TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION

DU CONSEIL DES MINISTRES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

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Ministère de l'Europe
et des affaires étrangères

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Projet de loi

autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de notes verbales entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie relatif à l'échange de permis de conduire

NOR : EAEJ2512039L/Bleue-1

ETUDE D'IMPACT

I. Situation de référence

a) Les relations bilatérales avec la Moldavie

L'établissement de relations diplomatiques dès 1992 fait de la France l'un des Etats les plus anciennement représentés en République de Moldavie. Cette relation a connu une nouvelle dynamique à la suite de l'élection de Maia Sandu à la présidence de la République en 2020. Ainsi, dès le 4 février 2021, Maia Sandu a été reçue à Paris par le Président de la République pour la première visite bilatérale d'un chef d'Etat moldave depuis 1997. Cette visite a permis de marquer le soutien de la France au programme réformateur et pro-européen de Mme Sandu, et de définir un agenda bilatéral ambitieux.

Le 2 septembre 2021, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères s'est rendu à Chi?inãu, quelques jours après les célébrations du trentième anniversaire de l'indépendance de la République de Moldavie. Le Président de la République s'est entretenu avec Maia Sandu en marge du Forum de Paris pour la paix le 12 novembre 2021. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, le Ministre s'est de nouveau rendu à Chi?inãu le 3 mars 2022, accompagné de Janez Lenarèiè, commissaire européen à l'aide humanitaire et à la réaction aux crises. Puis, Maia Sandu a effectué une visite à Paris le 19 mai et a une nouvelle fois été reçue par le Président de la République. Le Président de la République s'est rendu le 15 juin en Moldavie, accompagné par la ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Il s'agissait de la première visite d'un président français en République de Moldavie depuis 24 ans.

En juin 2022, les vingt-sept États membres ont accordé à la République de Moldavie, avec le soutien de la France, le statut de pays candidat à l'Union européenne. Le 20 octobre 2024, les Moldaves ont approuvé par référendum l'inscription dans la Constitution de l'objectif d'entrée du pays dans l'Union européenne, par une courte majorité (50,46%).

Le 1er juin 2023, le Président de la République s'est rendu à Chisinau pour participer au deuxième sommet de la Communauté politique européenne (CPE) et réaffirmer le soutien de la France à la Moldavie et à l'Ukraine dans le contexte de l'agression russe.

Le 17 octobre 2023, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères s'est à nouveau rendue à Chisinau à l'occasion de la quatrième conférence ministérielle de la Plateforme de soutien à la Moldavie.

Le 7 mars 2024, la Présidente Maia Sandu s'est entretenue avec le Président de la République dans le cadre d'un déplacement à Paris qui a permis de réaffirmer le soutien de la France à la trajectoire européenne de la Moldavie et au renforcement de la résilience du pays dans le contexte de la guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine.

En matière de coopération culturelle et linguistique, l'Alliance française de Moldavie a été inaugurée en décembre 1995 à Chi?inãu. Par ailleurs, la République de Moldavie est membre de l'Organisation internationale de la francophonie depuis 1996. En octobre 2018, la République de Moldavie a signé un pacte linguistique destiné à renforcer la place du français dans son système éducatif, au sein duquel 40 % des écoliers du secondaire en font l'apprentissage. Avec près de 3 500 élèves, l'Alliance française de Moldavie est l'une des plus importantes Alliances françaises d'Europe.

La diaspora moldave en France est constituée d'environ 100 000 personnes. Le nombre de ressortissants français inscrits au registre consulaire en Moldavie est de 65 personnes, pour environ une centaine de Français sur place au total1(*).

b) La reconnaissance et l'échange des permis étrangers en France

Les conventions de Vienne2(*) et de Genève3(*) sur la circulation routière prévoient que chaque Etat est libre de ne pas reconnaître un permis de conduire délivré par un autre Etat, dès lors que son titulaire a changé d'Etat de résidence article 41 de la Convention de Vienne ratifiée par la France). Concrètement, les Etats définissent généralement une courte période de reconnaissance, permettant ainsi les trajets liés à des séjours de courte durée (transit touristique, visite d'affaires), qui prend généralement fin au moment de l'établissement de la résidence normale du titulaire dans l'Etat d'accueil.

