

- à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) : 50 agents habilités, dont 17 analystes du renseignement et 33 enquêteurs ;

- au service d'analyse de risques et de ciblage (SARC) : 45 agents habilités ;

- aux agents en poste dans les cellules de ciblage des principaux ports maritimes, à savoir Dunkerque (6 agents), Le Havre (3 agents), Marseille (8 agents), Nantes (2 agents).

- l'accès à ce répertoire peut être étendu sur demande officielle et dûment justifiée à des agents des douanes en poste d'autres services de la DGDDI, par exemple ceux situés le long d'axes fluviaux (Seine, etc.).

La sanction sera prononcée à l'issue d'un contrôle ou d'une enquête des services douaniers, lorsque l'absence de notification, la notification erronée ou la notification incomplète d'un ou de plusieurs messages CSM sera constatée.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La mesure proposée ne nécessite aucune consultation préalable. Dans le cadre de la révision du règlement n° 515/97, la Commission européenne a consulté les représentants des transporteurs maritimes lors de l'élaboration des dispositions communautaires relatives au répertoire des messages sur le statut des conteneurs (« répertoire CSM »), notamment dans le but de recueillir et d'utiliser un jeu de données complet, tout en évitant les répercussions négatives potentielles sur les entreprises du transport de fret maritime.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La mesure envisagée entrerait en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel .

5.2.2. Application dans l'espace

La disposition nouvellement crée est applicable en métropole et dans les régions et départements d'outre-mer.

Le règlement n° 575/97 modifié par le règlement n° 2015/1525 est adopté en application du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui instaure un régime dérogatoire pour les pays et territoires d'outre-mer. En l'absence de disposition spécifique, ce règlement ne s'applique pas aux pays et territoires d'outre-mer.

Article 9 - Adaptation au règlement 2018/273 relatif au secteur viticole

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) est l'autorité compétente chargé de la mise en oeuvre de l'organisation commune du marché du vin (OCM Vin). Ainsi, les pouvoirs de contrôle, les sanctions ainsi que les dispositions réglementaires d'application sont contenus dans le code général des impôts (CGI) et dans le code rural et de la pêche maritime (CRPM).

La DGDDI assure la collecte et le contrôle des obligations déclaratives relatives à la culture de la vigne, à la production de vin et à la circulation des produits vitivinicoles telles que prévues par l'OCM Vin, le CRPM et le CGI.

Les obligations déclaratives relatives à la production de vin étaient contenues dans le règlement n°436/2009 qui prévoyait notamment une déclaration de récolte des raisins.

Les règlements (UE) 2018/273 et 2018/274 abrogent et remplacent le règlement n°436/2009. Ces règlements reconduisent les obligations déclaratives prévus au 436/2009, à l'exception de la déclaration de récolte qui peut être rendue obligatoire par les Etats membres.

Le règlement 2018/273 impose l'utilisation d'un document de circulation spécifique pour les produits vitivinicoles non soumis à accises. Ce document doit être dématérialisé au plus tard le 1 er janvier 2021.

1.2. CADRE CONVENTIONNEL

Le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil a été complété par deux règlements d'application :

- le règlement délégué (UE) 2018/273 de la Commission du 11 décembre 2017 complétant le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le régime d'autorisations de plantations de vigne, le casier viticole, les documents d'accompagnement et la certification, le registre des entrées et des sorties, les déclarations obligatoires, les notifications et la publication des informations notifiées, complétant le règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contrôles et les sanctions applicables, modifiant les règlements (CE) n° 555/2008, (CE) n° 606/2009 et (CE) n° 607/2009 de la Commission et abrogeant le règlement (CE) n° 436/2009 de la Commission et le règlement délégué (UE) 2015/560 de la Commission ;

- le règlement d'exécution (UE) 2018/274 de la Commission du 11 décembre 2017 portant modalités d'application du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le régime d'autorisations de plantations de vigne, la certification, le registre des entrées et des sorties, les déclarations et les notifications obligatoires, et du règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contrôles y relatifs, et abrogeant le règlement d'exécution (UE) 2015/561 de la Commission.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Plusieurs dispositions du droit national comportent des références aux dispositions de règlements abrogés par le règlement délégué (UE) 2018/273 et par le règlement d'exécution (UE) 2018/274 précités. Ces références étant désormais obsolètes, elles fragilisent à la fois les processus déclaratifs, les procédures de contrôles et les sanctions applicables.

Il s ' agit notamment des dispositions rendant obligatoire le recours aux déclarations électroniques, celles sanctionnant les infractions aux obligations prévues par les textes européens ainsi que celles octroyant des facilités, s ' agissant des documents d ' accompagnement de marchandises soumises à accises.

Par ailleurs, la DGDDI souhaite rendre obligatoire la déclaration de récolte qui est facultative dans les règlements d'exécution précités.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La mise à jour des références aux textes européens, l'abrogation des articles 465 bis et de l'article 468 du CGI et la modification de l'article 466 du CGI visent plusieurs objectifs :

- la sécurisation des procédures de déclaration exigées par le droit de l'Union et des dispositifs de sanctions encourues en cas de manquement à ces obligations déclaratives ou aux règles régissant la gestion du foncier vitivinicole ;

- la mise en conformité du droit national au regard d'obligations résultant du droit européen et une simplification administrative.

3. DISPOSITIF RETENU

La mesure vise à modifier les dispositions du code général des impôts et du code rural et de la pêche maritime afin de remplacer le renvoi au règlement n°436/2009 rendu caduc depuis l'entrée en vigueur des règlements 2018/273 et 2018/274.

Elle modifie l'article 407 du CGI pour rendre obligatoire la déclaration de récolte.

L'article 465 bis du CGI sera abrogé et l'utilisation d'un document de circulation spécifique pour les produits vitivinicoles non soumis à accises va s'imposer conformément aux dispositions prévues aux articles 8 à 10 du règlement délégué (UE) 2018/273 de la Commission du 11 décembre 2017. Ce document doit être dématérialisé au plus tard le 1 er janvier 2021.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

La modification législative consiste à remplacer les références à des dispositions du règlement (CE) n°436/2009 abrogées par des références aux textes européens en vigueur. Ainsi, sont impactés les articles 302 M, 407, 1794 et 1798 ter du code général des impôts (CGI) ainsi que les articles L. 644-5-1, L. 665-4 et L. 665-5 du code rural et de la pêche maritime (CRPM).

Elle consiste également à abroger les articles 465 bis et 468 du CGI et à modifier (et à abroger partiellement) l'article 466 du CGI pour appliquer le règlement délégué (UE) n°2018/273.

L'article 302 L du CGI est également modifié.

Enfin, la modification de l'article 407 du CGI réactive l'obligation de déclaration de récolte rendue facultative par les textes européens en vigueur.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1 Impacts sur les entreprises

La modification de l'article 407 du CGI n'aura pas d'impact sur les entreprises dans la mesure où l'obligation de déclaration de récolte existait déjà avant le changement des règlements européens.

La modification de l'article 302 M du CGI et des articles 665-4 et 665-5 du CRPM sont sans impact sur les entreprises.

Les entreprises devront utiliser un nouveau document dématérialisé dans un nouvel outil mis à disposition par l'administration.

4.2.2 Impacts sur les services administratifs

L'actualisation des bases légales des déclarations exigées par la réglementation européenne dans le secteur de la viticulture et de la circulation des marchandises soumises à accises permet de sécuriser la dématérialisation totale des déclarations et de sécuriser les procédures contentieuses.

L'article 465 bis du CGI sera abrogé et entraînera des travaux informatiques consécutifs à l'obligation de dématérialisation du document mentionné à l'article 10.1.a,iii à partir du 1 er janvier 2021. Elle sera sans impact sur l'activité des services.

5. MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. APPLICATION DANS LE TEMPS

Les mesures envisagées entreront en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel .

5.2. APPLICATION DANS L'ESPACE

Les mesures envisagées sont applicables de plein droit en France métropolitaine.

En vertu de l'article 355 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), les dispositions des traités sont applicables dans les régions ultrapériphériques (Guadeloupe, Guyane française, Martinique, La Réunion, Saint-Barthélemy, Saint-Martin) définies à l'article 349 du TFUE. Le Conseil peut par ailleurs arrêter des mesures spécifiques pour ces territoires. Tel n'est pas le cas en l'espèce. Par conséquent, les collectivités de l'article 73 de la Constitution, Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont incluses dans le territoire d'application des règlements 2018/273 et 2018/274.

Cependant, en l'absence de besoin identifié d'étendre les dispositions modifiées dans les territoires de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, l'évolution envisagée ne nécessite pas de mesures d'adaptation.

En vertu de l'article 355 du TFUE, les pays et territoires d'outre-mer définis à l'article 198 et dont la liste figure à l'annexe II de ce traité (i.e. Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Terres australes et antarctiques françaises, îles Wallis et Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Barthélemy) font l'objet d'un régime spécial d'association Les règlements (UE) 2018/273 et 2018/274 ne font pas référence expresse aux PTOM. Par conséquent, les collectivités de l'article 74 de la Constitution sont exclues de la réforme législative envisagée.

5.3. TEXTES D'APPLICATION

La modification de l'article 407 du CGI entraînera la modification du décret n° 2015 - 1577 du 2 décembre 2015 relatif aux déclarations de récolte, de production et de stock de vin pris en application de l'article 4 de l'ordonnance n° 2015-1247 du 7 octobre 2015 relative aux produits de la vigne.

Article 10 - Adaptation au règlement 952/2013 (CDU)

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1 Cadre conventionnel

Le règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l'Union (ci-après « CDU ») abroge le règlement du Conseil n° 2913/92 du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire. Ce règlement a été complété par des règlements d'application : règlement délégué (UE) n° 2015/2446 de la Commission du 28 juillet 2015 et règlement d'exécution (UE) 2015/2447 de la Commission du 24 novembre 2015 lesquels ont abrogé le règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission du 2 juillet 1993 fixant certaines dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire.

Le nouveau code, applicable au 1 er mai 2016, a pour objectif d'adapter la législation douanière européenne à l'accélération des échanges.

Il prévoit la dématérialisation de l'ensemble des formalités douanières 17 ( * ) favorisant les transmissions de données et leur traitement entre autorités douanières et entre ces dernières et les opérateurs (entreprises).

Il permet aux opérateurs de dissocier leurs flux de marchandises de leur flux déclaratifs lesquels peuvent désormais être centralisés au sein d'un unique bureau de douane (dédouanement centralisé national et communautaire).

Il unifie le régime juridique des autorisations douanières tout en alignant leurs critères d'octroi sur les critères de l'autorisation d'Opérateur Économique Agréé (OEA). Ces critères renforcés par la nouvelle législation portent à la fois sur les antécédents, la solvabilité, les contrôles internes mis en place, la traçabilité des flux, l'expérience professionnelle et la sécurisation de la chaîne logistique international et des flux de données.

Il institue l'exercice de procédures contradictoires pour l'ensemble des décisions susceptibles d'avoir des conséquences défavorables pour le demandeur d'autorisation ou de simplification.

Enfin, il ouvre le secteur de la représentation en douane en permettant « à toute personne désignée par une autre personne d'accomplir auprès des autorités douanières des actes ou des formalités prévus par la législation douanière » 18 ( * ) . Il soumet néanmoins l'activité de représentant en douane à un enregistrement préalable pour l'accomplissement duquel, le représentant devra satisfaire à certaines conditions qui devront être déterminées par chaque État membre conformément aux dispositions de l'article 18 du CDU.

1.1.2 Cadre national

L'arrêté du 13 avril 2016 19 ( * ) , pris en application des dispositions de l'article 17 bis du code des douanes, précise les conditions et la procédure d'enregistrement des représentants en douane prévue à l'article 18 du CDU pour un représentant établi sur le territoire français. Les conditions définie pour la France tiennent autant à la qualification professionnelle du demandeur, qu'à sa moralité fiscale, douanière et pénale (ainsi qu'à celle de ses représentants légaux), ainsi qu'à sa capacité à conserver une traçabilité des opérations douanières effectuées.

En parallèle le code des douanes national comporte des dispositions régissant la représentation en douane, antérieures à l'entrée en application du code des douanes de l'Union, qui ne sont plus appliquées (articles 86 à 94 du code des douanes) :

- les dispositions des articles 86 et 87 du code des douanes visent à confier aux professionnels, commissionnaires en douane agréés, établis dans le ressort des bureaux de dédouanement, le monopole des formalités des douanes accomplies au nom et pour le compte d'autrui (selon le mode de représentation directe ) ;

- les articles 89 et suivants définissent les modalités de l'agrément de commissionnaire en douane et réglemente l'exercice de la profession.

L'ensemble de ces dispositions sont précisées par l'arrêté du 22 décembre 1998 relatif aux personnes habilitées à déclarer les marchandises en détail et à l'exercice de la profession de commissionnaire en douane.

Ces dispositions prévoient un monopole de l'exercice de l'activité de représentant en douane dont bénéficient les commissionnaires en douane ayant fait l'objet de l'agrément détaillé dans l'article 87§2 du code et dans l'arrêté précité du 22 décembre 1998.

Or, l'activité de représentant en douane désormais régie par le code des douanes de l'Union ne permet plus ce monopole. De même, la réglementation européenne soumet désormais l'ensemble des personnes susceptibles d'agir en douane pour le compte d'une autre à un enregistrement préalable soumis à conditions.

L'arrêté du 13 avril 2016 relatif à la représentation en douane pris en application de la réglementation communautaire institue un régime juridique pour le représentant en douane différent de celui mentionné dans le code des douanes national.

Ce conflit de norme nécessité l'intervention du législateur et la mise en conformité de certaines dispositions du code des douanes national avec la réglementation européenne.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'article 18 du règlement CDU permet à toute personne de désigner un représentant en douane chargé d'accomplir des formalités ou des actes liés à la réglementation douanière. Cette représentation s'effectue selon deux modalités :

- soit en représentation directe : le représentant en douane agit au nom et pour le compte d'autrui ;

- soit en représentation indirecte : le représentant en douane agit en son nom propre, mais pour le compte d'autrui.

En retour, la réglementation européenne institue une obligation d'enregistrement préalable, soumis à conditions, pour l'ensemble de ces personnes.

Le législateur européen a laissé aux États membres la possibilité de déterminer les conditions dans lesquelles un représentant en douane peut fournir ses services dans l'État membre dans lequel il est établi.

Ces nouvelles modalités d'enregistrement et de conditions à satisfaire sont désormais reprises dans l'arrêté du 13 avril 2016 relatif à la représentation en douane.

La fin du monopole des commissionnaires en douane agréés est la conséquence de l'entrée en application du code des douanes de l'Union au 1 er mai 2016.

L'agrément de commissionnaire en douane est remplacé par l'enregistrement de l'ensemble des personnes effectuant des actes de représentation.

Les mesures du code des douanes national visant à organiser ce monopole et cet agrément doivent dès lors être abrogées ou modifiées puisqu'elles apparaissent comme contraires au droit de l'Union et ne sont, de fait, plus appliquées.

Apparaissant en contradiction avec la norme européenne appliquée par l'administration, elles rendent inintelligibles les règles communautaires et nationales qui régissent l'activité de représentant en douane et suscitent l'interrogation des opérateurs.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La mesure vise à abroger et à adapter les dispositions du code des douanes pour se conformer au §3 de l'article 18 du règlement CDU relatives à la représentation en douane. Elle a également pour objectif de veiller à l'intelligibilité de la règle de droit :

- en clarifiant les obligations des représentants en douane et les conditions d'accès à l'exercice de cette activité (deux normes contradictoires sont actuellement en concurrence dans l'ordre juridique interne) ;

- en éliminant de l'ordre juridique national des dispositions obsolètes et non appliquées par l'administration .

3. DISPOSITIF RETENU

La mise en conformité du code des douanes avec les dispositions européennes relatives à la représentation en douane pour une meilleure lisibilité et une plus grande intelligibilité de la règle de droit.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

La mesure envisagée :

- adapte et simplifie l'article 86 du code des douanes afin de tirer les conséquences du §3 de l'article 18 du CDU lequel prévoit que « Les Etats membres peuvent déterminer, conformément au droit de l'Union, les conditions dans lesquelles un représentant en douane peut fournir des services dans l'État membre dans lequel il est établi (...) ». Ces conditions sont fixées par arrêté pris sur la base de l'article 17 bis du code des douanes ;

- réécrit l'article 86 pour supprimer les mentions relatives à l'agrément de commissionnaire en douane et renvoyer aux nouvelles dispositions du CDU qui régissent désormais l'activité de la représentation en douane ;

- modifie les articles 87 et 413 bis

- abroge les articles 89, 92 à 94 du code des douanes, devenus obsolètes puisque précisant des dispositifs d'agrément et de monopole qui n'existent plus ;

- remplace dans plusieurs dispositions du code des douanes la notion de « commissionnaire en douane », par celle de « représentant en douane ».

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

Aujourd'hui (novembre 2019), 1381 opérateurs sont enregistrés comme représentant en douane, parmi eux :

- 63 % sont des opérateurs qualifiés de professionnels du dédouanement (affréteurs, transporteurs, manutentionnaires, sociétés de messagerie et de fret express), ex-commissionnaires en douane enregistrés ;

- le reste est constitué majoritairement de sociétés centralisant la fonction douane et logistique du groupe auquel elles appartiennent.

La fin du monopole de l'exercice de la représentation directe par le commissionnaire en douane agréé s'est accompagnée d'une régulation accrue du secteur (conditions à remplir pour tous les actes de représentation). Les professionnels du dédouanement, ancien commissionnaire en douane agréé, ont accueilli favorablement cette régulation générale du secteur d'activité de la représentation, les conditions à respecter prennent en effet en compte leur qualification professionnelle.

Les ex-commissionnaires en douane agréés ont été automatiquement reconnus dans les systèmes d'information douaniers comme des représentants en douane enregistrés.

Les nouveaux entrants dans la profession relèvent des secteurs d'activité suivants :

- pour 70 %, il s'agit d'expressistes 20 ( * ) , de prestataires de transport ou de transitaires, c'est-à-dire de nouveaux professionnels de la logistique/douane,

- pour les 30 % restants, ce sont des chargeurs du secteur industriel (pétrochimie, aéronautique ou agroalimentaire).

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La régulation générale de l'activité de la représentation en douane marque un regain très net d'activité pour les services douaniers qui doivent traiter l'ensemble des enregistrements des représentants en douane. Initialement, seuls les professionnels du dédouanement, accomplissant des actes de représentation, étaient gérés par les services.

L'ouverture de la représentation en douane s'est ainsi traduite par 289 personnes nouvellement enregistrées depuis le 1 er janvier 2018 (date à laquelle, l'enregistrement du représentant est devenu obligatoire).

Les conditions d'éligibilité à la représentation en douane se révèlent positives pour l'administration car elles fiabilisent les relations entre la douane et les opérateurs.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La disposition envisagée ne visant qu'à mettre en conformité le droit national avec le droit de l'Union dont les mesures les plus impactantes sont déjà entrées en application depuis le 1er mai 2016, aucune consultation n'est envisagée.

En revanche, des consultations des fédérations et organisations professionnelles ont été menées avant la publication de l'arrêté du 13 avril 2016, déclinant pour la France, les conditions et les modalités d'enregistrement des représentants en douane prévues par l'article 18 du CDU.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1 Application dans le temps

Les mesures envisagées entreraient en vigueur au lendemain de la publication du texte au Journal officiel .

5.2.2 Application dans l'espace

Seul le territoire douanier de l'Union tel que défini à l'article 4 du CDU est concerné par ces dispositions.

Les mesures spécifiques en matière de représentation existant en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie ne sont pas impactées.

5.2.3 Textes d'application

Aucun texte d'application n'est à envisager. En effet, les dispositions de l'article 18 du CDU ont déjà été déclinées dans l'arrêté du 13 avril 2016 relatif à la représentation en douane, actuellement en application.

Article 11- Adaptation au règlement (UE) 2018/1672
(cash control)

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Diverses dispositions législatives c omplétées par des dispositions réglementaires, ont été adoptées dans le code monétaire et financier afin de permettre l'application du règlement (CE) n° 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005,

En premier lieu, l'article L. 152-4 du code monétaire et financier a été modifié par l'article 96 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, en vue de permettre :

- la sanction du non-respect des dispositions de ce règlement ;

- les conditions dans lesquelles la possibilité de retenir l'argent liquide non déclaré ou mal déclaré peut être retenu par les agents des douanes.

Par ailleurs, il existe alors un dispositif réglementant les transferts physiques de capitaux avec l'étranger, issu de l'article 98 de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 de finances pour 1990 et codifié à l'article L. 152-1 du code monétaire et financier (ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000).

Or, l'article 1 er § 2 du règlement (CE) n° 1889/2005, appuyé par la dernière phrase du considérant 3, dispose que ce règlement « est sans préjudice des mesures nationales visant à contrôler les mouvements d'argent liquide au sein de la Communauté, lorsque ces mesures sont prises conformément à l'article 58 du traité. ».

La France a donc également modifié, par la loi de finances rectificative pour 2006 , les dispositions de l'article L. 152-1 du code monétaire et financier afin de maintenir', lors de flux physiques intra-UE de fonds, une obligation déclarative, effectuée auprès de l'administration des douanes dans les mêmes conditions que celles prévue par le règlement (UE) n° 1889/2005 pour les flux avec les pays tiers A cette fin, l'article L. 152-1 du code monétaire et financier été amendé afin d'aligner le seuil déclaratif sur celui prévu par la réglementation (UE), soit
10 000 euros.

Afin de simplifier le dispositif déclaratif, la possibilité de souscrire, pour tout type de flux d'argent liquide, des déclarations par voie électronique a été prévue (article R. 152-6 du code monétaire et financier modifié par le décret n° 2012-1182 du 23 octobre 2012).

Enfin, des évolutions postérieures à l'entrée en vigueur du règlement (CE) n° 1889/2005 sont venues modifier le dispositif applicable aux flux d'argent liquide intra-UE.

Ainsi, l'article 54 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a étendu les types de capitaux pouvant être soumis à l'obligation déclarative, en ajoutant à l'article L. 152-1 du code monétaire et financier, les jetons et tickets de casino, les cartes prépayées ainsi que l'or.

Dans le cadre de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, les articles L. 152-1 et L. 152-4 du code monétaire et financier ont également été modifiés :

- l'article 40 a précisé, à l'article L. 152-1 du code monétaire et financier et à l'instar de l'article 3 § 1 du règlement (CE) n° 1889/2005, que l'obligation de déclaration n'est pas réputée exécutée si les informations fournies sont incorrectes ou incomplètes, afin de sécuriser les contentieux réalisés sur des transferts de capitaux mal déclarés ;

- ce même article 40 a également durci la réglementation applicable, dans le respect de la compétence de l'Union concernant les règles applicables aux mouvements d'argent liquide avec les pays tiers, en soumettant les transferts de sommes d'un montant supérieur à 50 000 euros à la production d'un document permettant de justifier de leur provenance. Le décret n° 2016-1663 du 5 décembre 2016 organise les modalités de déclaration de ces transferts, notamment en listant les documents admis à l'article D. 152-8 du code monétaire et financier ; l'article 41 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 a porté l'amende légalement encourue en cas de manquement à l'obligation déclarative de 25 à 50 % des sommes en infraction. Cette amende a été déclarée conforme à la Constitution dans la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-779/780 QPC du 10 mai 2019.

Enfin, le décret n° 2016-1523 du 10 novembre 2016 relatif à la lutte contre le financement du terrorisme est venu étendre le champ d'application des déclarations de transferts physiques, opérés par des personnes physiques elles-mêmes ou par des envois confiés à des services postaux, de sommes, titres ou valeurs vers ou en provenance d'un Etat de l'Union européenne d'un montant d'au moins 10 000 euros, aux transferts de fonds lorsqu'ils sont acheminés par voie routière, aérienne, maritime ou ferroviaire, par des sociétés de transport ou des entreprises de fret express (modification de l'article R. 152-6 du code monétaire et financier).

Les règles actuelles sur les mouvements d'argent liquide entrant dans l'Union européenne (UE) ou en sortant sont applicables depuis le 15 juin 2007 et elles font partie intégrante du cadre de l'Union européenne en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Elles sont issues du règlement (CE) n° 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant ou sortant de la Communauté, récemment abrogé par le règlement (UE) n° 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018, lequel vient actualiser et compléter le cadre juridique de l'UE relatif à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme établi par la directive 2015/849.

Les règles en vigueur imposent aux voyageurs qui entrent dans l'UE ou qui en sortent de déclarer aux autorités douanières toute somme en argent liquide de 10 000 EUR ou plus (ou son équivalent). La nouvelle législation européenne reprend cette obligation en la précisant.

Les États membres échangeront des informations lorsqu'il y a des indices que l'argent liquide est lié à une activité criminelle susceptible de porter atteinte aux intérêts financiers de l'UE. Ces informations seront également transmises à la Commission européenne.

Le premier règlement relatif aux contrôles de l'argent liquide a été adopté en 2005 (règlement (CE) n° 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005). Toujours en vigueur, il met en place un système de contrôle qui s'applique aux personnes physiques entrant dans l'Union européenne (UE) ou en sortant, qui transportent de l'argent liquide (espèces, instruments négociables au porteur, etc.) d'une valeur égale ou supérieure à 10 000 €. Après plusieurs années d'application, la Commission européenne a estimé nécessaire de renforcer le système de contrôle de l'argent liquide franchissant la frontière de l'UE. Elle a donc proposé l'adoption d'un nouveau règlement, qui a été publié le 12 novembre 2018 : il s'agit du règlement (UE) n° 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant dans l'Union ou sortant de l'Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005. Il est applicable à compter du 3 juin 2021.

Le règlement (UE) n° 2018/1672 se place dans le contexte de la prévention et de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ce faisant, le règlement rejoint les recommandations du GAFI en la matière et est conforme aux politiques de l'Union, notamment :

- le programme européen en matière de sécurité (COM(2015) 1/85 final) qui souligne l'importance que revêt la lutte contre le terrorisme et le crime organisé ;

- le principe de libre circulation des capitaux qui interdit les restrictions, sans préjudice des mesures non discriminatoires justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou la sécurité juridique.

Le règlement (UE) n° 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant dans l'Union ou sortant de l'Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005, a pour objet, notamment, d'apporter des évolutions sur les points suivants :

- outre les flux d'argent liquide transporté par des personnes physiques, sont désormais également contrôlés les flux d'argent dit « non accompagné », soit l'argent liquide envoyé par la poste, par fret (y compris fret express) ou par transporteur ;

- l'échange d'informations entre Etat membres, entre autorités compétentes pour ce contrôle et les cellules de renseignement financier (TRACFIN, en France), entre ces autorités et la Commission ou les Etats tiers, est amélioré ;

- la procédure de rétention des liquidités non déclarées ou mal déclarées est encadrée par des mesures de contrôle et de pondération.

Ce règlement maintient, dans son considérant 9, la possibilité, pour les Etats membres, d'adopter des mesures nationales visant à contrôler les mouvements d'argent liquide au sein de l'Union.

Enfin, cette nouvelle réglementation complète le dispositif mis en place par la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, laquelle a fait l'objet de plusieurs mesures de transposition en droit français avec les textes suivants :

- loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale (I de l'article 118) ;

- ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ;

- décret n° 2017-1094 du 12 juin 2017 relatif au registre des bénéficiaires effectifs définis à l'article L. 561-2-2 du code monétaire et financier ;

- décret n° 2018-284 du 18 avril 2018 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Ce complément réside dans la possibilité de retenir l'argent liquide, soit d'un montant inférieur à 10 000 euros, soit d'un montant supérieur alors qu'une déclaration du flux transfrontière de cet argent a été effectuée, lorsque le service des douanes dispose d'indices que cet argent est en lien avec une activité criminelle relevant de l'article 3 point 4) la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 précitée.

Il est précisé que la directive (UE) 2015/849 a été modifiée par la directive 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018. Elle comprend ainsi des mesures visant à encadrer certaines nouvelles technologies dans le secteur des monnaies virtuelles pour limiter le risque de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme par leur biais, à harmoniser les compétences des cellules de renseignements financiers européennes et à renforcer la transparence des informations sur les bénéficiaires effectifs des personnes morales et des trusts. Les conditions d'utilisation de la monnaie électronique et des cartes prépayées sont également limitées.

L'article 203 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de 18 mois, toute mesure relevant du domaine de la loi afin de :

- transposer la directive (UE) 2015/849 telle que modifiée par la directive (UE) 2018/843 du 30 mai 2018, et d'adopter toute mesure de coordination et d'adaptation rendue nécessaire en vue de rendre plus efficace la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;

- assujettir aux mesures de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme des entités autres que celles mentionnées à l'article 2 de la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 précitée.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les dispositions législatives nationales actuellement en vigueur portant sur les flux d'argent liquide ne suffisent pas pour l'application du nouveau règlement européen relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant dans l'Union ou sortant de l'Union, qui abroge le règlement (CE) n° 1889/2005.

En effet, l'intervention de la nouvelle réglementation européenne impose, d'une part, d'adopter des dispositions nécessaires pour sa parfaite mise en oeuvre.

Comme déjà en 2006, il y a lieu d'autre part d'aligner la législation nationale sur le dispositif européen afin, une nouvelle fois, de mettre en place, dans le respect des libertés fondamentales de l'Union, un système de contrôle complet pouvant permettre, quel que soit le pays de provenance ou de destination du flux d'argent liquide, de mieux prévenir le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme et de renforcer la lutte contre la fraude fiscale.

Il est ainsi nécessaire de légiférer afin d'organiser en droit interne, dans les conditions et les limites qu'il fixe, les mesures suivantes du règlement de 2018 :

- la détermination de la durée de retenue temporaire de l'argent liquide en cas de non-respect de l'obligation de déclaration de l'argent liquide accompagné (au moins égal à 10 000 euros ) ou de l'obligation de divulgation de l'argent liquide non accompagné, ainsi que l'ensemble des situations où il existe des indices, indépendamment du montant concerné, que l'argent liquide est lié à l'une des activités énumérées à l'article 3, point 4), de la directive (UE) n° 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ;

- les modalités de recours contre de telles décisions de retenue temporaire.

Concernant les mesures relevant de l'objectif d'harmonisation du dispositif national et du dispositif européen, il s'agit de dupliquer, en droit interne, pour les flux d'argent liquide intra-UE, les principes posés par les nouvelles dispositions européennes et plus particulièrement au niveau de la loi :

- le dispositif de contrôle des flux d'argents dits « non accompagnés » soit l'argent envoyé par la Poste, par fret (y compris fret express) ou par transporteur avec la création d'une obligation de divulgation, dans un délai de 30 jours, à la demande des services douaniers, pesant sur l'expéditeur, le destinataire ou leur représentant, qui diffère du dispositif actuel qui soumet les seuls expéditeurs, où qu'ils se trouvent, à une obligation de déclaration au plus tard le jour du transfert

- la prise en compte des situations dans lesquelles il existe des indices que des transferts d'argent liquide non soumis à une obligation de déclaration ou de divulgation, en provenance d'un Etat non membre de l'Union européenne ou d'un Etat membre, ou à destination de tels Etats, est lié à l'une des activités énumérées à l'article 3, point 4), de la directive (UE) n° 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.

Enfin, les modifications engendrées par la nécessité de légiférer pour la mise en oeuvre du règlement (UE n) 2018-1672, qui s'accompagne ici d'une démarche d'harmonisation, conduit à réorganiser le chapitre II du titre V du livre I du code monétaire et financier,

Les modifications apportées au code monétaire et financier ne seront applicables qu'à compter de l'applicabilité du règlement (UE) n° 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant dans l'Union ou sortant de l'Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005, soit à compter du 3 juin 2021.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les mesures envisagées visent à permettre de contrôler les flux d'argents dits « non accompagnés » soit l'argent envoyé par la Poste, par fret (y compris fret express) ou par transporteur, améliorer les échanges d'information ente Etats membres entre autorités compétentes pour ce contrôle et les cellules de renseignement financier (TRACFIN, en France), entre ces autorités et la Commission ou les Etats tiers et renforcer les contrôles sur la rétention des sommes non déclarées ou mal déclarées.

Certaines mesures relèvent du domaine de la loi.

Le présent article a donc pour objet de modifier la partie législative du code monétaire et financier afin de :

- prévoir la sanction applicable en cas de non-exécution des obligations prévues par le règlement (UE) de 2018 ;

- organiser les modalités de contrôle du respect des obligations relevant du règlement (UE) de 2018 ;

- mettre en place la procédure de retenue temporaire de l'argent liquide non déclaré ou mal déclaré au regard de la réglementation européenne, et la possibilité, sur autorisation du procureur de la République, de la compléter, lorsque les nécessités de l'enquête le justifient, d'une enquête administrative d'une durée strictement limitée ;

- créer la voie de recours applicable contre la décision administrative de retenue temporaire de l'argent liquide non déclaré ou mal déclaré ;

- permettre la rétention temporaire de l'argent liquide correctement déclaré ou d'un montant inférieur à 10 000 euros, seuil de l'obligation déclarative, dès lors qu'il existe des indices que cet argent, en provenance ou à destination d'un Etat non membre de l'Union européenne, est lié à une activité criminelle au sens de la directive (UE) n° 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.

Cet article vise également à aligner les dispositions législatives nationales applicables aux flux d'argent liquide dans les relations intra-UE sur les nouvelles procédures prévues par le règlement (UE) n° 2018/1672 concernant :

- les modalités de retenue temporaire et de consignation des liquidités non déclarées ou mal déclarées ;

- le dispositif applicable à l'argent liquide « non accompagné » ;

- la possibilité de retenir l'argent liquide non soumis à obligation déclarative ou dûment déclaré, lorsqu'il existe des indices de lien avec une activité criminelle ;

- le recours contre la décision administrative de retenue temporaire.

3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1 Option n°1 (écartée)

L'option consistant à adopter uniquement les mesures législatives nécessaires à la seule mise en oeuvre du règlement (UE) n° 2018/1672 a été écartée car elle ne semblait pas adaptée au regard de l'objectif poursuivi.

Il importe en effet de mettre en place un dispositif législatif et répressif harmonisé concernant les flux d'argent liquide extra-UE et intra-UE, afin de permettre une meilleure appréhension des règles applicables tant par les personnes qui y sont soumises que par les services en charge de leur application.

3.1.2 Option n° 2 (retenu)

L'option n°2 qui a été retenue poursuit une double finalité, laquelle s'inscrit dans l'objectif général de prévention du blanchiment et lutte contre le financement du terrorisme :

1) prendre en droit national, comme le règlement (UE) 2018/1672 du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant dans l'Union ou sortant de l'Union et abrogeant le règlement (CE) n°1889/2005 l'impose, les mesures nécessaires à sa mise en oeuvre ;

2) aligner les dispositions législatives nationales applicables aux flux d'argent liquide dans les relations intra-UE sur l'ensemble des règles et procédures prévues par le règlement (UE) n° 2018/1672.

3.2. DISPOSITIF RETENU

La mesure envisagée consiste à modifier la partie législative du code monétaire et financier afin de :

- prévoir la sanction applicable en cas de non-exécution des obligations prévues par le règlement (UE) de 2018 ;

- organiser les modalités de contrôle du respect des obligations relevant du règlement (UE) de 2018 ;

- mettre en place la procédure de retenue temporaire de l'argent liquide non déclaré ou mal déclaré au regard de la réglementation européenne, et la possibilité, sur autorisation du procureur de la République, de la compléter, lorsque les nécessités de l'enquête le justifient, d'une enquête administrative d'une durée strictement limitée ;

- créer la voie de recours applicable contre la décision administrative de retenue temporaire de l'argent liquide non déclaré ou mal déclaré ;

- permettre la rétention temporaire par les agents des douanes de l'argent liquide correctement déclaré ou d'un montant inférieur à 10 000 euros dès lors qu'il existe des indices que cet argent, en provenance ou à destination d'un Etat non membre de l'Union européenne, est lié à une activité criminelle au sens de la directive (UE) n° 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.

Il s'agit également d'aligner les dispositions législatives nationales applicables aux flux d'argent liquide dans les relations intra-UE sur les nouvelles procédures prévues par le règlement (UE) n° 2018/1672 concernant :

- les modalités de retenue temporaire et de consignation des liquidités non déclarées ou mal déclarées ;

- le dispositif applicable à l'argent liquide « non accompagné » ;

- la possibilité de retenir l'argent liquide non soumis à obligation déclarative ou dûment déclaré, lorsqu'il existe des indices de lien avec une activité criminelle ;

- le recours contre la décision administrative de retenue temporaire.

Ce faisant, dans un objectif d'harmonisation totale, le choix a également été fait d'aligner les dispositions législatives relatives à l'obligation déclarative de l'argent liquide, applicables aux collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution et à la Nouvelle Calédonie.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1 Impacts sur l'ordre juridique interne

La mesure envisagée modifie la partie législative du code monétaire et financier (modification des articles L. 152-1, L. 152-4, L. 721-2 à L. 721-4, L. 741-4 à L. 741-6, L. 751-4 à L. 751-6, L. 761-3 à L. 761-5 et L. 771-1 à L. 771-3 et créations des articles L. 152-1-1, L. 152-1-2, L. 152-4-1, L. 152-4-2, L. 721-2-1, L. 721-2-2, L. 721-3-1, L. 721-3-2, L. 741-4-1, L. 741-4-2, L. 741-5-1, L. 741-5-2, L. 751-4-1, L. 751-4-2, L. 751-5-1, L. 751-5-2, L. 761-3-1 , L. 761-3-2, L. 761-4-1, L. 761-4-2, L. 771-1-1, L. 771-1-2, L. 771-2-1, L. 771-2-2).

4.1.2 Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Le dispositif retenu permet l'application du règlement (UE) n° 2018/1672 relatif au contrôle des flux d'argent liquide extra-UE tout en harmonisant le dispositif national de contrôle des flux intra-UE sur les dispositions prévues par le législateur européen.

Cet alignement est effectué sans préjudice des choix antérieurs du législateur français dans le cadre de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, et dans le respect des libertés fondamentales de l'Union.

