TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION
DU CONSEIL DES MINISTRES
ÉTUDE D'IMPACT
PROJET DE LOI
relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales
NOR : SFHT2521808L/Bleue-1
13 octobre 2025
TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS 11
TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION 15
TITRE IER - AMÉLIORER LA DÉTECTION DE LA FRAUDE FISCALE ET SOCIALE 22
CHAPITRE 1ER - METTRE EN COMMUN ET EXPLOITER LES INFORMATIONS NÉCESSAIRES À LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE 22
Article 1er - Autoriser la transmission d'informations douanières et fiscales par les officiers de douane judiciaire et les officiers fiscaux judiciaires 22
Article 2 - Etendre l'accès des organismes de protection sociale aux bases de données patrimoniales 29
Article 3 - Autoriser des dérogations au secret fiscal dans le cadre de la détection d'une fraude 36
Article 4 - Permettre aux caisses de sécurité sociale de mandater l'une d'entre elles pour déposer une plainte pénale unique et renforcer l'articulation de l'action pénale des organismes sociaux 42
Article 5 - Renforcer les échanges d'information entre l'assurance maladie et les complémentaires santé 50
Article 6 - Etendre les prérogatives des services départementaux chargés du handicap et de l'autonomie en matière de lutte contre la fraude 61
Article 7 - Rendre obligatoire la géolocalisation des transports sanitaires et taxis conventionnés 68
Article 8 - Lutter contre les fraudes fiscales et sociales dans le secteur des transports publics particuliers de personnes 76
Article 9 - Améliorer la coopération entre l'Autorité des marchés financiers (AMF) et les parquets 87
CHAPITRE II - RENFORCER LES MOYENS D'ENQUÊTE ET DE CONTRÔLE 94
Article 10 - Etendre le droit de communication auprès des tiers à des agents placés sous l'autorité du directeur ou du directeur comptable et financier d'une CPAM 94
Article 11 - Possibilité de recourir à l'anonymat dans les phases d'investigation des services régionaux de contrôle de la formation professionnelle 101
Article 12 - Lutter contre la fraude, les fautes et abus aux risques professionnels 109
TITRE II - ADAPTER LES LEVIERS DE LUTTE AUX NOUVELLES FORMES DE FRAUDES ET RENFORCER LES SANCTIONS 119
CHAPITRE 1ER - TARIR LES SOURCES DE REVENUS OCCULTES OU ILLICITES ET MIEUX SANCTIONNER LEURS BÉNÉFICIAIRES 119
Article 13 (1°) - Obligation de versement de l'indemnisation chômage sur un compte bancaire domicilié en France dans l'espace unique de paiement en euros de l'Union européenne 119
Article 13 (2° et 3°) - Rendre obligatoire l'inscription et la présentation à l'examen de la certification ou du bloc de compétences en cas de mobilisation des fonds du compte personnel de formation (CPF) 127
Article 14 (I, II et III) - Majoration de la contribution sociale généralisée (CSG) assise sur les revenus issus d'activités illicites 136
Article 14 (IV) - Prise en compte des revenus issus d'activités illicites pour le service des revenus de remplacement 144
Article 15 - Maîtriser la circulation des espèces pour lutter contre le blanchiment d'argent et le travail 151
CHAPITRE II - RENFORCER LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES ET PÉNALES 163
Article 16 - Créer un dispositif de sanctions administratives pour les services régionaux de contrôles de la formation professionnelle et ajouter une nouvelle infraction pénale en matière de remontée des données issues des comptabilités analytiques vers France compétences 163
Article 17 (1°) - Permettre le cumul d'une sanction conventionnelle avec une pénalité financière prononcées par le directeur de la CPAM en cas de fraude de professionnels de santé 171
Article 17 (2°) - Permettre l'utilisation de la procédure de mise sous objectif (MSO) en première intention et non seulement en cas de refus par le médecin de la mise sous accord préalable (MSAP) 178
Article 18 - Sanctionner plus sévèrement les escroqueries aux finances publiques commises en bande organisée 188
Article 19 - Renforcement du délit de mise à disposition d'instruments facilitant la fraude fiscale 197
Article 20 - Renforcer les obligations déclaratives et des sanctions pour les trusts 206
TITRE III - GARANTIR UN MEILLEUR RECOUVREMENT DES MONTANTS SOUSTRAITS PAR FRAUDE 215
Article 21 (I-1° et III) - Renforcer l'efficacité des mesures conservatoires dans la procédure dite de « flagrance sociale » 215
Article 21 (I-2°, II et IV) - Supprimer le caractère suspensif de l'opposition à contrainte en cas de redressement pour travail dissimulé 224
Article 22 - Réviser les dispositions relatives aux obligations et à la solidarité financière des maîtres d'ouvrage et donneurs d'ordre 233
Article 23 - Extension du délai de mise en recouvrement dans le cadre du délai spécial de reprise de l'administration fiscale 251
Article 24 - Clarification du délai de reprise et renforcement du caractère répressif de l'action de l'administration 258
Article 25 - Octroyer à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) un pouvoir de contrainte sur les titulaires d'un compte personnel de formation (CPF) en cas de manoeuvres frauduleuses 265
Article 26 - Autorisation des organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales à saisir la valeur de rachat d'un contrat d'assurance-vie dans le cadre de la procédure d'opposition à tiers détenteur 275
Article 27 - Améliorer le recouvrement des fraudes aux allocations de chômage 284
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Les fraudes aux finances publiques constituent une atteinte directe au pacte républicain. Elles affaiblissent la confiance des citoyens, détournent des ressources essentielles, fragilisent la justice sociale et nuisent à l'efficacité des politiques publiques. Elles pèsent lourdement sur les finances publiques et compromettent la trajectoire de désendettement de la Nation.