La possibilité de ne pas reconnaître un permis européen par un Etat membre est suspendue par la Directive européenne sur les permis de conduire4(*), qui établit le principe de reconnaissance mutuelle entre les permis de conduire délivrés par les Etats membres.

Pour les titulaires d'un permis non-européen, il appartient à chaque Etat de décider de reconnaître ou non les droits à conduire associés au permis régulièrement délivré par un autre Etat, non européen.

La reconnaissance du permis de conduire consiste donc pour un Etat de définir les conditions permettant au détenteur d'un permis de conduire régulièrement délivré par un autre Etat non européen à conduire des véhicules sur son territoire. La durée de reconnaissance est généralement assez courte et est fixée par chaque Etat dans sa réglementation. Elle est souvent assortie d'une obligation d'accompagnement du titre étranger par un permis de conduire international ou d'une traduction dans sa langue.

L'échange des permis de conduire intervient quant à lui lorsqu'un titulaire d'un permis non européen s'installe durablement dans un autre Etat. Il permet d'obtenir un permis de conduire de l'Etat d'installation sans avoir à repasser l'ensemble des épreuves de l'examen du permis local, sur présentation d'une attestation de droits à conduire obtenue auprès des autorités compétentes de l'Etat d'origine. En dehors du mécanisme de reconnaissance, permettant de conduire dans l'Etat d'accueil pendant une durée limitée après l'établissement de la résidence normale, en l'absence d'accord d'échange des permis de conduire ou de pratique réciproque, il est nécessaire de se présenter à l'ensemble des épreuves du permis de conduire pour obtenir le permis local, pour pouvoir conduire sur le territoire de l'Etat d'accueil.

En matière de permis de conduire, et notamment s'agissant de la reconnaissance des permis de conduire étrangers, des conditions de délivrance et du format des titres, la réglementation française s'inscrit dans le cadre posé par la Convention de Vienne de 1968 sur la circulation routière5(*) et la directive européenne 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire6(*).

L'arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire7(*) et celui du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne ni à l'Espace économique européen8(*), pris en application de l'article R.222-3 du Code de la Route9(*), tire les conséquences de ce cadre conventionnel et prévoit la reconnaissance des permis de conduire étrangers régulièrement délivrés pour une période d'un an à compter de l'établissement par son titulaire de sa résidence normale en France. Tout conducteur titulaire d'un permis étranger non européen doit, avant l'expiration de ce délai, obtenir un permis de conduire français par échange ou par examen.

Les usagers titulaires de titres de séjour spécial10(*) délivrés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et de titres de séjour mention étudiant bénéficient de la reconnaissance de leur permis étranger quelle qu'en soit la nationalité et durant l'entière durée de leurs mission ou études, car ils ne sont pas réputés avoir établi leur résidence principale en France ; ils ne sont donc pas concernés par l'échange.

Concernant les échanges de permis délivrés par des Etats n'appartenant ni à l'Union européenne ni à l'Espace économique européen, le dispositif français repose notamment sur l'alinéa A du paragraphe I de l'article 5 de l'arrêté du 12 janvier 2012, qui prévoit la possibilité d'un échange s'il existe un accord de réciprocité entre la France et cet Etat.

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Une comparaison avec nos principaux partenaires européens permet de constater que ces derniers, qui fondent généralement l'échange des permis étrangers sur des accords bilatéraux, ne pratiquent l'échange en moyenne qu'avec une trentaine d'Etats tiers (72 pour l'Allemagne dont 28 Etats fédérés américains et 12 provinces canadiennes et 13 procédures d'échange nécessitant le passage de l'examen pratique allemand), un chiffre bien en deçà de la pratique française. En effet, au 23 septembre 2024, la France échangeait avec 116 Etats et territoires, dans lesquels sont comptés 8 provinces canadiennes et 18 Etats des USA.