La modification des dispositions nationales est, au demeurant, une mise en oeuvre du considérant 9 du règlement n° 2018/1672, lequel énonce « Le présent règlement ne porte pas atteinte à la faculté des États membres de prévoir, dans leur droit national, des contrôles nationaux supplémentaires sur les mouvements d'argent liquide au sein de l'Union, à condition que ces contrôles respectent les libertés fondamentales de l'Union, notamment les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. ».

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1 Impacts macroéconomiques

Le champ matériel de l'obligation déclarative de l'argent liquide applicable lors des flux avec les pays tiers a évolué. Ainsi, outre sur les capitaux déjà soumis à déclaration par le règlement (CE) n° 1889/2005 comme, par exemple, les espèces et les instruments négociables au porteur, la réglementation permettra de tracer les mouvements physiques en provenance d'un pays tiers ou à destination d'un tel pays portant sur de nouvelles liquidités comme les pièces contenant au moins 90 % d'or, les lingots, pépites ou autres agglomérats d'or natif contenant au moins 99,5 % ainsi que les cartes prépayées.

Les montants concernés par cette extension du périmètre de l'obligation déclarative à l'or et aux cartes prépayées pour les flux extra-communautaires sont difficiles à évaluer dans la mesure où, pour l'instant, ces flux ne sont pas tracés.

Les transferts physiques d'or et de cartes prépayées d'un montant égal ou supérieur à 10 000 euros au sein de l'Union Européenne sont en revanche soumis à déclaration et donc enregistrés dans le système d'information douanier. En 2018, les mouvements de capitaux ainsi déclarés à la douane portant sur de l'or représentaient 36 millions d'euros ; ceux portant sur des cartes prépayées représentaient 770 000 euros.

4.2.2 Impacts budgétaires

Les mesures envisagées devraient induire les coûts suivants :

- Coût de production des nouveaux exemplaires CERFA n° 13426*04 (Déclaration d'argent liquide) suite à leur modification imposée par l'évolution de la réglementation européenne.

- Coût de développement informatique pour faire évoluer le service en ligne DALIA (Déclaration d'Argent Liquide Automatisée).

4.2.3 Impacts sur les entreprises

A partir du 3 juin 2021, les mouvements transfrontaliers d'argent liquide appartenant à une personne morale seront soumis aux nouvelles règles qui suivent :

- l'argent liquide d'un montant au moins égal à 10 000 euros envoyé via la Poste ou par voie de fret, pourra, sur décision de l'administration et quel que soit le pays de destination ou de provenance, être soumis à l'obligation dite « de divulgation » ;

- dans les flux extra-UE, les envois, accompagnés ou non par porteur, de pièces contenant au moins 90 % d'or, de lingots, de pépites ou autres agglomérats d'or natif contenant au moins 99,5 %, ainsi que de cartes prépayées, devront être déclarés à l'administration ;

- un nouveau dispositif de retenue temporaire de l'argent liquide sera mis en place. Il s'appliquera tant à l'égard de liquidités non déclarées ou mal déclarées, que de l'argent liquide non soumis à déclaration ou correctement déclaré vis-à-vis duquel il existera des indices de lien avec une activité criminelle.

4.2.4 Impacts sur les particuliers

Les particuliers qui envoient de l'argent liquide d'un montant égal ou supérieur à 10 000 euros via la poste ou les opérateurs de fret express pourront, à la demande de l'administration et quel que soit le pays de destination ou de provenance, être soumis à l'obligation dite « de divulgation ».

Par ailleurs, le champ d'application de l'obligation de déclaration ou de divulgation des mouvements d'argent liquide d'un montant égal ou supérieur à 10 000 euros, lors des flux avec les pays tiers, a évolué. Dès le 3 juin 2021, date d'entrée en application du règlement (UE) n° 2018/1672, ces obligations porteront, outre sur les liquidités déjà soumises à déclaration par le règlement (CE) n° 1889/2005, sur les pièces contenant au moins 90 % d'or, les lingots, pépites ou autres agglomérats d'or natif contenant au moins 99,5 %, ainsi que les cartes prépayées.

Les personnes physiques soumises à l'obligation de déclaration ou à l'obligation de divulgation bénéficieront en revanche de nouveaux droits :

- la connaissance des motifs de la décision de l'administration de procéder à la retenue temporaire de l'argent liquide non déclaré ou mal déclaré ;

- un droit de recours juridictionnel effectif en cas de retenue de l'argent liquide non déclaré ou mal déclaré par le service douanier.

Ces droits seront également applicables lorsque les agents des douanes procéderont à la retenue temporaire d'argent liquide correctement déclaré ou d'un montant inférieur à 10 000 euros en raison de l'existence d'indices de lien avec une activité criminelle.

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La mise en oeuvre des nouvelles dispositions portées par le règlement (UE) n° 2018/1672, en particulier la mise en place d'une obligation de divulgation de « l'argent non accompagné » implique :

- la modification du modèle CERFA n° 13426*04 (Déclaration d'argent liquide) et donc des coûts d'impression et d'expédition du document dans les services ;

- l'évolution du service en ligne DALIA (Déclaration d'Argent Liquide Automatisée) et donc des coûts de développement informatique ;

- la gestion par les services douaniers des nouvelles déclarations dites « de divulgation ».

Les contrôles portant sur l'argent liquide dit « non accompagné », soit l'argent expédié via le fret (y compris le fret express) ou la Poste, pourront donner lieu à des contrôles intensifiés sur ces vecteurs de fraude et des procédures conduisant le service à solliciter des expéditeurs ou des destinataires concernés des déclarations de divulgation.

Par ailleurs, l'obligation, nouvellement prévue par le règlement (UE) de 2018, pour les services de la DGDDI, d'établir une déclaration d'office en cas de non-respect de l'obligation de déclaration d'argent liquide accompagné ou de l'obligation de divulgation d'argent liquide non accompagné impose, aux services en charge des contrôles, d'intégrer systématiquement une déclaration dans le système d'information, en plus de la gestion de la procédure contentieuse.

De même, l'intégration d'un droit de recours effectif en cas de retenue temporaire d'argent liquide implique, d'une part, la gestion d'une procédure contentieuse supplémentaire par les services douaniers et, d'autre part, la gestion de ce recours par l'autorité judiciaire (premier président de la cour d'appel territorialement compétente et le cas échéant, la Cour de cassation en cas de pourvoi).

5. MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. APPLICATION DANS LE TEMPS

Les modifications apportées au code monétaire et financier ne seront applicables qu'à compter de l'applicabilité du règlement (UE) n° 2018/1672, soit à compter du 3 juin 2021.

5.2. APPLICATION DANS L'ESPACE

Le dispositif est applicable en métropole, dans les départements d'outre-mer, dans les collectivités ultramarines de Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouvelle-Calédonie, Polynésie-Française et des îles Wallis et Futuna. Dès lors que Saint-Martin est considéré, au regard du TFUE, comme une région ultrapériphérique, le règlement (UE) n° 2018672 y est mis en oeuvre. Les dispositions du code monétaire et financier visant à mettre en oeuvre ce règlement y sont donc applicables.

5.3. TEXTES D'APPLICATION

Un décret en Conseil d'Etat et un décret simple devront être adoptés afin de modifier la partie réglementaire du code monétaire et financier.

CHAPITRE V - DISPOSITIONS EN MATIÈRE FINANCIÈRE

Article 12 - Transposition de la directive (UE) 2019/2162 du Parlement européen et du Conseil concernant l'émission des obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties, dite « covered bonds »

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Les obligations garanties ( covered bonds ) sont des titres émis en France par les sociétés de crédit foncier (SCF), les sociétés de financement de l'habitat (SFH) et la caisse de refinancement de l'habitat (CRH), garantis par des actifs de qualité et sur lesquels les investisseurs en obligations garanties ont un privilège légal. L'encours d'obligations garanties émises par des SCF, des SFH ou la CRH représentait en France plus de 300 Md€ en 2017 d'après l'European Covered Bond Council, refinançant principalement des prêts immobiliers et dans une moindre mesure des expositions sur le secteur public. Après un pic pendant la crise financière, les émissions d'obligations garanties représentaient plus de 40 Md€ en 2017 et 25,5 Md€ en 2018 (20% de l'ensemble des émissions dans l'UE). La France était, après l'Allemagne, le deuxième émetteur d'obligations garanties en 2018.

La Commission européenne a publié le 12 mars 2018 une proposition de directive et de règlement visant une harmonisation prudente des cadres nationaux applicables aux obligations garanties ( COM/ 2018/094 final- 2018/0043(COD)) 21 ( * ) . Compte tenu des retours obtenus de la part des parties prenantes à la suite de la consultation publique de 2015, la Commission, s'appuyant sur un rapport de l'autorité bancaire européenne (ABE) de décembre 2016, a proposé une directive posant un cadre d'harmonisation minimal des régimes nationaux avec pour objectif affiché de ne pas perturber les cadres existants tout en facilitant les due diligence des investisseurs par l'existence de critères communs à l'échelle de l'UE et en favorisant l'émergence de ce mode de refinancement dans les pays où il est peu développé.

La directive relative aux émissions d'obligations garanties s'accompagne d'un règlement visant à modifier l'article 129 du règlement CRR. Cet article précise les conditions pour l'obtention d'un traitement prudentiel préférentiel pour les banques qui investissent en obligations garanties.

La directive (UE) 2019/2162 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant l'émission d'obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties et modifiant les directives 2009/65/CE et 2014/59/UE et le règlement (UE) 2019/2160 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant le règlement (UE) no 575/2013 en ce qui concerne les expositions sous forme d'obligations garanties ont été publiés au JOUE du 18 décembre 2019.

Par ailleurs, l'article 52, paragraphe 4, de la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil, dite UCITS IV, prévoit des exigences très générales applicables aux caractéristiques structurelles des obligations garanties. Ces exigences se limitent à la nécessité de faire en sorte que les obligations garanties soient émises par un établissement de crédit qui a son siège statutaire dans un État membre et soient soumises à une surveillance publique spécifique et à un mécanisme de double recours. Les cadres nationaux relatifs aux obligations garanties, désormais encadrés par la directive qu'il convient de transposer, réglementent cette matière de manière beaucoup plus détaillée.

La Direction Générale du Trésor a participé aux négociations de cette directive et de ce règlement au niveau du Conseil de l'Union Européenne.

Un accord politique a été trouvé en trilogue le 26 février 2019, sécurisant les grandes caractéristiques du modèle français, allemand et danois, les principaux émetteurs d'obligations garanties. Des nouveautés techniques ont également introduite à l'initiative de l'Allemagne et de l'Italie. Cette classe d'actif est particulièrement développée au Danemark, où le volume d'obligations garanties émises est supérieur de 45 % du PIB du pays et est quatre fois supérieur à la dette souveraine. A fin 2017, les volumes émis représentaient 395 Md€ en Allemagne, 400 Md€ au Danemark, près de 300 Md€ en France, 248 Md€ en Espagne, 210 Md€ en Suède et 97 Md€ au Royaume-Uni. En France, les obligations garanties représentent plus de 6 % des encours de prêts.

La directive (UE) 2019/2162 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant l'émission d'obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties et modifiant les directives 2009/65/CE et 2014/59/UE et le règlement (UE) 2019/2160 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant le règlement (UE) no 575/2013 en ce qui concerne les expositions sous forme d'obligations garanties ont été publiés au JOUE du 18 décembre 2019.

1.1.1 Cadre conventionnel

Le droit français est en grande partie conforme aux dispositions de la directive. Les articles L. 513-1 à L. 513-33 du chapitre III du Titre Ier du Livre V du code monétaire et financier, relatif aux établissements de crédit spécialisés, établit les règles de fonctionnement des sociétés de crédit foncier et des sociétés de financement de l'habitat et des modalités d'émission des obligations garanties.

Les dispositions réglementaires des articles R. 513-1 à R. 513-21 du chapitre III du Titre Ier du Livre V du code monétaire et financier complètent la partie législative et sont également très proches des dispositions communautaires.

Le cadre du droit français applicable aux obligations garanties est complété par le règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière du n°99-10 du 9 juillet 1999 relatif aux sociétés de crédit foncier et son annexe, qui donne notamment des précisions sur les modalités de calcul du ratio de couverture des besoins de trésorerie, par l'instruction n°2014-I-16 de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution relative au ratio de couverture des sociétés de crédit foncier et des sociétés de financement de l'habitat et ses annexes, par l'instruction n°2014-I-17 de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution relative aux états réglementaires mentionnés à l'article 10 du règlement n°99-10 du 9 juillet 1999 et ses annexes.

Ainsi :

- Le mécanisme de double recours des investisseurs en obligations garanties et des contreparties de contrats de dérivés prévu à l'article 4 de la directive existe déjà en droit français (L. 513-11) ;

- L'absence d'exigibilité automatique des obligations de paiement associées aux obligations garanties prévue à l'article 5 de la directive existe déjà en droit français (L. 513-11) mais ne concerne que les procédures de liquidation judiciaire. Il faudra l'étendre aux procédures de résolution ;

- La nécessité de collatéraliser les obligations garanties par des actifs de couverture précisément défini prévue à l'article 6 de la directive existe déjà en droit français (L. 513-3 à L. 513-7) ;

- La possibilité d'utiliser des actifs de couverture garantis par des sûretés situées en dehors de l'Union européenne prévue à l'article 7 de la directive existe déjà en droit français (L. 513-3 et L. 513-29) ;

- La possibilité d'utiliser des structures de regroupement d'obligations garanties en intragroupe prévue à l'article 8 n'existe pas en droit français. Il s'agit d'une option que les États membres peuvent exercer ;

- La liberté donnée aux États membres d'autoriser le transfert d'actifs de couverture originés dans un établissement de crédit et apportés, sans être vendus, à l'actif de l'émetteur d'obligations garanties existe déjà en droit français (L. 513-2 et L. 211-38) ;

- L'article 10 de la directive dispose de fixer des règles concernant la composition des paniers de couverture. Cela existe déjà en droit français qui impose des limites aux montants refinançables par les obligations garanties (R. 513-1 à R. 513-6) ;

- L'article 11 de la directive nécessite d'établir des règles concernant l'inclusion de contrats dérivés dans le panier de couverture, notamment en les autorisant qu'aux fins de couvrir des risques. Cela existe déjà en droit français (L. 513-10). La directive introduit plus d'exigences que ne le prévoit le droit français (nécessité de documenter les contrats dérivés, absence de résiliation en cas d'insolvabilité ou de résolution, critères d'éligibilité des contreparties). Ces ajouts seront nécessaires dans le cadre de la transposition ;

- La ségrégation des actifs de couverture, notamment en cas d'insolvabilité ou de résolution de l'émetteur, prévue à l'article 12 de la directive existe déjà en droit français (L. 513-11, L. 513-20). Le cas de la ségrégation en cas de résolution de l'établissement de crédit émetteur d'obligations garanties devra être introduit ;

- Le principe d'un contrôleur du panier de couverture, posé par l'article 13 de la directive, est déjà présent en droit français (L. 513-23, L. 513-24, L. 513-26, R. 513-16, L. 823-13 et L. 823-14 du Code de commerce). Il faudra cependant s'assurer que son périmètre de contrôle est bien le même et préciser son rôle en cas de résolution de l'établissement de crédit émetteur d'obligations garanties ;

- L'article 14 de la directive établit une liste d'information à transmettre trimestriellement aux investisseurs par l'établissement de crédit émetteur d'obligations garanties. Cette obligation existe en droit français (L.513-9, Art.10 et 13 du règlement n°99-10) mais la liste des informations à publier n'est pas identique.

- L'article 15 de la directive impose de respecter une couverture des éléments de passif liés aux obligations garanties par des créances liées aux actifs de couverture. Cette obligation existe déjà en droit français (L. 513-12, R. 513-8, Art.8 et 9 du règlement n°99-10). La directive prévoit davantage d'éléments de passif à couvrir (coûts prévus de maintenance et de gestion pour mettre fin au programme d'émission par exemple) ;

- L'article 16 crée une exigence de couverture des besoins de trésorerie de l'émetteur d'obligations garanties via un coussin spécifique de liquidité. Cela est déjà prévu par le droit français (L. 513-8, R. 513-7). Certains actifs liquides autorisés dans le droit français devront être supprimés car absents de la directive (actifs éligibles aux opérations de crédit de la Banque de France) ;

- Les dispositions de l'article 17 de la directive relatives aux structures à échéance prorogeables n'existent pas dans le droit français, étant aujourd'hui essentiellement de nature contractuelle entre l'émetteur et les investisseurs. Il faudra les introduire dans le cadre de la transposition ;

- L'exigence d'une surveillance publique des obligations garanties posée par l'article 18 est déjà respectée en droit français, en vertu des articles L. 513-22 et L. 513-28 et des dispositions de l'arrêté contrôle interne du 3 novembre 2014, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ayant la charge de veiller au respect des obligations qui incombent aux émetteurs d'obligations garanties.

- L'autorisation des programmes d'obligations garanties, préalable à toute émission et prévue par l'article 19, ne figure pas dans le droit français et devra être introduite, bien que tout projet de prospectus soit soumis au visa préalable de l'AMF.

- La surveillance publique des obligations garanties en cas d'insolvabilité ou de résolution, prévue à l'article 20 de la directive, est aussi traitée en droit français, la coopération entre l'ACPR et l'AMF étant prévue tout comme la nomination d'un administrateur spécial (L. 513-19, L. 613-25). Le rôle de l'ACPR en cas de résolution de l'émetteur est à préciser, tout comme par exemple les mécanismes d'échange d'information entre l'ACPR et l'administrateur ;

- La nécessité de faire rapport aux autorités compétentes, posée par l'article 21 de la directive, devra être précisée dans le droit français. Les émetteurs d'obligations garanties doivent régulièrement communiquer et publier des informations (L. 513-9, art.10 et 13 du règlement n°99-10) mais il n'est pas mention explicite des programmes d'émission ;

- L'article 22 de la directive précise les pouvoirs conférés aux autorités compétentes. Le droit français prévoit les pouvoirs dont dispose l'ACPR à la section 5 (Exercice du contrôle), section 6 (Mesures de police administrative), section 7 (pouvoirs disciplinaires) du Chapitre II du Titre 1er du Livre VI du code monétaire et financier. Contrairement à l'AMF, l'ACPR ne dispose pas d'un pouvoir d'enquête. Elle ne dispose pas non plus du pouvoir d'accorder ou de refuser des autorisations de programme d'émissions d'obligations garanties ;

- Concernant les sanctions administratives prévues à l'article 23, il faudra préciser dans le droit français (L. 513-22) la capacité de l'ACPR à sanctionner des manquements relatifs à des programmes d'émission ;

- La publicité des sanctions imposées, prévue par l'article 24 de la directive, est obligatoire en droit français en vertu des articles L. 612-39, L. 612-40 et R. 612-50-1. Il faudra donner des précisions sur la durée de conservation des décisions de la commission des sanctions de l'ACPR et rajouter le besoin d'informer l'EBA du prononcé de toute sanction ;

- Les obligations de coopération entre autorités, posées par l'article 25, existent déjà en droit français (L. 612-47, L. 631-1, L. 612-48) ;

- Concernant les obligations en matière de publicité, prévues par l'article 26, il faudra procéder à une modification de l'article R. 612-10 afin de rendre publique la liste des établissements de crédit autorités à émettre des obligations garanties ;

- Les deux labels prévus par l'article 27 devront être également introduits en droit français.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Bien que très proche du régime français, le nouveau régime européen d'obligations garanties peut en différer sur certains points circonstanciés, à la fois sur les principes et sur les modalités d'application de ces principes. La liste établie au 1.1.2 dresse un état prévisionnel des écarts identifiés entre le cadre européen et français, la directive ayant par ailleurs vocation à réaliser une harmonisation minimale. Le délai de transposition est fixé à 18 mois à compter de la date d'entrée en vigueur et les États membres auront un délai maximum de 30 mois après la date d'entrée en vigueur pour appliquer ses dispositions. Le texte ne prévoit pas de mise en oeuvre progressive des dispositions de la directive.

Compte tenu du fait que la directive (UE) 2019/2162 est d'harmonisation minimale et qu'elle offre différentes possibilités de transposition aux Etats membre, il est nécessaire de légiférer par voie d'ordonnance afin d'aligner parfaitement le droit français avec le droit communautaire. Des modifications législatives, portant sur les règles essentielles des obligations garanties, sont à ce titre, nécessaires pour amender à la marge le code monétaire et financier en tant que de besoin. De plus, elles devront être complétées par des modifications réglementaires afin de préciser les modalités de mise en oeuvre des nouvelles dispositions législatives (e.g. modalités de calcul du ratio de couverture des besoins de trésorerie, types d'informations sur la qualité et la durée des éléments d'actif d'une société de crédit foncier ou de financement de l'habitat...).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif de la mesure est de permettre la conformité du droit national avec la directive (UE) 2019/2162 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant l'émission d'obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties et modifiant les directives 2009/65/CE et 2014/59/UE.

La Commission européenne a présenté un projet de directive et de règlement. La directive vise à établir un régime européen harmonisé des obligations garanties en établissant les grands principes que doit respecter cette classe d'actifs, notamment :

- émissions sécurisées par un panier de couverture sur lequel les créanciers des obligations garanties ont un droit de recours préférentiel et qui est ségrégé du reste du patrimoine de l'émetteur ;

- composition du panier de couverture et des modalités de son contrôle ;

- critère d'éligibilité des actifs qui le compose ;

- obligations en matière de transparence et de communication d'information ;

- gestion du risque de liquidité ;

- surveillance publique des émetteurs d'obligations garanties ;

Le Règlement (UE) 2019/2160 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant le règlement (UE) n° 575/2013 en ce qui concerne les expositions sous forme d'obligations garanties vient modifier l'article 129 du règlement n° 575/2013, dit « CRR », qui établit des exigences pour les obligations garanties, lorsque celles-ci sont achetées par des établissements de crédit, en vue d'obtenir un traitement prudentiel préférentiel en matière d'exigences de fonds propres.

Le texte introduirait également un certain nombre de nouveautés pour le régime français. Les actifs de couverture, servant de collatéral aux émissions d'obligations sécurisées, pourraient désormais être originés par des entités non-bancaires (par exemple des assureurs). Cette dérogation s'accompagne cependant d'une obligation de vérification des pratiques d'octroi de crédit de l'originateur, afin d'éviter un modèle où l'originateur se désintéresse de la qualité des crédits qu'il octroie. Par ailleurs l'article 17 relatif aux structures à échéance prorogeable qui n'existent aujourd'hui qu'en vertu de dispositions contractuelles entre émetteurs et investisseurs constitue un ajout par rapport au droit existant.

3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU

La directive relative aux obligations garanties est une directive d'harmonisation minimale et laisse également aux États membres licence d'autoriser des structures ou schémas spécifiques relatifs aux obligations garanties, par exemple en autorisant l'utilisation de structures de regroupement d'obligations garanties intragroupe à l'article 8 ou encore en autorisant l'utilisation d'actifs de couverture qui n'ont pas été originés par un établissement de crédit. Plusieurs de ces options peuvent être exercées par la France, notamment la possibilité d'autoriser les transferts d'actifs de couverture au moyen d'un contrat de garantie financière (article 9).

Par conséquent, la mesure envisagée consiste à prendre par voie d'ordonnance les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de la directive relative à l'émission d'obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties et modifiant la directive 2009/65/CE et la directive 2014/59/UE en cours de publication après son adoption par le législateur européen le 26 février 2019.

Il conviendra donc de procéder à des modifications législatives dans le code monétaire et financier et le cas échéant, celles d'autres codes et lois, qui sont relatives à l'émission d'obligations foncières et d'obligations de financement de l'habitat et à leur surveillance publique, notamment le chapitre III du titre I du livre V du code monétaire et. De plus, la transposition de directive devrait également induire des modifications réglementaires par le biais d'arrêtés ou de décrets.

A titre d'exemple, le régime français prévoit l'étanchéité du patrimoine de l'émetteur d'obligations garanties (société de crédit foncier ou société de financement de l'habitat) et le remboursement prioritaire des créanciers d'obligations garanties (par rapport aux autres créanciers) en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires d'une société détenant des actions d'une société de crédit foncier (L. 513-11 et L. 513.20). La directive européenne établit également ce principe mais en ajoutant le cas d'une procédure de résolution de l'établissement de crédit émetteur (art.4(1)(b) et art.12(2)).

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

La fiche d'impact retraçant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement du projet de loi d'habilitation. Les différents impacts - sociaux, économiques et financiers, sur les collectivités territoriales, environnementaux, etc. seront développés à la lumière des contours de chacune des dispositions proposées.

Il peut cependant être d'ores et déjà indiqué que la disposition envisagée devrait modifier le code monétaire et financier.

Elle devrait également permettre de transposer, dans le droit interne, certaines de ses dispositions de la concernant l'émission d'obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties et modifiant la directive 2009/65/CE et la directive 2014/59/UE et notamment celles relatives aux structures à échéance prorogeable qui n'existent aujourd'hui qu'en vertu de dispositions contractuelles entre émetteurs et investisseurs et concernant les modalités d'utilisation d'instruments financiers à terme par les émetteurs d'obligations garanties ainsi que les modalités de publication aux investisseurs et de transmission à l'ACPR des données demandées par la directive.

Les dispositions de la directive s'adressent au premier ordre aux émetteurs d'obligations garanties, c'est-à-dire en France les sociétés de crédit foncier et de financement de l'habitat et leurs banques sponsor, mais également aux investisseurs en obligations garanties, aux agences de notation, aux commissaires aux comptes, à la Banque centrale européenne et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

A titre indicatif, il convient de noter que la Commission Européenne a réalisé une étude d'impact de sa proposition de directive et de règlement 22 ( * ) . Dans la perspective de l'Union des Marchés de Capitaux, visant à diversifier les sources de financement dans l'Union Européenne aujourd'hui largement intermédiées, de l'harmonisation des conditions d'émission d'obligations garanties et de leur surveillance publique par des autorités compétentes qui sera consécutive à la mise en place d'un cadre réglementaire unifié, des gains économiques et financiers sont à attendre d'une réduction du risque perçu par les investisseurs, d'une meilleure notation par les agences financières et par suite du coût de financement des émetteurs. Pour pouvoir prétendre à l'appellation de « European covered bonds » , les obligations garanties émises dans l'Union européenne devront ainsi respecter les exigences de qualité minimale imposées par la directive (seul un certain type de collatéral (actifs de couverture) est autorisé, des limites strictes à leur usage sont fixées, des conditions sur l'origination des actifs de couverture sont posées...), ce qui facilitera les opérations de due diligence des investisseurs. La hausse de la qualité des émissions imposées par la directive aura pour conséquence directe d'induire une amélioration de la notation de ces émissions par les agences de notation, notation qui dépend en effet directement de la qualité de collatéral mis en face des émissions et du niveau de sur-collatéralisation choisi par l'émetteur. Cette amélioration de la notation des émissions devrait réduire la prime de risque associée sur les marchés et donc le coût de l'émission.

Le coût d'émission d'une obligation garantie est déjà inférieur de 30 à 45 points de base au coût d'émission d'une obligation senior non sécurisée, matérialisant le moindre risque perçu par les investisseurs dans la classe d'actif des obligations garanties. Les modifications introduites par la directive sont de nature à confirmer cet écart de risque perçu et donc à contribuer à l'utilisation des obligations garanties comme outil privilégié de refinancement pour les acteurs financiers au sein de l'économie française. Le gain en points de base à attendre d'une plus grande confiance des investisseurs dans cette classe d'actif reste cependant difficile à estimer. La Commission estime que l'introduction d'un cadre réglementaire unifié pourrait améliorer le spread - c'est-à-dire l'écart entre le taux à l'émission - des obligations garanties par rapport à des obligations senior non sécurisées de 5 points de base supplémentaires. Ce gain est cependant fonction de la maturité du marché des obligations garanties et de la correspondance du cadre européen avec le cadre national préexistant. Il est donc marginalement moins important pour les marchés d'obligations garanties dont les caractéristiques sont déjà proches du cadre européen. Il sera donc moindre pour un pays comme la France largement conforme aux dispositions communautaires à venir. La différence de perception de la qualité des émissions par les investisseurs et les agences de notation, avant et après l'entrée en vigueur des dispositions de la directive, sera moindre que dans des pays où cette classe d'actif était peu développée et au sein desquels la réglementation applicable n'était pas commensurable avec les futures dispositions européennes.

A l'échelle de l'Union Européenne, les simulations menées par la Commission estime que l'introduction d'un régime européen harmonisé sur les obligations garanties devraient permettre des émissions supplémentaires de près de 342 Md€. Compte tenu de l'amélioration des conditions de financement des émetteurs, les économies potentielles de long-terme sont estimées entre 1,5 et 1,9 Md€. Pour la France, alors que les obligations garanties représentent 6,7% de l'encours de prêts, le surcroit d'émission pourrait représenter 82 Md€ à terme. Ce volume supplémentaire d'émission contribuera à un meilleur financement de l'économie français et attesterait de la plus grande liquidité de ces obligations et de l'amélioration de la capacité des émetteurs à assurer leur placement sur les marchés. Le gain financier pour les émetteurs, du fait de l'amélioration des conditions de financement, du moindre risque perçu et de l'augmentation des émissions, atteindrait 570 M€ par an. Il se traduira directement en une amélioration des conditions de refinancement des établissements de crédit.

Les impacts sociaux principaux à attendre de cette directive et de ce règlement concerneraient le marché immobilier résidentiel et commercial. Les obligations garanties constituent en effet une modalité privilégiée de refinancement des prêts hypothécaires et cautionnés. A fin 2015, les prêts immobiliers représentaient 7 000 Md€ et 16 % des actifs du secteur bancaire européen et 30 % de l'encours de prêts des banques européennes. Les obligations garanties refinancent près de 30 % du marché immobilier résidentiel. En France, l'encours de crédits immobiliers a représentait plus de 1 000 Md€ en 2017 et les programmes d'obligations garanties utilisent principalement en collatéral des prêts immobiliers. Une amélioration et une harmonisation du régime réglementaire applicable aux obligations garanties sera de nature t à encourager les établissements de crédit à augmenter leurs volumes de prêts immobiliers à des particuliers et à des entités du secteur public (Beirne, J. (2011), « The Impact of the Eurosystem's Covered Bond Purchase Programme on the Primary and Secondary Markets »)

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Compte tenu de la technicité des dispositions législatives devant être modifiées et des consultations nécessaires des parties prenantes concernant la mise en oeuvre technique des mesures, un délai de douze mois est prévu pour prendre l'ordonnance.

Un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.

Article 13 - Dispositions visant à transposer la directive (UE) 2019/2034 concernant la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. DIAGNOSTIC DE LA SITUATION ACTUELLE

Le statut d'entreprise d'investissement (EI) regroupe des acteurs hétérogènes du secteur financier. Il s'agit d'une catégorie hétérogène d'entités agréées par l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour effectuer des services ou activités financières allant du conseil en investissement à la négociation pour compte propre.

Ces entreprises sont historiquement soumises à des exigences prudentielles proches de celles des banques afin d'assurer une égalité de traitement avec celles-ci dans la fourniture de services d'investissement.

1.2. CADRE NATIONAL

Les entreprises d'investissement font partie des prestataires de services d'investissement, au même titre que les sociétés de gestion de portefeuille et que les établissements de crédit ayant reçu un agrément pour fournir des services d'investissement. Au sein des prestataires de service d'investissement, les entreprises d'investissement sont des personnes morales qui sont agréées pour fournir à titre de profession habituelle des services d'investissement, mentionnés à l'article L. 321-1 du code monétaire et financier.

Les services d'investissement portent sur les instruments financiers énumérés à l'article L. 211-1 et comprennent :

- la réception et la transmission d'ordres pour le compte de tiers ;

- l'exécution d'ordres pour le compte de tiers ;

- la négociation pour compte propre ;

- la gestion de portefeuille pour le compte de tiers ;

- le conseil en investissement ;

- la prise ferme, qui se définit comme le fait de souscrire ou d'acquérir directement auprès d'un émetteur ou d'un cédant des instruments financiers, en vue de procéder à leur vente ;

- le placement garanti qui se définit comme le fait de rechercher des souscripteurs ou des acquéreurs pour le compte d'un émetteur ou d'un cédant d'instruments financiers et de lui garantir un montant minimal de souscriptions ou d'achats en s'engageant à souscrire ou à acquérir les instruments financiers non placés ;

- le placement non garanti qui se définit comme le fait de rechercher des souscripteurs ou des acquéreurs pour le compte d'un émetteur ou d'un cédant d'instruments financiers sans lui garantir un montant de souscription ou d'acquisition ;

- l'exploitation d'un système multilatéral de négociation au sens de l'article L. 424-1. Ces plateformes multilatérales de négociation ont été introduites par la directive 2004/34/CE (dite « MiFID »). A la différence des marchés réglementés, comme les bourses, elles peuvent être gérées par des prestataires de services d'investissement. Le champ des opérations qui y sont réalisables est par ailleurs différent, les admissions aux négociations ne pouvant être réalisées que sur un marché réglementé ;

- l'exploitation d'un système organisé de négociation au sens de l'article L. 425-1. Les systèmes organisés de négociation ont également été introduits par la directive MiFID et peuvent être gérés par des entreprises de marché ou des prestataires de services d'investissement. L'exécution des ordres est cependant réalisée dans un cadre discrétionnaire et il n'est pas possible de conclure des transactions sur des actions et titres assimilés en leur sein.

Conformément au droit européen, le droit français assimile les entreprises d'investissement aux établissements de crédit quant aux dispositions législatives et réglementaires qui s'appliquent à elles. A l'exception des exigences en fonds propres, qui peuvent être basées uniquement sur le capital initial ou bien sur le standard bancaire pour les entreprises d'investissement, les exigences organisationnelles et de règles des conduites, définies dans les directives 2013/36/UE dite CRD IV et 2014/65/UE dite MiFID II, s'appliquent indifféremment aux entreprises d'investissement et aux établissements de crédit.

1.3. CADRE COMMUNAUTAIRE

La Commission européenne a publié le 19 décembre 2017 une proposition de règlement et de directive réformant le régime prudentiel des entreprises d'investissement (EI), afin d'appliquer un cadre plus adapté à leurs activités. La Commission estimait en effet que les exigences existantes sont calibrées pour préserver la capacité de prêt des établissements de crédit au cours des cycles économiques et pour protéger les déposants et les contribuables d'une éventuelle défaillance, mais qu'elles ne sont pas conçues pour couvrir les différents profils de risque des entreprises d'investissement. Les entreprises d'investissement ne possèdent pas d'importants portefeuilles de prêts aux particuliers et aux entreprises et n'acceptent pas de dépôts. La probabilité que leur défaillance puisse avoir des effets préjudiciables sur la stabilité financière globale est plus faible que dans le cas des établissements de crédit. Elles présentent néanmoins un risque qu'il est nécessaire de gérer au moyen d'un cadre solide, relatif notamment à leur exigence de capital initial, aux pouvoirs de surveillance des autorités compétentes, au processus d'évaluation de l'adéquation du capital interne, au processus de contrôle et d'évaluation prudentiels des autorités compétentes, aux dispositions en matière de gouvernance et de rémunération.

Il est cependant à noter que la modification du cadre prudentiel applicable aux entreprises d'investissement et le renforcement du régime d'équivalence pays-tiers sont à trouver dans le règlement relatif à la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement et non dans la directive afférente. Les modifications introduites par la directive demeurent marginales et concernent pour l'essentiel les dispositions liées à la rémunération des preneurs de risque et des dirigeants effectifs des entreprises d'investissement.

Un accord politique a été trouvé en trilogue le 26 février 2019, sur les textes relatifs à la supervision des entreprises d'investissement. La directive (UE) 2019/2034 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement et modifiant les directives 2002/87/CE, 2009/65/CE, 2011/61/UE, 2013/36/UE, 2014/59/UE et 2014/65/UE et le Règlement (UE) 2019/2033 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant les exigences prudentielles applicables aux entreprises d'investissement et modifiant les règlements (UE) no 1093/2010, (UE) no 575/2013, (UE) no 600/2014 et (UE) no 806/2014 ont été publiés au JOUE du 5 décembre 2019.

Le règlement introduit un cadre prudentiel différencié pour les établissements de crédit et pour les entreprises d'investissement afin de mieux prendre en compte la grande hétérogénéité de ces dernières et afin d'introduire davantage de proportionnalité. Étant donné qu'en droit européen les entreprises d'investissement et les établissements de crédit ne seront plus placés sous le même vocable (« institutions »), la directive relative à la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement entend répliquer, tout en le simplifiant, le cadre de surveillance prudentielle bancaire, notamment en ce qui concerne :

- les exigences de capital initial applicables ;

- les pouvoirs de surveillance et de sanction des autorités compétentes ;

- les exigences de coopération et d'échanges d'information entre autorités compétentes ;

- le processus d'évaluation du capital interne ;

- le processus de contrôle et d'évaluation prudentiels des autorités compétentes ;

- les dispositions en matière de gouvernance et de rémunération ;

Le texte introduit également un certain nombre de nouveautés. Les exigences relatives aux coussins de fonds propres (coussin de fonds propres contracyclique, coussin de conservation de fonds propres notamment) ne sont plus applicables à une partie des entreprises d'investissement. Autre exemple, certaines entreprises d'investissement ne se voient plus imposer une limite à la rémunération variable qu'elles peuvent décider d'attribuer et qui était plafonnée par rapport à la rémunération fixe auparavant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'assimilation qui préexistait entre établissements de crédit et entreprises d'investissement dans le droit européen (et donc dans le droit français) est amenée à être réduite avec la transposition de la directive relative à la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement. Si le cadre de surveillance restera fortement influencé par le cadre bancaire aujourd'hui applicable, il sera simplifié. La principale évolution est relative à l'encadrement des pratiques de rémunération des preneurs de risques et des dirigeants effectifs.

Le droit français est en grande partie conforme aux dispositions de la directive, notamment en vertu du chapitre I du Titre Ier du Livre V, du titre III du Livre V du code monétaire et financier, de l'arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne des entreprises du secteur de la banque, des services de paiement et des services d'investissement soumises au contrôle de l'ACPR, de l'arrêté du 3 novembre 2014 relatif au processus de surveillance prudentielle et d'évaluation des risques des prestataires de services bancaires et des entreprises d'investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille ou encore de l'arrêté du 3 novembre 2014 relatif aux coussins de fonds propres des prestataires de services bancaires et des entreprises d'investissement autres que des sociétés de gestion de portefeuille.