Depuis 2023, le Gouvernement a engagé une action résolue et cohérente fondée sur une approche transversale pour s'attaquer à toutes les fraudes : fiscales, sociales, douanières, aux aides publiques. Elle s'est traduite par le plan interministériel de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques présenté en mai 2023 et par le soutien apporté aux lois des 13 et 30 juin 2025 visant, respectivement, à sortir la France du piège du narcotrafic et à lutter contre les fraudes à toutes les aides publiques. Ce plan a déjà produit des résultats significatifs : 20 milliards d'euros de fraudes mis en recouvrement en 2024, dont 2,9 milliards dans le champ social ; 13 milliards encaissés ; 600 millions d'euros d'avoirs criminels saisis.
Le projet de loi présenté aujourd'hui vise à amplifier ces efforts et à adapter notre arsenal face à des fraudeurs qui renouvellent leurs méthodes. Il vise à changer d'échelle en renforçant les outils existants et en massifiant leur usage, dans le cadre d'une approche décloisonnée mobilisant l'ensemble des acteurs concernés, des administrations fiscales aux organismes de sécurité sociale, en passant par les acteurs de la lutte contre le blanchiment et la criminalité financière, ainsi que les collectivités territoriales.
Le projet de loi complète les réformes récentes, notamment la loi du printemps 2025 sur les fraudes aux aides publiques et la loi relative à la lutte contre les narcotrafics, qui renforce la réponse pénale face aux organisations criminelles. Il s'inspire des travaux des parlementaires et des organismes publics comme le Haut conseil du financement de la protection sociale pour s'inscrire dans une vision d'ensemble qui va au-delà de ce texte. Ce nouveau cap de lutte contre la fraude recouvre des mesures législatives et réglementaires, dans le but constant de faciliter les échanges d'informations entre administrations, assécher les circuits frauduleux, démanteler les structures frauduleuses, protéger les dispositifs de solidarité, garantir l'égalité devant les règles communes et récupérer les montants fraudés.
Ce projet de loi repose sur un triptyque : mieux prévenir et détecter, mieux lutter et sanctionner, mieux recouvrer. L'objectif est de développer des outils plus performants de détection des fraudes pour couper les flux, d'adapter non seulement les leviers de lutte contre les fraudes mais également le régime des sanctions aux nouvelles pratiques et de renforcer les moyens de recouvrement pour que l'argent public détourné soit récupéré, ce qui, dans certains schémas de fraudes, n'est encore qu'insuffisamment le cas.
Le titre Ier améliore les capacités de détection de la fraude.
Le chapitre Ier vise à mettre en commun et à exploiter les informations nécessaires à la lutte contre la fraude.
L'article 1er favorise la communication des informations fiscales et douanières. Il permet aux agents des douanes et aux agents des services fiscaux effectuant des enquêtes judiciaires d'échanger avec ceux chargés d'une mission de contrôle toutes informations et tous documents, recueillis dans le cadre de ces enquêtes, susceptibles d'être utiles à l'exercice de cette mission de contrôle.
L'article 2 étend le droit d'accès des organismes de sécurité sociale aux bases de données patrimoniales (Patuela, Ficovie et BNDP) et inclut dans le dispositif les agents de la caisse nationale d'assurance maladie.
L'article 3 facilite la mise à jour du registre national des entreprises (RNE) en cas de fraude, en imposant à l'administration fiscale de transmettre à l'opérateur chargé du guichet unique du RNE les informations et pièces nécessaires à certaines immatriculations et radiations d'office.
L'article 4 impose aux organismes nationaux des différents régimes de sécurité sociale de concevoir et de mettre en place un programme de contrôle et de lutte contre la fraude. En outre, il prévoit que les directeurs de ces organismes procèdent aux contrôles et enquêtes nécessaires lorsqu'ils ont connaissance de faits pouvant être de nature à constituer une fraude. Enfin, il impose à ces organismes de porter plainte lorsqu'une fraude est constatée pour un montant supérieur à un seuil fixé par décret et leur permet de mandater l'un ou plusieurs d'entre eux pour déposer une plainte.
L'article 5 encadre le traitement de données des organismes complémentaires d'assurance maladie et renforce les échanges de données entre ceux-ci et l'assurance maladie obligatoire.
L'article 6 autorise les agents des Maisons départementales des personnes handicapées et les services en charge de l'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie au sein des conseils départementaux à échanger des informations avec leurs partenaires en matière de lutte contre la fraude.