C'est dans ce contexte que le ministère de l'intérieur (Délégation à la sécurité routière) et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (Direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire) ont engagé, au début de l'année 2018, une révision globale de ce dispositif. L'objectif est de n'échanger le permis français qu'avec des Etats pour lesquels un accord intergouvernemental existe, et de ne conclure de tels accords qu'avec des Etats dont la politique publique de sécurité routière, de formation (des conducteurs, des enseignants à la conduite et des examinateurs), de sécurisation des titres et de conditions de délivrance des permis de conduire est à des standards comparables à ceux de la France. Les données techniques nécessaires à cette évaluation sont obtenues localement par les représentations diplomatiques et consulaires françaises et par une visite d'étude des équipes de la Délégation à la sécurité routière, puis font l'objet d'un examen détaillé par la Délégation à la sécurité routière (DSR).

Cette étude vise à établir le niveau d'équivalence entre les règles de circulation et le système de formation à la conduite dans l'Etat considéré et ceux en place en France. Sont examinés en particulier : les données générales relatives à la sécurité routière, les catégories de permis de conduire délivrés, les conditions de formation et d'examen du permis de conduire et des examinateurs, les conditions d'âge ou de contrôle médical requises et la sécurisation des titres de conduite en circulation. La Délégation à la sécurité routière porte une attention toute particulière aux conditions d'examen et de formation des enseignants de la conduite et des examinateurs du permis de conduire. De même, la prévention de la fraude constitue un point de vigilance majeur concernant les caractéristiques des titres de conduite en circulation et leur sécurisation.

Ainsi, les Etats qui n'échangent actuellement pas leur permis avec la France mais l'ont saisie d'une demande officielle de conclusion d'un accord en ce sens ou ceux intéressant la France en raison de la présence de nombreux ressortissants français sur place feront l'objet d'une évaluation afin de juger de l'opportunité de conclure un accord d'échange avec eux. Des accords intergouvernementaux ont ainsi récemment été conclus avec la Chine11(*) et le Qatar12(*).

C'est dans cette optique que s'inscrit cet accord avec la Moldavie, les permis de conduire délivrés par la Moldavie n'étant pas échangés actuellement en France. Leurs titulaires transférant en France leur résidence normale doivent donc actuellement passer les épreuves du permis de conduire français pour pouvoir continuer de conduire en France.

Si le nombre de ressortissants français pouvant bénéficier des dispositions de l'accord est a priori faible (environ une centaine13(*)), l'importance numérique de la diaspora moldave en France et le contexte géopolitique lié à la guerre en Ukraine ont conduit les services de l'Etat à envisager prioritairement et dans des délais plus brefs que d'ordinaire, la conclusion d'un tel accord avec la Moldavie. Cet échange de permis ne concernerait donc que les ressortissants moldaves souhaitant s'installer durablement en France et ayant établi leur résidence principale en France depuis moins d'un an.

II. Historique des négociations

La diaspora moldave en France (environ 100 000 personnes) demande de longue date à pouvoir conduire en France sans devoir repasser les épreuves du permis de conduire. Pour répondre à cette préoccupation relayée par les autorités de ce pays depuis 2013, et dans le contexte d'échéances électorales décisives pour l'orientation géopolitique du pays14(*), le Président de la République s'était engagé dès le 7 mars 2024 lors d'un entretien avec la Présidente moldave, Maia Sandu, à permettre la mise en place rapide d'un dispositif permettant l'échange mutuel des permis de conduire.

Un accord intergouvernemental par échange de notes verbales a donc été conclu le 12 juillet 2024. Dès le 15 juillet 2024, lors d'une rencontre avec la diaspora moldave en France à Nice, la Présidente Sandu en a annoncé l'entrée en vigueur prochaine.