Il faudra cependant désormais différencier dans le droit les dispositions relatives aux établissements de crédit et celles relatives aux entreprises d'investissement, bien qu'elles soient dans l'esprit très proches. Une section dédiée aux entreprises d'investissement dans le code monétaire et financier pourrait être créée.

Bien que très proche du régime bancaire existant (et applicable en l'état aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement), le nouveau régime européen de surveillance prudentielle des entreprises d'investissement, introduite par la directive susmentionnée, peut en différer sur certains points circonstanciés, à la fois sur les principes et sur les modalités d'application de ces principes. En conséquence, il convient de doter le gouvernement d'une habilitation à transposer par ordonnance afin de procéder à des modifications législatives dans le code monétaire et financier et à des modifications réglementaires par le biais d'arrêtés ou de décrets.

A titre d'exemple, le code monétaire et financier et les trois arrêtés du 3 novembre 2014 susmentionné font référence, en ce qui concerne le calcul des exigences en fonds propres applicables aux entreprises d'investissement, au règlement (UE) n°575/2013, dit « CRR ». Des modifications sont nécessaires afin de faire désormais référence, pour une partie des entreprises d'investissement, aux exigences en fonds propres définies par le règlement associé relatif à la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union Européenne en matière économique et financière (DADDUE) devra permettre de disposer d'une habilitation à transposer par ordonnance la directive relative à la supervision prudentielle des entreprises d'investissement afin de procéder aux aménagements marginaux nécessaires. Pour rappel, les changements structurants concernent principalement le règlement associé.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

Compte tenu de la nécessité de disposer d'un véhicule de transposition pour introduire les dispositions de la directive relative à la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement dans l'ordre juridique interne dans les délais impartis par ladite directive, il a été jugé nécessaire de privilégier une habilitation à légiférer par ordonnance.

La voie du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière a également été préférée au vu du fait qu'il s'agit de transposer des dispositions techniques, ne présentant pas de sensibilité politique particulière, les enjeux politiques étant liés au règlement associé.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

S'agissant des mesures prises par voie d'ordonnance, l'analyse fine de leurs incidences sera effectuée dans la fiche d'impact retraçant les dispositions de cette dernière. Toutefois, il peut d'ores et déjà être fait état de certains impacts attendus.

4.1. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

La Commission Européenne a réalisé une étude d'impact de sa proposition de directive et de règlement. Les impacts économiques et financiers sont principalement à attendre du règlement relatif à la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement et non de la directive associée : amélioration des conditions de financement sur les marchés de capitaux et développement dans l'Union du financement désintermédié, réduction de la charge administrative et opérationnelle, amélioration de la capacité des entreprises d'investissement à servir leurs clients.

La plus grande proportionnalité introduite dans le cadre réglementaire, afin d'adapter les exigences à la taille des entreprises d'investissement et à leur modèle d'affaire, devrait permettre de réduire la charge réglementaire et administrative ainsi que les barrières à l'entrée 23 ( * ) . Il est à noter que la notion de proportionnalité dans la réglementation bancaire et financière consiste à adapter à la taille des établissements et aux risques qu'ils représentent les exigences qui leur sont imposées, notamment en termes de fonds propres, de modélisation des risques, de déclaration et de publication, de fréquence de stress-tests . Concernant la proportionnalité des exigences prudentielles déterminant les fonds propres à conserver, un principe clé a été acté : un modèle plus simple devra être nécessairement plus conservateur qu'un modèle complexe. Le règlement 2019/2033 et la directive 2019/2034 effectuent une typologie des entreprises d'investissement en fonction du niveau de risques qu'elles représentent. Sont ainsi distinguées :

- Les entreprises d'investissement de classe 1, qui sont requalifiées juridiquement en établissement de crédit, lorsque leur seuil de bilan dépasse 30 Md€ et qu'elles effectuent les services d'investissement de prise ferme et de placement garanti (ou des autres critères mentionnés à l'article 62(3) du règlement 2019/2033) ;

- Les entreprises d'investissement de classe 1 minus, qui appliquent le régime prudentiel du règlement CRR et certaines dispositions de la directive CRD, lorsque leur seuil de bilan est compris entre 15 et 30 Md€ (et des autres critères de l'article 1(2) du règlement 2019/2033) et qu'elles effectuent les services d'investissement de prise ferme et de placement garanti, la directive 2019/2034 donnant pouvoir à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution d'abaisser le seuil de 15 Md€ à 5 Md€ ;

- Les entreprises d'investissement de classe 2, en fonction de leur respect des critères de l'article 12 du règlement 2019/2033, et qui appliquent un régime prudentiel dédié induisant des exigences en fonds propres qui sont fonction des activités poursuivies par ces entreprises d'investissement (actifs sous gestion, ordres de client traités, actifs administrés, volume de négociation d'instruments financiers) ;

- Les entreprises d'investissement de classe 3, dite « petites et non interconnectées », en fonction de leur respect des critères de l'article 12 du règlement 2019/2033 et qui appliquent un régime simplifié.

Cette graduation des exigences en fonction de la classe constitue la proportionnalité du nouveau régime applicable. Bien que cette différenciation des exigences soit pour l'essentiel à trouver dans le règlement 2019/2033 (par exemple l'article 42 autoriser les autorités compétentes à dispenser les entreprises d'investissement de classe 3 de toute exigence de liquidité), la directive 2019/2034 en contient également. Ainsi, les dispositions de cette directive relative à la gouvernance interne, aux exigences de transparence, de gestion des risques et de rémunération ne s'appliquent pas aux entreprises d'investissement de classe 3, suivant les dispositions de l'article 25.

Le gain à attendre de la réduction graduelle des exigences applicables aux entreprises d'investissement n'a pas fait l'objet d'une quantification. Dans le secteur de la banque, des études ont montré qu'en relatif, les coûts de mise en conformité aux exigences réglementaires étaient plus élevés pour les établissements de crédit les plus petits (6,4 % de leurs frais administratifs) que pour les plus grands (1% des frais administratifs), attestant de l'existence d'économies d'échelle 24 ( * ) . L'EBA a par ailleurs été mandatée pour étudier les coûts de mise en conformité à la réglementation pour les établissements de crédit et les entreprises d'investissement de petite taille. Elle n'a pas encore rendu ses résultats.

Concernant la directive, les bénéfices économiques et financiers à en attendre sont modestes et difficilement mesurables. La suppression des exigences de fonds propres au titre des différents coussins permettra de redéployer du capital. La réduction des exigences de déclaration, de publication, de transmission d'informations, de surveillance par l'autorité compétente pour une partie des entreprises d'investissement devrait réduire également la charge opérationnelle, administrative et réglementaire. La disposition de la directive, concernant l'absence de plafonnement de la part variable de la rémunération en fonction de la part fixe de la rémunération pour certaines entreprises d'investissement, ne s'accompagne pas d'effets économiques et financiers directement mesurables, à l'exception d'une amélioration des conditions de rémunération des preneurs de risque et des dirigeants effectifs de certaines entreprises d'investissement.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La mise en oeuvre de la directive 2019/2034 devrait réduire la charge de supervision supportée par l'Autorité de contrôle prudentiel étant donné que les entreprises d'investissement de classe 3 seront exemptées d'un grand nombre d'exigences réglementaires et que les entreprises d'investissement les plus systémiques, dont elle assurait la supervision, seront transformées en établissements de crédit et placées sous la supervision du Mécanisme de supervision unique (MSU).

4.3. IMPACTS SOCIAUX ET SUR LES PARTICULIERS

La mise en place d'un cadre réglementaire plus adapté à la taille et au modèle d'affaire des entreprises d'investissement devrait leur permettre de proposer des services plus variés et plus adaptés à leurs clients. En effet, et bien que cela concerne le règlement 2019/2033, les exigences en fonds propres des entreprises d'investissement de classe 2 seront désormais directement fonction des services proposés par les entreprises d'investissement et du volume associé. Elles ne seront plus uniquement fonction du type d'agrément reçu. La réduction de la charge administrative, opérationnelle et réglementaire pourrait également éventuellement permettre de réduire les prix des services facturés en reportant sur les clients finaux les économies obtenues. Les clients d'entreprises d'investissement devraient donc pouvoir bénéficier de tarifs plus avantageux.

5. CONSULTATIONS MENÉES

Dans le cadre de l'élaboration du projet d'ordonnance, de nombreuses consultations seront nécessaires, principalement de la fédération bancaire française (FBF), de l'association des sociétés de financement (ASF) et de l'association des marchés financiers (AMAFI) et pour les régulateurs de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et de la Direction Générale de l'Outre-Mer (DGOM).

Cette transposition pourra également faire l'objet d'une consultation en Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF).

6. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Compte tenu du travail d'expertise juridique à mener ainsi qu'éventuellement une concertation visant à éclairer les options de la réforme, il apparaît opportun de fixer un délai d'habilitation à douze mois.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard trois mois après la publication de l'ordonnance.

Article 14 - Transposition de la directive (UE) 2019/1160 concernant la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif, dite « cross border »

1. ÉTAT DES LIEUX

Les fonds d'investissement sont des produits d'investissement dont le seul but est de mutualiser les capitaux d'investisseurs et d'investir ceux-ci collectivement via un portefeuille d'instruments financiers tels qu'actions, obligations et autres valeurs mobilières. Dans l'UE, les fonds d'investissement peuvent être classés en deux catégories: les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et les fonds d'investissement alternatifs (FIA), administrés par des gestionnaires de FIA. Les OPCVM sont régis par la directive 2009/65/CE, et les FIA par la directive 2011/61/UE. La directive 2011/61/UE est complétée par quatre actes législatifs d'encadrement des fonds :

- le règlement (UE) n° 345/2013 relatif aux fonds de capital-risque européens;

- le règlement (UE) n° 346/2013 relatif aux fonds d'entrepreneuriat social européens,

- le règlement (UE) 2015/760 relatif aux fonds européens d'investissement à long terme, et

- le règlement (UE) 2017/1131 sur les fonds monétaires.

Ces règles ont pour objectif commun, notamment, de faciliter la distribution transfrontière de ces fonds tout en assurant un niveau élevé de protection aux investisseurs.

Les règles applicables aux fonds d'investissement de l'UE permettent aux gestionnaires de ces fonds de les distribuer et, à quelques exceptions près, de les gérer dans l'ensemble de l'UE. Malgré la croissance rapide des fonds d'investissement de l'UE, qui en juin 2017 représentaient au total 14 310 milliards d'euros d'actifs gérés, le marché des fonds d'investissement dans l'UE s'organise encore, pour l'essentiel, sur le modèle du marché national: 70 % des actifs sous gestion sont détenus par des fonds d'investissement qui ne sont enregistrés pour la vente que sur leur marché national. Seulement 37 % des OPCVM et 3 % environ des FIA sont enregistrés pour la vente dans plus de trois États membres.

Par rapport aux États-Unis, l'UE a un marché plus petit en termes d'actifs gérés. Or elle compte un nombre de fonds nettement plus important (58 125 contre 15 415 aux États-Unis) 25 ( * ) , ce qui signifie que les fonds européens ont un volume moyen nettement plus réduit. Les économies d'échelle, les frais acquittés par les investisseurs et la manière dont le marché intérieur fonctionne pour les fonds d'investissement s'en ressentent.

Dans ce contexte, l'objectif affiché de ces textes était de réduire les coûts de distribution transfrontière et de renforcer la création d'un marché unique pour les fonds d'investissement, avec pour perspective une offre plus diversifiée, moins coûteuse et de meilleure qualité pour les investisseurs.

- Le 12 mars 2018, la Commission européenne a présenté une proposition législative sur la distribution transfrontière des fonds. Les négociations ont débuté sous l'impulsion de la Présidence Bulgare dès le 21 mars 2018. La plupart des États-Membres ont accueilli favorablement cette proposition qui visait à avancer concrètement sur le dossier de l'Union des Marchés de Capitaux (UMC). La proposition législative se composait, d'une part, d'une directive amendant les directives 2009/65/CE (OPCVM) et de la directive 2011/61/UE (AIFM) et, d'autre part, d'un règlement conférant de nouvelles responsabilités aux gérants d'OPCVM, FIA, EuVECA et EuSEF ainsi qu'aux autorités compétentes et à l'ESMA. Ces textes ont pour objectif de réduire les barrières réglementaires à la distribution transfrontalière des fonds, identifiées comme étant les dispositions nationales que les Etats membres ont prises en matière de commercialisation, frais réglementaires, infrastructures de distribution et procédures de notifications de passeport.

- La proposition modifiait la directive 2009/65/CE et la directive 2011/61/UE. Pour modifier les règles existantes établies par ces directives afin de lever les obstacles identifiés, une directive est donc l'instrument le plus approprié. Cette mesure législative relève d'un domaine de compétence partagée, conformément à l'article 4, paragraphe 2, point a), du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Elle vise à faciliter l'établissement et la prestation de services dans le marché unique, en développant et en appliquant les principes généraux du droit d'établissement et de la libre prestation de services énoncés aux articles 49 et 56 du TFUE.

- La directive et le règlement ont été publiés au JOUE le 12 juillet 2019. Il s'agit de la directive (UE) 2019/1160 du parlement européen et du conseil du 20 juin 2019 modifiant les directives 2009/65/CE et 2011/61/UE en ce qui concerne la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif. Cette directive doit être transposée avant le 2 août 2021 et suivant le considérant 14, des documents explicatifs seront nécessaires à l'achèvement de la transposition.

Ce paquet législatif se compose, d'une part, d'une directive qui amende les directives OPCVM et AIFM et, d'autre part, d'un règlement conférant de nouvelles responsabilités aux gérants d'OPCVM, FIA, ainsi qu'aux autorités compétentes et à l'ESMA.

L'objectif des nouvelles procédures de pré-commercialisation et de retrait de notification instaurées par la directive est conforme à celui des directives 2009/65/CE et 2011/61/UE, qui est de faciliter l'accès des gestionnaires de fonds de placement collectif au marché. Ces procédures harmonisent les pratiques divergentes mises en place dans certains États membres dans les domaines qui n'ont pas été harmonisés. Compte tenu de la nécessité pour les États membres de compléter ou de modifier la législation nationale qu'ils ont mise en place pour réglementer l'accès des gestionnaires de fonds de placement à leur marché, une directive introduisant ces nouvelles procédures dans le cadre juridique existant de l'UE constitue le choix le plus approprié.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La directive se fonde sur l'article 53, paragraphe 1, du TFUE, qui constitue la base juridique de la directive 2009/65/CE (ex article 47, paragraphe 2, du traité CE) et de la directive 2011/61/UE. Elle est rendue nécessaire par la divergence des approches réglementaires et de surveillance concernant la distribution transfrontalière des fonds d'investissement alternatifs (FIA), au sens de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Consei l, ainsi que les OPCVM, au sens de la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Consei l, qui a pour effet de fragmenter le marché et d'entraver la commercialisation transfrontalière et l'accès des FIA et des OPCVM, et les empêche in fine d'être commercialisés dans d'autres États membres, ce qui est contraire à l'ambition de réaliser en Europe une Union des Marchés de Capitaux aux côtés de l'Union bancaire.

Comme rappelé ci-dessus, s'agissant de la directive (UE) 2019/1160 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 modifiant les directives 2009/65/CE et 2011/61/UE en ce qui concerne la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif, la France est dans l'obligation d'assurer sa transposition. En l'espèce, les États membres adoptent et publient, au plus tard le 2 août 2021, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales nécessaires pour s'y conformer et qu'ils en informent immédiatement la Commission européenne.

Aussi, l'exigence de transposition au niveau national de la directive nécessite la modification de certaines dispositions législatives.

Le recours à une habilitation à légiférer par ordonnance est apparu nécessaire pour permettre de traiter de façon cohérente l'ensemble des dispositions, dont certaines sont particulièrement techniques, et ne pas remettre en cause l'équilibre trouvé dans le cadre national en vigueur.

Cette directive omnibus modifiant à la fois les directives OPCVM et AIFM, il sera nécessaire de modifier les textes nationaux transposant ces directives et d'adapter le code monétaire et financier aux modifications apportées par le Règlement. Ces textes imbriqués et fonctionnant par renvoi, il convient de fixer un cadre commun au niveau législatif et de prévoir des renvois aux niveaux réglementaires et du Règlement Général de l'Autorité des Marchés Financiers

De plus, des obstacles réglementaires empêchent actuellement le potentiel du marché intérieur des fonds d'investissement d'être pleinement exploité. Ces obstacles comprennent les divergences entre les transpositions nationales des dispositions de ces deux directives qui font que les fonds d'investissement peinent à bénéficier pleinement des libertés inscrites dans le traité.

Certaines modifications des règles en vigueur sont nécessaires afin d'apporter davantage de clarté et une plus grande harmonisation. Ces modifications visent à remédier aux effets préjudiciables des obstacles qui, lorsque des gestionnaires souhaitent proposer leurs fonds d'investissement dans un autre État membre, soit en y fournissant des services transfrontières, soit en y établissant une succursale, les empêchent d'avoir accès au marché.

Il conviendrait ainsi d'aligner les règles applicables aux OPCVM et celles applicables aux gestionnaires de FIA et de prévoir également de nouvelles mesures visant à supprimer les obstacles à la distribution transfrontière des fonds.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objet de la mesure envisagée est d'assurer la cohérence du droit français avec le droit de l'Union européenne en transposant la directive susmentionnée.

Ces modifications visent à réduire les obstacles existant à la distribution transfrontière des fonds, désignés comme les dispositions nationales que les Etats Membres ont prises en matière de commercialisation, frais réglementaires, infrastructures de distribution et procédures de notifications de passeport. Ce texte comporte six axes principaux : (i) Introduction de la notion de pré-commercialisation et renforcement de la transparence des règles de commercialisation, (ii) précision sur la documentation commerciale et sa possibilité de revue, (iii) harmonisation des frais règlementaires, (iv) notification des passeports, (v) suppression des dispositions administratives locales. (vi) définition d'une procédure de désenregistrement des fonds.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

La mesure envisagée prévoit de transposer par voie d'ordonnance la directive (UE) 2019/1160 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 modifiant les directives 2009/65/CE et 2011/61/UE en ce qui concerne la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif et de mettre en cohérence les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, celles d'autres codes et lois, relatives à la commercialisation et la distribution de placements collectifs. Il existe en effet au sein de ces codes et lois de nombreux renvois aux dispositions découlant des transpositions des directives AIFM et OPCVM 5 qui pourraient nécessiter des modifications à la lumière de la transposition de la nouvelle directive. Analyse des impacts des dispositions envisagées

L'analyse précise des conséquences attendues de la mesure sera effectuée dans la fiche d'impact exposant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation.

Néanmoins, il peut d'ores et déjà être fait état des impacts suivants :

3.1. IMPACT DE LA DIRECTIVE CBDF SUR LES TEXTES NATIONAUX TRANSPOSANT LA DIRECTIVE OPCVM

Concernant la notion de dé-notification, il conviendra d'inscrire dans la loi la notion de « dé-notification » par parallélisme avec la notion de notification se situant au niveau législatif ainsi que de prévoir une accroche permettant de fixer les conditions de dé-notification au niveau du Règlement Général de l'Autorité des Marchés Financiers.

3.2. IMPACT DE LA DIRECTIVE CBDF SUR LES TEXTES NATIONAUX TRANSPOSANT LA DIRECTIVE AIFMD

Concernant les notions de commercialisation et de pré-commercialisation, il conviendra d'introduire la notion de pré-commercialisation au niveau législatif et par conséquent de remonter au niveau législatif la notion de commercialisation, actuellement dans une position AMF (le guide sur la commercialisation) par parallélisme. Il convient également de prévoir une accroche législative pour préciser les conditions, la procédure et les modifications de la pré-commercialisation.

Concernant la dé-notification, il sera nécessaire de prévoir une accroche dans la loi afin de préciser la procédure de dé-notification dans la partie réglementaire du code monétaire et financier ainsi que dans le Règlement Général de l'Autorité des Marchés Financiers.

Les mesures envisageés pourraient réduire le coût, pour les gestionnaires de fonds, de l'exercice d'activités transfrontières et soutenir ainsi le développement de la commercialisation transfrontière de fonds d'investissement. Le renforcement de la concurrence au sein de l'UE contribuera aussi à accroître le choix et la rentabilité offerts aux investisseurs.

4. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Compte tenu de la technicité des dispositions législatives devant être modifiées et des consultations nécessaires des parties prenantes concernant la mise en oeuvre technique des mesures, un délai de douze mois est prévu pour prendre l'ordonnance.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard trois mois après la publication de l'ordonnance.

Article 15 - Clarification des termes de l'habilitation portant transposition du paquet bancaire

1. ÉTAT DES LIEUX ET CADRE JURIDIQUE APPLICABLE

Le A du III de l'article 200 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises (dite loi PACTE) autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de vingt-quatre mois, les mesures nécessaires pour transposer les deux directives du dernier « paquet bancaire » européen à savoir (i) la directive (UE) 2019/878 du 20 mai 2019 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les entités exemptées, les compagnies financières holding, les compagnies financières holding mixtes, la rémunération, les mesures et pouvoirs de surveillance et les mesures de conservation des fonds propres (dite CRD5) ainsi que (ii) la directive (UE) 2019/879 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant la directive 2014/59/UE en ce qui concerne la capacité d'absorption des pertes et de recapitalisation des établissements de crédit et des entreprises d'investissement et la directive 98/26/CE (dite BRRD2).

Les Etats membres sont tenus de transposer ces directives d'ici au 28 décembre 2020.

L'aboutissement des directives CRD5 et BRRD2 constitue une avancée supplémentaire dans la finalisation de l'Union bancaire et le renforcement de la stabilité financière. Dans le cadre de la feuille route adoptée par le Conseil ECOFIN en juillet 2016, ce paquet législatif vient parachever le volet dit de « réduction des risques » dans le secteur bancaire 26 ( * ) . Les règles comprises dans ce paquet législatif sont vastes. Elles ont trait notamment à la supervision des règles prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement (exigences de fonds propres, de liquidité, de levier, de gouvernance...), ainsi qu'aux règles en matière de prévention et de gestion des crises bancaires au sein de l'Union européenne. Elles conduiront à la fois à renforcer la mesure des risques et la quantité de capital disponible pour absorber d'éventuelles pertes au fil de l'eau, et aussi à une augmentation substantielle des ressources autres que le capital (dettes aisément convertibles en capital, mobilisées en cas de défaillance par l'outil de renflouement interne dit « bail-in » à la main des autorités de résolution). Dans la procédure dite de résolution, l'objectif est de pouvoir restaurer la solvabilité d'une banque sans recourir à des fonds publics. Enfin, certaines dispositions permettront de renforcer la surveillance des filiales européennes de grands groupes étrangers, répliquant ainsi aux mesures similaires prises par d'autres grandes juridictions

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

Le A du III de l'article 200 de la loi PACTE a été rédigé alors que les principaux points de l'accord politique entre co-législateurs de l'Union sur le « paquet bancaire » étaient trouvés, mais alors que les textes n'étaient pas totalement stabilisés. Les deux directives n'ont été publiées au Journal officiel de l'Union européenne (JO UE) dans toutes les versions linguistiques que le 20 mai 2019.

Deux raisons rendent donc nécessaire une modification de l'article d'habilitation :

D'une part, un souci de sécurité juridique . L'habilitation actuelle décrit littéralement le contenu des directives, à défaut de connaitre à l'époque leur titre définitif et leur numéro de nomenclature au JO UE. Il apparaît donc juridiquement plus sûr d'amender l'habilitation existante, tout en la simplifiant, en renvoyant directement au titre et au numéro des directives CRD5 et BRRD2 à transposer. Par exemple, pour la directive BRRD2, l'habilitation évoque les règles d'« assainissement et liquidation » (voir le paragraphe b) du 1° du A du III de l'article 200 de PACTE). Or cela correspond au titre de la section 3 du Chapitre III, Titre I, Livre VI du code monétaire et financier qui n'appellera quasiment aucune modification dans l'opération de transposition à venir, tandis que les modifications se concentreront dans la section 4 du même chapitre, intitulée « prévention et gestion des crises bancaires ».

D'autre part, pour des raisons tenant au champ des dispositions législatives dont la transposition de la directive BRRD2 exigera la modification . L'article d'habilitation tel que prévu dans la loi PACTE mentionne l'article L. 613-34 du code monétaire et financier comme un élément de référence (il s'agit d'adapter par ordonnance les mesures prises à l'encontre « des personnes mentionnées à l'article L. 613-34 » ) et donc comme un élément exogène par rapport aux dispositions susceptibles d'être modifiées par ordonnance. Cet article définit la liste des personnes susceptibles de faire l'objet d'une mesure de résolution par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Or, la bonne transposition de la directive BRRD2 supposera précisément de modifier cet article L. 613-34. En effet, l'article 32 bis de la directive BRRD2, sur les Conditions relatives à la résolution à l'égard d'un organisme central et des établissements de crédit affiliés de manière permanente à un organisme central, exigera d'ajouter à la liste de l'article L. 613-34 les organes centraux des groupes mutualistes. Cette modification en matière de champ des pouvoirs de résolution de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, fera écho à la modification récente de l'article L. 612-2 du même code (opérée par la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) afin d'inclure les organes centraux des groupes mutualistes dans le champ de la supervision de l'ACPR.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

L'option du statu quo c'est-à-dire `absence de modification de l'article d'habilitation, présenterait le risque de ne pas pouvoir effectuer une transposition pleine et entière des directives CRD5 et BRRD2 dans le délai imposé.

L'option retenue permet donc de maximiser la sécurité juridique, en clarifiant et simplifiant l'habilitation, en remplaçant, dans l'article d'habilitation, la description littérale de la directive alors en cours de négociation par son numéro et sa nomenclature définitives (i.e. mention de la référence au numéro du texte désormais publiés des directives au JOUE).

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

Les impacts de la modification envisagée de l'article habilitant le gouvernement à transposer par ordonnances sont strictement juridiques, puis qu'il s'agit de sécuriser l'habilitation existante.

Par rapport à la version en vigueur de l'article d'habilitation, la version envisagée ne créée aucun impact additionnel, que ce soit en matière économique et financière, en matière sociale, en matière d'organisation des services administratifs ou encore en matière environnementale.

Les impacts seront précisés au sein de la fiche d'impact qui accompagnera le projet d'ordonnance, qui affectera uniquement les entreprises du secteur bancaire (établissements de crédit, entreprises d'investissement, et entreprises « holdings » du secteur).

5. CONSULTATIONS MENÉES

Dans le cadre de l'élaboration du projet d'ordonnance, de nombreuses consultations seront nécessaires, principalement de la fédération bancaire française (FBF), de l'association des sociétés de financement (ASF) et de l'association des marchés financiers (AMAFI) et pour les régulateurs de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), de l'Autorité des marchés financiers (AMF) ou encore le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF).

6. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Le délai d'habilitation existant dans l'article 200 de la loi PACTE, fixé à 24 mois après son entrée en vigueur, est inchangé. Il permet bien de couvrir le délai de transposition imposé dans les deux directives en question.

Article 16 - Rétablissement de la nullité de clauses interdisant la cession de créance

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. IMPORTANCE DE LA CESSION DE CRÉANCE EN ÉCONOMIE

La cession de créances est un mécanisme utilisé par les entreprises pour obtenir des liquidités et disposer d'un accès au crédit, comme dans l'affacturage et la constitution de garanties, et par les banques et les entreprises afin d'optimiser l'utilisation de leurs capitaux, comme dans la titrisation.

L'affacturage est une source essentielle de liquidités pour de nombreuses entreprises. Dans le cas de l'affacturage, une entreprise (le cédant, le plus souvent une PME) cède (vend) ses créances à un affactureur (le cessionnaire, souvent une banque) à un prix réduit, ce qui lui permet, en tant que cédant, d'obtenir immédiatement des espèces. L'affactureur percevra les sommes dues pour les factures et acceptera le risque de créances douteuses. L'affacturage est majoritairement utilisé par les PME (petites entreprises: 76%, entreprises moyennes: 11%, et grandes entreprises : 13%). L'affacturage proposé aux PME est donc considéré par le secteur comme un fondement de la croissance économique, étant donné qu'il peut s'avérer plus difficile, pour les PME, de se financer au moyen de prêts traditionnels. L'Europe, en tant que région, est le plus grand marché de l'affacturage au monde, représentant 66% du marché mondial.

Exemple d'affacturage : Une PME C a immédiatement besoin d'espèces pour payer ses fournisseurs. Les factures adressées à ses clients ne sont exigibles que dans deux mois. La PME C (le cédant) décide de céder (vendre) ses factures à un affactureur (le cessionnaire), la banque B, à un prix réduit afin d'obtenir immédiatement des espèces de B. Le prix réduit auquel la PME C vend ses factures à B correspond aux frais et aux commissions de cette dernière.

Dans le cas de la constitution de garanties, les créances telles que des espèces portées au crédit d'un compte bancaire (lorsque le client est le créancier et la banque, le débiteur) ou des créances privées (c'est-à-dire des prêts bancaires) ^peuvent être utilisées comme garanties financières pour garantir un contrat de prêt (par exemple, un consommateur peut utiliser les espèces portées au crédit d'un compte bancaire à titre de garantie pour obtenir un crédit, et une banque peut utiliser un prêt à titre de garantie pour obtenir un crédit). La constitution de garanties portant sur des créances privées pour le secteur financier est très importante.

Environ 22% des opérations de refinancement de l'Eurosystème sont garanties par des créances privées, équivalant à quelque 380 Mds € au deuxième trimestre de 2017, dont environ 100 Mds € représentaient des créances privées mobilisées sur une base transfrontière.

Exemple de constitution de garanties : Une PME C (le cédant) souhaite obtenir un prêt auprès de la banque A (le cessionnaire) afin de construire un plus grand entrepôt, en utilisant les créances qu'elle détient sur ses clients comme garantie (ou sûreté). Si la PME C fait faillite et ne peut rembourser le prêt, la banque A (le preneur de la garantie) sera en mesure de recouvrer sa dette en exigeant le remboursement des créances que la PME C détenait sur ses clients.

La titrisation permet au cédant, appelé « initiateur » (une entreprise ou une banque, par exemple) de refinancer une partie de ses créances (loyers de véhicules à moteur, créances sur cartes de crédit, remboursements de prêt hypothécaire, par exemple) en les cédant à une entité ad hoc (special purpose vehicle). L'entité ad hoc (le cessionnaire) émet ensuite des titres de créance (des obligations, par exemple) sur les marchés des capitaux, lesquels reflètent le produit de ces créances. À mesure que les créances sous-jacentes sont réglées, l'entité ad hoc utilise le produit qu'elle reçoit pour rémunérer les titres en faveur des investisseurs.

La titrisation peut faire baisser le coût du financement car l'entité ad hoc est structurée de façon à le mettre à l'abri de l'insolvabilité. Pour les entreprises, elle peut fournir un accès au crédit à un coût inférieur à celui des prêts bancaires. Pour les banques, la titrisation est un moyen de réserver une partie de leurs actifs à un meilleur usage et d'alléger leur bilan pour leur permettre de prêter davantage à l'économie

Pour tous les types de titrisation, la sécurité juridique quant à la question de savoir qui détient la créance cédée est cruciale.

Le marché des émissions d'actifs titrisés représentait un volume de 237 Mds € dans l'UE en 2016, avec un encours de 127 Mds € à la fin de 2016.

Exemple de titrisation : Une grande chaîne de magasins C (le cédant) cède à une entité ad hoc A (le cessionnaire) ses créances découlant de l'utilisation par ses clients des cartes de crédit « maison » qu'elle émet. A émet ensuite des titres de créance au profit des investisseurs sur les marchés des capitaux. Ces titres sont garantis par le flux des revenus provenant des créances sur cartes de crédit qui ont été cédées à A. À mesure que les créances sont réglées, A utilise le produit qu'elle reçoit pour rémunérer les titres de créance.

1.2. CADRE JURIDIQUE APPLICABLE POUR FACILITER LA FLUIDITÉ DES CESSIONS DE CRÉANCES

L'Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce 27 ( * ) a supprimé dans sa rédaction initiale l'article L.442-6, II c) du code de commerce qui prévoyait la nullité des " clauses ou contrats prévoyant [...] la possibilité [...] d'interdire au cocontractant la cession à des tiers des créances qu'il détient sur lui ".

Cette disposition avait été introduite en 2001 par l'article 56 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques 28 ( * ) dite « loi NRE ».

La réforme du code de commerce du mois d'avril 2019 a été menée en étroite concertation avec près de 80 fédérations professionnelles représentatives du commerce et de l'industrie, au cours de l'hiver 2019. Aucune des fédérations nominativement consultées, n'a émis la moindre observation sur l'intention de l'administration (DGCCRF) de proposer la suppression de l'interdiction de la cession de créances dans les contrats entre professionnels.

Outre cette consultation ciblée auprès des fédérations professionnelles précitées, la DGCCRF a rendu publique sur son site internet le projet d'ordonnance laissant ainsi toute possibilité à quiconque de produire des observations sur le projet de texte. Cette consultation publique n'a pas non plus suscité d'observation de la part des professionnels en ce qui concerne la suppression de l'interdiction de la cession de créances.

Il est apparu postérieurement à l'entrée en vigueur de cette ordonnance que la disposition supprimée revêtait une importance pour les établissements du secteur financier opérant des cessions de créances, dans le cadre d'opérations de refinancement ou de crédit dans lesquelles la cession intervient à titre de garantie.

Ces derniers ont souligné que l'absence de nullité de principe des clauses d'interdiction de cession de créances constitue un facteur de fragilisation juridique des opérations de refinancement, des titrisations pratiquées dans ce domaine ainsi que de l'activité d'affacturage. En matière de refinancement, les mouvements de titres français générés par les opérations de pension livrée représentent des moyennes quotidiennes oscillant entre 35 milliards d'euros et 50 milliards d'euros ; l'affacturage représente quant à lui un encours de 59 milliards d'euros en 2018. La fragilisation juridique ci-dessus évoquée induirait des incertitudes et des coûts du fait de la nécessité d'une vérification systématique de la présence ou non de telles clauses dans les contrats, dès lors qu'elles sont susceptibles d'affecter le caractère irrévocable de la cession. En effet, l'économie même de ses opérations repose sur le fait que les créances achetées peuvent être cédées par leurs acquéreurs. Les vérifications à réaliser augmenteraient les coûts opérationnels des établissements et pourraient, in fine , remettre en cause leur modèle économique en orientant leurs clients vers des acteurs non français.

Concernant l'affacturage plus particulièrement, les professionnels considèrent que la modification intervenue par le biais de l'ordonnance précitée fragilise son économie (cf. partie 4 pour les données économiques et financières), en imposant une telle vérification, en pratique impossible compte tenu de la masse considérable de contrats concernés (plusieurs centaines de milliers selon l'association françaises des sociétés financières -ASF). Or, l'affacturage permet de financer plus de 40000 entreprises par an pour un montant global de près de 60 milliards d'euros. La remise en cause de cette activité pourrait notamment rendre difficile le refinancement à court terme des TPE/PME.

Cette fragilité pourrait également avoir des effets de bords dans le domaine prudentiel en accroissant le risque opérationnel et le risque de crédit 29 ( * ) des établissements et, par-là, augmentant leurs exigences de fonds propres fixés par le superviseur. Il deviendrait également impossible de faire reconnaitre une opération titrisation sous le label STS (simple, standardised, transparent) et il serait plus difficile de délester les bilans des prêts non performants 30 ( * ) (NPL pour "non performing loans" en anglais). Par exemple, un haut niveau de NPL dégrade la solvabilité, la liquidité, la notation et donc la capacité de refinancement des banques. Il est donc important d'en maîtriser l'amplitude.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La suppression de la nullité de clauses interdisant la cession de créances présentant les effets pervers précisés ci-dessous, il est nécessaire de rétablir ce principe de nullité applicable à l'égard de tous et relevant du niveau législatif. Pour ce faire, la modification de la partie législative du code de commerce portant sur la nullité de clauses interdisant la cession de créances est donc nécessaire.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif de la mesure est de remédier à la défaillance du cadre juridique actuellement qui n'est pas en adéquation avec les contraintes réelles auxquelles doivent faire face les entreprises et notamment les établissements du secteur financier opérant des cessions de créances, dans le cadre d'opérations de refinancement ou de crédit dans lesquelles la cession intervient à titre de garantie.

Elle vise ainsi à assurer la sécurité juridique des opérations de refinancement et des titrisations pratiquées dans ce domaine.

3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU

La mesure envisagée prévoit donc la nullité des clauses ou contrats prévoyant pour toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services, la possibilité d'interdire au cocontractant la cession à des tiers des créances qu'il détient sur lui.

Le choix d'un rétablissement de la disposition dans le code de commerce paraît justifié par le fait que le principe de nullité qu'il s'agit de réintégrer dans le droit positif s'applique erga omnes , et non pas seulement à une catégorie d'opérateurs économiques.

La finalité de ce rétablissement - qui est de répondre à une défaillance du cadre juridique soulevées par certains acteurs du secteur financier afférente au statut juridique de la cession de créance - ne semble pas relever directement du champ d'application de la partie du code de commerce au sein de laquelle la disposition avait initialement été codifiée en 2001. En effet, elle ne se rattache guère à l'objectif général de protection de la liberté tarifaire et de la concurrence du livre IV du code de commerce, ni aux objectifs spécifiques de son titre IV.

Cependant, compte-tenu de la nature juridique et de la finalité des cessions de créance - généralement utilisées dans les contrats commerciaux en tant qu'instrument financier destiné à l'activité de factor ou à servir de garantie financière (nantissement par exemple) - il semble plus satisfaisant de rétablir cette disposition dans le Titre IV du Livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux pratiques prohibées.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1 Impacts sur l'ordre juridique interne

La mesure envisagée modifie les articles L. 442-3 et L. 950-1 du code de commerce.