L'article 7 impose aux entreprises de transport sanitaire et aux entreprises de taxis ayant conclu une convention avec un organisme local d'assurance maladie d'équiper leurs véhicules d'un dispositif de géolocalisation certifié par l'assurance maladie et d'un système électronique de facturation intégré.
L'article 8 interdit la mise à disposition d'un tiers, à titre onéreux ou non, d'une inscription au registre des voitures de transport avec chauffeur (VTC), sous peine de sanction administrative consistant en une radiation de ce registre et une interdiction de s'y inscrire à nouveau pendant une durée maximale de trois ans. En outre, il complète les obligations de vigilance qui pèsent sur les plateformes de mise en relation, en y ajoutant le caractère personnel de l'inscription au registre de l'exploitant de VTC et l'absence de situation de travail dissimulé, et prévoit une sanction, sous forme d'amende administrative, en cas de méconnaissance de ces obligations.
L'article 9 autorise la transmission à l'Autorité des marchés financiers de procès-verbaux, de rapports d'enquête ou de toute autre pièce de procédure pénale pertinente, non plus seulement par le parquet national financier, mais également par tous autres parquets, y compris le parquet luttant contre le trafic de stupéfiants et le parquet national anticriminalité organisée, après avis favorable du juge d'instruction lorsqu'une information judiciaire a été ouverte.
Le chapitre II renforce les moyens d'enquête et de contrôle.
L'article 10 étend le droit de communication auprès des tiers dont disposent les directeurs et directeurs comptables des organismes locaux de sécurité sociale, aux agents placés sous leur autorité.
L'article 11 permet aux agents de contrôle de la formation professionnelle d'opérer sous une identité d'emprunt ou de manière anonyme lorsqu'ils contrôlent des organismes proposant des formations entièrement dématérialisées.
L'article 12 étend le champ des fraudes pouvant être constatées au sein de la branche accidents du travail - maladies professionnelles. En outre, il prévoit un dispositif de sur-cotisation des entreprises en cas de fraude. Enfin, il crée un régime de sanctions administratives en cas de fraude au compte personnel de formation.
Le titre II adapte le régime des sanctions à l'évolution des pratiques frauduleuses.
Le chapitre Ier vise à tarir les sources de revenus occultes ou illicites et à mieux sanctionner leurs bénéficiaires.
L'article 13 rend obligatoire le versement des indemnités des travailleurs privés d'emploi sur des comptes bancaires domiciliés en France ou dans l'espace unique de paiement en euros de l'Union européenne et identifiés par un numéro national ou international de compte bancaire. Par ailleurs, il impose aux ministères et organismes certificateurs de communiquer au système d'information du compte personnel de formation des informations relatives aux personnes inscrites ou présentes à une session d'examen de la certification ou du bloc de compétences, et rend obligatoire l'inscription et la présentation à l'examen en cas de mobilisation des fonds du compte personnel de formation.
L'article 14 prévoit d'assujettir les revenus présumés issus d'activités illicites soumis à l'impôt sur le revenu en application de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts (trafic de stupéfiants, fausse monnaie...), à taux majoré de contribution sociale généralisée (CSG). Enfin, il interdit le cumul des indemnités des travailleurs privés d'emploi et de ces mêmes revenus et impose à l'administration fiscale d'informer France Travail de l'existence de tels revenus.
L'article 15 soumet aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme les personnes se livrant à titre d'activité professionnelle régulière ou principale, au commerce de biens relevant des secteurs de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie ou de l'orfèvrerie, lorsque la valeur du bien dépasse 10 000 euros, et les autres personnes se livrant au commerce de biens acceptant des paiements en espèces ou au moyen de monnaie électronique d'un montant supérieur à un seuil fixé par décret.
Le chapitre II vise à renforcer les sanctions administratives et pénales.
L'article 16 impose aux centres de formation des apprentis de transmettre les données issues de la mise en oeuvre de la comptabilité analytique à France compétences accompagné, lorsque la comptabilité n'est pas tenue par un comptable public, de l'attestation du commissaire aux comptes ou à défaut de l'expert-comptable d'une attestation reconnaissant la fiabilité des données comptables transmise. En outre, il prévoit une amende en cas d'absence de transmission des données issues de la mise en oeuvre de la comptabilité analytique et de cette attestation à France compétences. Enfin, il instaure un régime de sanctions administratives pour les manquements des organismes de formation professionnelle à leurs obligations.
L'article 17 permet au directeur d'une caisse primaire d'assurance maladie, en cas de fraude ou de divers manquements, de prononcer à l'encontre d'un professionnel de santé, à raison des mêmes faits, non seulement une sanction financière sur le fondement de l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale, mais également une sanction prise sur le fondement de la convention conclue entre leur profession et l'assurance maladie. Par ailleurs, il simplifie les modalités de mise sous objectif des prescriptions d'un professionnel de santé par une caisse primaire d'assurance maladie et étend le champ de la mise sous accord préalable des centres de santé et des plateformes de téléconsultations.
L'article 18 alourdit la peine encourue en cas d'escroqueries au préjudice des finances publiques lorsqu'elles sont commises en bande organisée.