III. Objectifs de l'accord

Cet accord a pour objectif de faciliter la vie quotidienne et l'exercice d'une activité professionnelle des titulaires de permis de conduire moldaves en France et de permis français en Moldavie. Ainsi, leurs titulaires seront dispensés de repasser les examens théoriques et pratiques du permis de conduire pour pouvoir conduire dans chacun des deux Etats lorsqu'ils y établissent leur résidence dite normale15(*). Cet accord ne concerne que les permis de conduire des véhicules de moins de 10 places et d'un poids total autorisé en charge inférieur ou égal à 3,5 tonnes, délivrés depuis le 1er janvier 2020. Les permis délivrés avant le 1er janvier 2020 ne sont pas directement échangeables, ils doivent d'abord être remplacés par des permis de modèle plus récents par l'Etat d'émission. Cet accord n'emporte aucun mécanisme d'échange relatif aux qualifications professionnelles nécessaires pour la conduite d'un véhicule à titre professionnel.

IV.  Conséquences estimées de la mise en oeuvre de l'accord

Cet accord emporte des conséquences dans les domaines administratif, juridique, économique et social.

a) Conséquences administratives 

La France n'échangeant à l'heure actuelle pas les permis de conduire avec la Moldavie, l'entrée en vigueur de cet accord aura comme conséquence première dans l'immédiat une augmentation du nombre de demandes d'échange (la diaspora est estimée à 100 000 personnes, pour la plupart des travailleurs et dont environ les trois quarts seraient en âge de conduire), de l'ordre de la dizaine de nouveaux titres de séjours délivrés à des ressortissants moldaves chaque année en France. De surcroît, comme mentionné plus haut, seuls les ressortissants moldaves étant dans la première année du transfert de leur résidence en France sont concernés. Les étudiants, qui bénéficient de la reconnaissance de leur permis de conduire moldave durant toute la durée de leurs études et ne sont pas non plus concernés par l'échange des permis.

A titre de comparaison, le CERT de Nantes reçoit 137 000 dossiers de demande d'échange de permis de conduire par an.

Les services affectés seront en premier lieu les deux services instructeurs de ce type de demandes : le centre d'expertise et de ressources des titres - échange de permis étrangers (CERT-EPE) de Nantes (rattaché à la Préfecture de Loire-Atlantique) et le centre d'expertise et de ressources des titres (CERT) de Paris (rattaché à la Préfecture de Police de Paris).

Par ailleurs, dans le cadre de l'instruction des demandes d'échange, les services instructeurs solliciteront l'authentification auprès des autorités de l'Etat de délivrance du titre. Le bureau national des droits à conduire, point de contact pour la France, verra probablement une légère augmentation des sollicitations reçues.

En ce qui concerne les territoires d'outre-mer, cinq collectivités sont compétentes en matière de circulation routière et délivrent ainsi leur propre modèle de permis : la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

Les dispositions particulières de ces collectivités ainsi que la réglementation française16(*) en matière de reconnaissance et d'échange des permis délivrés soit par le ministère de l'intérieur, soit par d'autres pays permettent une application partielle des accords à ces territoires.

Ainsi, les permis moldaves pourront être échangés dans ces collectivités. En revanche, en l'absence de mention expresse des modèles de permis délivrés par ces collectivités dans l'accord, ceux-ci ne seront pas échangeables en Moldavie. Pour outrepasser cette difficulté, un échange préalable du permis de la collectivité pour un permis délivré par le ministère français de l'intérieur sera nécessaire.

Pour ce qui est de la reconnaissance des permis, l'accord pourra là-aussi trouver plein effet dans les collectivités territoriales avec une reconnaissance des permis moldaves sur leur territoire sans que la réciproque soit vraie, les dispositions du droit local s'appliquant en Moldavie pour les permis délivrés par les autorités des collectivités d'outre-mer. Sur ce point également, l'échange préalable du permis de la collectivité pour un permis délivré par le ministère français de l'intérieur permettra de lever cet obstacle.

b) Conséquences juridiques 

· Articulation avec les accords ou conventions internationales existantes

Ces accords s'articulent sans difficulté avec la Convention de Vienne de 1968 sur la circulation routière, qui requiert la reconnaissance des permis valablement délivrés entre les Parties et ne contient aucune stipulation relative aux échanges de permis. La Moldavie et la France sont Parties à cette convention.