4.1.2 Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Plusieurs directives européennes régissent les règles relatives à la cession de créances en tant qu'instrument financier :

- Voir notamment article 9, § 1 et 2 de la Directive 2002/47/CE du 6 juin 2002 concernant les contrats de garantie financière (DCGF)

- Voir notamment article 9 §2 de la Directive 98/26/CE du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres (DCDR)

- Voir notamment article 24 de la Directive 2001/24/CE du 4 avril 2001 concernant l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit (DL)

Le 12 mars 2018, une proposition de règlement européen sur la loi applicable à l'opposabilité des cessions de créances montre que la priorité de la Commission est de continuer à renforcer l'économie européenne et de stimuler l'investissement pour créer des emplois et soutenir la croissance. La réalisation de cet objectif passe par un renforcement, un approfondissement et une plus grande intégration des marchés des capitaux. Dans le droit fil du plan d'action pour l'union des marchés des capitaux (UMC) d'ici 2019, la Commission a détaillé les mesures ciblées concernant les règles relatives à la propriété de titres et à l'opposabilité des cessions de créances afin de réduire l'insécurité juridique pour les transactions transfrontières sur titres et créances. La proposition de règlement présentée le 12 mars 2018 et la communication sur la loi applicable aux effets patrimoniaux des transactions sur titres, présentées en parallèle, mettent en oeuvre cet engagement.

La communication précise la position de la Commission sur les aspects importants de l'acquis existant de l'Union en ce qui concerne la loi applicable aux effets patrimoniaux des transactions sur titres et accompagne la présente proposition législative sur l'opposabilité des cessions de créances.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

L'affacturage a été créé en 1965 et a connu en France un développement rapide notamment depuis l'insertion dans la loi NRE en 2001 du principe de l'interdiction de la cession de créances. L'affacturage est aujourd'hui le premier outil de financement des entreprises, notamment des PME, et représente 320 milliards d'euros de créances achetés par les affactureurs.

Données économiques sur l'affacturage (source Rapport ASF 2018)

4.2.1 Impacts sur les entreprises

La mesure envisagée devrait avoir un effet positif pour les entreprises et professionnels du secteur. En effet, le rétablissement de la nullité des clauses contractuelles interdisant la cession de créances devrait, comme c'était le cas avant la réforme, permettre aux professionnels de s'affranchir de certaines vérifications dans les contrats concernés (plusieurs centaines de milliers selon l'association françaises des sociétés financières -ASF) et notamment en leur permettant l'achat de nombreuses créances sans vérifier si pesaient sur celles-ci des clauses d'interdiction de cession. Le maintien d'une prohibition de l'interdiction de cession de créances doit permettre de pérenniser le modèle économique de l'affacturage qui repose sur le traitement d'un grand nombre de dossiers de financement. Cela permettra également de maintenir l'activité de titrisation qui, aux côtés de l'affacturage, constitue également une source alternative de financement.

La mesure envisagée pourrait également avoir des effets positifs pour les entreprises concernées notamment en matière prudentielle, de titrisation et délestage des bilans des prêts non-performants (NPL). Par exemple, plus de 40 000 entreprises ont aujourd'hui recours à l'affacturage pour se financer à court terme. La remise en cause de cette possibilité de financement pourrait rendre difficile pour certaines entreprises, notamment les plus petites, le respect de leurs obligations financières.

.

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Le rétablissement de l'interdiction de la cession de créances n'aura aucun impact sur les services de contrôle chargé du respect de la règlementation commerciale. En effet, la mesure de rétablissement proposée a pour effet de réputer nulle toute clause qui serait insérée dans les contrats et ayant pour effet d'interdire la cession de créances. Il s'en suit que l'administration n'a pas besoin de diligenter des contrôles : la nullité de plein droit encourue en cas d'introduction de telles clauses contractuelles est en elle-même suffisamment dissuasive.

5. MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. APPLICATION DANS LE TEMPS

La mesure envisagée entrera en vigueur dès la publication de la présente loi. Aucune mesure transitoire ni aucune mesure prévoyant l'application aux contrats en cours n'est appelée par cette réforme.

5.2. APPLICATION DANS L'ESPACE

Les dispositions sont applicables en France métropolitaine et en outre-mer. Il convient de modifier de modifier l'article L. 950-1 du code de commerce (dispositions applicables à Wallis-et-Futuna) pour tenir compte de la modification apportée à l'article L. 442-3 de ce code par l'article 17 du présent projet de loi.

CHAPITRE VI - DISPOSITIONS AMÉLIORANT LE FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ INTÉRIEUR

Article 17 - Obligations de transparence en matière d'aide d'Etat

1. ÉTAT DES LIEUX

Les informations recueillies dans le cadre de la collecte de l'impôt sont, en droit français, protégées par les règles du secret fiscal : l'article L. 103 du livre des procédures fiscales (LPF) étend, en effet, en matière fiscale l'obligation de secret professionnel définie aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal à toutes les informations recueillies lors d'opérations d'assiette, de contrôle ou de recouvrement, ainsi que d'opérations liées au contentieux, des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts (CGI).

L'article 226-13 du code pénal prévoit ainsi que « la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ». L'article 226-14 du même code précise les cas dans lesquels l'article 226-13 n'est pas applicable.

Par dérogation, la section I du chapitre III du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales, relative à la portée de la règle de secret professionnel, prévoit la publicité de certaines informations fiscales telles que les valeurs foncières déclarées à l'occasion des mutations intervenues au cours des cinq dernières années (article L. 112 A).

L'article 107 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) interdit en principe les aides octroyées par les personnes publiques aux entreprises.

Ainsi, l'alinéa 1 de cet article énonce que « sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».

Toutefois, lorsque, par exception, elles sont autorisées par la réglementation européenne, les aides d'Etat doivent, en règle générale, faire l'objet d'une notification à la Commission européenne et ne peuvent être octroyées qu'après approbation de cette dernière.

Depuis 2001, la Commission a cependant adopté des règlements dits « d'exemption » qui permettent aux États membres d'accorder certaines catégories d'aides aux entreprises sans notification préalable, lorsque celles-ci remplissent des critères précis.

Dans ce cas, ils doivent informer la Commission européenne de tout régime d'aide mis en place sur le fondement de ces règlements. Ainsi, les aides qui sont octroyées sur la base de ces régimes exemptés de notification et qui en respectent toutes les conditions sont présumées compatibles avec le marché intérieur.

En tout état de cause, que les aides d'Etat soient autorisées par la Commission européenne ou qu'elles soient exemptées de notification, elles doivent, pour pouvoir être jugées conformes à la réglementation européenne, respecter un certain nombre de critères communs de compatibilité, dont celui dit de la « transparence ».

A cet égard, dans le cadre de sa politique de modernisation des aides d'Etat, la Commission européenne a introduit de nouvelles exigences en matière de transparence. La communication de la Commission du 27 juin 2014 (2014/C 198/02) assure, dans ce contexte, la mise en cohérence des obligations de transparence pour les différents régimes d'aides d'Etat.

La transparence permet aux citoyens d'être mieux informés au sujet des politiques publiques. Dans le domaine des aides d'Etat, elle permet de donner aux acteurs du marché de disposer d'informations pertinentes sur les interventions publiques qui sont susceptibles d'entraîner des distorsions de la concurrence ou d'altérer les échanges intra-UE. Ce faisant, elle favorise le respect des règles européennes, permet aux entreprises de vérifier si les aides dont bénéficient leurs concurrents sont légales, facilite le suivi des aides octroyées et peut contribuer à réduire la charge administrative liée à l'établissement par les Etats membres des rapports (rapport annuel, évaluations) à la Commission sur l'ensemble des aides que ceux-ci mettent en oeuvre.

Depuis le 1 er juillet 2016, toutes les aides d'Etat qui relèvent soit d'un règlement dit « d'exemption », tel que le règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission européenne du 17 juin 2014, soit d'une décision de la Commission européenne, sont soumises à des obligations de transparence, qui s'ajoutent à l'obligation de rapport annuel au titre de l'article 11 (b) du règlement (UE) n° 651/2014.

Ces obligations sont :

La publication sur un site internet national, gratuit et public, des informations concernant les régimes d'aides et les aides individuelles informées et notifiées (« Europe en France ») ;

La publication sur le site dédié de la Commission européenne, d'informations relatives aux aides d'un montant supérieur ou égal à 500 000 euros (ou 60 000 € dans le secteur de la production agricole primaire, ou 30 000 € dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture) (« Transparency Award Module » 31 ( * ) ). Doivent ainsi être communiqués l'identité du bénéficiaire et son identifiant SIRET/SIREN, le type d'entreprise auquel il appartient (petite, moyenne ou grande entreprise), son lieu d'établissement, son secteur d'activité, le montant de l'aide qui lui est octroyé ainsi que la date d'octroi et l'objectif de l'aide.

Ces règles peuvent varier selon le fondement de compatibilité de l'aide. Elles sont inscrites, selon les cas, soit dans la doctrine de la Commission applicable au type d'aide considérée (lignes directrices), soit dans les règlements d'exemption applicables au type d'aide considérée, soit, lorsque la mesure est notifiée par un Etat-membre sans s'appuyer sur la doctrine de la Commission, directement dans la décision de la Commission. Ainsi, des seuils plus faibles sont prévus pour la publicité des aides compatibles au titre du cadre européen relatif aux aides au secteur de la production agricole primaire ou à celui de la pêche et de l'aquaculture. Une obligation de transparence spécifique s'applique également aux compensations de services d'intérêt économique général.

Ces obligations de transparence constituent désormais un critère de compatibilité des aides d'État. En effet, l'article 10 du règlement (UE) n° 651/2014 prévoit que lorsqu'un Etat membre octroie à une entreprise une aide sous le couvert d'une exemption de notification sans remplir les obligations de transparence qui lui incombent, la Commission européenne peut, après lui avoir donné la possibilité de faire connaître son point de vue, retirer le bénéfice de l'exemption de notification et imposer à l'Etat concerné de notifier à la Commission ses futures mesures d'aides.

Concrètement, en cas de non-respect de ces obligations, la Commission pourrait adopter une décision selon laquelle tout ou partie des futures mesures d'aide adoptées par la France doivent être notifiées à la Commission conformément à l'article 108, paragraphe 3, du traité, y compris lorsqu'elles remplissent les conditions requises par le règlement n° 651/2014 pour être normalement exemptées de notification.

De plus, ce règlement précise qu'en cas de non-respect des conditions de compatibilité, telles que les règles de transparence, les aides octroyées constituent des aides illégales que la Commission examinera dans le cadre de la procédure applicable prévue par le règlement (UE) n° 2015/1589 du 13 juillet 2015 portant modalités d'application de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Une règle identique s'applique s'agissant des aides d'Etat qui ne font pas l'objet d'une exemption de notification et qui sont donc expressément autorisées par la Commission européenne. En effet, la communication de la Commission du 27 juin 2014 (2014/C 198/02) précise que l'obligation de publication constitue une condition de la conformité des aides octroyées avec les lignes directrices applicables.

L'exigence de transparence s'impose à chaque autorité octroyant une aide d'Etat, pour l'aide qu'elle attribue.

Des tempéraments sont apportés par le cadre européen en matière fiscale afin de garantir la confidentialité nécessaire. Ainsi, il n'est pas requis de divulguer des informations sur l'assiette fiscale des entreprises ni sur le montant exact des allégements fiscaux dont elles bénéficient, des fourchettes de montant d'aide pouvant être fournies dans certains cas.

Cependant, comme le précise la communication du 27 juin 2014 précitée, afin de ne pas porter préjudice au contrôle des aides d'État et de préserver l'obligation de rendre compte de l'utilisation des ressources publiques, ces obligations de transparence s'appliquent également aux aides d'Etat prenant la forme d'avantages fiscaux 32 ( * ) .

Au sens de l'article 107 paragraphe 1 du traité, un tel avantage existe dès lors que la situation financière d'une entreprise est améliorée du fait d'une intervention de l'État réalisée à des conditions autres que les conditions normales du marché. A cet égard, la notion d' « intervention de l'État » ne renvoie pas exclusivement aux dépenses budgétaires de l'État ou des collectivités publiques, mais couvre aussi les cas où ces dernières renoncent à des recettes fiscales ou s'abstiennent de prendre certaines mesures 33 ( * ) .

Pour évaluer l'existence ou non d'un avantage, il convient donc de comparer la situation financière d'une entreprise après l'introduction de la mesure avec sa situation financière dans le scénario contrefactuel où cette mesure n'aurait pas été prise 34 ( * ) . Ainsi, un avantage est réputé exister pour les opérateurs économiques dès lors que la mesure allège les charges qui normalement grèvent leur budget 35 ( * ) . Un tel avantage n'est constitutif d'une aide d'Etat que s'il est avéré qu'il présente un caractère sélectif, que son bénéficiaire est une entreprise et qu'il affecte ou est susceptible d'affecter les échanges au sein de l'Union européenne.

En tout état de cause, les caractéristiques techniques du dispositif importent peu pour établir si cette dernière procure ou non un avantage économique à l'entreprise. En pratique, l'avantage fiscal peut recouvrir toutes les utilisations de l'outil fiscal (réductions ou crédits d'impôt, différentiels de taux, mesures d'assiette, annulation ou rééchelonnement de dettes fiscales, etc.). Cela n'implique cependant pas que tous les dispositifs communément qualifiés d'avantages fiscaux constituent des aides d'Etat soumises à un encadrement européen : certains crédits d'impôt, comme le crédit d'impôt recherche (CIR), constituent par exemple des mesures générales non sélectives.

En France, une trentaine de régimes fiscaux, qu'ils soient notifiés et autorisés par la Commission européenne ou exemptés de notification, font l'objet de rapports annuels auprès de la Commission européenne 36 ( * ) . Ces aides, qui sont prévues par la loi, relèvent de la gestion de l'administration fiscale.

A titre d'illustration, sont soumis à l'obligation de transparence le crédit d'impôt innovation codifié au k du II de l'article 244 quater B du code général des impôts (CGI) 37 ( * ) , exempté de notification, ou bien encore le crédit d'impôt en faveur des sociétés créées pour le rachat de tout ou une partie du capital d'une entreprise par ses salariés, prévu à l'article 220 nonies du CGI 38 ( * ) , notifié directement sur la base du traité.

Dans ce contexte, il apparaît nécessaire d'introduire une nouvelle disposition dans le livre des procédures fiscales qui précise la nature et l'étendue des informations qui doivent être rendues publiques afin de satisfaire à l'obligation européenne de transparence prévue en matière d'aides d'Etat, que ce soit pour les aides d'Etat autorisées par la Commission européenne ou pour celles qui sont exemptées de notification auprès de la Commission.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

En l'état actuel du droit national, les règles du secret fiscal font partiellement obstacle à la mise en oeuvre des obligations en matière de transparence des aides fiscales. Aucune disposition législative n'est nécessaire pour les aides concernées par l'obligation de transparence relevant des règlements dits « d'exemption », tels que le règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission européenne du 17 juin 2014, dès lors que les règlements de la Commission européenne sont d'application directe, conformément à l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Les dispositions de ces règlements permettent donc d'écarter l'application de la loi française.

En revanche, une telle disposition législative s'avère nécessaire pour certaines aides d'Etat autorisées par la Commission européenne qui, par principe, entrent dans le champ de l'obligation de transparence.

En effet, lorsqu'elle autorise une aide, la Commission européenne publie une décision qui indique que la mesure est compatible avec le marché intérieur sur le fondement d'une des dispositions prévues à l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) en s'appuyant, le cas échéant, sur sa doctrine en matière d'aides d'Etat (lignes directrices, communications, ou encadrements). Dans cette situation, l'obligation de transparence doit être recherchée soit directement dans le contenu de la décision, lorsque celle-ci en fait mention, soit, comme cela est souvent le cas en pratique, dans la doctrine européenne qui sert de fondement à la compatibilité de l'aide à défaut de mention dans la décision.

Conformément à l'article 288 du TFUE, une décision est obligatoire dans tous ses éléments et, lorsqu'elle désigne des destinataires, elle n'est obligatoire que pour ceux-ci. Cependant, lorsque l'obligation de transparence ne transparaît pas de façon suffisamment précise et explicite dans la décision, elle peut perdre son effet direct ou son caractère invocable à l'encontre de l'Etat membre ( cf . Cour de justice des communautés européennes (CJCE), arrêt du 10 novembre 1992, C-156/91, Hansa Fleisch ; arrêt du 6 octobre 1970, Grad , (9/70, Rec. P. 825)).

Afin de couvrir ces cas de figure où l'absence d'une obligation inconditionnelle et suffisamment nette et précise ne permet pas d'écarter l'application des règles du secret fiscal, il apparaît nécessaire de disposer d'outils juridiques adéquats afin de permettre à l'administration fiscale d'être déliée de son obligation de secret professionnel et de pouvoir ainsi répondre à son obligation de transparence, en communiquant à la Commission européenne les données fiscales mentionnées à l'article proposé en vue de leur publication.

En effet, actuellement, toute information recueillie à l'occasion des missions de définition de l'assiette, de contrôle, de recouvrement ou de contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts, directement ou indirectement nominative, est couverte par le secret professionnel et ne peut être communiquée qu'au profit des seuls tiers qui peuvent se prévaloir d'une dérogation expressément prévue par la loi et toujours interprétée strictement.

Le secret professionnel est une règle prévue, dans le cas général, par le droit pénal. L'article 226-13 du code pénal prévoit ainsi que « la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ». L'article 226-14 du même code précise les cas dans lesquels l'article 226-13 n'est pas applicable.

En droit français, le secret professionnel fait l'objet de dispositions particulières en matière fiscale : l'article L. 103 du livre des procédures fiscales (LPF) définit spécifiquement l'obligation de secret professionnel qui s'impose aux agents de l'administration fiscale à toutes les informations recueillies lors d'opérations d'assiette, de contrôle ou de recouvrement, ainsi que d'opérations liées au contentieux, des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts (CGI).

La section I du chapitre III du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales, relative à la portée de la règle de secret professionnel prévoit, par dérogation, la publicité de certaines informations fiscales telles que les valeurs foncières déclarées à l'occasion des mutations intervenues au cours des cinq dernières années (article L. 112 A).

A défaut de dérogation légale, l'administration n'est donc actuellement pas en capacité de remplir pleinement son obligation de transparence en matière d'aides d'Etat et de rendre publiques certaines données fiscales.

Pour permettre à l'administration fiscale de remplir son obligation de transparence et l'autoriser à publier les informations exigées par la Commission européenne, il est donc nécessaire de délier partiellement les agents de l'administration fiscale de leur obligation de secret professionnel.

Par cohérence, la mesure proposée dans le livre des procédures fiscales n'introduit pas de distinction selon que les aides fiscales sont exemptées de notification ou directement autorisées par la Commission dès lors que, dans les deux cas, une obligation de transparence s'applique, et ce même si, en l'état du droit, le secret fiscal national peut déjà être écarté au profit des normes européennes lorsqu'elles sont d'effet direct.

Cette dérogation à la règle de secret professionnel doit rester d'une portée limitée.

A cette fin, il est nécessaire d'identifier précisément dans la loi les informations relatives aux bénéficiaires d'aides d'État, au sens de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, à caractère fiscal que les administrations fiscales pourront rendre publiques.

De même, il convient de tenir compte des contraintes qui s'attachent à la sensibilité des informations collectées par l'administration fiscale et de l'objectif d'instituer une relation de confiance entre les entreprises et l'administration fiscale poursuivi par la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance. La protection des données des entreprises constitue, à cet égard, un enjeu important.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif de la mesure est d'introduire en droit français une disposition permettant la mise en oeuvre des obligations imposées par le droit de l'Union européenne en faisant en sorte que les administrations fiscales soient en mesure de respecter l'obligation de transparence qui leur incombe, que ce soit pour les aides d'Etat autorisées par la Commission européenne ou pour celles qui sont exemptées de notification auprès de la Commission, et en aménageant pour cela l'obligation de secret professionnel dans la stricte mesure nécessaire.

3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1. Rendre librement accessibles l'ensemble des données que détient l'administration fiscale concernant les entreprises bénéficiaires d'aides fiscales présentant le caractère d'aide d'Etat

La mise à la disposition de l'intégralité des données que détient l'administration fiscale concernant les entreprises bénéficiaires d'aides fiscales présentant le caractère d'aide d'Etat irait au-delà des exigences fixées par la Commission européenne et diminuerait de façon disproportionnée la portée de la règle de secret fiscal.

Cette option ne serait pas compatible avec les contraintes qui s'attachent à la sensibilité des informations collectées par l'administration fiscale et avec l'objectif d'instituer une relation de confiance entre les entreprises et l'administration fiscale poursuivi par la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance. La protection des données des entreprises constitue, à cet égard, un enjeu important. En outre, elle représenterait une charge administrative accrue pour l'administration fiscale.

3.1.2. Introduire une limite à la règle de secret professionnel afin d'assurer que celle-ci ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre des obligations de transparence introduites dans le cadre de la politique de modernisation des aides d'Etat

Aménager la règle de secret professionnel en prévoyant la publication d'informations limitativement énumérées permettra d'assurer l'application du droit des aides d'Etat tout en ne dérogeant que de façon limitée aux garanties de confidentialité que l'administration fiscale apporte aux contribuables professionnels.

3.2. DISPOSITIF RETENU

Le dispositif proposé complète la section I du chapitre III du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales, relative à la portée de la règle de secret professionnel et qui prévoit d'ores et déjà la publicité de certaines informations fiscales telles que les valeurs foncières déclarées à l'occasion des mutations intervenues au cours des cinq dernières années (article L. 112 A), par un article L. 112 B.

L'article L. 112 B liste les informations dont la communication est exigée à la fois par les règlements dits « d'exemption », tel que le règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 et par la communication de la Commission du 27 juin 2014 précitée ainsi que par l'ensemble des lignes directrices applicables en matière d'aides d'Etat adoptées postérieurement à cette communication. Il prévoit que seule une fourchette du montant de l'élément d'aide fiscale individuelle est communiquée, pour les aides dont le montant excède un certain seuil.

La détermination du seuil en montant d'aide à partir duquel l'administration fiscale est autorisée à déroger au secret fiscal en publiant la tranche de montant d'aide octroyée au contribuable, ainsi que la détermination de ces tranches de montant, est renvoyée à un arrêté pris par le ministre chargé du budget. Ce renvoi est cohérent avec la nature technique de ces seuils et garantira davantage de souplesse en cas de modification de la doctrine de la Commission européenne à l'occasion de la révision des diverses lignes directrices.

Afin d'assurer que les seuils retenus ne seront pas inférieurs à ceux prévus par les règles de transparence européennes, et donc moins respectueux de la protection des données des contribuables, le texte de loi dispose que ces montants correspondent à ceux définis par la Commission européenne, qui lient le pouvoir réglementaire.

Dans la généralité des cas, le seuil applicable sera un seuil de 500 000 € et l'administration fiscale pourra communiquer uniquement si le montant de l'aide est compris entre 500 000 € et 1 M€, 1 et 2 M€, 2 et 5 M€, 5 et 10 M€, 10 et 30 M€ ou plus de 30 M€. En l'état des textes européens, les seuils et tranches applicables sont les suivants :

Catégorie d'aide

Tranches applicables (en euros)

Aides d'État dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales et aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté autres que les établissements financiers octroyées à des bénéficiaires exerçant leurs activités dans le secteur de la production agricole primaire

- 60 000 à 500 000 ;

- 500 00 à 1 000 000 ;

- 2 000 000 à 5 000 000 ;

- 10 000 000 à 30 000 000 ;

- supérieur à 30 000 000

Aides d'Etat aux entreprises actives dans la production, la transformation et la commercialisation des produits de la pêche et de l'aquaculture exemptées de l'obligation de notification

- 30 000 à 200 000 ;

- 200 000 à 400 000 ;

- 400 000 à 600 000 ;

- 600 000 à 800 000 ;

- 800 000 à 1 000 000

Aides d'Etat dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture soumises à l'obligation de notification

- 30 000 à 500 000 ;

- 500 000 à 1 000 000 ;

- 1 000 000 à 2 000 000 ;

- supérieur à 2 000 000

Autres aides

- 500 000 à 1 000 000 ;

- 1 000 000 à 2 000 000 ;

- 2 000 000 à 5 000 000 ;

- 5 000 000 à 10 000 000 ;

- 10 000 000 à 30 000 000 ;

- supérieur à 30 000 000

Enfin, le texte prévoit le cas particulier des aides fiscales compatibles en tant que compensation du coût des obligations de service public auxquelles sont soumis leurs bénéficiaires dans le cadre d'un service d'intérêt économique général (SIEG). Dans ce cas, la nature des informations dont la publication est exigée est d'une autre nature (contenu du mandat) et le montant précis de l'aide doit être publié au-delà de 15 M€, la communication de tranches de montant pour les aides fiscales n'étant pas prévue.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La mesure envisagée introduit une limite à la règle de secret professionnel en matière fiscale décrite en créant un article L. 112 B au chapitre III du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La mesure assure la compatibilité du droit interne avec le droit de l'Union européenne en garantissant que la règle du secret fiscal ne fasse pas obstacle à la mise en oeuvre des exigences de transparences qui conditionnent désormais la compatibilité des aides d'Etat. La levée de l'obligation de secret professionnel permettra la publication des informations fiscales prévues par la réglementation européenne pour toutes les aides d'Etat octroyées depuis le 1er juillet 2016.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

La mesure envisagée facilitera le contrôle des aides d'Etat en matière fiscale et le respect des règles européennes.

En concourant à des conditions de concurrence égales pour tous les États membres et toutes les entreprises dans le marché intérieur, la mesure contribuerait à un meilleur fonctionnement des mécanismes de marché et améliorera leur efficience économique.

En outre, en contribuant à assurer la compatibilité des aides fiscales remplissant les critères d'une aide d'Etat au sens de l'article 107 du TFUE, la mesure permet le maintien des aides fiscales aux entreprises décidées par le législateur afin de poursuivre les objectifs de politique publique fixés par celui-ci dans différents domaines (en matière de compétitivité économique, de financement de l'économie, d'énergie, de logement, d'environnement, etc.).

La mesure n'alourdirait pas les obligations déclaratives des entreprises, dès lors que les informations visées sont d'ores et déjà détenues par l'administration.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La mesure n'a aucun impact sur les collectivités territoriales, qui sont par ailleurs soumises aux mêmes exigences de transparence pour les aides d'Etat qu'elles attribuent.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Elle permettra aux administrations fiscales (DGFiP et DGDDI) d'être déliées du secret professionnel et ainsi de pouvoir transmettre toutes les données fiscales concernant les aides non exemptées à la Commission européenne en vue de leur publication en application des articles 9 et 10 du Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du TUE.

En pratique, et comme le prévoit le droit européen, notamment l'article 9 du règlement n°651/2014 précité, les informations concernant l'obligation de transparence des aides d'Etat sont publiées « dans les six mois suivant la date à laquelle l'aide a été octroyée ou, pour les aides sous forme d'avantages fiscaux, dans l'année qui suit la date à laquelle la déclaration fiscale doit être introduite ».

5. MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. APPLICATION DANS LE TEMPS

La disposition envisagée entre en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2. APPLICATION DANS L'ESPACE

La mesure proposée s'applique sur l'ensemble du territoire national.

Cette disposition a vocation à s'appliquer à toutes les régions soumises au droit des aides d'État, y compris aux régions ultrapériphériques (RUP), au sens des dispositions de l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). A cet égard, la Guyane, la Guadeloupe, Saint-Martin, la Martinique, la Réunion et Mayotte, qui bénéficient du statut de RUP, font donc partie intégrante de l'UE et sont donc à ce titre assujetties au droit communautaire, y compris en matière d'aides d'état.

Cela est également le cas de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin qui n'est cependant pas couverte par le présent article. En vertu de l'article LO 6313-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), les dispositions législatives et réglementaires nationales sont applicables de plein droit à Saint-Martin à l'exception de celles intervenant dans les matières de la compétence de la collectivité.

Si la collectivité de Saint-Martin fixe les règles applicables dans le domaine des impôts, droits et taxes, les services de l'État sont responsables de l'application individuelle de l'impôt, c'est-à-dire de l'assiette, du recouvrement et du contrôle des impôts et taxes instaurés par l'assemblée délibérante de la collectivité, c'est-à-dire le conseil territorial, dans les conditions prévues par une convention conclue avec l'Etat (II de l'article LO. 6314-4 du CGCT). Dans ce cadre, la collectivité est tenue de transmettre à l'État toute information utile pour l'application de leur réglementation relative aux impôts de toute nature ou dénomination et pour l'exécution des clauses d'échange de renseignements prévues par les conventions fiscales conclues par la France avec d'autres Etats ou territoires.

Article 18 - Mise en conformité règlement RZUE

1. ÉTAT DES LIEUX

Le secteur de la génétique animale des ruminants, des porcins et des équidés était jusqu'ici encadré par une réglementation nationale héritée de la loi sur l'élevage de 1966, qui a été modernisée par la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole et l'ordonnance n°2006-1548 du 7 décembre 2006 relative à l'identification, au contrôle sanitaire des activités de reproduction ainsi qu'à l'amélioration génétique des animaux d'élevage.

Les organismes de sélection définissent les objectifs de sélection ou les plans de croisement et assurent la tenue des livres généalogiques ou registres zootechniques des races, des populations animales sélectionnées ou types génétiques hybrides des espèces équine, asine, bovine, ovine, caprine et porcine. Ils sont agréés par le ministre chargé de l'agriculture, notamment sur le fondement de critères d'ordre administratif, et des règlements techniques qu'ils établissent pour fixer les critères de sélection des espèces, ses objectifs, les caractères sélectionnés et leur pondération, les critères de sélection des espèces. Ils assurent également la tenue des livres généalogiques et la délivrance des certificats généalogiques. Il existe aujourd'hui 32 organismes de sélection agréés pour le seul secteur des bovins, 20 organismes de sélection agréés dans le secteur des ovins et caprins et 41 pour les équins et asins. Deux organismes de sélection sont agréés pour les races pures du secteur porcin et dix pour les porcins dits « hybrides ». Plus de 200 races, lignées et croisements y sont représentées.

Par ailleurs, des entreprises de sélection, non agréées par l'État, contribuent à la mise en oeuvre des programmes des sélection en procédant au choix, à la procréation et à la mise sur le marché des reproducteurs et produits germinaux sélectionnés.

Le dispositif français de la génétique animale génère environ 8200 équivalents temps-plein, ces emplois étant très majoritairement liés à l'élevage laitier. 50% des gains annuels de productivité des élevages français sont liés au progrès génétique. En effet, l'amélioration génétique permet : l'augmentation des rendements par animal, l'augmentation de l'efficacité alimentaire, l'augmentation de la résistance des animaux aux pathologies et plus généralement l'augmentation de la résilience au changement climatique, l'évolution de la qualité et la différenciation des produits permettant l'ajout de valeur et la création de dynamiques territoriales, la facilitation des méthodes de production pour les éleveurs et la participation au bien-être animal. La seule sélection génomique dans l'élevage laitier représente un gain pour la filière de 1,2 milliards d'euros, qui se cumule tous les 10 ans. Le chiffre d'affaire de la filière génétique des ruminants atteint à lui seul 400 millions d'euros. La balance commerciale de la génétique animale est largement bénéficiaire et se porte à près de 500 millions d'euros.

Le 17 mai 2016, le Conseil de l'Union européenne a définitivement adopté le règlement européen 2016/1012 relatif aux conditions zootechniques et généalogiques applicables à l'élevage, aux échanges et à l'entrée dans l'Union européenne de reproducteurs de race pure, de reproducteurs porcins hybrides et de leurs produits germinaux, entré en application le 1 er novembre 2018. En remplaçant huit directives européennes appliquées de façon hétérogène par un seul texte de référence, ce règlement européen harmonise et rénove l'organisation de la sélection animale, la circulation d'animaux reproducteurs, de leurs produits germinaux et des services au sein du marché unique.

Les organismes agréés, depuis l'entrée en application du règlement, et particulièrement dans le secteur des ruminants, ont vu leurs missions étendues à des activités qui relevaient jusqu'ici, en France, des établissements de l'élevage à qui l'Etat avait confié le monopole de l'enregistrement et de la certification de la parenté des ruminants, d'autres organismes agréés pour la conduite du service public de l'enregistrement et du contrôle des performances, ou d'établissements publics comme l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) lequel procédait en particulier au calcul des évaluations génétiques officielles, dont les résultats pour les ruminants étaient publiés par l'Institut de l'élevage. Par ailleurs, le règlement régit spécifiquement le secteur des porcins dits « hybrides », et les missions incombant, pour la sélection des races dans les différentes espèces, aux organismes de sélection sont confiées, pour ces lignées et croisements commerciaux spécifiques au secteur porcin, à des « établissements de sélection » agréés susceptibles de se constituer en entreprises privées opérant en système fermé, c'est-à-dire sans participation des éleveurs aux orientations de sélection.

Le RZUE prévoit l'approbation des programmes de sélection menés par les organismes et établissements de sélection par les autorités compétentes cette approbation étant l'une des conditions pour l'agrément de ces organismes et établissements.

Le RZUE exige que les Etats membres « mettent en place les procédures juridiques nécessaires pour s'assurer que leur personnel ait accès aux locaux, aux documents et aux systèmes informatisés de gestion de l'information tenus par les opérateurs pour pouvoir accomplir leurs tâches de manière appropriée » (article 41).

Le RZUE impose également que soit institué un « régime de sanctions [qui doivent être] effectives, proportionnées et dissuasives » (article 52 du règlement). Les dispositions actuellement en vigueur, qui ne couvrent pas l'intégralité du règlement, ne sont pas suffisantes à cet égard.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'entrée en application du règlement zootechnique européen a rendu obsolète une partie importante des dispositions législatives du code rural et de la pêche maritime régissant la reproduction et la sélection animales, notamment celles qui confient à des organismes publics la réalisation de missions qui relèvent désormais de celles que le règlement confie aux organismes et établissements de sélection. Il en va ainsi de son article L. 653-11, qui confie à titre exclusif à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) l'évaluation génétique des reproducteurs de certaines espèces. Certaines dispositions du chapitre III du titre V du livre VI sont contraires à des dispositions du règlement, en particulier l'article L. 653-7 de ce code, qui confie à titre exclusif aux établissements de l'élevage l'enregistrement et la certification de la parenté des ruminants, alors que le règlement prévoit que ces activités relèvent des organismes de sélection. Cela nécessite, pour des motifs de lisibilité de la réglementation applicable, une refonte complète de ces dispositions.

Par ailleurs, le règlement permet aux Etats membres d'adopter des dispositions introduisant des obligations d'agrément des organismes et établissements de sélection, en particulier pour la réalisation de contrôles des performances ou une évaluation génétique d'animaux reproducteurs, et de rendre obligatoire l'approbation de programmes de sélection concernant des animaux ou produits germinaux, qui donnent lieu à des transactions commerciales. Dès lors que les agréments et approbations qui régissent ces activités spécifiques sont une faculté laissée aux Etats membres par le règlement, leur mise en oeuvre relève du domaine législatif.

En outre, il découle des dispositions du règlement qu'une part importante des activités exercées, en France, sous la responsabilité de l'Etat, relève désormais des missions des organismes de sélection agréés, et donc du secteur privé, ce qui conduit à un changement important dans le secteur de la génétique animale, en particulier s'agissant de l'accès aux données zootechniques et de l'évaluation génétique. Plusieurs modifications de la règlementation nationale sont nécessaires pour procéder à une adaptation du secteur à cette évolution, afin de préserver la diversité génétique, et l'accès des éleveurs à des ressources génétiques de qualité.

Notamment, le rôle des différents acteurs intervenant dans le secteur, qu'ils soient publics (INRA, Instituts techniques, établissements de l'élevage) ou privés (organismes de sélection, organisation interprofessionnelle de la génétique animale mentionnée à l'article L. 653-9 du code rural et de la pêche maritime) est à redéfinir.

Concernant les éleveurs, la libéralisation du secteur pourrait avoir pour conséquence des difficultés d'accès, notamment pour ceux situés dans des territoires peu denses économiquement ou difficilement accessibles, à du matériel génétique de qualité, mais également conduire à la disparition de races locales, menacées ou peu productives, qui constituent une richesse importante du patrimoine national, mais pourraient ne pas présenter un intérêt économique immédiat suffisant pour le secteur privé.

S'agissant de la disponibilité des ressources génétiques pour les éleveurs de ruminants, celle-ci est aujourd'hui assurée dans le cadre du service universel de distribution et de mise en place de la semence des ruminants en monte publique, créé à l'article L. 653-5 du code rural et de la pêche maritime. Le rôle de ce service universel pourrait être amené à évoluer dans le cadre de la refonte plus globale du secteur de la génétique en élevage, ce qui nécessitera une modification des dispositions actuellement en vigueur.

S'agissant de la préservation de la biodiversité, la France a pris plusieurs engagements internationaux pour, d'une part, garantir une préservation de sa biodiversité, en termes de races et d'espèces et, d'autre part, communiquer les données relatives à ces espèces dans le but d'alimenter une base de données répertoriant les données zootechniques et génétiques des différentes races et lignées de toutes les espèces d'animaux domestiqués constituant le patrimoine national, ce qui n'est pas limité aux espèces couvertes par le règlement.

En particulier, la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB) ratifiée par la France le 1er juillet 1994, et qui a pour objectif principal la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, dont les ressources zoogénétiques pour l'agriculture et l'alimentation, impose aux Etats signataires d'identifier, de surveiller puis de « conserver et structurer à l'aide d'un système » les données relatives aux éléments constitutifs de la diversité biologique de leur territoire, en mobilisant les financements pertinents.

Par ailleurs, le Plan d'action mondial pour les ressources zoogénétiques et la Déclaration d'Interlaken, adoptés par la France en septembre 2007, à l'occasion de la Conférence technique internationale sur les ressources zoogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, qui fait de la caractérisation, l'inventaire et la surveillance des ressources zoogénétiques une de ses priorités, prévoit un rapportage périodique de données dans une base mondiale par les Etats signataires.

Enfin, l'Assemblée Générale de l'ONU a adopté 17 objectifs de développement durable (ODD) pour la période 2015-2030, feuille de route commune de la transition vers un développement durable. L'un des indicateurs retenus par la France pour le suivi national de ses progrès dans l'atteinte des ODD concerne le classement des races locales d'animaux domestiqués vis-à-vis de leur risque d'extinction.