L'article 19 renforce les peines sanctionnant le délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale, y compris lorsque ce délit est aggravé par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne. Il crée une nouvelle circonstance aggravante lorsque ce délit est commis en bande organisée. Il permet aux magistrats judiciaires de recourir à certaines techniques spéciales applicables à l'enquête, à la poursuite, à l'instruction et au jugement des affaires en matière de criminalité et de délinquance organisées pour les délits comptables et le délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale dans certaines conditions.
L'article 20 instaure une obligation déclarative à la charge des administrateurs de trusts à l'occasion du paiement de droits de mutation par décès et précise les majorations encourues en cas de rectification due à une omission déclarative.
Le titre III vise à améliorer l'efficacité du recouvrement des sommes indûment versées en raison d'une fraude.
L'article 21 crée une procédure de flagrance sociale en cas de constat d'infractions à la législation sur le travail dissimulé. En outre, il rend immédiatement exécutoire la contrainte émise pour recouvrer la créance sociale résultant d'une telle infraction et crée un nouveau recours juridictionnel afin que le président du tribunal compétent puisse arrêter les effets de la contrainte sous certaines conditions, dans le cas où une opposition à contrainte a été formée.
L'article 22 étend le devoir de vigilance des donneurs d'ordre à l'égard de leurs sous-traitants et renforce leur solidarité financière en cas de constat de travail dissimulé.
L'article 23 proroge d'un an le délai de reprise dérogatoire prévu par les dispositions des articles L. 188 A à L. 188 C du livre des procédures fiscales.
L'article 24 précise le délai de reprise applicable en matière de financement des actions de formation professionnelle.
L'article 25 prévoit la possibilité, pour le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, en cas de manoeuvres frauduleuses, de délivrer une contrainte afin de recouvrer les sommes correspondantes aux droits à formation indûment mobilisés par le titulaire du compte personnel de formation.
L'article 26 permet à certains organismes chargés du recouvrement de créances sociales de former opposition pour un contrat d'assurance rachetable. Il prévoit que, dans ce cas, l'opposition entraîne le rachat forcé dudit contrat et a pour effet d'affecter à ces organismes la valeur de rachat du contrat d'assurance au jour de la notification de l'opposition, dans la limite du montant de cette dernière.
L'article 27 ouvre à France Travail la possibilité d'émettre des saisies administratives à tiers détenteur et lui permet de retenir la totalité des versements à venir d'allocations d'assurance-chômage en cas d'indus engendrés par manquement délibéré ou manoeuvres frauduleuses.
L'action de la puissance publique, portée par l'ensemble des services de l'Etat, des organismes de protection sociale et des collectivités sera ainsi coordonnée pour offrir une réponse robuste, décloisonnée, et réactive.
La lutte contre la fraude n'est pas seulement un outil de redressement budgétaire. Elle est aussi le reflet de notre exigence d'équité, de responsabilité et de solidarité. Ce projet de loi en est une traduction directe, et marque une étape décisive pour assurer aux Français que les prélèvements qu'ils acquittent sont employés loyalement et de manière efficiente.
TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS
Article |
Objet de l'article |
Consultations obligatoires |
Consultations facultatives |
1er |
Autoriser la transmission d'informations douanières et fiscales par les officiers de douane judiciaire et les officiers fiscaux judiciaires |
Sans objet. |
Sans objet. |
2 |
Etendre l'accès des organismes de protection sociale aux bases de données patrimoniales |
Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) Caisse nationale de l'Assurance Maladie (CNAM) Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CATMP) Caisse nationale de l'Assurance Vieillesse (CNAV) |
Sans objet. |
3 |
Autoriser des dérogations au secret fiscal dans le cadre de la détection d'une fraude |
Sans objet. |
Sans objet. |
4 |
Permettre aux caisses de sécurité sociale de mandater l'une d'entre elles pour déposer une plainte pénale unique et renforcer l'articulation de l'action pénale des organismes sociaux |
Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CATMP) Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) |
Sans objet. |
5 |
Renforcer les échanges d'information entre l'assurance maladie et les complémentaires santé |
Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (UNOCAM) Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) Caisse centrale de mutualité agricole (CCMSA) |
Sans objet. |
6 |
Etendre les prérogatives des services départementaux chargés du handicap et de l'autonomie en matière de lutte contre la fraude |
Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) |
Sans objet. |
7 |
Rendre obligatoire la géolocalisation des transports sanitaires et taxis conventionnés |
Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) |
Sans objet. |
8 |
Lutter contre les fraudes fiscales et sociales dans le secteur des transports publics particuliers de personnes |
Sans objet. |
Sans objet. |
9 |
Améliorer la coopération entre l'Autorité des marchés financiers (AMF) et les parquets |
Sans objet. |
Sans objet. |
10 |
Etendre le droit de communication auprès des tiers à des agents placés sous l'autorité du directeur ou du directeur comptable et financier d'une CPAM |
Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CATMP) |
Sans objet. |
11 |
Possibilité de recourir à l'anonymat dans les phases d'investigation des services régionaux de contrôle de la formation professionnelle |
Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) |
Sans objet. |
12 |
Lutter contre la fraude, les fautes et abus aux risques professionnels |
Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) Commission des accidents du travail et maladies professionnelles (CATMP) |
Sans objet. |
13 (1°) |
Obligation de versement de l'indemnisation chômage sur un compte bancaire domicilié en France ou dans l'espace unique de paiement en euros de l'Union européenne |
Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) |
Sans objet. |
13 (2° et 3°) |
Rendre obligatoire l'inscription et la présentation à l'examen de la certification ou du bloc de compétences en cas de mobilisation des fonds du compte personnel de formation (CPF) |
Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) |
Sans objet. |
14 (I, II et III) |
Majoration de la contribution sociale généralisée (CSG) assise sur les revenus issus d'activités illicites |
Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) |
Sans objet. |
14 (IV) |
Prise en compte des revenus issus d'activités illicites pour le service des revenus de remplacement |
Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) |
Sans objet. |
15 |
Maîtriser la circulation des espèces pour lutter contre le blanchiment d'argent et le travail |
Sans objet. |
Sans objet. |
16 |
Créer un dispositif de sanctions administratives pour les services régionaux de contrôles de la formation professionnelle et ajouter une nouvelle infraction pénale en matière de remontée des données issues des comptabilités analytiques vers France compétences |
Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) |
Sans objet. |
17 (1°) |
Permettre le cumul d'une sanction conventionnelle avec une pénalité financière prononcées par le directeur de la CPAM en cas de fraude de professionnels de santé |
Caisse nationale de l'Assurance Maladie (CNAM) Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CATMP) |
Sans objet. |
17 (2°) |
Permettre l'utilisation de la procédure de mise sous objectif (MSO) en première intention et non seulement en cas de refus par le médecin de la mise sous accord préalable (MSAP) |
Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) |
Sans objet. |
18 |
Sanctionner plus sévèrement les escroqueries aux finances publiques commises en bande organisée |
Sans objet. |
Sans objet. |
19 |
Renforcement du délit de mise à disposition d'instruments facilitant la fraude fiscale |
Sans objet. |
Sans objet. |
20 |
Renforcer les obligations déclaratives et des sanctions pour les trusts |
Sans objet. |
Sans objet. |
21 (I-1° et III) |
Renforcer l'efficacité des mesures conservatoires dans la procédure dite de « flagrance sociale » |
Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) |
Sans objet. |
21 (I-2°, II et IV) |
Supprimer le caractère suspensif de l'opposition à contrainte en cas de redressement pour travail dissimulé |
Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) |
Sans objet. |
22 |
Réviser les dispositions relatives aux obligations et à la solidarité financière des maîtres d'ouvrage et donneurs d'ordre |
Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) |
Sans objet. |
23 |
Extension du délai de mise en recouvrement dans le cadre du délai spécial de reprise de l'administration fiscale |
Sans objet. |
Sans objet. |
24 |
Clarification du délai de reprise et renforcement du caractère répressif de l'action de l'administration |
Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) |
Sans objet. |
25 |
Octroyer à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) un pouvoir de contrainte sur les titulaires d'un compte personnel de formation (CPF) en cas de manoeuvre frauduleuse |
Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) |
Sans objet. |
26 |
Autorisation des organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales à saisir la valeur de rachat d'un contrat d'assurance-vie dans le cadre de la procédure d'opposition à tiers détenteur |
Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) |
Sans objet. |
27 |
Améliorer le recouvrement des fraudes aux allocations de chômage |
Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) |
Sans objet. |
TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION
Article |
Objet de l'article |
Textes d'application |
Administration compétente |
1er |
Autoriser la transmission d'informations douanières et fiscales par les officiers de douane judiciaire et les officiers fiscaux judiciaires |
Néant. |
Sans objet. |
2 |
Etendre l'accès des organismes de protection sociale aux bases de données patrimoniales |
Décret en Conseil d'Etat Décret simple |
Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique Direction générale des finances publiques (DGFIP) Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles Direction de la sécurité sociale (DSS) |
3 |
Autoriser des dérogations au secret fiscal dans le cadre de la détection d'une fraude |
Néant. |
Sans objet. |
4 |
Permettre aux caisses de sécurité sociale de mandater l'une d'entre elles pour déposer une plainte pénale unique et renforcer l'articulation de l'action pénale des organismes sociaux |
Arrêté |
Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles Direction de la sécurité sociale (DSS) |
5 |
Renforcer les échanges d'information entre l'assurance maladie et les complémentaires santé |
Décrets en Conseil d'Etat, après avis CNIL |
Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles Direction de la sécurité sociale (DSS) Direction des affaires juridiques (DAJ) |
6 |
Etendre les prérogatives des services départementaux chargés du handicap et de l'autonomie en matière de lutte contre la fraude |
Néant. |
Sans objet. |
7 |
Rendre obligatoire la géolocalisation des transports sanitaires et taxis conventionnés |
Décret en Conseil d'Etat Décret simple |
Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles Direction de la sécurité sociale (DSS) |
8 |
Lutter contre les fraudes fiscales et sociales dans le secteur des transports publics particuliers de personnes |
Décrets en Conseil d'État |
Ministère chargé des transports Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGTIM) |
9 |
Améliorer la coopération entre l'Autorité des marchés financiers (AMF) et les parquets |
Néant. |
Sans objet. |
10 |
Etendre le droit de communication auprès des tiers à des agents placés sous l'autorité du directeur ou du directeur comptable et financier d'une CPAM |
Néant. |
Sans objet. |
11 |
Possibilité de recourir à l'anonymat dans les phases d'investigation des services régionaux de contrôle de la formation professionnelle |
Décret en Conseil d'Etat |
Ministère chargé de la formation professionnelle Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) |
12 |
Lutter contre la fraude, les fautes et abus aux risques professionnels |
Arrêté |
Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles Direction de la sécurité sociale (DSS) |
13 (1°) |
Obligation de versement de l'indemnisation chômage sur un compte bancaire domicilié en France ou dans l'espace unique de paiement en euros de l'Union européenne |
Néant. |
Sans objet. |
13 (2° et 3°) |
Rendre obligatoire l'inscription et la présentation à l'examen de la certification ou du bloc de compétences en cas de mobilisation des fonds du compte personnel de formation (CPF) |
Décret en Conseil d'Etat |
Ministère chargé de la formation professionnelle Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) |
14 (I, II et III) |
Majoration de la contribution sociale généralisée (CSG) assise sur les revenus issus d'activités illicites |
Néant. |
Sans objet. |
14 (IV) |
Prise en compte des revenus issus d'activités illicites pour le service des revenus de remplacement |
Décret en Conseil d'Etat Arrêté d'agrément des accords d'assurance chômage mentionnés à l'article L. 5422-20 du code du travail |
Ministère en charge de la formation professionnelle Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) |
15 |
Maîtriser la circulation des espèces pour lutter contre le blanchiment d'argent et le travail |
Néant. |
Sans objet. |
16 |
Créer un dispositif de sanctions administratives pour les services régionaux de contrôles de la formation professionnelle et ajouter une nouvelle infraction pénale en matière de remontée des données issues des comptabilités analytiques vers France compétences |
Décret en Conseil d'Etat. |
Ministère en charge de la formation professionnelle Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) |
17 (1°) |
Permettre le cumul d'une sanction conventionnelle avec une pénalité financière prononcées par le directeur de la CPAM en cas de fraude de professionnels de santé |
Néant. |
Sans objet. |
17 (2°) |
Permettre l'utilisation de la procédure de mise sous objectif (MSO) en première intention et non seulement en cas de refus par le médecin de la mise sous accord préalable (MSAP) |
Décret en Conseil d'Etat |
Ministère du travail, de la santé, des solidarités et de la famille Direction de la sécurité sociale (DSS) |
18 |
Sanctionner plus sévèrement les escroqueries aux finances publiques commises en bande organisée |
Néant. |
Sans objet. |
19 |
Renforcement du délit de mise à disposition d'instruments facilitant la fraude fiscale |
Néant. |
Sans objet. |
20 |
Renforcer les obligations déclaratives et des sanctions pour les trusts |
Néant. |
Sans objet. |
21 (I-1° et III) |
Renforcer l'efficacité des mesures conservatoires dans la procédure dite de « flagrance sociale » |
Décret en Conseil d'Etat Décret simple |
Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles, de la santé, des solidarités et des familles Direction de la sécurité sociale (DSS) |
21 (I-2°, II et IV) |
Supprimer le caractère suspensif de l'opposition à contrainte en cas de redressement pour travail dissimulé |
Décret en Conseil d'Etat Décret simple |
Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles, de la santé, des solidarités et des familles Direction de la sécurité sociale (DSS) |
22 |
Réviser les dispositions relatives aux obligations et à la solidarité financière des maîtres d'ouvrage et donneurs d'ordre |
Décret en Conseil d'Etat Décret simple |
Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles Direction de la sécurité sociale (DSS) Direction générale du travail (DGT) |
23 |
Extension du délai de mise en recouvrement dans le cadre du délai spécial de reprise de l'administration fiscale |
Néant. |
Sans objet. |
24 |
Clarification du délai de reprise et renforcement du caractère répressif de l'action de l'administration |
Néant. |
Sans objet. |
25 |
Octroyer à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) un pouvoir de contrainte sur les titulaires d'un compte personnel de formation (CPF) en cas de manoeuvre frauduleuse |
Néant. |
Sans objet. |
26 |
Autorisation des organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales à saisir la valeur de rachat d'un contrat d'assurance-vie dans le cadre de la procédure d'opposition à tiers détenteur |
Néant. |
Sanas objet. |
27 |