· Articulation avec le droit européen

La Directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire, si elle unifie les conditions de délivrance, de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les autorités d'un Etat membre de l'Espace économique européen (EEE), laisse à chaque Etat la possibilité de déterminer ses propres règles relatives à la reconnaissance et l'échange des permis de conduire délivrés par les autorités d'un Etat tiers.

Cet accord d'échanges avec la Moldavie entre ainsi pleinement dans la compétence de la France au regard du droit européen.

En outre, la Commission ayant proposé en mars 2023 une modification de cette directive qui inclut des dispositions relatives à la reconnaissance et aux échanges de permis de conduire délivrés par des États tiers, au titre du principe de coopération loyale, la France a donc informé le 6 juin 2024 la Commission européenne de cette négociation bilatérale.

· Articulation avec le droit interne

Les stipulations en matière de reconnaissance et d'échange des permis de conduire contenues dans l'accord correspondent aux exigences du cadre général des échanges de permis étrangers prévu par l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen.

S'agissant des transferts de données à caractère personnel en application de l'alinéa 3 de cet accord, ceux-ci sont appelés à s'inscrire dans le cadre des dispositions du Règlement 2016/679, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD)17(*) et de la loi modifiée n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés18(*).

Encadré par le règlement 2016/679119(*), dit « RGPD », ce transfert des données est possible si l'État tiers a fait l'objet d'une décision d'adéquation de la Commission européenne, au sens de l'article 45 de ce même règlement, ou, à défaut, si des garanties appropriées sont prévues, au sens de l'article 46 du même texte.

Or, à cet égard, si la Moldavie n'a pas fait l'objet d'une décision d'adéquation de la part de la Commission européenne en matière de transferts de données au sens de l'article 45 précité, elle est néanmoins Partie à la Convention n°108 du Conseil de l'Europe du 28 janvier 198120(*) pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel.

Etat de la législation moldave actuelle en matière de protection des données à caractère personnel

La Moldavie dispose d'une législation nationale en matière de protection des données personnelles. En effet, la Moldavie a approuvé une loi-cadre pour la protection des données personnelles (nr. 17-XIV du 15 février 2007) et désigné une autorité publique autonome, le Centre national pour la protection des données personnelles de la République de Moldavie (CNPDCP), responsable de la protection des droits et libertés fondamentaux des personnes physiques, en particulier le droit à la vie privée en relation avec le traitement et la transmission transfrontalière de données à caractère personnel.

La loi-cadre nr. 17-XIV du 15 février 2007 a été abrogée en 2012 à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 133 du 8 juillet 2011 sur la protection des données personnelles, revue et augmentée par la loi nr. 175/11.11.2021. La loi nr. 133 a été élaborée par le CNPDCP avec l'aide des experts résidents dans le cadre du programme « Soutien au Renforcement des capacités du Centre national pour la protection des données personnelles de la République de Moldavie » financé par l'UE et mis en oeuvre par la Fondation allemande pour la coopération juridique (IRZ) et le ministère de la justice moldave. Le projet de loi a été soumis à l'avis d'experts allemands, lettons, estoniens, maltais et du Conseil de l'Europe.

La Moldavie a adopté en 2013 la « Stratégie nationale pour la protection des données personnelles », renouvelable aux cinq ans, qui trace comme priorités :

a) la consolidation des cadres juridique, institutionnel et social pour garantir la protection des droits et libertés fondamentaux des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, en particulier le droit à l'inviolabilité de la vie intime, familiale et privée, inscrite à l'article 28 de la Constitution moldave ;

b) la création de mécanismes pour la mise en oeuvre par les opérateurs de la loi
n° 133 du 8 juillet 2011 sur la protection des données à caractère personnel ;

c) la sensibilisation des personnes concernées par les données personnelles à leurs droits et aux outils décisionnels existants sur l'utilisation et la divulgation des informations personnelles les concernant ;

d) le renforcement institutionnel du CNPDCP, doté de pouvoirs de contrôle de la conformité du traitement des données personnelles, en vue d'assurer la fonctionnalité, l'indépendance et l'impartialité de cette autorité nationale.