Afin de garantir la préservation de la biodiversité, la connaissance et la maîtrise des ressources zoogénétiques en France, et également de réunir les données nécessaires au contrôle des opérateurs intervenant dans le secteur de la génétique animale, il convient de rendre obligatoire l'apport de données par les organismes et établissements de sélection et certains opérateurs, ce qui nécessite une disposition de nature législative.

Le dispositif pourra être étendu, dans cet objectif de maîtrise des données et de préservation de la biodiversité nationale, à d'autres espèces animales que celles couvertes par le RZUE et notamment aux abeilles. Les adaptations nécessaires pourront être prises, en fonction des espèces, car les dispositions régissant la sélection animale, telles qu'issues du règlement, pour les ruminants, les porcins ou les équidés, ne sont pas adaptées à d'autres espèces comme les espèces cunicole, avicoles, aquacoles ou apicole, qui sont structurées différemment et peuvent présenter des enjeux différents, sur les plans de l'économie et de la biodiversité. Seules des dispositions de nature législative peuvent prévoir des obligations d'apport de données, de déclaration, ou restreindre les modalités d'exercice d'une activité (CC, n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, cons. 88 a 91).

L'ordonnance prévoira notamment des conditions particulières d'emploi de certains animaux dans le cadre de l'activité de monte publique. La mise en oeuvre du règlement zootechnique européen impose aux Etats membres de prévoir les dispositions nationales permettant d'assurer un contrôle effectif de sa mise en oeuvre. Les dispositions actuelles du code rural et de la pêche maritime comportent des lacunes relatives au pouvoir de contrôle des agents en charge du contrôle, et aux sanctions de nature pénale et administratives pouvant être prises en cas de constat de manquement à la réglementation par les opérateurs. Ces dispositions relèvent toutes du domaine législatif. En l'absence de mise en oeuvre, par les Etats membres, de contrôles efficaces et de sanction dissuasives, le règlement prévoit, à son article 52, un mécanisme de sanction des Etats membres, pouvant aller jusqu'à l'interdiction des échanges. La Commission européenne a prévu d'auditer prochainement les Etats membres afin de s'assurer de la mise en oeuvre effective des dispositions du règlement.

S'agissant de l'application du dispositif outre-mer, celui-ci sera applicable de plein droit en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte, sans qu'il soit nécessaire de modifier les dispositions législatives actuelles. Ces dernières excluent déjà, par ailleurs, l'application des dispositions du Titre V du Livre VI à Saint-Barthélemy, qui s'appliquent en revanche à Saint-Martin, région ultra périphérique de l'Union européenne entrant dans le champ d'application du RZUE. Les dispositions régissant la reproduction et la génétique animale ne sont d'ores et déjà pas applicables à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française ou en Nouvelle-Calédonie. Des dispositions seront en revanche nécessaires pour maintenir Saint-Pierre-et-Miquelon en dehors du champ du RZUE, qui ne lui est pas applicable en sa qualité de pays et territoire d'outre-mer, et d'y maintenir une application du code rural et de la pêche maritime dans sa version actuelle.

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'encadrement des activités des différents opérateurs de la génétique et de la reproduction animales, et le recueil de données zootechniques, y compris génétiques, et de ressources zoogénétiques constituant le patrimoine génétique des espèces domestiquées françaises, sont nécessaires pour maintenir la compétitivité de la filière génétique animale française, permettre le suivi de l'évolution des ressources disponibles, et assurer leur préservation, dans un contexte de libéralisation du secteur.

Les modifications apportées au code rural et de la pêche maritime, notamment pour l'adapter à la réglementation européenne, qui libéralise le secteur de la sélection animale et parachève le marché unique dans ce domaine, permettront en outre aux filières d'élevage françaises, prises dans leur diversité, de bénéficier d'un secteur de la sélection animale capable de s'adapter à ces nouveaux enjeux économiques et de mieux répondre aux défis liés à la préservation du patrimoine génétique des animaux d'élevage.

3. DISPOSITIF RETENU

Le règlement zootechnique européen laisse peu de marge de manoeuvre aux Etats membres s'agissant des modalités d'agrément des organismes et établissements de sélection ou d'approbation des programmes de sélection, et impose donc une refonte des dispositions du code rural et de la pêche maritime pour ces activités.

Le projet de loi habilite le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du Livre VI du code rural et de la pêche maritime (CRPM) relatives à la génétique animale, principalement afin de tirer les conséquences de l'entrée en vigueur de ce règlement, qui libéralise le secteur de la génétique animale.

L'ordonnance prise sur son fondement permettra en premier lieu d'apporter aux dispositions du code rural et de la pêche maritime les adaptations rendues nécessaires par le règlement, notamment en abrogeant les dispositions contraires au règlement, ou rendues obsolètes par son entrée en application.

L'ordonnance prévoira également, ainsi que le permet le règlement, l'agrément des organismes auxquels peuvent être déléguées des activités de contrôle de performance, l'approbation obligatoire de certains programmes de sélection et les modalités selon lesquelles l'État peut réaliser un programme de sélection avec des reproducteurs de race pure.

En deuxième lieu, l'ordonnance adaptera les règles applicables à la reproduction, à l'amélioration et à la préservation des ressources génétiques animale, et au contrôle et à l'enregistrement des performances, notamment dans l'objectif de renforcer la compétitivité des entreprises de sélection, de préserver la diversité génétique et l'accès des éleveurs à des ressources génétiques de qualité.

A cette fin, elle précisera notamment les missions des organismes et établissements de sélection, les modalités d'approbation des programmes de sélection, le rôle des établissements de l'élevage et des organismes publics intervenant dans les domaines de la sélection et de la reproduction animales. Elle révisera les dispositions régissant l'organisation interprofessionnelle intervenant dans ce secteur, notamment du point de vue de ses missions, pour les mettre en cohérence tant avec les dispositions du RZUE qu'avec celles du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés agricoles. Elle encadrera les activités de monte publique, pour permettre la prise en compte des enjeux sociétaux de cette activité économique. Elle permettra de préciser les conditions selon lesquelles certains animaux reproducteurs ou leurs produits germinaux peuvent être utilisés dans ce cadre. Elle rénovera, en tant que de besoin, le dispositif de service universel qui permet l'accès des éleveurs à des ressources génétiques de qualité, sur l'ensemble du territoire national.

En troisième lieu, elle organisera les modalités selon lesquelles sont obtenues et conservées les données zootechniques et les ressources zoogénétiques nationales. En particulier, une base de données zootechnique étendue à l'ensemble des espèces animales domestiquées sera mise en place avec pour double l'objectif de doter l'État de moyens de contrôle des opérateurs de sélection animale, conformément au règlement zootechnique européen et d'assurer le suivi des ressources génétiques. Ces dispositions seront prises conformément aux engagements de l'État à préserver la biodiversité des animaux d'élevage dans le « Plan biodiversité » du 4 juillet 2018 et dans le cadre d'accords internationaux conclus en matière de préservation de la diversité biologique.

En quatrième lieu, l'ordonnance étendra ou adaptera les dispositions relatives à la reproduction, à l'amélioration et à la préservation des ressources génétiques animales pour les espèces qui présentent des enjeux importants en matière de diversité, comme c'est le cas, notamment, de l'espèce apicole.

Elle procédera en cinquième lieu à une adaptation des dispositions du chapitre III du titre V du livre VI de ce code, afin notamment d'assurer le contrôle de l'activité des organismes et établissements de sélection, conformément aux dispositions du règlement, et de désigner les autorités compétentes pour assurer ces missions, qui pourront être déléguées. Les agents chargés du contrôle seront dotés des pouvoirs de polices administrative et judiciaire qui en garantiront l'effectivité. L'ordonnance définira les mesures administratives ou pénales qui pourront être prises dans ce cadre.

En sixième lieu, elle précisera l'application des dispositions législatives modifiées pour les territoires outre-mer, où les problématiques liées à l'élevage, souvent peu développé ou peu structuré, sont très différentes de celles rencontrées en métropole.

Enfin, et en dernier lieu, l'ordonnance procédera à une réorganisation, et à une mise en cohérence des dispositions du chapitre III du titre V du livre VI du code rural et de la pêche maritime et de l'ensemble des dispositions de ce code, compte-tenu des modifications qui lui seront apportées conformément à l'habilitation donnée au Gouvernement.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

L'analyse précise des incidences de chacune des mesures envisagées sera effectuée dans la fiche d'impact de l'ordonnance prise dans le cadre de l'habilitation.

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Le délai de six mois est nécessaire pour préparer le projet d'ordonnance dont l'entrée en vigueur doit intervenir rapidement après le vote définitif du présent projet de loi et permettre la concertation nécessaire à la préparation des textes d'application.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard trois mois après la publication de l'ordonnance.

Article 19 - Législation sur la santé animale : règlement (UE) 2016/429 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016

1. ÉTAT DES LIEUX

Le livre II du code rural et de la pêche maritime regroupe l'ensemble des règles relatives à l'identification et la traçabilité des animaux et de leurs mouvements nationaux et internationaux, ainsi qu'à la prévention, la surveillance et la lutte contre les dangers sanitaires et l'exercice de la profession vétérinaire. Le livre II précise le rôle de l'Etat dans la lutte contre les dangers sanitaires de première catégorie (impact sur la santé humaine ou fort impact économique) et la responsabilité des autres acteurs que l'Etat tels que les détenteurs d'animaux, les vétérinaires et tous les acteurs de la santé publique vétérinaire. Le titre Ier du livre V du code rural et de la pêche maritime concerne le réseau des chambres d'agriculture. Les chambres d'agriculture jouent un rôle important dans l'identification et la traçabilité des animaux, notamment via les Etablissements d'élevage dont elles ont la responsabilité. L'Assemblée permanente des chambres d'agriculture anime le réseau des chambres et est un acteur indispensable du suivi des animaux, ainsi que de la prévention et de la gestion des maladies animales

Ce livre II transpose la législation de l'Union européenne (UE) relative à la santé animale, qui établit des règles zoosanitaires applicables aux échanges intra-UE, à l'entrée dans l'Union d'animaux et de produits, à l'éradication des maladies, aux contrôles vétérinaires, à la notification des maladies et aux aides financières concernant les différentes espèces animales.

Cette législation, l'une des premières réglementations communes à l'ensemble des Etats membres, a été établie dans le but de permettre les échanges de produits agricoles dans l'Union, à l'import comme à l'export. Elle a fortement évolué du fait de la modification des pratiques, du développement des menaces sanitaires et de leurs impacts croissants pour l'économie agricole et agroalimentaire mais également pour la santé publique.

En termes de santé publique, plus de 70% des maladies animales peuvent ainsi être transmises à l'homme, avec des conséquences variables et des coûts importants. C'est ainsi que les salmonelloses représentent un coût pour la collectivité de plus de 132 millions d'euros dans l'Union Européenne, dont 7 millions en France.

Les crises sanitaires ont un coût important pour l'Etat à travers la lutte contre les maladies animales et les indemnisations. Elles ont également un coût considérable pour les éleveurs avec des pertes économiques dues à la mortalité ou à la morbidité de leur cheptel ainsi que la perte de marchés internationaux Les crises d'influenza aviaire de 2016 et 2017 ou encore, à l'étranger, la crise relative à la peste porcine africaine qui affecte actuellement la Chine et qui a engendré une augmentation de 50% du cours du porc entre octobre 2018 et octobre 2019, ainsi qu'une multiplication par cinq des importations, illustrent également les conséquences économiques des crises sanitaires.

Par ailleurs, les effets conjoints du changement climatique et de la mondialisation des échanges commerciaux et des flux ont modifié et augmenté les facteurs de risque. La succession des crises, la nécessité de s'adapter aux nouveaux défis et les avancées constatées en matière de santé animale ont rendu nécessaire une refonte du dispositif actuel de protection de la santé des animaux.

La réglementation de l'UE relative à la santé des animaux a pour objectif de garantir un niveau élevé de protection sanitaire du territoire, ce qui permet d'augmenter la sécurité alimentaire et le niveau de protection de la santé publique, tout en favorisant le bon fonctionnement du marché intérieur.

Le règlement (UE) 2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale, dit « législation sur la santé animale », qui est adopté sur le fondement des articles 114 et 168 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), institue des principes harmonisés pour l'ensemble du secteur, en abrogeant, notamment, 39 directives et règlements existants 39 ( * ) , et sera applicable à compter du 21 avril 2021.

Ce règlement, ainsi que ses actes délégués ou d'exécution, accorde une importance particulière à la prévention, et traduit la priorisation des interventions et des moyens ainsi que l'harmonisation des règles existantes.

Dans ce cadre, il permet de renforcer les normes existantes et de promouvoir un système commun européen qui améliore la prévention, la détection et la lutte contre les maladies animales selon le principe « mieux vaut prévenir que guérir ». Il a ainsi été évalué lors des États généraux du sanitaire en 2011 qu'un euro dépensé pour la prévention permet d'économiser 5 à 6 euros dans la lutte contre les maladies.

Ces nouvelles règles visent également à coordonner le traitement des risques liés à ces maladies au sein de l'UE. A cet effet, les règles relatives aux échanges intracommunautaires et aux importations sont modifiées et combinées à des normes plus performantes en matière d'identification et d'enregistrement des animaux afin de renforcer leur traçabilité.

Leur objectif est de renforcer les exigences en matière d'importation dans l'Union européenne pour minimiser la menace d'une introduction de graves maladies animales, et à assurer une meilleure fluidité du marché intérieur des animaux et des produits animaux, en tenant compte du niveau de risques. La Commission européenne constate en effet que les règles actuelles ont un impact fort sur l'économie de l'élevage.

Les productions animales en France représentent 24,7 milliards d'euros, en valeur hors subvention, avec 172 000 exploitations à spécialisation animale. En 2016, les industries agroalimentaires tous secteurs confondus employaient 554 000 salariés, chiffre en croissance pour la deuxième année consécutive. Dans l'Union européenne, en nombre d'entreprises, la France se situe au deuxième rang derrière l'Italie et en nombre de salariés et de chiffre d'affaires, au deuxième rang derrière l'Allemagne.

Fin 2018, l'effectif total du cheptel bovin dans l'Union européenne s'établit à 87,5 millions de têtes, la France constituant le premier cheptel bovin de l'UE. Les échanges intracommunautaires de bovins représentent plus de 13 milliards d'euros, dont 1 27 milliards pour la France. Ainsi, la France est fortement dépendante des échanges : elle exporte vers l'UE 1,4 million de bovins par an sur un cheptel de 18 millions de bovins, dont 60% partent vers l'Italie. Pour autant, la balance commerciale de la filière bovine (animaux et viandes) est déficitaire, atteignant 192,8 millions d'euros.

Pour ce qui est de la filière porcine, le solde commercial français en viande de porc est également déficitaire (185 millions d'euros), déficit qui s'amenuise grâce à la crise relative à la peste porcine africaine en Chine, laquelle bénéficie grandement au secteur porcin français.

L'excédent commercial de la filière volaille française était établi en 2012 à 172 millions d'euros avec une courbe descendante puisqu'en 10 ans, cet excédent a chuté de 70 % en volume et de 73 % en valeur. Il reste pourtant positif grâce à un excédent avec les pays tiers qui compense le déficit vis-à-vis des pays de l'UE, cette situation résulte à la fois d'un repli des expéditions vers l'UE au cours des dix dernières années et d'un retour à la croissance des exportations vers les pays tiers après la crise de l'influenza aviaire en 2006.

La nouvelle législation européenne modifie également l'ensemble des modalités de compensation financière pour l'indemnisation des dommages causés par les maladies animales, qui représentent des enjeux financiers importants (la crise relative à l'Influenza aviaire en 2015-2016 a engendré un coût de plus de 400 Millions d'euros), afin notamment d'assurer un meilleur équilibre entre financement public et privé.

Enfin, le règlement (UE) 2016/429 crée ou renforce de nombreuses obligations pour les Etats membres, notamment en matière d'identification et traçabilité des animaux.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'entrée en application du règlement (UE) 2016/429 précité et de ses actes délégués et d'exécution, qui interviendra le 21 avril 2021, nécessite d'adapter les dispositions législatives du code rural et de la pêche maritime afin de supprimer les dispositions devenues obsolètes ou contraires au nouveau cadre européen, et de prévoir les dispositions qui sont rendues nécessaires par celui-ci.

Une grande partie des actes délégués et d'exécution étant toujours cours de négociation au niveau européen, il n'est pas possible d'identifier la totalité des évolutions qui seront rendues nécessaires par l'évolution du cadre juridique européen, rendant ainsi délicate toute anticipation exhaustive en vue de leur traduction en droit interne. Toutefois, les principales modifications concerneront :

- La catégorisation des dangers sanitaires (L. 201-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime) ;

- Les conditions d'indemnisation des animaux abattus sur l'ordre de l'administration (L. 221-1 et L.221-2 du code rural et de la pêche maritime) ;

- L'identification et la traçabilité des animaux (L. 211-1 à L. 213-9 du code rural et de la pêche maritime) ;

- La mise en place de la surveillance, de programmes d'éradication, mesures de contrôle et de mouvement (L. 201- 3 à L. 201-14 et L. 221-1 à L. 223-8 du code rural et de la pêche maritime) ;

- Les obligations des opérateurs sur les mesures de détention et de déclaration (notamment règles d'importation et d'exportation (L. 236-1 à L. 236-11, Livre V, titre I et autres divers dispositions législatives du Livre II du code rural et de la pêche maritime).

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif de la mesure envisagée est d'assurer la conformité et la cohérence du droit français avec la législation européenne sur la santé animale et notamment avec le règlement (UE) 2016/429 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 précité et des actes secondaires pris pour son application.

Il s'agit de s'assurer du respect des règles générales et particulières pour la prévention, de surveillance et la lutte contre les maladies animales transmissibles fixé par ce règlement et de la stratégie harmonisée en matière de santé animale qu'il instaure dans l'ensemble de l'Union. Ainsi, elle vise à garantir un niveau élevé de protection sanitaire du territoire français et de l'Union Européenne tout en favorisant le bon fonctionnement du marché intérieur.

3. DISPOSITIF RETENU

La mesure envisagée sollicite l'habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois, des dispositions législatives afin d'adapter ou de modifier le livre II et le titre Ier du livre V du code rural et de la pêche maritime afin de permettre l'entrée en application du règlement (UE) 2016/429 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale (« législation sur la santé animale »), ainsi que des actes délégués et d'exécution qu'il prévoit et d'assurer la cohérence des dispositions législatives ainsi que de corriger les erreurs rédactionnelles et abroger les dispositions devenues sans objet.

Le caractère technique et la volumétrie des dispositions qui devront être introduites ou modifiées, ainsi que les conditions dans lesquelles sont élaborés les actes européens dont il s'agit d'assurer l'application, certains d'entre eux étant toujours en discussion, justifient le recours à une habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

L'analyse précise des incidences des dispositions envisagées sera effectuée dans la fiche d'impact de l'ordonnance prise dans le cadre de l'habilitation.

Toutefois, il peut d'ores et déjà être fait état que le livre II et le titre Ier du livre V du code rural et de la pêche maritime devraient être modifiés. Les modifications apportées devraient en outre être conformes avec la législation européenne sur la santé animale et notamment avec le règlement (UE) 2016/429 précité et avec les actes secondaires adoptés durant la durée de l'habilitation.

De plus, elles devraient par exemple avoir des effets positifs en matière d'identification et traçabilité des animaux, de gestion des menaces d'une introduction de graves maladies animales ayant des conséquences sur la santé humaine ou des impacts économiques majeurs pour l'élevage français, Elles auront également un impact conséquent sur la fluidité du marché intérieur des animaux et des produits animaux. Elles nécessiteront aussi de modifier la responsabilité des différents acteurs du sanitaire français (Etats, organisations professionnelles, détenteurs...) pour une meilleure répartition entre le secteur privé et public.

Avec l'entrée en application du règlement 2016/429, une dizaine de maladies, concernant plusieurs espèces du cheptel français, jusque-là non réglementées en France devront faire l'objet de mesures de surveillance pouvant aller jusqu'à l'élimination immédiate des animaux en cas d'introduction sur le territoire national. De même, les obligations faites aux Etats membres et aux opérateurs sur la traçabilité des animaux et de leurs mouvements au sein de l'UE sont renforcées et nécessitent des adaptations législatives pour permettre d'améliorer suffisamment le système français pour remplir cette obligation. A l'inverse, certaines maladies sont déclassées simplifiant les mesures de gestion et d'échanges intra-UE ou susceptibles, en cas de reconnaissance de plan d'éradication, d'une reprise des échanges intra-UE.

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Un délai d'habilitation de douze mois est nécessaire compte tenu de caractère technique et la volumétrie des dispositions qui devront être modifiées ou adaptées afin d'assurer la conformité avec la législation européenne sur la santé animale et permettra de prendre en compte les évolutions induites par les actes délégués et d'exécution du règlement qui sont en cours de négociation.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard trois mois après la publication de l'ordonnance.

Article 20 - Stocks pétroliers

1. ÉTAT DES LIEUX

L'importance du pétrole dans l'économie des pays industrialisés les a conduits à mettre en place un système de réserve appelé « stocks stratégiques ». A court terme, la sécurité d'approvisionnement correspond à la capacité à faire face à une interruption temporaire de l'approvisionnement en produits pétroliers, dont la cause peut être technique ou géopolitique. Ainsi, une directive de décembre 1968 40 ( * ) a d'abord défini les règles et modalités minimales applicables à chaque pays membre de l'Union Européenne. Puis, la plupart des pays développés se sont regroupés au sein de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), fondée en 1974.

L'adhésion à l'Agence internationale de l'énergie (AIE) comporte l'obligation pour chaque État membre de détenir en permanence un stock d'hydrocarbures de réserve.

La France a adhéré à l'Agence internationale de l'énergie (AIE) en 1992. Elle doit s'assurer de disposer en permanence de plus de 90 jours d'importations nettes de pétrole brut et de produits pétroliers, soit un volume de stocks stratégiques équivalent à un pourcentage des mises à la consommation de l'année civile précédente (29.5% depuis le 1er juillet 2012 dans le cadre de l'adoption par la France de la directive Européenne sur les stocks stratégiques).

Les stocks stratégiques pétroliers sont un instrument essentiel des pouvoirs publics pour assurer la sécurité des approvisionnements de la France et faire face à une rupture des approvisionnements en cas de crise pétrolière internationale, de tensions nationales voire locales. Ils peuvent être utilisés à l'initiative de l'Agence internationale de l'énergie après accord de l'ensemble des nations membres de l'agence ou à l'instigation des seuls pouvoirs publics français, en cas de dysfonctionnement exceptionnel des circuits d'approvisionnement pouvant entraîner une pénurie ou un risque de pénurie de produits pétroliers.

La directive européenne 2009/119/CE encadre l'organisation des stocks stratégiques au sein de l'Union Européenne. Elle impose aux États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers. La France détient ainsi près de 18 millions de m3 de stocks stratégiques répartis sur le territoire national dans plus de 100 dépôts pétroliers. Les stocks peuvent être des produits bruts (environ un tiers) ou raffinés (près de deux tiers).

La directive 2009/119/CE donne également la possibilité aux Etats membres de définir dans chaque pays une entité centrale de stockage (ECS). Une ECS est définie comme « l'organisme ou le service auquel des pouvoirs peuvent être conférés pour agir afin d'acquérir, de maintenir ou de vendre des stocks de pétrole, notamment des stocks de sécurité ou des stocks spécifiques ».

L'ECS a été identifiée comme la seule entité capable de gérer des stocks spécifiques.
Ces stocks correspondent au sens de la directive européenne à une partie des stocks stratégiques qu'un Etat peut, s'il le désire, choisir d'entretenir de façon particulière (notamment en étant le propriétaire direct) afin d'en assurer la parfaite disponibilité.

En France, le dispositif de gestion des stocks stratégiques pétroliers s'appuie depuis 1992, sur le Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers (CPSSP), qui reçoit les contributions financières des opérateurs pétroliers, et de la Société anonyme de gestion de stocks de sécurité (SAGESS), société de droit privé qui possède la plus grande partie des stocks stratégiques. La SAGESS est constituée par les opérateurs pétroliers bénéficiant du statut d'entrepositaire agréé et soumis à obligation de stocks stratégiques.

De plus, la société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS) a été désignée comme entité centrale de stockage pour la France au titre de la directive, en 2012.

Or, la France a privilégié l'organisation de la détention de stocks stratégiques à travers l'obligation qui est faite aux opérateurs pétroliers de détenir en stocks 29,5% de leur mise à la consommation, obligation à laquelle ils peuvent répondre en propre ou de façon mutualisée. L'Etat français n'a donc pas eu recourt aux stocks spécifiques, mais contrôle l'utilisation que peuvent faire les opérateurs pétroliers des stocks stratégiques. Le qualificatif d'ECS, attribué depuis 2012 à la société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS), et en particulier la possibilité de recours à des « stocks spécifiques » qu'elle ouvre n'est pas utilisé dans le dispositif de gestion des stocks stratégiques pétroliers français.

En ayant fait le choix de ne pas entretenir des stocks spécifiques, la France s'est engagée à adresser à l'UE un rapport annuel dans lequel sont décrites les mesures prises pour garantir la disponibilité des stocks stratégiques et s'engager à détenir au moins un tiers de ses stocks stratégiques sous forme de produits finis. La directive 2009/119/CE cadre cette obligation paragraphe 5 de son article 9 : « Les États membres qui n'ont pas pris l'engagement de maintenir, pour toute la durée d'une année civile donnée, au moins trente jours de stocks spécifiques veillent à ce qu'au moins un tiers de leur obligation de stockage soit maintenu sous la forme de produits dont la composition est conforme aux paragraphes 2 et 3. »

Les pouvoirs publics assurent la tutelle et le contrôle du système. La direction de l'énergie autorise notamment la mise en circulation des stocks.

Tout opérateur pétrolier est tenu, au titre de l'article L.642-2 du code de l'énergie, de constituer et conserver des stocks stratégiques pétroliers dont le volume est défini par voie réglementaire (art. D.1336-47 du code de la défense). L'article L.642-7 du code de l'énergie dispose que chaque opérateur s'acquitte de son obligation :

- pour une part, déterminée par voie réglementaire, directement ou sous sa responsabilité, par l'intermédiaire d'un autre opérateur agréé,

- pour l'autre part par l'intermédiaire du Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers (CPSSP).

Le CPSSP est un comité professionnel de développement économique qui a pour mission exclusive la constitution et la conservation de stocks de pétrole brut et de produits pétroliers pour le compte des opérateurs pétroliers selon leur taux de délégation. Il fait appel, pour la réalisation de son obligation :

- aux services de la Société anonyme de gestion de stocks de sécurité (SAGESS). Une convention, approuvée par le ministre chargé de l'énergie, lie les deux organismes ;

- aux mises à dispositions d'opérateurs pétroliers, régies par des contrats de droit privé.

Il reçoit des opérateurs soumis à l'obligation de constitution de stocks stratégiques une rémunération mensuelle pour le service qu'il leur rend. Cette rémunération, déterminée par son conseil d'administration, correspond, pour chaque opérateur redevable, aux coûts de constitution et de conservation pendant un an des stocks stratégiques, conformément à l'article L. 642-6 du code de l'énergie.

La SAGESS agit en tant que prestataire pour le CPSSP et, à ce titre, réalise des opérations d'achat ou de vente de produits et assure leur stockage par le biais de contrats d'entreposage établis auprès d'opérateurs disposant de capacités de stockage. Les stocks, qu'elle entretient, correspondent à la majeure partie de l'obligation que les opérateurs pétroliers ont transféré au CPSSP. Ils sont constitués de produits finis, de pétrole brut ou de produits intermédiaires de raffinage.

Les volumes de produits réalisés par la SAGESS sont définis en qualité et en quantité avec le CPSSP et les acquisitions de produits pétroliers par la SAGESS ou les contrats d'entreposage assurant leur stockage s'effectuent par appels d'offres.

La convention de mandat entre la SAGESS et le CPSSP, approuvée par décret signé par le Premier ministre, permet la couverture de l'intégralité des coûts (couts opérationnels, financiers et exceptionnels) de la SAGESS. Par conséquence, elle est protégée contre le risque de perte au cas où ses stocks de produits pétroliers viendraient à être cédés. Des dispositions fiscales sont en place pour encadrer et sécuriser ce dispositif. Les besoins de financement sont quasiment intégralement couverts par emprunts sur le marché financier.

Les stocks de la SAGESS représentent en 2019 près de 17 millions de m 3 . Ils sont composés pour plus de deux tiers de produits raffinés et représentent près des deux tiers de tous les stocks existant en France. Ils sont entreposés sur près de 90 sites, grâce à plus de 300 contrats d'entreposage.

La décision d'allocation des stocks de la SAGESS est du ressort de la direction générale de l'énergie et du climat au ministère de la Transition écologique et solidaire. L'Etat enjoint la SAGESS en cas de risque de pénurie pour les consommateurs, de mettre temporairement à la disposition des opérateurs désignés, un certain volume d'une qualité de produit donné, et en lieux définis.

Les cessions administratives se font sur injonction de l'Etat au profit des opérateurs privés actionnaires.

La SAGESS ne dégage théoriquement pas de résultats, sauf les années où elle vend une partie des stocks stratégiques qu'elle possède. Elle bénéficie d'un système fiscal adapté au travers de l'exemption d'impôt sur les sociétés. Un article dédié à la SAGESS figure dans le Code général des impôts (1655 quater) : il l'exonère d'impôt sur les sociétés sous certaines conditions d'autorisation des ventes par l'administration ou le CPSSP, garantit la SAGESS contre tout risque de perte dans un tel cas de cession, et conditionne la cession des titres SAGESS à une autorisation ministérielle. Des dispositions particulières sont également prévues pour la TVA.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'impact de la désignation de la SAGESS comme ECS n'avait pas été pleinement mesuré en 2012, lorsque la transposition de la directive avait été achevée. En effet, la directive 2009/119/CE du Conseil du 14 septembre 2009 faisant obligation aux États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers précise qu'une ECS est nécessairement une entité à but non lucratif, agissant dans l'intérêt général, à laquelle l'Etat peut imposer un contrôle et des obligations. « Lorsqu'un État membre établit une ECS, celle-ci a la forme d'un organisme ou d'un service sans but lucratif agissant dans l'intérêt général et n'est pas considérée comme un opérateur économique au sens de la présente directive » (Article 7 de la directive 2009/119/CE)

La désignation de la SAGESS, société anonyme de droit privé, comme une ECS par les autorités françaises est donc non-conforme à la directive européenne. Le droit actuel ne respecte pas ainsi une condition nécessaire à respecter pour l'ECS.

Pour assurer la conformité du cadre juridique national avec la directive 2009/119/CE du Conseil du 14 septembre 2009 faisant obligation aux États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers, il est nécessaire de modifier les dispositions législatives du code de l'énergie s'y référant.

De plus, la rédaction du 2 ème alinéa de l'article L. 642-6 du code de l'énergie laisse entendre que la SAGESS devrait être l'unique entité sur laquelle le CPSSP s'appuie pour répondre à l'obligation que lui confient les opérateurs pétroliers, ce qui n'est pas le cas.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVI

L'objectif de la suppression du qualificatif d'ECS appliqué à la SAGESS vise à permettre la conformité du droit national avec le droit de l'Union européenne.

La deuxième disposition législative vise donc à clarifier la rédaction conformément au mode de fonctionnement actuel du dispositif de gestion des stocks stratégiques pétroliers, la SAGESS n'étant qu'un fournisseur du CPSSP parmi d'autres, comme tous les opérateurs économiques susceptibles de répondre à ses besoins. Le CPSSP est libre de choisir la façon dont il s'acquitte de sa mission.

3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Une option pourrait être de réviser l'obligation imposée aux opérateurs pétroliers, de sorte à ce qu'ils possèdent chacun en propre l'intégralité des stocks stratégiques correspondant à leur obligation. La SAGESS n'aurait alors plus lieu d'être et sa désignation en tant qu'ECS aurait moins d'impact sur la conformité avec la directive européenne 2009/119/CE.

Cette option ne semble toutefois pas adaptée : la disparition de la mutualisation des stocks stratégiques pétroliers au profit d'obligations individuelles gérées par les opérateurs serait une régression très importante par rapport au système actuel. Elle pourrait avoir des conséquences sur le prix du stockage, et donc contribuer à l'augmentation du prix des carburants à la pompe.

3.2. DISPOSITIF RETENU

L'option qui semble la plus pertinente et qui a été retenue consiste donc à :

- supprimer la notion d'ECS (en modifiant l'article L. 642-1-1 du code de l'énergie puis des dispositions réglementaires) pour redonner une sécurité juridique au dispositif s'avère aujourd'hui indispensable.

- supprimer le 2 ème alinéa de l'article L. 642-6 du code de l'énergie afin de tirer les conséquences de la suppression du statut d'ECS et de confirmer la possibilité pour le CPSSP de choisir librement la façon dont il s'acquitte de sa mission.

La mise en oeuvre opérationnelle des stocks stratégiques mutualisés au sein du CPSSP pourra ainsi être assurée par la SAGESS mais aussi par d'autres opérateurs économiques, comme cela est déjà le cas en pratique et comme le prévoit la partie réglementaire du code de l'énergie (R. 642-9).

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1 Impacts sur l'ordre juridique interne

Les mesures envisagées modifient les articles L. 642-1-1 et L. 642-6 du code de l'énergie.

4.1.2 Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Ces dispositions corrigent une erreur de transposition de la directive européenne 2009/119/CE. Elles assurent donc une meilleure sécurité juridique au dispositif français et la conformité du droit national avec la directive précitée.

Les modifications proposées n'ont pas d'impact sur les engagements de la France de détention de stocks stratégiques vis-à-vis de l'AIE.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

Les mesures proposées permettront à la France de continuer à respecter son obligation européenne et ses engagements internationaux de détention de stocks stratégiques pétroliers. Elles permettront de maintenir durablement le dispositif de stocks stratégiques pétroliers français caractérisé par une disponibilité des produits pétroliers répartis dans toute la France, au plus près des besoins des consommateurs.

4.2.1 Impacts sur les entreprises

Les dispositions envisagées permettront aux opérateurs pétroliers de continuer à bénéficier d'un dispositif de mutualisation de leur obligation.

4.2.2 Impacts sur les particuliers

Préserver le système des stocks stratégiques pétroliers dans sa forme actuelle permet de maintenir un niveau de stocks stratégiques satisfaisant les obligations européennes et internationales pour un coût minimal, le coût étant systématiquement répercuté in fine dans le prix à la pompe.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Les évolutions législatives ont fait l'objet de discussion avec les comités et sociétés concernées (CPSSP, SAGESS).

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1 Application dans le temps

La disposition envisagée entre en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal Officiel .

5.2.2 Application dans l'espace

Les présentes dispositions s'appliquent en France Métropolitaine et dans les DOM-TOM.

5.2.3 Textes d'application

Les mesures envisagées nécessiteront un décret en Conseil d'Etat afin de modifier l'article R. 642-9 du code de l'énergie.

CHAPITRE VII - DISPOSITIONS RELATIVES À LA PRÉVENTION DE L'UTILISATION DU SYSTÈME FINANCIER AUX FINS DU BLANCHIMENT DE CAPITAUX OU DE FINANCEMENT DU TERRORISME

Article 21 - Dispositions visant à transposer la directive (UE) 2019/1153 du 20 juin 2019 fixant les règles facilitant l'utilisation d'informations financières et d'une autre nature aux fins de la prévention ou de la détection de certaines infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Dans sa communication du 2 février 2016 sur un plan d'action destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme, la Commission s'était engagée à étudier la possibilité de mettre en place un instrument juridique autonome permettant d'élargir l'accès aux registres centralisés des comptes bancaires et des comptes de paiement par les autorités des États membres. De plus, ce plan d'action préconisait d'inventorier les obstacles à l'accès aux informations et à l'échange et à l'utilisation de ces informations, ainsi qu'à la coopération opérationnelle entre les cellules de renseignement financier (CRF).

Pour satisfaire ces objectifs, la directive UE 2019/1153 du Parlement et du Conseil du 29 juin 2019 :

- établit des règles accordant un accès direct aux informations conservées dans les registres centralisés des comptes bancaires aux autorités désignées des États membres chargées de la prévention ou de la détection d'infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière ;

- établit des règles destinées à renforcer la capacité des CRF à partager les informations financières et les analyses financières avec les autorités compétentes désignées dans leur État membre pour toutes les infractions pénales graves

- établit un cadre juridique clairement défini permettant aux CRF de demander des données pertinentes conservées par les autorités compétentes désignées dans leur État membre, afin d'être en mesure de prévenir, de détecter et de combattre efficacement le blanchiment de capitaux, les infractions sous-jacentes associées et le financement du terrorisme.

- établit précisément le type d'informations pouvant être échangées entre les CRF, entre les CRF et les autorités compétentes désignées et entre les autorités compétentes désignées des différents États membres, ainsi que leur portée

- prévoit des garanties et des conditions spécifiques et supplémentaires pour assurer la protection des données à caractère personnel en ce qui concerne les mécanismes de traitement des données sensibles et les registres des demandes d'informations.