Améliorer le recouvrement des fraudes aux allocations de chômage |
Décret en Conseil d'Etat |
Ministère chargé de la formation professionnelle Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) |
TABLEAU D'INDICATEURS
Indicateur |
Objectif et modalités de l'indicateur |
Objectif visé (en valeur et/ou en tendance) |
Horizon temporel de l'évaluation (période ou année) |
Identification et objectif des dispositions concernées |
Nombre de procédures de communication par les parquets d'éléments en lien avec des faits passibles de sanctions |
Evaluer la fréquence des communications entre les parquets et l'Autorité des marchés financiers (AMF) |
Augmentation |
5 ans |
Article 9 Améliorer la coopération entre l'Autorité des marchés financiers (AMF) et les parquets |
Nombre de droits de communication |
Suivre la mesure |
Augmentation |
12 mois |
Article 10 Etendre le droit de communication auprès des tiers à des agents placés sous l'autorité du directeur ou du directeur comptable et financier d'une CPAM |
Suivi des stagiaires CPF jusqu'au passage de la certification ou du bloc de compétences |
Suivre la mesure |
% d'inscription, de passage et de réussite de l'examen |
1 an |
Article 13 (2° et 3°) Rendre obligatoire l'inscription et la présentation à l'examen de la certification ou du bloc de compétences en cas de mobilisation des fonds du compte personnel de formation (CPF) |
Nombre de revenus illicites connus |
Suivre la mesure |
12 mois |
Article 14 (I, II et III) Assurer une meilleure prise en compte des revenus illicites dans l'équilibre financier de la Sécurité sociale |
|
Montant des allocations non versées en présence de revenus illicites |
Suivre et mesurer les évitements de doublon |
12 mois |
Article 14(IV) : Prise en compte des revenus issus d'activités illicites pour prévenir le cumul avec des revenus de remplacement |
|
Taux de mise sous objectif |
La croissance des décisions de mise sous objectif traduira pleinement la présente mesure |
2027 |
Article 17 (2°) Permettre l'utilisation de la procédure de mise sous objectif (MSO) en première intention et non seulement en cas de refus par le médecin de la mise sous accord préalable (MSAP) |
|
Déterminer le taux de recouvrement |
Sommes recouvrées rapportées à celles à recouvrer |
% du taux de recouvrement |
1 an |
Article 25 Sommes à recouvrer auprès des titulaires Nombre de titulaires concernés Montant des sommes recouvrées Nombre de contraintes émises Nombre de recouvrements opérés sur les droits inscrits ou à venir |
Montant recouvré sur les indus frauduleux sur les allocations |
Suivre l'augmentation des montants recouvrés pour les allocataires |
12 mois |
Article 27 : Améliorer le recouvrement des fraudes aux allocations de chômage |
|
Taux de recouvrement pour les allocataires |
Suivre l'amélioration du taux de recouvrement pour les allocataires |
+20% |
12 mois |
Article 27 : Améliorer le recouvrement des fraudes aux allocations de chômage |
Montant recouvré sur les indus frauduleux pour les non indemnisés |
Suivre l'augmentation des montants recouvrés et comparé avec ceux des allocataires |
+ 20% |
12 mois |
Article 27 : Améliorer le recouvrement des fraudes aux allocations de chômage |
Taux de recouvrement des non indemnisés |
Suivre l'amélioration du taux de recouvrement et comparé avec celui des allocataires |
+20% |
12 mois |
Article 27 : Améliorer le recouvrement des fraudes aux allocations de chômage |
Nombre d'avis à tiers détenteur |
Suivi de la mesure |
12 mois |
Article 27 : Améliorer le recouvrement des fraudes aux allocations de chômage |
|
Montant recouvré par avis à tiers détenteur |
Suivi de la mesure |
Augmentation de 30% des sommes recouvrées |
12 mois |
Article 27 : Améliorer le recouvrement des fraudes aux allocations de chômage |
TITRE IER - AMÉLIORER LA DÉTECTION DE LA FRAUDE FISCALE ET SOCIALE
CHAPITRE 1ER - METTRE EN COMMUN ET EXPLOITER LES INFORMATIONS NÉCESSAIRES À LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE
Article 1er - Autoriser la transmission d'informations douanières et fiscales par les officiers de douane judiciaire et les officiers fiscaux judiciaires
1. ETAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Rattaché conjointement au directeur général des douanes et droits indirects et au directeur général des finances publiques, l'Office national anti-fraude (ONAF) a été créé par décret n° 2024-235 du 18 mars 2024 portant création d'un service à compétence nationale dénommé « Office national anti-fraude » .
Prenant la suite du service d'enquête judiciaire des finances, l'ONAF a un champ de compétence étendu à toutes les infractions portant atteinte aux finances publiques, qu'elles soient nationales ou commises au préjudice de l'Union européenne.
Parmi les infractions relevant de son domaine de compétence et prévues aux articles 28-1 et 28-2 du code de procédure pénale, figurent ainsi les infractions au code des douanes, le blanchiment, l'escroquerie sur la TVA, les fraudes fiscales complexes, le délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale.
Dans ce cadre, les officiers de douane judiciaire et les officiers fiscaux judiciaires procèdent sur l'ensemble du territoire national à des enquêtes judiciaires et recueillent des informations, dont certaines ne sont pas utiles pour caractériser l'infraction recherchée, pouvant notamment concerner des tiers non mis en cause, etc... En revanche, ces éléments sont susceptibles de comporter une implication de nature douanière ou fiscale, et il serait opportun et efficient que les administrations douanières et des finances publiques puissent les exploiter dans le cadre de leurs contrôles.