L'accord d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et la République de Moldavie, d'autre part, signé le 27 juin 2014 comporte également des stipulations en cette matière. En particulier, en vertu de l'article 13, l'Union européenne, ses Etats membres et la République de Moldavie sont convenu de coopérer afin de garantir un niveau élevé de protection des données à caractère personnel conformément aux instruments juridiques et normes de l'Union européenne, du Conseil de l'Europe et internationaux.

A ce titre, le parlement moldave a examiné le 8 mai 2024 en première lecture le projet de loi n°195 relatif à la protection des données personnelles. Ce projet de loi a été adopté à l'issue d'une seconde lecture le 25 juillet 2024, avant d'être promulgué au Journal officiel le 23 août 2024.

Ce texte transpose en droit moldave les dispositions du règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des données personnelles et à la circulation de ces données dont il reprend largement la teneur. Il entrera en vigueur 24 mois à compter de la date de publication au Journal officiel. Ces éléments paraissent constituer un socle de garanties appropriées au sens de l'article 46 du RGPD qui prévoit dans son paragraphe 1 qu'en l'absence de décision de la Commission européenne constatant que la Moldavie assure un niveau adéquat de protection des données personnelles, un responsable de traitement ne peut transférer des données personnelles vers ce pays que si celui-ci a prévu des garanties appropriées et à la condition que les personnes concernées disposent de voies de droit effectives.

D'une part, les transferts de données entre autorités que prévoit cet accord ont une finalité définie par l'accord et bien circonscrite, à savoir la vérification de l'authenticité d'un permis de conduire présenté à l'échange (c'est-à-dire l'existence, la catégorie et la validité du permis de conduire en question ainsi que l'identité de son titulaire), d'autre part, qu'elles font suite à une démarche explicite par laquelle le titulaire du permis a consenti à la communication des données personnelles le concernant, enfin, que les données contenues dans les permis de conduire sont limitées aux seules données relatives à l'identité civile des titulaires des permis en cause, les échanges de données impliquées par la mise en oeuvre de cet accord sont limitées. Il revient en effet au titulaire du permis de conduire de transmettre lui-même les informations le concernant. De fait, l'attestation de droits à conduire sécurisée (qui remplace depuis fin 2024 le relevé d'informations restreint - RIR21(*)) doit être téléchargée sur le site Mespointspermis.fr22(*) puis produite directement par le candidat à l'échange de son permis de conduire auprès des autorités étrangères compétentes. Les autorités étrangères authentifient ensuite cette attestation de droits à conduire sécurisée en scannant le QR-Code à l'aide d'une application dédiée.

L'article 49, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 4, du RGPD prévoit qu'en l'absence de décision d'adéquation ou de garanties appropriées, un transfert de données à caractère personnel vers un pays tiers peut avoir lieu lorsque ce transfert est nécessaire pour des motifs importants d'intérêt public, reconnus par le droit de l'Union ou le droit de l'Etat membre auquel le responsable du traitement est soumis.

Or, la procédure d'authentification des permis de conduire prévue par l'accord vise à assurer la sécurité routière, qui constitue un motif important d'intérêt public reconnu par le droit de l'Union.23(*)

Dans ces conditions, les transferts de données personnelles prévus par ces accords sont conformes aux dispositions de l'article 49 du RGPD.

c) Conséquences économiques et sociales

Cet accord étant de nature à simplifier l'établissement et l'adaptation des ressortissants de chaque Partie sur le territoire de l'autre Partie permet de rendre notre pays économiquement plus attractif et de faciliter la mobilité de nos ressortissants et de nos entreprises à l'étranger.

d) Conséquences concernant l'égalité femmes/hommes

La mise en oeuvre en oeuvre de cet accord n'emporte pas de conséquences concernant la parité.

e) Conséquences sur la jeunesse

Les usagers titulaires de titres de séjour mention étudiant bénéficient de la reconnaissance de leur permis de conduire étranger, quelle qu'en soit la nationalité, durant l'entière durée de leurs études. Ils ne sont donc pas concernés par l'échange.

f) Conséquences environnementales

La mise en oeuvre en oeuvre de cet accord n'emporte pas de conséquences environnementales.