1.2. CADRE CONVENTIONNEL

La directive (UE) 2019/1153 vient compléter le cadre juridique constitué, au niveau européen, par la directive (UE) 2015/849 modifiée par la directive 2018/843, dite cinquième directive anti-blanchiment. Cette dernière a en effet imposé aux États membres de mettre en place des registres centralisés des comptes bancaires ou des systèmes de recherche de données permettant d'identifier en temps utile les personnes qui détiennent des comptes bancaires et des comptes de paiement et des coffres-forts. Elle prévoyait par ailleurs que les informations conservées dans les registres centralisés des comptes bancaires devaient être directement accessibles aux cellules de renseignement financier (CRF) comme aux autorités nationales chargées de la prévention du blanchiment de capitaux, de ses infractions sous-jacentes associées et du financement du terrorisme. Elle a enfin sensiblement renforcé le cadre juridique de l'Union régissant l'activité et la coopération des CRF, y compris l'évaluation par la Commission de la possibilité de créer un mécanisme de coordination et de soutien

La directive 2019/1153 est sans préjudice :

a) des dispositions de la directive (UE) 2018/843 modifiant la directive (UE) 2015/849, pour laquelle l'article 203 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises a habilité le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de 18 mois, toute mesure relevant du domaine de la loi.

b) des canaux pour l'échange d'informations entre les autorités compétentes ou du pouvoir des autorités compétentes, en vertu du droit de l'Union ou du droit national, d'obtenir des informations auprès d'entités assujetties;

c) du règlement (UE) 2016/794;

d) des obligations découlant des instruments de l'Union relatifs à l'entraide judiciaire ou à la reconnaissance mutuelle des décisions en matière pénale et de la décision-cadre 2006/960/JAI.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Des modifications législatives sont nécessaires pour renforcer la coopération entre la cellule de renseignement financier (CRF) et les services répressifs français d'une part (article 7 de la directive) et la CRF nationale (TRACFIN) et EUROPOL (article 12) d'autre part. La directive prévoit en effet que ces derniers puissent adresser des demandes d'informations financières à la CRF. Cet échange d'informations sur demande n'est pas prévu dans les dispositions actuelles du code monétaire et financier (chapitre I du Titre VI du Livre V) qui organisent le dispositif français de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ainsi que les missions, prérogatives et le fonctionnement de TRACFIN. Ainsi, la création de nouvelles dispositions au code monétaire et financier autorisera TRACFIN à transmettre des informations de nature financière à la demande de ces autorités. Seront également précisées les conditions d'utilisation de ces informations par celles-ci.

Des modifications législatives seront également requises pour transposer l'obligation de faciliter l'accès aux informations de nature répressive à la CRF. Une disposition sera également intégrée pour permettre à la CRF de demander ces informations à l'autorité judiciaire.

S'agissant des dispositions de la directive relatives à la coopération entre CRF, à l'accès au registre des comptes bancaires et au traitement des données à caractère personnel, le droit national est a priori déjà conforme.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objet de la mesure envisagée est d'assurer la cohérence du droit français avec le droit de l'Union européenne en transposant la directive susmentionnée notamment en matière de d'obligation de faciliter l'accès aux informations de nature répressive à la CRF.

3. DISPOSITIF RETENU

La mesure envisagée vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin de transposer la directive 2019/1153 fixant les règles facilitant l'utilisation d'informations financières et d'une autre nature aux fins de la prévention ou de la détection de certaines infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière pour laquelle la date limite de transposition est fixée au 1er août 2021.

La transposition de la directive précitée nécessite notamment de créer des dispositions législatives dans le code monétaire et financier ou de modifier des dispositions législatives existantes du même code.

Les délais contraints dans lesquels doivent avoir été adoptées les dispositions de niveau législatif nécessaires à la transposition de cette directive, ainsi que la marge de manoeuvre limitée laissée aux États membres dans cet exercice de transposition justifient le recours à une ordonnance.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

L'analyse précise des conséquences attendues de la mesure sera effectuée dans la fiche d'impact exposant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation.

Néanmoins, il peut cependant être d'ores et déjà indiqué que les dispositions envisagées devraient modifier le code monétaire et financier. En effet, il s'agit de créer en droit interne la possibilité pour les services répressifs français et pour EUROPOL, par l'intermédiaire de l'unité nationale EUROPOL, d'interroger le service mentionné à l'article L. 561-23 du code monétaire et financier. Des dispositions seront intégrées pour autoriser les échanges d'informations et en prévoir les conditions d'application ainsi que l'utilisation de telles informations. Réciproquement, la directive prévoit que la cellule de renseignement financier puisse demander aux services répressifs français des informations nécessaires pour prévenir et combattre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et les infractions sous-jacentes associées.

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Le délai d'habilitation de douze mois est justifié par la nécessité de conduire une coordination interministérielle importante. En effet, les dispositions à intégrer en droit interne relèvent de la compétence des ministères économiques et financiers, du ministère de l'intérieur, du ministère de la justice.

La date limite de transposition de la directive 2019/1153 est fixée au 1 er août 2021.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

CHAPITRE VII BIS - AUTRES DISPOSITIONS

Article 22 - Paquet médicaments : règlement (UE) 2019/4 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 / règlement (UE) 2019/5 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 / règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018

1. ÉTAT DES LIEUX

Le livre II du code rural et de la pêche maritime, le livre III de la première partie et les livres Ier et IV de la cinquième partie du code de la santé publique prévoient l'ensemble des règles relatives à la pharmacie et la médecine vétérinaire.

Le livre III de la première partie du code de la santé publique concerne la protection de la santé et de l'environnement et définit en particulier le rôle et de l'Agence Nationale du Médicament Vétérinaire placée au sein l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail dans l'évaluation et la mise sur le marché des médicaments vétérinaires. Les livres Ier et IV de la cinquième partie du même code sont relatifs respectivement aux produits pharmaceutiques, y compris les médicaments vétérinaires et les aliments médicamenteux, et aux sanctions pénales et financières associées.

Le livre II du code rural et de la pêche maritime précise le rôle de l'Etat dans la lutte contre les maladies animales et la sécurité alimentaire. A ce titre il comporte des dispositions notamment relatives à l'exercice vétérinaire, qui inclut la prescription de médicaments, et contrôle des résidus de médicaments dans les denrées alimentaires.

Cette réglementation nationale a été initialement édictée pour la transposition des directives 2001/82/CE 41 ( * ) pour le médicament vétérinaire et 90/167/CE 42 ( * ) pour l'aliment médicamenteux. Elle a fait l'objet de différents textes, notamment la loi n° 75-409 du 29 mai 1975 modifiant le livre V du code de la santé publique et relative à la pharmacie vétérinaire, l'ordonnance n° 2001-313 du 11 avril 2001 portant transposition de directives relatives aux médicaments vétérinaires, l'ordonnance n° 2001-378 du 2 mai 2001 portant transposition de directives relatives aux médicaments vétérinaires en ce qui concerne la délivrance au détail de certains médicaments vétérinaires antiparasitaires, et de textes de nature réglementaire.

Le cadre communautaire précité avait pour objet de permettre les échanges de produits agricoles au sein de l'Union, à l'import et à l'export, en garantissant des exigences de santé publique uniformes. Il a fortement évolué en raison du développement de la lutte contre l'antibiorésistance.

La refonte de la législation européenne intervenue avec les règlements n°2019/4, 2019/5 et 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 est motivée, selon la Commission européenne, par une transposition incorrecte des dispositions des directives précitées par les Etats membres de l'Union Européenne, du fait notamment de son élargissement à de nouveaux Etats membres. Selon l'étude d'impact de la Commission européenne, ce défaut de transposition a entraîné des différences dans les niveaux de protection de la santé publique et animale et a créé des entraves au bon fonctionnement du marché intérieur, auxquelles il convient de mettre fin.

Les nouveaux règlements entrent en application le 28 janvier 2022 et abrogent plusieurs directives relatives notamment aux médicaments vétérinaires et aux aliments médicamenteux.

Le « paquet » médicament vétérinaire (règlements (UE) n° 726/2004 et n°2019/4, 2019/5 et 2019/6) et le règlement 2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant législation de la santé animale, procèdent d'une approche globale des risques en élevage.

En effet, les médicaments vétérinaires concourent à la prévention (vaccination notamment) et à la lutte contre les maladies animales.

Le « paquet » médicament vétérinaire prévoit également la révision des modalités d'importation, notamment pour ce qui concerne les médicaments utilisés comme facteur de croissance en élevage, pour lutter contre les distorsions de concurrence.

Le règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 impose des conditions harmonisées d'échanges commerciaux au sein de l'Union européenne en vue de la création d'un marché européen ouvert du médicament vétérinaire. Cette nouvelle approche placera les firmes pharmaceutiques nationales (le marché national est évalué à 1 milliards d'euros) dans un nouvel environnement concurrentiel.

Le règlement (UE) 2019/4 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 concernant la fabrication, la mise sur le marché et l'utilisation d'aliments médicamenteux pour animaux modifie les règles applicables en matière d'aliments médicamenteux dans le but d'harmoniser leurs conditions de fabrication, de commercialisation et d'utilisation, ainsi que celles de produits intermédiaires, au sein de l'Union, en garantissant aux utilisateurs un haut niveau de sécurité, et en tenant compte des évolutions technologiques intervenues dans le domaine concerné.

La directive 2001/82 a certes conféré une certaine liberté aux États membres en ce qui concerne l'interprétation et l'application de ses dispositions, mais cette flexibilité a contribué à l'émergence de plusieurs difficultés.

L'Union européenne a fait le constat que l'option la plus pertinente était d'établir des règles précises et harmonisées. Le nouveau cadre juridique devrait avoir une incidence positive considérable sur la rentabilité et la croissance économique du secteur de la fabrication d'aliments médicamenteux, en tenant compte également des applications innovantes des médicaments vétérinaires. La santé publique et la santé des animaux devraient en bénéficier, tant dans les États membres qui appliquent actuellement des normes insuffisamment strictes que dans ceux qui, au contraire, appliquent des règles trop restrictives. Ces règlements, qui sont adoptés sur le fondement des articles 114 et 168 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), et qui entreront en application le 28 janvier 2022, visent donc à mettre en place un nouveau cadre réglementaire harmonisé et proportionné pour les médicaments vétérinaires. Celui-ci permettra de renforcer l'efficacité du secteur vétérinaire en général.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le règlement (UE) 2019/4 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 concernant la fabrication, la mise sur le marché et l'utilisation d'aliments médicamenteux pour animaux et le règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires abrogent deux directives transposées en majeure partie dans le droit national par voie législative au sein du code rural et de la pêche maritime et du code de la santé publique.

Les 29 actes délégués ou d'exécution sont toujours en cours de négociation au niveau européen, ce qui rend délicate l'identification et l'anticipation de toutes les évolutions qui seront rendu nécessaires en droit interne. Toutefois, les principales évolutions porteront sur :

- La définition de l'aliment médicamenteux ;

- La fabrication, la composition, la mise sur le marché, la vente notamment en ligne et l'utilisation des aliments médicamenteux et des médicaments vétérinaires ;

- Le rôle et les obligations des autorités compétentes intervenant sur la mise en oeuvre de la règlementation du médicament vétérinaire ;

- Les règles d'étiquetage ;

- La prescription et la conservation des aliments médicamenteux et des médicaments vétérinaires ;

- Les règles relatives aux échanges d'aliments médicamenteux et des médicaments vétérinaires à l'intérieur de l'Union, de manière à éviter les distorsions de concurrence ;

- Les obligations qui incombent aux différents opérateurs.

Les mesures concernant l'importation, la fabrication, la détention, la vente ou la cession à titre gratuit des médicaments vétérinaires destinés au diagnostic à la prévention et au traitement des maladies des animaux sont régies par les dispositions du titre IV du livre Ier de la partie V du code de la santé publique. Il conviendra ainsi de modifier ces dispositions. Il en va de même pour les sanctions pénales et financières qui sont en rapport avec les infractions à la réglementation relative au médicament vétérinaire et à l'aliment médicamenteux.

Certaines dispositions législatives du livre II de code rural et de la pêche maritime devront également être adaptées pour être mises en cohérence ou en conformité avec les dispositions des règlements précités.

Le caractère technique et la volumétrie des dispositions qui devront être introduites ou modifiées, ainsi que les conditions dans lesquelles sont élaborés les actes européens dont il s'agit d'assurer l'application, dont certains sont toujours en discussion, justifient la nécessité pour le Gouvernement de demander au Parlement l'autorisation de prendre, par ordonnances, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi, conformément à l'article 38 de la Constitution. Cette habilitation lui permettra ainsi de disposer d'un délai indispensable pour traiter de façon cohérente l'ensemble des dispositions.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif de la mesure envisagée est d'assurer la conformité et la cohérence du droit interne avec la législation européenne dans le domaine des médicaments vétérinaires et notamment de tirer les conséquences de l'entrée en application des trois règlements précités.

3. DISPOSITIF RETENU

La mesure envisagée habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois, des dispositions législatives afin d'apporter au livre III de la première partie et aux livres Ier et IV de la cinquième partie du code de la santé publique, ainsi qu'au livre II du code rural et de la pêche maritime les adaptations rendues nécessaires par l'entrée en application :

- du règlement (UE) 2019/4 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 concernant la fabrication, la mise sur le marché et l'utilisation d'aliments médicamenteux pour animaux, modifiant le règlement (CE) n 183/2005 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/167/CEE du Conseil,

- du règlement (UE) 2019/5 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 modifiant le règlement (CE) 726/2004 établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments, le règlement (CE) n°1901/2006 relatif aux médicaments à usage pédiatrique et la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain et

- du règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive 2001/82/CE, ainsi que des actes délégués et d'exécution qu'ils prévoient.

Il s'agira également de procéder aux modifications rendues nécessaires pour assurer la cohérence des dispositions législatives, de corriger les erreurs rédactionnelles et d'abroger les dispositions devenues sans objet .

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

L'analyse précise des incidences des dispositions envisagées sera effectuée dans la fiche d'impact de l'ordonnance prise dans le cadre de l'habilitation. Ces incidences devraient notamment concerner :

- les pratiques des Etats membres et des opérateurs économiques sur le marché intérieur ;

- la réglementation sur l'usage des aliments médicamenteux à destination des animaux non producteurs de denrées alimentaires.

- la disponibilité des médicaments vétérinaires, notamment pour les espèces ou indications mineures.

- les garanties en matière de sécurité sanitaire, de santé publique, de santé animale et notamment la lutte contre l'antibiorésistance ;

Toutefois, il peut d'ores et déjà être fait état que le livre III de la première partie et les livres Ier et IV de la cinquième partie du code de la santé publique, ainsi que le livre II du code rural et de la pêche maritime devront être modifiés.

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Le délai d'habilitation de dix-huit mois est nécessaire compte tenu de caractère technique et la volumétrie des dispositions qui devront être modifiées ou adaptées afin d'assurer la conformité avec la législation européenne dans le domaine des médicaments vétérinaires et permettra de prendre en compte les évolutions induites par les actes délégués et d'exécution du règlement qui sont en cours de négociation.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard trois mois après la publication de l'ordonnance.

Article 23 I - 1°- Habilitation Tunnel sous la Manche

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Le tunnel sous la Manche est une infrastructure concédée conjointement par la France et le Royaume-Uni depuis 1986. Les deux pays ont en effet signé le 12 février 1986 le Traité de Cantorbéry par lequel ils s'engagent à permettre la construction et l'exploitation par des sociétés privées concessionnaires d'une liaison fixe trans-Manche. Ils ont signé le 14 mars 1986 un contrat de concession quadripartite avec les deux sociétés concessionnaires du tunnel sous la Manche, ultérieurement regroupées au sein de la société Eurotunnel aujourd'hui membre du groupe Getlink.

Le Traité de Cantorbéry a instauré une Commission intergouvernementale, composée de membres des ministères concernés et représentant les gouvernements des deux Etats Concédants, chargée de la supervision de la construction et de l'exploitation du tunnel sous la Manche, notamment pour ce qui concerne les sujets de sécurité ferroviaire. Il a également instauré un Comité de sécurité chargé de conseiller et aider la Commission intergouvernementale sur toute question liée à la sécurité de la construction et de l'exploitation de la Liaison Fixe.

Le tunnel sous la Manche constitue un lien essentiel entre le Royaume-Uni et le continent européen. 140 milliards d'euros, soit 26% des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et le continent européen y transitent chaque année dont beaucoup d'entreprises ayant des besoins de « juste à temps » pour leurs chaînes d'approvisionnement. En effet, la traversée de la Manche sous le Tunnel s'effectue en 35 minutes seulement, contre plus de 2 heures pour les traversées maritimes les plus courtes, et ce par tous les temps. Il revêt une grande importance pour notre économie car il est utilisé par de nombreuses entreprises françaises et la France a un excédent commercial de 12 milliards d'euros avec le Royaume-Uni. En 2019, 2,6 millions de véhicules de tourisme ont utilisé le tunnel ainsi que 1,6 million de poids-lourds et plus de 2000 trains de marchandises. Plus de 11 millions de voyageurs ont utilisé les trains à grande vitesse Eurostar et un nombre presque équivalent a voyagé à bord des navettes passagers exploitées par Eurotunnel soit 22 millions de voyageurs au total.

Depuis l'ouverture du tunnel en 1994, ce sont plus de 200 millions de passagers qui ont traversé la Manche à bord des trains d'Eurostar et plus de 430 millions de passagers au total en y incluant les navettes passagers d'Eurotunnel.

Les importations des pays de l'Union en provenance du Royaume-Uni représentaient quant à elles de l'ordre de 54 milliards d'euros, soit 30% des exportations du pays. Le trafic a continué de s'accroître depuis 2016 malgré les incertitudes liées aux conditions de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Les enjeux de sécurité sont primordiaux pour cette infrastructure unique en Europe, constitué de deux tubes ferroviaires et d'un tube de service longs de plus de 50 kilomètres et accueillant un trafic dense avec en moyenne un train toutes les 4 minutes. Le Tunnel est exploité de manière unifiée depuis sa construction et sa mise en service.

En termes de réglementation de sécurité applicable, celle-ci découle des directives européennes, que la France et le Royaume-Uni avaient jusqu'à présent décidé de transposer par le biais de règlements binationaux de sécurité pris par la Commission intergouvernementale, valable pour la totalité de la concession et opposable au gestionnaire d'infrastructure Eurotunnel ainsi qu'aux entreprises ferroviaires (Eurostar et deux opérateurs de fret). La Commission intergouvernementale est ainsi actuellement l'autorité de sécurité pour la Liaison fixe au sens de l'article 3(g) et 16 de la directive 2004/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 concernant la sécurité des chemins de fer communautaires et des articles 3(7) et 16 de la directive 2016/798 (UE) du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à la sécurité ferroviaire , qui abroge la précédente à compter du 16 juin 2020, dans le cadre du 4 e paquet ferroviaire. L'autorité nationale de sécurité y est définie comme « l'organisme national chargé des tâches relatives à la sécurité ferroviaire conformément à la présente directive ou tout organisme chargé de ces tâches par plusieurs États membres de manière à assurer un régime unifié en matière de sécurité ».

Le règlement de sécurité actuellement applicable a été pris par la Commission intergouvernementale le 6 février 2013 et publié par décret n°2010-21 du 7 janvier 2010. Il est en cours de révision dans le cadre de la transposition du 4 e paquet ferroviaire au tunnel sous la Manche. Sans modification du cadre juridique et réglementaire existant, la partie britannique de la concession du tunnel sous la Manche ne sera plus formellement soumise au droit européen à l'expiration de la période de transition consécutive à la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

L'article 3-7 de la directive 2016/798 ne permet pas la constitution d'autorités binationales de sécurité avec des Etats tiers à l'Union européenne : en l'état du droit européen, la commission intergouvernementale ne pourra donc pas rester l'autorité de sécurité du Tunnel à l'issue de la période de transition.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Pour assurer l'unicité d'un cadre de sécurité sur l'ensemble de la liaison fixe trans-Manche basée sur le maintien de la commission intergouvernementale (CIG) comme autorité binationale de sécurité compétente sur la totalité du tunnel, il est nécessaire qu'un accord soit trouvé soit entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, soit entre la France, habilitée par l'Union, et le Royaume-Uni, et que l'article 3-7 de la directive 2016/798 soit modifiée afin qu'un organisme puisse être chargé des tâches relatives à la sécurité ferroviaire par un Etat membre et un Etat tiers. Par ailleurs, le Traité de Cantorbéry devrait être adapté par le moyen d'un protocole additionnel tirant les conséquences de la qualité de pays tiers à l'Union européenne du Royaume-Uni.

Sur ce point, la négociation avec le Royaume-Uni s'agissant des normes de sécurité des infrastructures du Tunnel sous la Manche peut être menée par la Commission ou par la France, habilitée à cette fin par le Conseil et le Parlement. Les autorités françaises ont indiqué le 26 février aux services de la Commission souhaiter s'engager dans cette seconde option.

Si un tel accord n'est pas trouvé à la fin de la période de transition et/ou que la directive 2016/798 n'est pas modifiée à cette fin, la CIG perdra sa compétence d'autorité de sécurité binationale, en vertu de l'article 3.7 de la directive 2016/798 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à la sécurité ferroviaire, qui prévoit explicitement que pour être chargé des tâches relatives à la sécurité ferroviaire un organisme ne peut être désigné que par des Etats membres de l'Union.

Si cette hypothèse devait se concrétiser, il faudrait absolument l'anticiper pour éviter toute vide juridique et maintenir des normes de sécurité adéquates dans la liaison fixe transmanche. Cela passerait par la modification de l'article L. 2221-1 du code des transports pour étendre la mission de l'établissement public de sécurité ferroviaire (qui est l'autorité nationale de sécurité française, exerçant actuellement sur l'ensemble du réseau ferré national) jusqu'à la frontière située au milieu du tunnel.

A cette fin, il est nécessaire de prévoir une mesure législative habilitant le gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour désigner l'établissement public de sécurité ferroviaire autorité nationale de sécurité au sens de la directive (UE) 2016/798 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à la sécurité ferroviaire, pour la partie de la concession du tunnel sous la Manche située en territoire français, dès la fin de la période de transition définie dans l'accord sur le retrait du Royaume-Uni et d'Irlande du Nord de l'Union européenne.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif de la disposition envisagée est de garantir, conformément aux engagements pris dans le cadre du traité de Cantorbéry (article 13 notamment), la fluidité et la sécurité du trafic dans le Tunnel sous la Manche qui représentent un enjeu économique et politique majeur pour les relations présentes et futures entre l'Europe et le Royaume-Uni.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

Les autorités françaises et les services de la Commission partagent l'objectif, dans le cadre de la sortie du Royaume Uni de l'Union européenne, de conserver un dispositif de gestion unifiée du Tunnel sous la Manche sous l'égide de la commission intergouvernementale.

L'option privilégiée est la recherche d'un accord avec le Royaume-Uni, qu'il soit porté par l'Union ou la France habilitée par le Conseil, cette seconde option étant privilégiée par les autorités françaises, ainsi qu'une modification de la directive pour que la CIG conserve son rôle d'autorité binationale de sécurité.

Toutefois, dans l'hypothèse où la modification de la directive ou les négociations sur la relation future, notamment sur le rôle de la CIG en tant qu'autorité binationale de sécurité, n'aboutiraient pas avant la fin de la période de transition telle qu'elle est définie à l'article 126 de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni et d'Irlande du Nord de l'Union européenne, c'est-à-dire au 31 décembre 2020, des mesures de contingence doivent être préparées, à l'instar de celles qui avaient été mises en oeuvre aux niveaux européen et national dans l'hypothèse d'un retrait du Royaume-Uni sans accord de retrait.

Le présent projet a pour objet d'autoriser le gouvernement à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi visant à désigner l'établissement public de sécurité ferroviaire comme autorité nationale de sécurité au sens de la directive (UE) 2016/798 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à la sécurité ferroviaire pour la partie de la concession du tunnel sous la Manche située en territoire français.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

L'analyse précise des conséquences attendues des mesures sera effectuée dans la fiche d'impact exposant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation.

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Le délai d'habilitation de trente mois est justifié par le fait que le Gouvernement doit pouvoir prendre les mesures pertinentes soit à l'horizon de la fin de la période de transition désormais prévue par l'accord 2019/C 384 I/01 (le 31 décembre 2020), soit à l'horizon d'un éventuel renouvellement de la période de transition, qui peut être d'un ou deux ans, et qui ne sera connu, le cas échéant, que le 1 er juillet 2020, aux termes du 1 de l'article 132 de l'accord 2019/C 384 I/01.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard six mois après la publication de l'ordonnance.

Article 23 I - 2°- Habilitation transferts de matériels spatiaux et de guerre

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE CONVENTIONNEL

Les transferts de produits liés à la défense entre les pays de l'Union européenne sont régis par la directive 2009/43/CE du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté, dont l'objectif est de limiter les divergences qui existent entre les pays de l'Union européenne au niveau de leurs législations et de leurs règles encadrant les transferts de produits liés à la défense, afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur. La directive instaure ainsi un système d'autorisation fondé sur l'octroi de licences de transfert aux fournisseurs.

Les matériels spatiaux ne sont pas inclus dans la liste des « produits liés à la défense » de la directive 2009/43/CE susmentionnée.

En revanche, le droit européen ne régit ni les exportations, ni les importations de matériels de guerre et assimilés entre un État membre de l'Union européenne et un État tiers, qui relèvent de la compétence souveraine des États membres.

L'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (2019/C 384 I/01), qui modifie de facto le périmètre de l'Union européenne, prévoit une période de transition, éventuellement renouvelable, pendant laquelle les dispositions relatives aux licences de transfert vers le Royaume-Uni continueront à s'appliquer.

1.2. CADRE NATIONAL

• Les transferts de produits liés à la défense à destination d'un autre État membre .

En application de la directive européenne 2009/43/CE susmentionnée, le code de la défense prévoit, en son article L. 2335-9 que le transfert de produits liés à la défense effectué depuis la France vers les autres États membres de l'Union européenne est soumis à autorisation préalable mentionnée à l'article L. 2335-10 du code de la défense. Cette autorisation préalable de transfert (dénommée « licence de transfert ») est délivrée par l'autorité administrative et peut revêtir trois formes : i) des licences générales de transfert, établies par arrêté, autorisant tout fournisseur à effectuer des transferts de produits liés à la défense sur simple déclaration préalable et en l'absence d'opposition de l'administration, ii) des licences globales de transfert, délivrées à des fournisseurs souhaitant transférer, sans limite de quantité ni de montant, des produits liés à la défense spécifiques à un ou plusieurs destinataires identifiés, situés dans un ou plusieurs pays de l'Union, iii) des licences individuelles de transfert, délivrées à des fournisseurs souhaitant effectuer un seul transfert de produits vers un seul État membre de l'Union. Par ailleurs, le transfert de matériels spatiaux effectué par la France vers les autres États membres de l'Union européenne est également soumis à autorisation préalable, conformément à l'article L. 2335-18 du code de la défense. Enfin, conformément à l'article L. 2342-8 du code de la défense, le transfert intracommunautaire de certains produits chimiques obéit aux règles de transfert intracommunautaire de produits liés à la défense.

• Les exportations de produits liés à la défense à destination d'un État tiers .

L'exportation de matériels de guerre et matériels assimilés vers des pays tiers est quant à elle régie par l'article L. 2335-2 du code de la défense qui prévoit que « l'exportation sans autorisation préalable de matériels de guerre et matériels assimilés vers des États non membres de l'Union européenne ainsi que des territoires exclus du territoire douanier de l'Union européenne est prohibée ». Sur ce fondement, l'autorité administrative accorde des autorisations préalables d'exportation (dénommées « licences d'exportation »), qui peuvent revêtir trois formes, conformément à l'article L. 2335-3 : licences générales d'exportation, licences globales d'exportation et licences individuelles d'exportation. Les matériels spatiaux sont également inclus dans le champ de l'article L. 2335-2 du code de la défense précité.

• Les transferts de produits liés à la défense en provenance d'un autre État membre .

En application de la directive européenne 2009/43/CE précitée, le code de la défense prévoit, au V de son article L. 2335-10, que les licences de transfert publiées ou notifiées par un État membre de l'Union européenne autorisent l'entrée ou le passage par le territoire national, sous réserve de l'application de dispositions nécessitées par les exigences de la protection de la sécurité publique, de l'ordre public ou de la sécurité des transports. À ce titre, le code de la défense précise, dans son article R. 2335-40-1, que le transfert à partir d'un autre État membre de l'Union européenne vers la France de certains matériels de guerre est soumis, en sus, à l'autorisation relative au régime d'importation depuis un pays tiers décrit ci-dessous.

• Les importations de produits liés à la défense en provenance d'un État tiers .

L'importation de matériels de guerre et matériels assimilés en provenance des pays tiers est régie par l'article L. 2335-1 du code de la défense qui prévoit que « l'importation sans autorisation préalable des [matériels de guerre, matériels assimilés et armes civiles] provenant des États non membres de l'Union européenne ainsi que des territoires exclus du territoire douanier de l'Union européenne est prohibée. » Sur ce fondement, l'autorité administrative accorde des autorisations préalables d'importation (dénommées « autorisation d'importation de matériels de guerre »), qui peuvent revêtir deux formes : individuelle ou globale.

1.3. SITUATION ACTUELLE

Selon le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, environ 1 800 licences de transfert de produits liés à la défense délivrées par la France à destination du Royaume-Uni seront en vigueur à la fin de l'année 2020. Ces licences concernent à la fois des matériels de guerre ainsi que des matériels spatiaux.

À titre de comparaison, 4 975 licences ont été délivrées en 2018, toutes destinations confondues (en majorité des nouvelles licences, mais également des modifications de licences). De manière générale, les prises de commande des industries de défense françaises à l'exportation s'élèvent à 9,1 milliards d'euros au total pour 2018. Le secteur représente 200 000 emplois, à la fois dans des grands groupes et dans 4 000 PME et ETI.

Toutes les grandes sociétés de la base industrielle et technologique de défense (BITD) française sont concernées par les transferts à destination du Royaume-Uni (Thalès, Nexter, Naval Group, MBDA, Safran, Airbus DS, Zodiac Aerospace, etc.). En 2017, 225 licences ont été délivrées à destination du Royaume-Uni, pour un montant de 1,2 milliard d'euros.

Les prises de commandes à destination du Royaume-Uni s'élèvent à 111,7 millions d'euros en 2018 (298 M€ en 2015). Elles s'élèvent à 2 milliards d'euros sur la période 2009-2018 (à comparer à : 2,3 milliards d'euros vers les États-Unis, 1 milliard d'euros vers l'Allemagne, 7,2 milliards d'euros vers l'Union européenne).

Les matériels livrés au Royaume-Uni représentent un montant de 136,4 millions d'euros en 2018 (256,8 M€ en 2016). Ils s'élèvent à 1,2 milliard d'euros sur la période 2009-2018 (à comparer à : 1,7 milliards d'euros vers les États-Unis, 735,8 millions d'euros vers l'Allemagne, 6,5 milliards d'euros vers l'Union européenne).

La délivrance des licences est soumise à un circuit de validation rigoureux : la demande de licence individuelle ou globale est déposée auprès du ministre des armées, qui prend une décision de recevabilité. La licence est ensuite accordée par le Premier ministre, après avis de la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), mentionnée par le décret n°55-965 du 16 juillet 1955.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

A l'expiration de la période transitoire prévue par l'accord 2019/C 384 I/01 sur le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, les licences individuelles et les licences globales de transfert à destination du Royaume-Uni ne seront plus valables, dès lors que les flux à destination de ce pays ne relèveront plus du régime de l'article L. 2335-9 du code de la défense, mais de celui de l'article L. 2335-2 du même code. De la même manière, les matériels spatiaux ne relèveront plus du régime de l'article L. 2335-18 du code de la défense, mais de celui de l'article L. 2335-2 du même code.

Le changement de la base légale de ces licences sera donc nécessaire. Or, de telles mesures sont hors du champ des modifications que l'autorité administrative peut apporter aux licences en cours (sur le fondement de l'article L. 2335-12 du code de la défense).

Un tel changement imposerait aux industriels de redéposer l'ensemble des demandes, qui seraient soumises à l'intégralité de la procédure prévue (décision de recevabilité, avis de la CIEEMG, décision du Premier ministre). De surcroît, ces demandes ne pourraient théoriquement être déposées (et donc instruites) avant que le Royaume-Uni ne soit effectivement sorti de l'Union européenne, puisque les licences sollicitées ne changeront de fondement législatif pertinent qu'à cette date. Outre l'insécurité juridique que cela occasionnerait pour les industriels, la complexité administrative serait importante, puisqu'il faudrait conduire de façon accélérée l'examen et l'instruction des demandes afin de ne pas porter excessivement atteinte aux flux de matériels de guerre vers le Royaume-Uni.

Une rupture de ces échanges avec le Royaume-Uni aurait un impact économique particulièrement important, dans la mesure où le Royaume-Uni est, au sein de l'Union européenne, le premier partenaire de la France (les prises de commandes à destination du Royaume-Uni s'élèvent à 111,7 millions d'euros en 2018) et le premier destinataire des livraisons françaises (les matériels livrés au Royaume-Uni représentent un montant de 136,4 millions d'euros en 2018). Il concernerait les grandes entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD), toutes concernées par les transferts à destination du Royaume-Uni. De surcroît, nombreux sont les projets industriels franco-britanniques relatifs à des matériels dont les parties sont fabriquées de chaque côté de la Manche. Ce n'est donc pas seulement le cycle de livraison des produits finis qui risquerait d'être perturbé mais l'ensemble de la chaîne de fabrication.

Compte tenu du nombre estimé de licences qui seront en vigueur à la fin de la période de transition (de l'ordre de 1 800) et de la charge administrative qu'imposerait une nouvelle adoption simultanée de l'ensemble des licences à destination du Royaume-Uni, il convient de garantir la validité des licences délivrées jusqu'au terme de leur validité initiale. À l'issue de cette période, les titulaires des licences de transfert devront déposer des demandes de licence d'exportation.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif poursuivi par cette disposition est de permettre aux bénéficiaires de licences individuelles et globales de transfert de produits liés à la défense à destination du Royaume-Uni délivrées en application des articles L. 2335-10 et L. 2335-18 du code de la défense avant la fin de la période de transition de poursuivre les prospections et négociations engagées et la fourniture de ces produits jusqu'à l'expiration du terme fixé par ces licences, et donc de garantir pour les opérateurs économiques la sécurité juridique de l'autorisation de transfert accordée par l'autorité administrative avant le retrait du Royaume-Uni.

Une telle mesure permettra également d'éviter une complexité administrative qui serait liée à l'examen et l'instruction de nouvelles demandes déposées en urgence au lendemain de la période de transition prévue par l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Une première option non retenue était d'exiger des industriels le dépôt de demandes de licences d'exportation en lieu et place des licences de transfert.

Cette option aurait consisté à imposer aux industriels de demander des licences d'exportation, destinées à se substituer à leurs licences de transfert en cours de validité, à compter de la date de la fin de la période de transition, qui ne sera connue avec certitude que le 1 er juillet 2020, aux termes du 1 de l'article 132 de l'accord 2019/C 384 I/01.

Le portefeuille de ces licences de transfert a une durée de validité de trois ans prorogeable et court en principe sur tout le cycle de l'exportation, depuis la prospection commerciale jusqu'aux opérations d'exportation physique, souvent sous la forme de plusieurs livraisons, dans la limite d'un plafond prévu par la licence.

Cette solution aurait donc posé des problèmes considérables en termes de charge de travail pour les industriels et pour les administrations, de complexité et d'insécurité juridique. Elle aurait fait peser un risque élevé d'interruption des activités permises par les licences existantes compte tenu des délais d'examen des demandes qui nécessite une validation par quatre ministères où interviennent plusieurs services.

Eu égard à l'intégration des industries de défense française et britannique, cela ne bloquerait pas seulement les livraisons de produits finis mais perturberait l'ensemble de la chaîne de production.

3.2. DISPOSITIF RETENU

L'article proposé prévoit que le Gouvernement puisse, par voie d'ordonnance, prendre les mesures relevant du domaine de la loi permettant la transformation de l'ensemble des licences de transfert, délivrées à destination du Royaume-Uni en application des articles L. 2335-10 et L. 2335-18 du code de la défense, en licences d'exportation au sens de l'article L. 2335-3 du même code, à compter de la fin de la période de transition prévue par l'accord sur le retrait du Royaume Uni de l'Union européenne, jusqu'au terme de leur validité initiale.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

L'analyse précise des conséquences attendues des mesures sera effectuée dans la fiche d'impact exposant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation.

Néanmoins, il peut d'ores et déjà être fait état des impacts suivants :

4.1. IMPACT JURIDIQUE

Les procédures d'adoption et de contrôle a posteriori étant identiques s'agissant des licences de transfert et des licences d'exportation, cette transformation rendue indispensable par le changement de statut du Royaume-Uni vis-à-vis de l'Union européenne ne constitue pas une dégradation du contrôle administratif étroit opéré sur ces flux sensibles.

Par ailleurs, il s'agit de mesures qui auraient vocation à demeurer transitoires, puisqu'elles ne produiraient d'effets, si la période transitoire prévue par l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne n'est pas prolongée, que du 1 er janvier 2021 jusqu'au 31 décembre 2023 au plus tard. En effet, conformément à l'article R. 2335-34 du code de la défense, la durée de validité maximale des licences de transfert comme des licences d'exportation, que celles-ci soient individuelles ou globales, est de trois ans.

4.2. IMPACT SUR LES ENTREPRISES

Les procédures d'adoption et de contrôle a posteriori étant identiques s'agissant des licences de transfert et des licences d'exportation, cette transformation ne constituerait pas une privation de garanties pour les industriels, mais leur assurerait au contraire une sécurité juridique nécessaire à la poursuite de leurs prospections, de leurs négociations comme de la fourniture de leurs produits.

4.3. IMPACT SUR LES SERVICES D'INSTRUCTION DES DEMANDES

Une telle mesure permettrait d'éviter une soudaine et complexe embolie des services instructeurs des demandes de licences qui surviendrait immanquablement en l'absence de texte, si tous les industriels devaient déposer concomitamment leurs nouvelles demandes de licences d'exportation à la fin de la période de transition.

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Le délai d'habilitation de trente mois est justifié par le fait que le Gouvernement doit pouvoir prendre les mesures pertinentes soit à l'horizon de la fin de la période de transition désormais prévue par l'accord 2019/C 384 I/01 (le 31 décembre 2020), soit à l'horizon d'un éventuel renouvellement de la période de transition, qui peut être d'un ou deux ans, et qui ne sera connu, le cas échéant, que le 1 er juillet 2020, aux termes du 1 de l'article 132 de l'accord 2019/C 384 I/01.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard six mois après la publication de l'ordonnance.

Article 23 I - 3° et 4° - Dispositions relatives à la sécurisation de l'exécution des contrats d'assurance, aux placements collectifs et aux plans d'épargne en actions

1. ÉTAT DES LIEUX

- Dispositions relatives à la sécurisation de l'exécution des contrats d'assurance

§ Droit européen

À compter de la fin de la période de transition instituée par l'accord de retrait, le droit de l'Union européenne ne sera plus applicable aux organismes d'assurance établis au Royaume-Uni. En conséquence, ces entreprises perdront leur « passeport européen », qui permet à un assureur agréé dans un État membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen d'exercer ses activités sur le territoire d'un ou plusieurs autres États membres, soit en libre prestation de services, soit en libre établissement, sous réserve d'une simple notification de l'autorité d'agrément à l'autorité compétente de l'État d'accueil.

Ces organismes d'assurance ne seront donc plus en mesure d'exercer l'activité d'assurance sur le territoire français depuis le Royaume-Uni, et devront, pour continuer à opérer, transférer une partie de l'activité précédemment exercée depuis le Royaume-Uni au sein d'une structure établie au sein de l'Union européenne et réglementée par les textes européens.

S'agissant des situations en cours, aucun texte européen ne précise les conséquences juridiques de la perte du passeport sur les contrats valablement formés antérieurement à cette perte.

§ Droit national

La perte du passeport n'entraînerait pas, en droit français, la nullité des contrats valablement conclus avant le retrait du Royaume-Uni. Elle interdirait cependant aux établissements financiers concernés le renouvellement des contrats avant leur échéance ainsi que la modification d'une obligation essentielle des parties, ces opérations impliquant la fourniture d'un nouveau service.

§ Situation actuelle

Un certain nombre de contrats d'assurance couvre des risques longs, notamment de responsabilité civile en matière médicale ou de construction. Pour autant, les entreprises d'assurance établies au Royaume-Uni n'auront plus la possibilité d'exercer en France l'activité d'assurance y compris sur le fondement de contrats valablement formés et que le retrait du Royaume-Uni ne frappe pas de nullité. Or, la gestion de ces contrats pourrait être qualifiée d'activité d'assurance. Selon cette analyse, confortée par une opinion de l'EIOPA et une notice de la Commission européenne interprétant la directive Solvabilité II, il est possible de considérer qu'un assureur britannique qui exécuterait ses engagements après la fin de la période de transition se livrerait à l'exercice illégal de l'activité d'assurance au sens de l'article L. 310-27 du code des assurances. Il s'exposerait donc à des sanctions en cas d'exercice de cette activité, alors même que les contrats afférents restent valables.

- Dispositions relatives aux placements collectifs et aux plans d'épargne en actions

Plusieurs dispositifs seront affectés à l'issue de la période de transition :

- Les fonds de capital-investissement (FCPR, FCPI, FIP) comprenant des titres britanniques ;

- Les plans d'épargne en actions (ou PEA-PME) comprenant des titres britanniques directement (titres vifs, organismes de placement collectif (OPC) britanniques) ou indirectement (OPC comprenant des titres britanniques).

Les règles applicables aux fonds de capital investissement sont prévues au livre II du code monétaire et financier. Ces fonds constituent des fonds d'investissement alternatifs (FIA) et doivent être gérés par des sociétés de gestion de portefeuille agréées par l'Autorité des marchés financiers (AMF) au titre de la directive AIFM (directive 2011/61/PE Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs).

Si la directive AIFM régit les sociétés de gestion de portefeuille disposant d'un agrément AIFM, il revient à chaque Etat membre de définir les règles applicables aux fonds d'investissement alternatifs et en particulier les règles régissant leur actif. Les fonds de capital investissement sont des organismes de placements collectifs qui doivent être majoritairement investis dans des titres non cotés. Sont concernés par la fin de la période de transition les trois types de fonds de capital investissement ouverts à des investisseurs non professionnels : (i) les fonds communs de placement à risques (FCPR), dont l'actif doit comprendre au minimum 50 % de titres de capital non admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers français ou étranger (article L. 214-28 du code monétaire et financier) ; (ii) les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI), dont l'actif doit être constitué de titres de sociétés innovantes non cotées en bourse à hauteur de 70 % minimum (article L. 214-30 du code monétaire et financier) ; (iii) les fonds d'investissement de proximité (FIP), qui doivent être investis à hauteur de 70 % minimum dans des PME régionales exerçant leur activité principalement dans une zone choisie par le fonds (article L. 214-31 du code monétaire et financier).

Les fonds de capital-investissement comprenant des titres britanniques seront affectés par la fin de la période de transition. En effet, à ce jour :

- Concernant les FCPR, certains titres de sociétés cotées peuvent être compris dans le quota d'investissement de 50 % dans des titres non cotés applicables à ces fonds de capital-investissement. La condition de cette éligibilité est que ces titres soient émis par des sociétés dont la capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d'euros et qu'ils soient cotés sur un marché d'instruments financiers d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen - critère auquel les titres britanniques ne répondront plus à l'issue de la phase de transition.

- Concernant les FCPI et les FIP, les titres non cotés éligibles au quota d'investissement de 70 % qui leur est applicable doivent être émis par des sociétés ayant leur siège dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen - critère qui rendrait ainsi inéligible au quota de 70 % les titres britanniques non cotés souscrits par les FCPI et FIP.

S'agissant des PEA (et PEA-PME), les règles sont fixées par le droit national. Elles prévoient que ces plans peuvent être investis dans :

- des titres de sociétés dont le siège social est situé dans l'UE ou l'EEE ;

- des actions ou parts de FIA français, à la condition que son actif soit constitué de plus de 75%  de titres de sociétés dont le siège social est situé dans l'UE ou EEE ;

- des parts ou actions d'organismes de placement collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) français ou européens, à la condition que leur actif soit constitué de plus de 75% de titres de sociétés dont le siège social est situé dans l'UE ou EEE.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

- Dispositions relatives à la sécurisation de l'exécution des contrats d'assurance

La sécurisation des conditions d'exécution des contrats d'assurance conclus antérieurement à la perte de la reconnaissance des agréments des entités britanniques en France mais qui n'auraient pas atteint leur terme nécessite une modification du code des assurances, permettant de protéger les assurés français via une clarification du cadre juridique applicable.

En outre, il est essentiel de garantir que l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pourra bien continuer à exercer ses pouvoirs de supervision quant à l'exécution de ces contrats, et que les procédures d'enquête en cours vis-à-vis d'organismes établis au Royaume-Uni se poursuivront après la fin de la période de transition.

- Dispositions relatives aux placements collectifs et aux plans d'épargne en actions

A l'issue de la période de transition, les titres britanniques perdraient leur éligibilité à l'actif des organismes de placement collectif au titre des ratios d'expositions aux entités européennes. Or, il peut être impossible à court-terme pour la société de gestion de concilier la nécessité de respecter des ratios d'investissement définis par le cadre législatif ou fiscal avec son obligation d'agir dans l'intérêt du porteur.

A titre illustratif, afin de respecter le quota d'investissement de 70 % dans des titres non cotés émis par des sociétés ayant leur siège dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, les FCPI et FIP pourraient ainsi être amenés à céder dans l'urgence les titres non cotés britanniques qu'ils détiennent.

Or, ces titres, non cotés, sont par définition peu liquides, si bien qu'une cession dans ces conditions ne pourrait intervenir sans décote, se ferait donc au détriment de l'intérêt des porteurs de parts et aurait un effet significatif sur la valorisation de ces sociétés. Par ailleurs, les fonds de capital investissement investissent parfois dans des sociétés non cotés avec d'autres fonds et ne peuvent dès lors se retirer facilement (des clauses restrictives sur la cession pouvant avoir été applicables).

Dès lors, des règles spécifiques sont nécessaires dans le cadre de la gestion collective afin de prévenir les effets d'une sortie brutale du Royaume-Uni et garantir la protection des épargnants et assurer la stabilité du système financier.

Par ailleurs, les intérêts des épargnants détenteurs d'un PEA investi, via des organismes de placement collectifs, dans des titres britanniques ainsi que les détenteurs de parts de fonds de capital investissement qui possèdent à leur actif des titres britanniques peu ou non liquides, ou en titres vifs seront affectés. Il est nécessaire de prévoir des mesures de transition de manière à prévenir la clôture des plans si des titres logés dans les plans deviennent inéligibles.

3. DISPOSITIF RETENU

- Dispositions relatives à la sécurisation de l'exécution des contrats d'assurance

La mesure envisagée consiste à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures rendues nécessaires pour tirer les conséquences de la fin de la période de transition prévue à l'article 126 de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique, dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Il apparait en effet nécessaire d'assurer la continuité de l'exécution des contrats tout en sécurisant le fait que la perte du passeport européen ne permet plus aux entreprises britanniques de prendre de nouveaux engagements. Une telle disposition permettrait également d'inciter ces entreprises à transférer leurs activités pour être en mesure de continuer à opérer en France. En outre, il apparait essentiel de prévoir que les assurés concernés seront bien informés de ces dispositions.

- Dispositions relatives aux placements collectifs et aux plans d'épargne en actions

La mesure envisagée consiste à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures rendues nécessaires pour tirer les conséquences de la fin de la période de transition prévue à l'article 126 de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique, dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Il s'agit en l'espèce de maintenir, le cas échéant de manière transitoire, l'éligibilité des titres souscrits antérieurement à la date de la fin de la période de transition et dont l'émetteur a son siège au Royaume-Uni aux quotas d'investissement des organismes de placement collectif dans des entités européennes et de maintenir l'éligibilité, le cas échéant de manière transitoire, des titres dont l'émetteur a son siège au Royaume-Uni et des parts ou actions d'OPCVM établis au Royaume-Uni souscrits antérieurement à la date de la fin de la période de transition aux plans d'épargne en actions et aux plans d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

L'analyse précise des conséquences attendues des mesures sera effectuée dans la fiche d'impact exposant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation.

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Le délai d'habilitation de trente mois est justifié par le fait que le Gouvernement doit pouvoir prendre les mesures pertinentes soit à l'horizon de la fin de la période de transition désormais prévue par l'accord 2019/C 384 I/01 (le 31 décembre 2020), soit à l'horizon d'un éventuel renouvellement de la période de transition, qui peut être d'un ou deux ans, et qui ne sera connu, le cas échéant, que le 1 er juillet 2020, aux termes du 1 de l'article 132 de l'accord 2019/C 384 I/01.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard six mois après la publication de l'ordonnance.

Article 23 II - Habilitation pour prendre toute autre mesure nécessaire au traitement de la situation des ressortissants britanniques résidant en France ou y exerçant une activité, des personnes morales établies au Royaume-Uni ou de droit britannique et exerçant une activité en France et des personnes morales établies en France et dont tout ou partie du capital social ou des droits de vote est détenu par une personne établie au Royaume-Uni

1. ÉTAT DES LIEUX

Si la relation future entre le Royaume-Uni et l'Union européenne entre en vigueur avant la fin de la période de transition (fin 2020 ou fin 2021 ou 2022 en cas de prolongation de cette période), le cadre de la relation future entre l'Union européenne et Royaume-Uni prendra la suite des dispositions régissant la période de transition. La relation future, quelle qu'elle soit, se traduira par des changements qu'il convient d'anticiper.

Le scénario dans lequel un accord sur la relation future ne pourrait entrer en vigueur avant la fin de la période de transition doit cependant être également anticipé. Dans ce cas, aucun accord ne définirait la relation entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Les relations économiques seraient par exemple régies par le cadre prévu par l'Organisation mondiale du commerce.

L'objectif du Gouvernement français est d'aboutir à un accord sur les relations futures qui entrerait en vigueur dès la fin de la période de transition et couvrirait l'ensemble des domaines mentionnés par la déclaration politique sur les relations futures.

Dans tous les scenarios, et même avec un cadre établissant une relation la plus complète et étroite possible, le statu quo ne sera ni possible, ni recherché, comme l'indique le paragraphe 5 de la déclaration politique sur les relations futures. Par exemple, des formalités et contrôles douaniers seront remis en place dans tous les cas de figure, comme conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l'Union douanière et du marché intérieur.

Le Gouvernement français se doit néanmoins de préparer la fin de la période de transition, avec ou sans cadre sur la relation future, et de se préparer à réagir à toutes les éventualités.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

Eu égard aux incertitudes ouvertes par la fin de la période de transition, il est indispensable d'être mis en mesure de prendre toute autre mesure législative permettant de tirer les conséquences de la fin de la période de transition s'agissant de la situation des ressortissants britanniques résidant en France ou y exerçant une activité, des personnes morales établies au Royaume-Uni ou de droit britannique et exerçant une activité en France ainsi que des personnes morales établies en France dont tout ou partie du capital social ou des droits de vote est détenu par des personnes établies au Royaume-Uni.

Le champ des mesures législatives à adopter, possiblement d'ici fin 2020 et donc dans des délais très contraints, dépend en partie de la portée et de la précision des mesures d'urgence que l'Union pourrait adopter elle-même à son niveau pour faire face au scénario d'une absence d'accord. Elles pourraient également dépendre de l'avancée des négociations sur le cadre de la relation future, lesquelles pourraient conduire à constater un accord sur une partie seulement des sujets couverts par le mandat de négociation confié à la Commission européenne.

L'objectif de telles dispositions serait de sauvegarder les intérêts de la France en lui donnant la possibilité de prendre les mesures permettant, en particulier, de préciser la situation des ressortissants britanniques présents sur le sol français ou y exerçant une activité, celle des personnes morales britanniques ou de droit britannique exerçant une activité en France ou encore des personnes morales établies en France dont tout ou partie du capital social est détenu par une personne établie au Royaume-Uni. De telles mesures seraient adoptées sous réserve qu'elles ne puissent être prises au niveau de l'Union elle-même.

Sauf à ce que l'accord régissant le cadre des relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni comportent des dispositions sur ce point et qu'il soit entré en vigueur à la fin de la période de transition, ces mesures pourraient par exemple avoir pour objet de permettre la poursuite de l'activité de succursales de sociétés d'avocats de droit britannique (Limited Liability Partnership - LLP) établies au Royaume-Uni et exerçant leur activité en France à la date de la fin de la période de transition. De même, une telle mesure pourrait permettre la poursuite de l'activité de succursales d'expertise comptable françaises de sociétés de droit britannique.

Une telle mesure permettrait de ne pas déstabiliser l'activité des succursales et sociétés concernées, dans l'intérêt de la France. L'activité des LLP représente une part très importante du chiffre d'affaires du barreau de Paris, environ 1400 avocats y exerçant, environ un millier d'employés, et chaque année des centaines d'avocats stagiaires formés en leur sein.

De telles mesures pourraient également viser à assurer la poursuite de l'activité des sociétés dont le capital social ou les droits de vote sont détenus en tout ou partie par des personnes physiques de nationalité britannique ou morales établies au Royaume-Uni, le cas échéant jusqu'à l'entrée en vigueur d'un accord régissant les relations futures entre le Royaume-Uni et l'Union européenne comportant des dispositions sur ce point. En revanche, sans préjudice du nouveau cadre des relations entre l'Union et le Royaume-Uni, ces mesures ne seraient pas applicables aux parts et droits de vote acquis à compter de la fin de la période de transition. De telles mesures concerneraient notamment les structures françaises d'exercice de la profession d'avocat et leurs holdings, les sociétés d'exercice libéral de professionnels de santé, les sociétés de conseil en propriété intellectuelle, les sociétés de vétérinaires ou encore les sociétés d'architecture, les sociétés d'expertise comptable et leurs holdings.

En effet, la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou règlementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales telle que modifiée par l'article 67 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques permet à toute personne physique ou morale, légalement établie dans un autre Etat membre de l'Union européenne, qui exerce, dans l'un de ces Etats, une activité soumise à un statut législatif ou règlementaire ou subordonnée à la possession d'une qualification nationale ou internationale reconnue et dont l'exercice constitue l'objet social de la société et, s'il s'agit d'une personne morale qui répond directement ou indirectement par l'intermédiaire d'une autre personne morale aux exigences de détention de capital et des droits de vote prévue par la loi, de détenir une participation au capital.

En application des titre Ier, IV et IV bis de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, qui prévoient de manière transversale des formes juridiques pour les sociétés de professionnels libéraux (sociétés d'exercice libéral, sociétés de participations financières, sociétés pluri professionnelles) et des dispositions statutaires et déontologiques propres à chaque profession (par exemple, pour les avocats, l'article 8 de la loi du 31 décembre 1971), les personnes physiques ou morales légalement établies au Royaume-Uni peuvent détenir une partie du capital ou des droits de vote d'une société, d'un groupement ou d'une association.

Au vu de ses décrets d'application, relèvent de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 (« loi sur les SEL)

- des professions du droit : avocat, notaire, huissier de justice, commissaire-priseur judiciaire, greffier de tribunal de commerce, mandataire judiciaire, conseil en propriété industrielle ;

- des professions du chiffre :expert-comptable, commissaire au compte ;

- des professions du cadre de vie : architecte, géomètre-expert ; expert agricole et forestier,

- les professions de santé humaine, médicales et paramédicales : médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, infirmier, psychomotricien, pédicure-podologue, orthophoniste, orthoptiste, diététicien, biologiste médical, pharmacien d'officine ;

- la profession de vétérinaire.

La loi sur les SEL pose le principe selon lequel le capital d'une société d'exercice libéral doit être détenu par des professionnels en exercice au sein de la société. Toutefois son article 6 prévoit que, par dérogation, le capital des SEL autres que de santé peut également être détenu par des personnes établies en France exerçant la profession constituant l'objet social de la société ou dans un Etat membre de l'UE ou de l'EEE exerçant, dans l'un de ces Etats, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d'une qualification nationale ou internationale reconnue et dont l'exercice constitue l'objet social de la société, sous réserve qu'elles répondent aux même conditions de détention du capital qu'en France.

Depuis la loi du 6 août 2015, les professions juridiques et judiciaires bénéficient d'un assouplissement supplémentaire : plus de la moitié du capital et des droits de vote peut aussi être détenue par des personnes, établies en France ou dans un Etat membre de l'UE et de l'EEE exerçant l'une quelconque des professions juridiques ou judiciaires. Cependant, les sociétés concernées doivent au moins comprendre, parmi ses associés, une personne exerçant la profession constituant l'objet social de la société.

Par ailleurs, depuis la loi du 6 août 2015, les membres de certaines professions juridiques et judiciaires, notamment les avocats, peuvent désormais, à l'instar des experts comptables, choisir librement la forme sociale sous laquelle il souhaitent exercer en société, à l'exception de celles qui donnent la qualité de commerçant. En matière de détention du capital et des droits de vote, les dispositions de la loi sur les SEL restent néanmoins applicables.

Selon les chiffres fournis par l'ordre du barreau de Paris, on comptabilise 11 sociétés de droit français comportant des associés de nationalité britannique. Ces structures de droit français totalisent 66 associés (dont 8 solicitors et 4 sociétés de droit britannique) et 104 collaborateurs.

L'article 7 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 autorise l'exercice de l'expertise comptable par des sociétés d'expertise comptable dont les deux tiers des droits de vote doivent être détenus par des experts-comptables ou des professionnels de l'expertise comptable ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou de l'espace économique européen (EEE). De même, les sociétés de participations d'expertise comptable mentionnées à l'article 7 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 doivent répondre également à cette condition de détention de deux tiers des droits de vote.

Par exception, pour les sociétés pluri-professionnelles d'exercice, l'article 31-3 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 impose une condition de détention de la totalité du capital par des professionnels français ou établis sur le territoire de l'Union européenne ou de l'EEE.

Le capital et les droits de vote des sociétés de participation financière de profession libérale mentionnées par la loi du 31 décembre 1990 doivent également être détenus pour plus de la moitié par des professionnels français ou européens. Actuellement, sept sociétés ont leur capital ou leurs droits majoritairement détenus par des ressortissants du Royaume-Uni. Elles représentent un chiffre d'affaires de 98 279 765 euros et ont un effectif de 1 087 personnes.

Des contraintes similaires découlent de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture.

De plus, la détention de parts de capital social ou de droits de vote à la détention de la nationalité d'un Etat membre ou à l'établissement des personnes concernées au sein de l'Union européenne est également conditionnées pour les sociétés de conseil en propriété intellectuel visées à l'article L. 422-7 du code de la propriété intellectuelle et sociétés de vétérinaires visées à l'article L. 241-17 du code rural et de la pêche maritime.

De même, sous les réserves évoquées ci-dessus, de telles mesures pourraient permettre aux ressortissants britanniques ainsi qu'aux ressortissants européens ayant obtenu leurs qualifications professionnelles au Royaume-Uni qui exercent légalement en France une profession réglementée à la date du retrait du Royaume-Uni de conserver le bénéfice de la reconnaissance de leurs qualifications professionnelles dans les mêmes conditions que celles qui découlent de la directive 2005/36/CE modifiée relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et des directives sectorielles applicables en la matière.

3. DISPOSITIF RETENU

La mesure envisagée consiste à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances toute autre mesure relevant du domaine de la loi nécessaire au traitement de la situation des ressortissants britanniques résidant en France ou y exerçant une activité, des personnes morales établies au Royaume-Uni ou de droit britannique exerçant une activité en France à la date de la fin de la période de transition, ainsi que, sous la même réserve, des personnes morales établies en France, dont tout ou partie du capital social ou des droits de vote est détenu par des personnes établies au Royaume-Uni.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

L'analyse précise des conséquences attendues des mesures sera effectuée dans la fiche d'impact exposant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation.

La mesure envisagée en matière d'expertise comptable pourrait notamment permettre aux 37 ressortissants britanniques, qui exercent actuellement en France au titre de l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, de continuer leur activité professionnelle.

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Le délai d'habilitation de trente mois est justifié par le fait que le Gouvernement doit pouvoir prendre les mesures pertinentes soit à l'horizon de la fin de la période de transition désormais prévue par l'accord 2019/C 384 I/01 (le 31 décembre 2020), soit à l'horizon d'un éventuel renouvellement de la période de transition, qui peut être d'un ou deux ans, et qui ne sera connu, le cas échéant, que le 1 er juillet 2020, aux termes du 1 de l'article 132 de l'accord 2019/C 384 I/01.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard six mois après la publication de l'ordonnance.

CHAPITRE VIII - DISPOSITIONS RELATIVES À LA GESTION DU FONDS EUROPÉEN AGRICOLE POUR LE DÉVELOPPEMENT RURAL

Article 24 - Prorogation des règles applicables à la gestion du FEADER pendant la période de transition avec la prochaine programmation et poursuite, au titre de la programmation suivante, du transfert de l'autorité de gestion du FEADER aux régions

1. ÉTAT DES LIEUX

Les règlements de l'Union européenne qui définissent les modalités de gestion des fonds européens imposent la désignation par les États membres de trois autorités : une autorité chargée de la gestion de ces fonds, une autorité de certification et une autorité d'audit. Pour le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), en ce qui concerne la prochaine programmation, les projets de textes européens prévoient une autorité nationale du Plan stratégique national, la désignation d'autorités régionales restant possible, un organisme payeur et une autorité de certification des comptes de l'organisme payeur. De plus, le FEADER n'est plus dans les propositions législatives de la Commission européenne un Fonds structurel relevant du cadre commun de la politique de cohésion.

À propos de la fonction d'autorité de gestion, les règlements généraux précisent que l'autorité de gestion des fonds structurels doit être au moins d'un niveau géographique dit « NUTS 2 » qui correspond en France au niveau géographique de la région. L'État peut choisir d'être autorité de gestion ou peut proposer une autre entité.

L'architecture de gestion des Fonds Européens Structurels d'Investissement (FESI) s'est profondément transformée sur la période de programmation 2014-2020 avec la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (loi MAPTAM), un important transfert de la gestion s'étant opéré en faveur des régions.

Cette loi a organisé le transfert de tout ou partie de la gestion des programmes européens, en qualité d'autorité de gestion ou par délégation de gestion à son article 78 pour la « période 2014-2020 ».

L'année 2014 a constitué une année de changement de gouvernance des fonds européens structurels et d'investissement (FESI).

En effet, la responsabilité de la gestion des FESI a été transférée aux régions en application d'un accord passé entre l'État et l'association des régions de France. Ce transfert constituait l'un des volets de « l'Acte III » de la décentralisation, dont le cadre a été fixé, en droit interne, par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles dite MAPTAM. Les conseils régionaux sont devenus autorités de gestion à part entière du FEDER (auparavant géré par l'Etat) et d'une partie du FSE (à hauteur de 35%, l'Etat conservant 65% de l'enveloppe). Il n'y a donc pas eu de prorogation des règles du programme 2007-2013.

La gestion des fonds européens dans le cadre de la programmation 2007-2013 reposait sur les services de l'État qui assuraient la fonction d'autorité de gestion pour l'ensemble des fonds. La circulaire du Premier ministre du 13 avril 2007 relative au dispositif de suivi, de gestion et de contrôle des programmes co-financés par le FEDER, le FSE, le FEP et le FEADER pour la période 2007-2013 précisait notamment les conditions de cette gestion. Le FEADER faisait l'objet d'un programme national de développement (PDRH), décliné ensuite dans des documents régionaux de développement rural (DRDR).

Les règles de la programmation 2007-2013, au titre de laquelle l'Etat était seule autorité de gestion en vertu de la réglementation européenne, se sont appliquées à toutes les conventions attributives d'aides pluriannuelles adoptées sur leur fondement. Ainsi, l'Etat est demeuré gestionnaire du programme de développement rural hexagonal (PDRH), et a payé les aides engagées au cours de la programmation 2007-2013, et ce jusqu'en 2015, voire 2018 pour certaines mesures.

Pour des considérations pratiques, et dès lors que la réglementation européenne en prévoyait la possibilité, certaines aides surfaciques du Feader (les mesures agro-environnementales) octroyées pour une durée de cinq ans au cours de l'ancienne programmation ont été abrogées à la date de l'adoption de la PAC débutant en 2014, et adoptées selon des formes similaires sur le fondement des nouveaux programmes de développement rural régionaux (PDR).

La nouvelle répartition des compétences entre l'Etat et les régions, établie par la loi MAPTAM du 27 janvier 2014, s'est appliquée à compter de 2014, les régions étant désignée autorités de gestion, avec effet rétroactif au 1 er janvier 2014, par des conventions tripartites spécifiques à l'année 2014 conclues entre l'Etat, les régions et l'ASP.

Ainsi, la gestion actuelle du FEADER est organisée de manière différente des autres fonds. La qualité d'autorité de gestion a été transférée aux régions pour la plupart des mesures, y compris pour le programme Leader, dans le respect d'un décret en Conseil d'Etat qui précise les orientations stratégiques et méthodologiques pour la mise en oeuvre des programmes et définit les dispositifs qui doivent être identiques dans toutes les régions. Ainsi, la programmation et le pilotage sont décentralisés aux conseils régionaux.

Toutefois, cette organisation de l'actuelle programmation connaît un croisement important des responsabilités. En effet, le cofinancement reste principalement assuré par l'État (soit dans 70 % des cas du FEADER), certains dispositifs restent définis au niveau national (cadre national) et l'instruction des dossiers est assurée par les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) pour le compte des conseils régionaux. L'État est toutefois resté autorité de gestion de certaines mesures du FEADER, regroupées dans deux programmes, le programme national de gestion des risques et assistance technique (PNGRAT) et le Programme national du réseau rural national (PNRRN).

Le transfert des fonctions d'autorité de gestion de certains fonds de l'Etat aux régions a nécessité des transferts de personnels des services de l'Etat vers les conseils régionaux dont les modalités sont précisées dans les articles 81 à 89 de la loi MAPTAM.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

En l'état actuel de la législation nationale l'Etat a confié aux régions, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, tout ou partie de la gestion des fonds ou programmes européens soit en qualité d'autorité de gestion, soit par délégation de gestion pour la seule période 2014-2020.

Prolonger la délégation de cette compétence de gestion aux régions pendant la période de transition et clarifier la répartition des responsabilités sur la prochaine période de programmation impose donc à nouveau l'intervention du législateur.

En effet, l'intervention d'une disposition législative est nécessaire puisque c'est par voie législative qu'il était prévu que l'État confiait aux Régions la gestion de certains fonds et programmes pour la période 2014-2020.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif poursuivi de la mesure envisagée est donc de garantir la continuité du fonctionnement pendant la période de transition et d'en améliorer la gestion pour la prochaine période de programmation.

Elle vise en outre à clarifier l'exercice des compétences respectives de l'État et des Régions sur le FEADER, qui ne sera plus un FESI.

Elle vise également à assurer la conformité de la législation nationale avec le droit de l'Union européenne relatif à la politique agricole commune.

3. OPRTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

2.1. OPTIONS ENVISAGÉES

S'agissant de la prorogation de la délégation de gestion, l'option privilégiée consiste uniquement à compléter la période de responsabilité.

S'agissant de la gestion du FEADER pendant la prochaine période, parmi les différents scénarios envisageables (décentralisation complète du second pilier, recentralisation, clarification opérationnelle de la gestion...), c'est l'option d'un « décroisement » sur la base de la distinction opérationnelle « surfacique - non surfacique », source principale des problèmes organisationnels rencontrés, qui a été retenue, notamment parce qu'elle est réclamée par les principaux acteurs concernés.

En effet, une décentralisation complète ne semblait pas pertinente car une partie des mesures du FEADER relève de la solidarité nationale. C'est le cas en particulier de l'Indemnité Compensatoire de Handicap Naturel (ICHN) qui permet de compenser les désavantages de certains territoires. Par souci d'équité entre les exploitants, il est préférable que cette politique soit définie au niveau national. C'est le cas également de la gestion des risques et de l'aide à l'assurance récolte. L'assurance repose sur le principe de la mutualisation des risques. Une mutualisation à l'échelle nationale aurait beaucoup plus de sens et serait plus efficace qu'une mutualisation à une échelle territoriale inférieure.

L'option d'une recentralisation aurait consisté à revenir au mode de gestion antérieur à l'actuelle programmation, avec un programme défini et géré par l'Etat. Ce schéma n'aurait pas empêché une forte déclinaison territoriale pour toutes les mesures pour lesquelles cela a du sens (aide aux investissements, LEADER etc). Toutefois, cela aurait marqué un retour en arrière qui ne parait pas acceptable par les collectivités régionales, et pas souhaité par la majorité des parties prenantes.

Enfin, le maintien des dispositions actuelles n'est pas une option privilégiée compte-tenu des dysfonctionnements importants constatés depuis 2015 (rapport IGF-CGAAER de 2017, rapport Cour des comptes). Ces dysfonctionnements sont liés notamment à l'enchevêtrement des responsabilités ainsi qu'au nombre considérable de mesures distinctes déclinées par chaque autorité de gestion, ce qui rend l'ensemble difficilement gérable.

En ce qui concerne l'enchevêtrement des responsabilités, la situation est la suivante :

Aujourd'hui, les Régions sont autorités de gestion du FEADER mais leur action s'inscrit dans un cadre national assez strict. Les Régions assurent donc la programmation au sein de ce cadre et la définition des mesures qu'elles souhaitent ouvrir au bénéfice des agriculteurs et acteurs du monde rural.

C'est en revanche l'Etat, via les directions départementales des Territoires (DDT) et l'Agence de services et de paiement (ASP), qui assure l'instruction et le contrôle d'un grand nombre de mesures. C'est également l'Etat qui assume les coûts de développement informatique des outils (ISIS et OSIRIS) à déployer pour appliquer les mesures choisies par les Régions.

Cette situation a pour résultat que les services déconcentrés de l'Etat travaillent :

- pour les mesures « non surfaciques » - dont le montant des aides ne dépend pas de la surface agricole-, pour le compte et par délégation des Conseils régionaux, pour l'instruction du dossier et la décision individuelle, en particulier les mesures d'investissement du Programme de compétitivité et d'adaptation des exploitations (PCAE) et d'aide à l'installation ;

- pour les mesures surfaciques du 2 ème pilier, en délégation de l'organisme payeur choisi, à savoir l'ASP, lui-même sous la tutelle de l'Etat, pour ce qui concerne l'instruction des dossiers (ICHN, Mesures Agroenvironnementales et Climatiques (MAEC) et les aides à l'agriculture biologique), mais aussi parfois en délégation de la Région pour la décision individuelle;

- pour le premier pilier, en délégation de l'organisme payeur (ASP) avec une définition du cadre juridique par le seul Etat.

Enfin, s'agissant de la Corse, l'organisme payeur des mesures du 2 ème pilier (surfaciques et non surfaciques) est l'Office du Développement Agricole et Rural de Corse (ODARC).

Cette situation n'est pas lisible pour les exploitants et les différents bénéficiaires. Elle ne permet pas non plus d'établir une ligne de partage claire entre l'Etat et les Régions en ce qui concerne la responsabilité juridique et financière en cas de corrections financières dans le cadre de la procédure d'apurement prévue par la règlementation européenne.

En ce qui concerne le nombre important de déclinaisons régionales et territoriales :

Pour les mesures « non surfacique », la somme des PDR a conduit à la conception de 1 550 dispositifs, contre 250 sur la période précédente. Quant aux MAEC et aides à l'agriculture biologique, ce sont 10 400 mesures différentes couvrant 1 800 territoires différents. Sur les seules MAEC, plus de 9 500 mesures sont ouvertes, pour seulement 5400 utilisées.

En outre, en l'état actuel des propositions de règlements UE, le statu quo n'est pas une option, puisque chaque Etat-membre est tenu de prévoir un plan stratégique national unique, avec une seule autorité de gestion. Les propositions de règlements prévoient des autorités régionales qui peuvent être désignées dans le respect des dispositions constitutionnelles de chaque Etat membre, mais pas des autorités de gestion régionales de plein exercice comme c'est le cas aujourd'hui.

C'est pourquoi l'option privilégiée est celle consistant à décentraliser intégralement les aides au développement économique « classiques », non surfaciques. Leur programmation et leur mise en oeuvre relèveraient des Régions, qui assureraient les fonctions d'autorités de gestion. Cette décentralisation s'accompagnera du transfert des effectifs et des crédits nationaux correspondants. L'Etat assurerait pour sa part la gestion et le pilotage de l'ensemble des aides dites « surfaciques » du premier et du deuxième pilier de la PAC.

2.2. DISPOSITIF RETENU

La mesure envisagée vise à proroger les règles applicables à la gestion du FEADER pour la période de transition, dans les mêmes conditions que pour la période 2014-2020.

La mesure envisagée vise également à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions relatives à la gestion du FEADER de façon à clarifier la répartition des responsabilités entre l'Etat et les régions dans la gestion de ce fonds et ainsi en améliorer l'usage pour la prochaine programmation.

Elle prévoirait les conditions dans lesquelles l'État est chargé des aides surfaciques et des aides assimilées du Fonds européen agricole pour le développement rural et les régions ou, dans les régions d'outre-mer, lorsque celles-ci décident d'y renoncer, les départements, peuvent être chargés des aides non-surfaciques, notamment la répartition des compétences, les transferts de services et de moyens en résultant et les modalités d'instruction des demandes et de paiement des aides.

Le partage de compétence et des responsabilités entre l'Etat et les Régions serait clarifié pour la période 2021-2027. La plupart des aides au développement économique « classiques » non surfaciques devraient être intégralement décentralisées. L'Etat assurera pour sa part la gestion et le pilotage de l'ensemble des aides dites « surfaciques » du deuxième pilier de la Politique Agricole Commune.

Les mesures du FEADER de la prochaine programmation ne sont pas encore précisément connues puisque le cadre législatif européen est en cours de définition. Néanmoins, sur la base des mesures de l'actuelle programmation, il est possible de préciser les mesures qui relèveront respectivement de l'État et des Régions pour la prochaine programmation, dont la date de démarrage dépend des décisions européennes sur la transition :

- l'État assurerait la gestion et le pilotage de l'ensemble des aides surfaciques (ICHN, soutien à l'agriculture biologique et mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) liées à la surface), ainsi que des soutiens assimilés à des aides surfaciques que sont la gestion des risques agricoles (participation aux primes d'assurance concernant les culture, les animaux et les végétaux et au fonds de mutualisation intervenant en cas de maladies animales et végétales et d'incidents environnementaux) et l'aide à l'adaptation de la conduite pastorale des troupeaux soumis au risque de prédation.

- les Régions seraient en charge des autres dispositifs, qui sont des dispositifs non-surfaciques. Il s'agit principalement du soutien aux investissements, des aides à l'installation des jeunes agriculteurs, des aides au développement local - LEADER, et des MAEC non liées à la surface - amélioration du potentiel pollinisateur des abeilles et protection des races menacées. Ces dispositifs qui rentrent dans le champ de la compétence économique des régions, sont entièrement décentralisés aux régions ;

- la Collectivité territoriale de Corse, compte-tenu de son statut spécifique, continuerait à être chargée des aides non surfaciques et surfaciques du deuxième pilier (à l'exception des aides assimilées).

Pour les mesures dont elles auront la responsabilité, les Régions assureraient l'ensemble des actes de gestion des dossiers, à l'exception du paiement du FEADER, tâche que, compte tenu des dispositions législatives européennes, l'organisme payeur ne peut déléguer. Elles bénéficieront dans ce cadre du transfert des effectifs et des crédits nationaux correspondants.

Ce décroisement des responsabilités entre l'Etat et les Régions dans la mise en oeuvre de la future programmation du FEADER, est le gage d'une réussite collective.

L'habilitation vise à traiter spécifiquement le seul cas du FEADER et non de tous les FESI. Les autres fonds ont d'ores et déjà fait l'objet d'un traitement par habilitation dans le projet de loi diverses mesures d'urgence qui vient d'être adopté le 10 juin dernier par le Parlement.

Une attention particulière devra être portée dans la coordination entre les deux ordonnances, l'une, générale, traitant les évolutions du droit de l'UE pour tous les fonds, assurant la prorogation sur l'année ou les années de transition et sur la prochaine programmation, l'autre, traitant le cas du partage des responsabilités Etat-région dans la gestion du FEADER.

La prochaine programmation de la PAC reposera sur deux règlements principaux. Le premier établira des règles régissant les « plans stratégiques », en particulier le plan stratégique national, qui tiendra lieu de document unique de programmation pour l'ensemble des aides de la politique agricole commune (PAC), c'est-à-dire les soutiens prévus au titre des paiements directs (FEAGA), du développement rural (FEADER) et de l'organisation commune des marchés (OCM).

Le second établira les règles relatives au financement, à la gestion et au suivi de la PAC.

Ces deux règlements sont encore débattus par les Etats membres, qui travaillent encore sur la première proposition transmise par la Commission le 1 er juin 2018. Le texte n'est donc pas abouti et n'a pas fait l'objet d'une version traduite présentant des dispositions définitives depuis cette date.