État des signatures et ratifications

L'accord sous forme d'échange de notes verbales entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie relatif à l'échange de permis de conduire a été conclu sous la forme de deux notes verbales. La première a été signée à Paris le 12 juillet 2024 par la directrice des Français à l'étranger et de l'administration consulaire. La deuxième, rédigée en langue roumaine et en langue française, a été signée à Paris le 12 juillet 2024 par l'ambassadrice de la République de Moldavie en France.

La Moldavie a notifié la France de l'accomplissement de ses procédures internes par note verbale du 30 septembre 2024.

V. Déclaration ou réserves

Les Parties ne souhaitent apposer ni déclaration ni réserve au présent accord.


* 1 Source : Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères

* 2 Convention de Vienne sur la sécurité routière 

* 3 Convention de Genève sur la sécurité routière 

* 4 Directive européenne sur les permis de conduite 

* 5 Convention de Vienne de 1968 sur la circulation routière.

* 6 Directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire.

* 7 Arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats appartenant à l'Union européenne et à l'Espace économique européen.

* 8 Arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen.

* 9 Article R. 222-3 du code de la route.

* 10Les fonctionnaires et consulaires et les employés consulaires, ainsi que les membres de leur famille vivant à leur foyer, sont exempts de toutes les obligations prévues par les lois et règlements de l'Etat de résidence en matière d'immatriculation des étrangers et de permis de séjour, en vertu de l'article 46 de la convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires. Par conséquent, pour attester de la régularité de leur séjour, hors du droit commun, ainsi que de leur qualité, les services du Protocole du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères leur délivrent un titre de séjour spécial. En parallèle, dans le silence de la convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques, des titres de séjours spécial sont délivrés également par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères aux fonctionnaires diplomatiques qui de facto ne relèvent pas non plus du droit commun au séjour.

* 11 Décret n° 2021-1088 du 17 août 2021 portant publication de l'accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine, signé à Paris le 23 novembre 2018.

* 12 Décret n° 2022-7 du 4 janvier 2022 portant publication de l'accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Etat du Qatar, signé à Paris le 6 juillet 2018.

* 13 Source : Registre des Français inscrits en Moldavie et estimation par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères de la taille de la communauté française sur place, tous âges confondus.

* 14 L'élection présidentielle s'est déroulée le 20 octobre 2024 de manière concomitante au référendum visant à modifier la constitution moldave en vue d'y insérer une disposition érigeant l'adhésion à l'Union européenne au rang d'objectif stratégique.

* 15 La Moldavie échange actuellement les permis de conduire avec l'Italie, la Lituanie, la Roumanie et l'Allemagne (l'épreuve de conduite allemande devant être réussie pour valider l'échange du permis). La Moldavie négocie des accords d'échanges de permis avec l'Espagne, Chypre, l'Irlande et la Lettonie.

* 16 Article 9 de l'arrêté du 20 avril 2012 fixant les conditions d'établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire.

* 17 Règlement général sur la protection des données.

* 18 Loi modifiée n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

* 19 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données)

* 20 Convention n°108 du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981

* 21 Décret n° 2024-1075 du 27 novembre 2024 relatif à l'attestation de droit à conduire sécurisée

* 22 Site du ministère de la Justice

* 23 Cf. par ex. CJUE, 7 juillet 2016, Muladi, C-447/15 (voir pièce jointe), point 46, à propos de la directive 2003/59, du 15 juillet 2003, relative à la qualification initiale et à la formation continue des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs.

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