La plupart des dispositions de ces règlements qui impliqueront de manière certaine une mise en conformité du droit national au droit de l'Union ne sont donc pas encore stabilisées.

Par exemple, les dispositions du règlement « plans stratégiques » qui permettent à l'autorité de gestion étatique de confier tout ou partie des fonctions d'autorité de gestion aux régions ont fait l'objet de larges modifications au mois de juin 2020.

En outre, les autorités régionales devront se conformer à certaines exigences du futur cadre européen, qui ne figurent pas dans la réglementation actuelle, parmi lesquelles l'animation de partenariats, l'information large des citoyens sur les opportunités offertes par la PAC, et la mise en place d'un système de suivi et d'évaluation.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

La mesure envisagée a pour objet de sécuriser la période de transition avant la prochaine période d'attribution des fonds européens. Cette disposition ne produit pas de nouvel impact dans la mesure où elle vise à maintenir l'état du droit existant. En effet, il s'agit d'une simple mise en cohérence à caractère transitoire. Les modalités de gestion restent identiques pour les départements et les régions jusqu'à la fin de la programmation. Cela répond à des enjeux de prévisibilité et de sécurité juridique, la nouvelle programmation étant différée. La saisine du CNEN ne semble donc pas obligatoire.

La prorogation des modalités de gestion, pour le FEADER, de l'article 78 de la loi MAPTAM n'implique pas un nouveau transfert de compétence devant faire l'objet d'une compensation financière. En effet, le transfert de l'autorité de gestion des fonds européens aux régions a déjà fait l'objet d'une compensation financière prévue aux articles 80 et suivants de la loi MAPTAM.

Concernant l'habilitation, l'analyse précise des incidences des dispositions envisagées sera effectuée dans la fiche d'impact de l'ordonnance prise dans le cadre de l'habilitation.

Toutefois, il peut d'ores et déjà être fait état que la disposition envisagée devrait permettre de clarifier les responsabilités de l'État et des Régions, en les décroisant. Ainsi, chaque autorité, nationale et régionale, sera responsable de la gestion des mesures pour lesquelles elle est compétente, sur la totalité de la chaîne de gestion.

En ce qui concerne la prochaine programmation du FEADER, la modification des modalités de gestion aura pour conséquence de modifier la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Sur le plan budgétaire, la nouvelle répartition produira des effets de transferts de services de l'Etat vers les régions et des régions vers l'Etat afin d'accompagner la clarification des compétences opérée. Les transferts résultant de ce dispositif feront l'objet de concertation et seront déterminés précisément lors de leur passage en commission consultative d'évaluation des charges en application du droit de la compensation.

Ainsi, les transferts de compétences résultant de la nouvelle répartition des compétences ouvriront droit à une compensation financière pour les collectivités territoriales concernées, dans les conditions fixées aux articles L. 1614-1 à L. 1614-7 du CGCT.

5. MODALITÉS D'APPLICATION ET JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

5.1. MODALITÉS D'APPLICATION

5.1.1 Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.1.2 Application dans l'espace

La mesure envisagée s'applique en France métropolitaine et en outre-mer.

5.1.3 Textes d'application

Un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités de la poursuite du transfert de gestion du FEADER.

5.2. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Le délai d'habilitation de dix-huit mois prévu au II est nécessaire compte tenu de caractère technique des dispositions qui devront être modifiées ou adaptées afin d'assurer la conformité avec la législation européenne.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard trois mois après la publication de l'ordonnance.

CHAPITRE IX - DISPOSITIONS EN MATIÈRE DE CONCURRENCE

Article 25 - Habilitation pour mettre le droit national en conformité avec les règles européennes de la concurrence et de modifier le livre IV du code de commerce pour simplifier les procédures devant l'Autorité de la concurrence et en accroître l'efficacité

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. LES MOYENS D'ACTION DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE ET DU MINISTRE CHARGÉ DE L'ÉCONOMIE

1.1.1. Le pouvoir de transaction et d'injonction du Ministre chargé de l'économie

L'article L. 464-9 du code de commerce confie au Ministre de l'économie, et sur délégation à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), un pouvoir de transaction et d'injonction pour sanctionner les pratiques anticoncurrentielles locales dont l'Autorité de la concurrence (AdlC) ne se saisit pas.

La DGCCRF peut enjoindre aux entreprises concernées de mettre fin à ces pratiques et, le cas échéant, leur proposer une transaction financière si ces pratiques affectent un marché de dimension locale, ne concernent pas des faits relevant des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et sous réserve que le chiffre d'affaires individuel des entreprises en cause soit inférieur à 50 millions d'euros et que leurs chiffres d'affaires cumulés ne dépassent pas 200 millions d'euros.

L'application de ce dispositif soulève cependant des difficultés. En effet, il est parfois malaisé d'évaluer si une pratique se limite à un marché local tant dans son objet que dans ses effets. Par ailleurs, ce dispositif ne tient pas suffisamment compte des effets du développement du commerce électronique au sein des les PME et des TPE.

1.1.2. Les opérations de visite et saisie

Lorsque les opérations de visites et saisies, se déroulent sur plusieurs zones géographiques, un premier juge délivre une ordonnance principale pour le territoire pour lequel il est compétent, puis d'autres juges, compétents pour d'autres territoires délivrent des ordonnances secondaires.

En outre, il est actuellement nécessaire de recourir à plusieurs officiers de police judiciaire par site visité (c'est-à-dire à autant d'officiers de police judiciaire que d'équipes d'enquêteurs sur le site). Cette contrainte implique la mobilisation de ressources importantes pour les services de police judiciaire sans que les droits et les intérêts de l'entreprise en soient de ce fait mieux garantis.

1.2. LES PROCÉDURES DEVANT L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

1.2.1 La collégialité des décisions

Les décisions de l'Autorité de la concurrence sont en principe prises de manière collégiale (les délibérations se font à la majorité des membres présents), conformément à l'article L.463-1 du code de commerce.

Toutefois, le 4 ème alinéa de cet article précise les modalités selon lesquelles une décision de l'Autorité de la concurrence peut être adoptée par le président de l'Autorité ou un vice-président statuant seul :

- les décisions d'irrecevabilité (en raison du défaut d'intérêt ou de qualité à agir de l'auteur, de la prescription des faits ou encore pour défaut de compétence) (L. 462-8 du code de commerce) ;

- les décisions de rejet (pour défaut d'éléments probants, lorsque les pratiques sont locales et peuvent être traitées par le ministre, lorsqu'une autre autorité membre du REC a déjà traité ou est en train de traiter le cas, ou enfin lorsque l'Autorité s'était déjà saisie d'office) (L. 462-8 du code de commerce) ;

- les décisions donnant acte du désistement d'une partie ou bien des dessaisissements effectués par la Commission (L. 462-8 du code de commerce) ;

- les décisions prises après une saisine du ministre (et notamment en cas de refus de transaction concernant une pratique locale ou d'inexécution d'une injonction de mettre fin à une pratique) (L. 464-2 à 6 en application de l'article L. 464-9 du code de commerce) ;

- les décisions de phase 1 en contrôle des concentrations (caractère contrôlable ou non, autorisation avec ou sans engagement, ou décision de passage en phase 2) (L. 430-5 du code de commerce) ;

- certaines décisions de phase 2 en contrôle des concentrations concernant en particulier la révision de décisions de phase 2 antérieures ou de nouvelles décisions nécessaires à la mise en oeuvre de décisions de phase 2 antérieures (L. 430-7 du code de commerce).

D'autres décisions n'entraînant pas de sanctions pourraient relever d'un seul membre du collège, afin d'alléger les procédures et d'en réduire la durée.

1.2.2 L'information préalable de l'Autorité de la concurrence en matière de prix et tarifs réglementés

Le dernier alinéa de l'article L. 462-2-1 du code de commerce impose une formalité d'information préalable de l'Autorité de la concurrence de tout projet de révision des prix ou des tarifs réglementés, au moins deux mois avant la révision du prix ou du tarif en cause. Or cette formalité est dépourvue d'utilité.

En effet, s'agissant du calendrier prévisionnel des révisions tarifaires, l'Autorité a toute latitude pour interroger le gouvernement sur ce point si nécessaire, dans l'optique par exemple de formuler un avis dans le cadre d'une auto-saisine. En tout état de cause, dans la majorité des cas, ce calendrier prévisionnel est connu publiquement à l'avance, les révisions tarifaires étant périodiques, leurs échéances précises étant même parfois fixées par les textes.

1.2.3 La procédure contradictoire

L'article L. 463-2 du code de commerce organise la procédure contradictoire qui doit être suivie pour l'examen d'un dossier contentieux devant l'Autorité de la concurrence, avant transmission du dossier d'instruction au collège de l'Autorité en vue de la séance prévue à l'article L. 463-7 du même code.

Cet article institue un double tour de contradictoire écrit, en réponse d'abord à la notification des griefs, puis au rapport. Conformément aux dispositions de l'article L. 463-7 du code de commerce, les parties peuvent également développer leurs arguments devant le collège lors de la séance, ce qui conduit in fine à trois tours de contradictoire.

Toutefois, en application de l'article L.463-3 du code de commerce, le rapporteur général peut décider que l'affaire sera examinée sans l'établissement préalable d'un rapport (la procédure est dite alors « simplifiée »). Dans cette hypothèse, la sanction pécuniaire que peut prononcer l'Autorité ne peut excéder 750 000 €.

Le double tour de contradictoire écrit conduit à allonger la procédure d'instruction : la rédaction du rapport, les observations des parties et leur traitement par les services d'instruction allongent généralement la durée de la procédure de plusieurs mois.

En outre, cette organisation est quasiment unique en Europe. La plupart des autorités nationales de concurrence de l'Union ne disposent pas d'un triple tour de contradictoire et quand c'est le cas, comme en Espagne, le dernier tour oral, organisé à la demande des parties, n'est que très rarement mis en oeuvre. La Commission européenne, quant à elle, recourt essentiellement à un tour de contradictoire écrit, le tour de contradictoire oral, réalisé, là aussi, à la demande des parties, étant rarement utilisé.

1.2.4 La procédure de « clémence »

Le IV de l'article L. 464-2 du code de commerce prévoit d'exonérer totalement ou partiellement d'une sanction pécuniaire une entreprise partie à une entente contraire à l'article L 420-1 du même code si elle a contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs. La procédure de clémence est initiée par l'entreprise qui demande à l'Autorité ou au ministre chargé de l'économie de bénéficier de cette exonération totale ou partielle.

Une distinction est opérée entre les demandeurs de type 1 qui contribuent à révéler une infraction et qui peuvent prétendre à une immunité d'amende et les demandeurs de type 2 qui apportent une contribution significative à la démonstration de l'infraction poursuivie par l'autorité de concurrence et qui peuvent prétendre à une réduction d'amende.

A la suite de cette demande, le rapporteur général ou le ministre chargé de l'économie saisit le collège afin que ce dernier émette un avis de clémence qui précise l'exonération envisagée et les conditions auxquelles est subordonnée cette exonération. Cet avis est rendu après que le demandeur et le commissaire du Gouvernement ont présenté leurs observations sur un rapport des services d'instruction. L'article L. 464-2 ajoute que cet avis est transmis à l'entreprise concernée et au commissaire du Gouvernement et qu'il n'est pas publié.

Dans le cadre de sa décision de sanction, l'Autorité peut, après avoir entendu l'entreprise concernée et le commissaire du Gouvernement, sans établissement préalable d'un rapport, accorder l'exonération envisagée dans l'avis si les conditions qui y figurent ont été respectées.

Cette procédure d'avis préalable qui intervient très en amont de l'instruction soulève un certain nombre de difficultés.

Tout d'abord, cette procédure d'avis contribue dans les cas d'entente, notamment de cartels, à des retards dans l'instruction. En effet, elle impose aux services d'instruction de produire pour chaque demandeur de clémence un rapport qui apprécie la coopération du demandeur et la valeur ajoutée de cette coopération pour proposer une exonération conditionnelle au collège. Ce rapport fait l'objet d`observations de la part des parties et est présenté en séance devant le collège. Cette procédure d'avis préalable a pour effet de ralentir considérablement le déroulé de l'instruction.

En premier lieu, si l'Autorité recourt à une opération de visite et saisie à la suite d'une demande de clémence, elle doit préalablement adopter un avis de clémence à l'égard du premier demandeur qui a révélé la pratique prohibée et apporter à l'Autorité les éléments matériels nécessaires à la réalisation d'une opération de visite et saisie.

Cette procédure conduit donc à retarder les opérations de visite et saisie, alors que celles-ci doivent être réalisées le plus rapidement possible pour écarter le risque de déperdition des preuves.

En second lieu, lorsque des demandes de clémence de type 2 sont introduites auprès de l'Autorité, notamment après des opérations de visite et saisie, il incombe aux services d'instruction d'évaluer la valeur ajoutée des informations et pièces transmises par le demandeur de clémence. Or cette valeur ajoutée s'apprécie au regard des informations dont l'Autorité dispose déjà, et notamment des éléments que les services d'instruction ont recueillis à l'occasion des opérations de visite et saisie, souvent très nombreux. Cette comparaison de pièces est souvent très longue et retarde d'autant le début de l'instruction à proprement parler.

Les avis de clémence même s'ils constituent des actes préparatoires à la décision, peuvent apparaître comme une forme de « pré-jugement » puisqu'ils identifient des pratiques qui sont susceptibles de tomber sous le coup de l'article L. 420-1. En outre, la procédure d'avis induit un certain nombre de difficultés pratiques au moment de la composition des formations de jugement puisque les membres ayant siégé pour l'avis de clémence ne siègent pas pour la décision au fond.

Certains acteurs économiques font également valoir que la procédure française, avec le recours à un avis de clémence, est lourde et longue et constitue ainsi un facteur dissuasif pour déposer une demande de clémence. La suppression de cet avis aurait également le mérite d'harmoniser davantage la procédure française avec celle appliquée par la Commission européenne et par les autres autorités nationales de concurrence en Europe.

A cet égard, la communication de la Commission du 8 décembre 2006 précise que, pour un demandeur de type 1, la Commission lui accorde par écrit une immunité conditionnelle d'amende quand elle a constaté que certaines conditions d'octroi de cette immunité sont remplies et, pour un demandeur de type 2, la Commission l'informe par écrit au plus tard à la date de la notification de griefs, de son intention de réduire le montant de l'amende dans une fourchette de réduction, quand elle est parvenue à la conclusion provisoire que les éléments communiqués par l'entreprise apportent une valeur ajoutée significative et a constaté qu'un certain nombre de conditions sont remplies.

1.2.5 Les dispositions relatives à l'Outre-Mer

Dans sa rédaction actuelle 43 ( * ) , l'article L. 752-27 du code de commerce permet à l'Autorité de la concurrence (AdlC) d'enjoindre à tout opérateur exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail de céder certains de ses actifs, dès lors que les conditions suivantes sont remplies :

- une entreprise ou un groupe d'entreprises exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail détient une position dominante,

- cette concentration excessive porte atteinte à une concurrence effective dans la zone considérée,

- cette atteinte se traduit, dans la même zone, par des pratiques de prix ou de marges élevés en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur économique concerné.

Ce dispositif, par lequel l'AdlC peut aussi accepter des engagements proposés par les entreprises, a été instauré par la loi LROM du 20 novembre 2012 44 ( * ) afin de permettre à l'AdlC d'intervenir de manière ciblée dans des zones de chalandise où un degré élevé de concentration économique dans le secteur du commerce de détail, conjugué à l'éloignement et l'insularité des territoires ultramarins, a pour conséquence que le niveau des prix des produits de consommation courante est structurellement élevé.

L'AdlC a souligné dans son avis 19-A-12 45 ( * ) que les conditions auxquelles est soumise la mise en oeuvre des dispositions lui permettant le cas échéant d'agir sur la structure du marché (via l'imposition de cessions d'actifs) sont définies de façon trop strictes, ce qui a eu pour conséquence qu'elle n'a pas été en mesure de les utiliser.

L'interdiction des exclusivités d'importation introduite dans le code de commerce (article L. 420-2-1) par la loi LROM du 20 novembre 2012 46 ( * ) avait pour objet de stimuler la concurrence entre grossistes-importateurs au sein d'un même DROM. L'AdlC, dans son avis 19-A-12 47 ( * ) , a souligné que si cette mesure semble avoir commencé à fluidifier les relations entre grossistes-importateurs et fournisseurs via le développement des procédures de mises en concurrence, son impact demeure limité.

Constatant qu'une part non négligeable des groupes de distribution ultramarins sont, de fait, également présents en tant que grossistes-importateurs sur le marché de la vente en gros, l'AdlC estime que cette intégration verticale est susceptible de soulever des problèmes de concurrence, en particulier en matière d'allocation des budgets de coopération commerciale.

Elle souligne l'impact négatif des pratiques de discrimination mises en oeuvre par les opérateurs intégrés pour la concurrence intra-marque : en l'absence de sources alternatives d'approvisionnement, des distributeurs non-intégrés qui feraient l'objet de pratiques discriminatoires n'ont pas la possibilité de s'adresser à un autre grossiste pour les produits d'une même marque.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Il est nécessaire de transposer, au plus tard le 4 février 2021, la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur (dite « directive ECN+ »).

Les dispositions de cette directive qui nécessitent encore une transposition en droit national concernent notamment :

- La possibilité pour l'Autorité de la concurrence de prononcer des injonctions structurelles dans le cadre de procédures contentieuses concernant des pratiques anticoncurrentielles ;

- La procédure d'engagements ;

- L'instauration d'un montant maximum d'amende unique fixé à 10 % du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise ;

- La consécration du principe de la responsabilité financière des membres de l'association d'entreprises ;

- La codification de la procédure de clémence et de sa mise en oeuvre ;

- La codification de dispositions permettant la coopération entre autorités nationales de concurrence.

La transposition de la directive impose de modifier les dispositions du droit national applicables aux sanctions pécuniaires.

A cette fin, il est fait le choix d'introduire dans la loi une mesure d'habilitation législative permettant au Gouvernement de prendre ces mesures par voie d'ordonnance.

A cette transposition s'ajoutent des réformes tenant à l'activité de l'Autorité de la concurrence, relatives à ses procédures d'enquête, d'instruction et de jugement dont l'adoption exige des mesures de nature législative. Ces mesures font l'objet d'une mesure d'habilitation législative permettant au Gouvernement de les prendre par voie d'ordonnance.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les mesures envisagées visent à mettre en conformité le droit national avec le droit communautaire de la concurrence (transposition de la directive (UE) 2019/01 du 11 décembre 2019).

Les mesures envisagées visent à améliorer les moyens d'action des autorités chargées de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles (élargissement des cas où le ministre chargé de l'économie peut imposer des injonctions ou transiger avec les entreprises).

Elles visent aussi à simplifier les modalités d'intervention des officiers de police judiciaire dans les opérations de visite et de saisie (présence d'un seul officier de police judiciaire par site visité).

Elles visent également à alléger les procédures devant l'Autorité de la concurrence (élargissement du recours aux décisions non collégiales, suppression de l'information préalable de l'Autorité pour toute révision de prix ou tarifs réglementés, élargissement de la procédure simplifiée, clarification des critères de détermination des sanctions par l'Autorité de la concurrence, simplification de la procédure relative à la clémence).

Enfin, les mesures envisagées spécifiques à l'Outre-Mer visent à assouplir l'exercice par l'Autorité de la concurrence des pouvoirs lui permettant d'agir sur la structure du marché (via des injonctions structurelles) et à stimuler la concurrence dans la distribution des produits lors qu'il existe une situation d'exclusivité d'importation. :

3. DISPOSITIF RETENU

Les mesures envisagées autorisent le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesures relevant du domaine de la loi permettant d'accroître l'efficacité des procédures en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et de stimuler la concurrence :

3.1. I - A) RELATIF À LA MISE EN CONFORMITÉ DU DROIT NATIONAL AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE DE LA CONCURRENCE

L'article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance diverses mesures destinées à mettre le droit français en conformité avec la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur (dite « directive ECN+ »).

La directive dite « directive ECN+ » doit être transposée au plus tard le 4 février 2021.

La transposition de la directive, qui impose de modifier les dispositions du droit national applicables aux sanctions pécuniaires, devrait conduire notamment à clarifier les critères de détermination de la sanction par l'Autorité de la concurrence, fixées à l'article L. 464-2 du code de commerce, par référence à la durée et à la gravité de l'infraction, et par la suppression de la référence au « dommage à l'économie ».

Cette clarification serait en ligne avec la pratique et la jurisprudence, et écarte toute confusion avec la notion de dommage privé. L'ambiguïté de vocabulaire liée aux différentes acceptions de la notion de dommage induit en effet souvent des incompréhensions et des débats inutiles devant l'Autorité de la concurrence et les instances d'appel.

3.2. I - B) RELATIF À LA MODIFICATION DU CODE DE COMMERCE

Le 5 ème tiret élargirait les cas où le ministre chargé de l'économie peut imposer des injonctions ou transiger avec les entreprises, en levant la condition tenant à la dimension locale du marché dans l'article L. 464-9 du code de commerce.

Afin de lever toute ambiguïté dans le dispositif actuel, de le simplifier et de le moderniser, il pourrait être proposé de ne plus limiter sa mise en oeuvre au caractère local des marchés affectés par les pratiques anticoncurrentielles. La suppression de ce critère apporterait de la clarté aux entreprises leur assurant une plus grande sécurité juridique.

3.2.1 La simplification et la modernisation des opérations de visite et saisie

Le 1 er tiret viserait à améliorer, à l'article L. 450-4 du code de commerce, le dispositif des visites domiciliaires actuellement en vigueur en France qui permet à l'Autorité de la concurrence et à la DGCCRF de rechercher, après avoir obtenu l'autorisation du juge des libertés et de la détention, des éléments de preuve de l'existence de pratiques anticoncurrentielles.

Cette proposition de modification s'inspire de l'expérience acquise depuis la réforme introduite par l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence.

Par exemple, il serait proposé de :

- permettre qu'un seul officier de police judiciaire par site visité assiste aux opérations.

Dans le régime actuel, il est nécessaire de recourir à plusieurs officiers de police judiciaire par site visité (autant d'officiers de police judiciaire que d'équipes d'enquêteurs sur le site). Cette contrainte implique la mobilisation de ressources importantes pour les services de police judiciaire sans que les droits et les intérêts de l'entreprise en soient de ce fait mieux garantis.

En effet, dans l'hypothèse d'un seul officier de police judiciaire par site visité, ces droits et intérêts demeurent préservés : la présence constante de l'occupant des lieux ou de son représentant (et de son conseil le cas échéant) permettra de faire valoir les droits et intérêts de l'entreprise en cas de contentieux ultérieur, l'officier de police judiciaire présent sur les lieux supervisant lesdites opérations (comme le ferait le juge s'il était présent) et pouvant intervenir sur interpellation de l'occupant des lieux ou de son représentant, en cas de contestation sérieuse qui lui serait soumise.

- simplifier les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention concernant le déroulement des opérations de visite et saisie.

Les mesures envisagées auraient pour objet de permettre qu'un seul et même juge des libertés et de la détention puisse autoriser et contrôler l'ensemble des opérations de visite et de saisie dès lors qu'au moins l'un des lieux à visiter est situé dans le ressort de son tribunal judiciaire. Lorsque ces opérations ont lieu en dehors du ressort de son tribunal judiciaire, le juge conserverait la possibilité de délivrer une commission rogatoire pour exercer leur contrôle au juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel s'effectue la visite.

3.2.2 L'allègement des procédures devant l'Autorité de la concurrence

Le 2ème tiret élargirait le champ des décisions qui peuvent être adoptées par le président ou un vice-président de l'Autorité de la concurrence statuant seul, en application de l'article L. 461-3 du code de commerce.

Il pourrait être proposé d'élargir le « juge unique » aux décisions de saisine d'office réalisées sur proposition du rapporteur général de l'Autorité (III de l'article L. 462-5 du code de commerce).

Ces décisions concernent en effet généralement des situations dans lesquelles le rapporteur général propose au collège de se saisir d'office de pratiques ayant fait l'objet d'un rapport administratif d'enquête des services du ministre chargé de l'économie (DGCCRF). Elles n'ont pas pour objet de sanctionner des pratiques, mais de permettre aux services d'instruction de l'Autorité, à partir de ce rapport, de proposer les suites appropriées (notification de griefs ...). S'agissant de décisions qui ne conduisent pas en elles-mêmes à des sanctions, elles peuvent échapper au principe de la collégialité.

Les affaires plus complexes, en particulier les décisions de sanctions, de non-lieu ou prononçant des mesures conservatoires demeurent en revanche soumises au principe de collégialité.

Il pourrait également être proposé d'élargir le recours au « juge unique » aux décisions de révision des engagements prises en application de l'article L.464-2 du code de commerce.

- Le 3 ème tiret pourrait supprimer l'information préalable de l'Autorité de la concurrence en cas de révision de tarifs et prix réglementés, en abrogeant le dernier alinéa de l'article L. 462-2-1 du code de commerce.

Dans une perspective de simplification, il pourrait être proposé de supprimer cette obligation d'information, dépourvue d'utilité, source de complexification de la régulation tarifaire et d'insécurité juridique.

- Le 4 ème tiret étendrait la faculté pour l'Autorité de la concurrence de recourir à une procédure simplifiée en complétant à cet effet l'article L. 463.3 du code de commerce. et en supprimant l'article L. 464-5 de ce code.

Afin de réduire la durée d'instruction des affaires, d'harmoniser la procédure française avec celle de la plupart des autorités de concurrence en Europe, tout en préservant les droits de la défense, il pourrait être proposé de modifier l'équilibre actuel de la procédure contentieuse antitrust en faisant du principe du contradictoire écrit à un seul tour (envoi d'une notification des griefs sans établissement du rapport) la norme et de l'établissement du rapport l'exception, laquelle serait laissée à l'appréciation du rapporteur général en fonction des circonstances du cas d'espèce. Ainsi serait généralisée la procédure contradictoire à deux tours, à l'instar de ce qui se pratique dans un grand nombre de pays de l'Union, une procédure contradictoire à trois tours demeurant possible dans des cas complexes.

Dans certains cas complexes, l'étape du rapport peut en effet constituer une étape utile pour affiner la compréhension de certains arguments (notamment économiques) et renforcer la robustesse finale des décisions grâce à un débat contradictoire plus approfondi.

La mesure proposée conduirait à ce que le principe du contradictoire se concentre autour de la seule notification des griefs, en laissant à l'appréciation du rapporteur général la faculté de décider l'établissement d'un rapport transmis aux parties en fonction de l'affaire et de sa complexité.

- Le 6 ème tiret aurait pour objet de supprimer l'avis de clémence prévu à l'article L. 464-2 IV du code de commerce, tout en accompagnant cette suppression par des mesures d'information pour les demandeurs de clémence, afin de leur donner une prévisibilité sur la sanction encourue et le déroulement de la procédure.

3.2.3 Les mesures spécifiques à l'Outre -Mer

Il s'agirait de permettre à l'Autorité de la concurrence d'enjoindre à tout distributeur agissant au stade du commerce de détail de céder certains de ses actifs, non plus sous réserve d'avoir démontré une atteinte à la concurrence effective , mais après avoir caractérisé des préoccupations de concurrence résultant des prix, des marges ou des taux de rentabilité élevés pratiqués par l'entreprise. Le champ de l'injonction structurelle est étendu aux grossistes ;

Il pourrait être également introduit une interdiction expresse des pratiques discriminatoires de la part d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises, au détriment de toute autre entreprise avec lequel elle n'a pas de lien de nature capitalistique ; cette interdiction des conditions discriminatoires s'applique aux grossistes-importateurs mais aussi aux distributeurs dès lors qu'il existe une situation d'exclusivité d'importation de fait des produits concernés.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

L'analyse précise des conséquences attendues de la mesure sera effectuée dans la fiche d'impact exposant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation.

Néanmoins, il peut d'ores et déjà être fait état des impacts suivants :

Les mesures envisagées devraient être compatible avec le droit de l'union européenne en matière de concurrence (i.e. directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des Etats membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur).

Ces mesures devraient également :

- permettre une économie de moyens pour les services de police judiciaire qui interviennent dans les procédures de visites domiciliaires, tout en préservant les droits de la défense et accélérer la réalisation des opérations de visite et de saisie ;

- contribuer à la diminution des délais de traitement des affaires devant l'Autorité de la concurrence en facilitant l'organisation des séances (extension du recours possible au juge unique, suppression de l'avis de clémence) ;

- réduire la charge administrative pesant sur les services du Gouvernement (suppression de l'information préalable de l'Autorité de la concurrence en cas de révision des tarifs et prix réglementés).

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Ces dispositions sont soumises, à titre facultatif, à l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel, à l'avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

Les dispositions envisagées entreront en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal Officiel , à l'exception de la réforme relative au dispositif de clémence devant l'Autorité de la concurrence dont les modalités nécessitent l'adoption d'un décret en Conseil d'Etat.

6. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Le délai d'habilitation de douze mois est nécessaire compte tenu de la technicité des dispositions législatives devant être modifiées, lesquelles devront pouvoir intégrer les mesures des directives européennes dans le code de commerce et permettre des consultations des parties prenantes.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard trois mois après la publication de l'ordonnance.


* 1 Article 3.

* 2 Thierry LIBAERT, « Pour une consommation plus durable en phase avec les enjeux européens », 25 janvier 2019 : https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/194000090.pdf

* 3 Feuille de route pour l'économie circulaire (FREC), en particulier ses mesures n°11 « Renforcer la mise en oeuvre effective de la garantie légale de conformité » et n°13 « Améliorer l'information du consommateur » : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Feuille-de-route-Economie-circulaire-50-mesures-pour-economie-100-circulaire.pdf

* 4 Panorama de l'offre de réparation en France - Étude réalisée pour l'ADEME ; Octobre 2014

* 5 Règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs (« Règlement relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs»)

* 6 Règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs et abrogeant le règlement (CE) n° 2006/2004

* 7 Directive 2009/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs

* 8 Cf. https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/commerce-electronique-fin-geoblocage-dans-lunion-europeenne

* 9 23% des pratiques commerciales trompeuses, 10% le non-respect des droits des consommateurs, 9 % des escroqueries et 7% une contestation du montant de la facture

* 10 Décision de la Commission 2010/C 210/03 (JO C 210 du 3.8.2010, p. 4)

* 11 Communiqué de presse de la Commission européenne du 29 novembre 2011 - IP_11_1469

* 12 Consultation concernant une initiative visant à améliorer la chaîne d'approvisionnement alimentaire - période de consultation 16 août 2017-17 novembre 2017 -https://ec.europa.eu/info/consultations/initiative-improve-food-supply-chain_fr

* 13 Parmi cette jurisprudence, peuvent notamment être cités les arrêts suivants : arrêt de la Cour d'appel, 18 septembre 2013, GALEC c/ Ministre, arrêt de la Cour de Cassation, 25 janvier 2017, GALEC c/ Ministre, arrêt de la Cour de cassation, 4 octobre 2016, CARREFOUR c/ Ministre, arrêt de la Cour d'appel de Paris, 1 er octobre 2014, Ministre c/ CARREFOUR, arrêt de la Cour de Cassation, 3 mars 2015, EURAUCHAN c/ Ministre, arrêt de la Cour de Cassation, 26 avril 2017, Darty c/ Ministre, arrêt de la Cour d'appel, 20 décembre 2017, Ministre c/ITM, arrêt de la Cour d'appel, 12 juin 2019, GEEPF c/ Ministre.

* 14 Le règlement « platform to business » entre en application le 12 juillet 2020.

* 15 Règlement (UE) 2015/1525 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 modifiant le règlement (CE) no 515/97 du Conseil relatif à l'assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d'assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole.

* 16 Les données relatives aux mouvements de conteneurs permettent de détecter les fraudes de marchandises à destination et en provenance du territoire douanier de l'Union. Ces données facilitent la prévention des opérations qui sont ou semblent contraires à la réglementation douanière, ainsi que les enquêtes et les poursuites y afférentes.

* 17 Les Formalités douanières sont définies à l'article 5 §8 du CDU comme « l'ensemble des opérations que doivent exécuter une personne et les autorités douanières afin de se conformer à la législation douanière »

* 18 Définition du représentant en douane prévue à l'article 5§6 CDU

* 19 Arrêté du 13 avril 2016 relatif à la représentation en douane et à l'enregistrement des représentants en douane (NOR: FCPD1610130A).

* 20 Se dit des transporteurs dont le métier de base est le transport express

* 21 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'émission d'obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties et modifiant la directive 2009/65/CE et la directive 2014/59/UE

* 22 Commission staff working document (2018), Impact assessment accompanying the document « Proposal for a Directive of the European Parliament and the Council on the issue of covered bonds and covered bond public supervision and amending Directive 2009/65/EC and Directive 2014/59/EU” and “Proposal for a Regulation of the European Parliament and the Council on amending Regulation(EU) No 575/2013 as regards exposures in the form of covered bonds”

* 23 A titre d'exemple, la directive modifie l'exigence de capital initial pour les entreprises d'investissement autorisées à gérer un système multilatéral de négociation passerait de 730.000€ à 150.000€, ce qui permettra à plus d'entreprises d'investissement de proposer ce service.

* 24 Schenkel, A. (2017), “Proportionality of Banking Regulation - Evidence from Germany”

* 25 EFAMA Fact Book 2017 et Investment Company Institute (ICI) Fact Book 2017.

* 26 Ce volet recouvre aussi divers règlements notamment le règlement dit CRR qui impose le respect des ratios prudentiels définis par le Comité de Bâle pour la supervision bancaire (Règlement (UE) 2019/876 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant le règlement (UE) no 575/2013 en ce qui concerne le ratio de levier, le ratio de financement stable net, les exigences en matière de fonds propres et d'engagements éligibles, le risque de crédit de contrepartie, le risque de marché, les expositions sur contreparties centrales, les expositions sur organismes de placement collectif, les grands risques et les exigences de déclaration et de publication), ou le dispositif de couverture des créances douteuses (Règlement (UE) 2019/630 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 modifiant le règlement (UE) 575/2013 en ce qui concerne la couverture minimale des pertes sur les expositions non performantes)

* 27 Issue du I de l'article 17 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable, et accessible à tous

* 28 issu d'un amendement du gouvernement

* 29 La disparition de la disposition visant à prohiber l'interdiction de cession de créances accroit le risque juridique auquel un établissement est exposé. Cela accroit également le risque opérationnel puisqu'il faudra désormais vérifier crédit par crédit qu'une telle clause n'est pas insérée. Le superviseur, conscient de ces risques, pourrait décider d'augmenter les exigences de fonds propres en lien avec ces activités.

* 30 Les prêts non performances correspondant aux sommes prêtées pour lesquelles le débiteur n'a pas honoré les échéances de paiement pour une période fixée. A la suite des crises bancaires récentes, l'Union européenne et le superviseur européen (la Banque Centrale Européenne) ont fait de la nécessité d'assainir les bilans bancaires une priorité. Cela implique que les banques puissent céder leurs créances douteuses. La prohibition de la cession d'interdiction rend ces cessions plus simples parce que plus sûre juridiquement. Peu importe qu'une clause d'interdiction de cession de créance ait été insérée, la prohibition la rend nulle et donc l'incertitude juridique disparait.

* 31 Cf. https://webgate.ec.europa.eu/competition/transparency/public?lang=fr

* 32 https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/publications/vademecum_aides_etat-2016/pdf-vade-mecum-aides-etat/Fiche-17.pdf

* 33 Par exemple l'absence de diligences destinées à recouvrer le paiement de certaines dettes, notamment fiscales : cf. arrêt de la Cour de justice du 12 octobre 2000, Magefesa , C?480/98, ECLI:EU:C:2000:559

* 34 cf. arrêt de la Cour de justice du 2 juillet 1974, Italie/Commission , 173/73, ECLI:EU:C:1974:71, point 13

* 35 Cf. arrêt de la Cour de justice du 3 mars 2005, Heiser , C?172/03, ECLI:EU:C:2005:130, point 36.

* 36 Ces données sont issues du rapport annuel arrêté au 31 décembre 2018 adressé à la Commission européenne, conformément aux dispositions de l'article 26 du règlement (UE) 2015/1589 portant modalités d'application de l'article 108 du TFUE qui prévoit en effet une obligation de rapport annuel pour chaque régime d'aide notifié ou exempté de notification.

* 37 Régime d'aide n° SA. 44531.

* 38 Régime d'aide n° SA. 52046

* 39 Exemples : Certains actes du Conseil suivants relevant du domaine de la santé animale sont devenus obsolètes : décision 78/642/CEE (53); directive 79/110/CEE, directive 81/6/CEE; décision 89/455/CEE, directive 90/423/CEE, décision 90/678/CE, directive 92/36/CEE, directive 98/99/CE.

Concernant les règles relatives à l'identification et à l'enregistrement des animaux et des mesures de lutte contre certaines maladies animales et zoonoses, il s'agit du règlement (CE) n° 21/2004 ainsi que les directives 92/66/CEE, 2000/75/CE, 2001/89/CE, 2002/60/CE, 2003/85/CE, 2005/94/CE et 2008/71/CE.

* 40 Directive du Conseil du 20 décembre 1968 faisant obligation aux États membres de la C.E.E. de maintenir un niveau minimum de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers (68/414/CEE)

* 41 Directive 2001/82/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires

* 42 D irective 90/167/CEE du Conseil, du 26 mars 1990, établissant les conditions de préparation, de mise sur le marché et d'utilisation des aliments médicamenteux pour animaux dans la Communauté

* 43 Cette rédaction résulte d'une modification de l'article L. 752-27 du code de commerce introduite par la loi n°2015-990 du 6 août 2015 relative à la croissance, à l'activité, et à l'égalité des chances économiques , cet article ayant été inséré dans le code de commerce par la loi LROM (cf. infra).

* 44 Loi n°2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.

* 45 Avis 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-mer, § 237 et suivants.

* 46 Loi n°2012-1270 du 20/11/2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.

* 47 Avis 19-A-12 du 4/07/ 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-mer, § 237 et suivants.

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