De même, les officiers fiscaux judiciaires mis à disposition par la DGFiP à la Brigade nationale de lutte contre la délinquance fiscale (BNRDF) placée au sein du ministère de l'intérieur détiennent une expertise fiscale et financière. Ces officiers sont dès lors également en capacité d'identifier des éléments ne se rapportant pas à l'infraction recherchée mais susceptibles d'intéresser les administrations des finances publiques et douanières dans le cadre de leurs missions de contrôle.
Or aucun dispositif législatif ne permet la transmission directe par les officiers de douane judiciaire ou par les officiers fiscaux judiciaires d'informations obtenues dans le cadre de l'exercice de leurs missions au sein du ministère du budget, au sein de l'Office national anti- fraude Cette transmission directe d'informations n'est pas davantage prévue pour les officiers fiscaux judiciaires de la brigade nationale de lutte contre la délinquance fiscale placée au sein du ministère de l'intérieur.
Un dispositif de cette nature existe entre officiers de police judiciaire et agents des douanes ou des impôts et il figure dans trois codes différents : le code de la sécurité intérieure ( article L. 214-4), le code des douanes ( article 59 quater) et le livre des procédures fiscales ( article L. 135 L). Ce dispositif prévoit l'échange direct d'informations dans le cadre de la lutte contre les activités lucratives non déclarées portant atteinte à l`ordre public et à la sécurité publique.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
La mesure s'inscrit pleinement dans l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale ( 99-424 DC, 29 décembre 1999, cons. 52) pouvant justifier certaines atteintes aux libertés individuelles.
La transmission d'informations par les officiers de douane judiciaire et les officiers fiscaux judiciaires à des agents administratifs (des finances publiques ou douaniers) paraît assortie de garantie suffisante.
Ainsi, la mesure proposée respecte le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs et d'indépendance de la justice car elle conditionne la transmission d'un élément de procédure judiciaire à des agents administratifs (des finances publiques ou douaniers) à l'autorisation de l'autorité judiciaire (procureur de la République ou juge d'instruction).
En outre, les agents des services destinataires sont soumis au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARE
Sans objet.
2. NÉCÉSSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Les officiers de douane judiciaire et les officiers fiscaux judiciaires travaillant au sein de l'ONAF ou de la BNRDF enquêtent sur des infractions douanières, fiscales ou financières complexes. Une partie des informations obtenues par les officiers de douane judiciaire ou par les officiers fiscaux judiciaires dans le cadre de leurs investigations judiciaires ne sera pas exploitée dans le cadre des poursuites concernées.
Or, certaines informations dès lors qu'elles ont une implication douanière, financière ou fiscale pourraient être utiles à l'administration des douanes ou à l'administration des finances publiques pour engager une action de contrôle.
Ainsi, lors d'enquêtes portant sur des fraudes douanières (contrebande, contrefaçon), des escroqueries à la TVA, des fraudes aux finances publiques ou du blanchiment notamment, des informations et documents susceptibles d'intéresser l'administration douanière ou des finances publiques peuvent, en effet, être recueillis.
Ces informations peuvent concerner la personne visée par la procédure mais également des personnes tierces à la procédure. Elles peuvent ainsi révéler l'existence d'une activité occulte, la perception indue d'une aide publique ou la dissimulation d'une partie des recettes ou de certains revenus.
De même, les investigations portant sur les agissements de personnes physiques ou morales susceptibles de caractériser le délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale peuvent permettre d'identifier les bénéficiaires effectifs des schémas frauduleux. La transmission de ces informations par les officiers fiscaux judiciaires pourrait permettre à l'administration des finances publique de mettre en oeuvre rapidement à leur encontre les procédures d'enquête et de contrôle.
En l'absence de disposition législative expresse, la communication de ces informations aux administrations dont ces enquêteurs judiciaires sont issus ne leur est toutefois pas permise.
Une disposition législative est donc nécessaire pour permettre une telle transmission.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La réforme législative envisagée a pour objet de créer une disposition permettant la transmission directe, sur autorisation du procureur de la République les ayant requis ou du juge d'instruction leur ayant délivré commission rogatoire, après avis du procureur de la République, aux agents relevant des administrations douanières et des finances publiques chargés d'une mission de contrôle, par les officiers de douane judiciaire et les officiers fiscaux judiciaires, d'informations utiles pour la conduite de l'action de contrôle en matière douanière, financière ou fiscale.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Deux options peuvent être envisagées :
- Modification de l'article L. 135 L du livre des procédures fiscales :
L'article L 135 L du Livre des procédures fiscales reprenant les dispositions de l'article L. 214-4 du code de la sécurité intérieure, prévoit un dispositif d'échanges réciproques de renseignements de nature financière, fiscale ou douanière entre les agents chargés d'appliquer la législation en matière de douanes et droits indirects et d'impôts et les officiers et agents de police judiciaire.
Le projet de texte prévoyant également un dispositif de communication d'informations des officiers fiscaux judiciaires et officiers de douane judiciaire vers les administrations fiscales et douanières, il pouvait être envisagé de le faire figurer à l'article L 135 L du Livre des procédures fiscales.
L'article L.135 L du livre des procédures n'apparaît toutefois pas la disposition la plus adaptée pour accueillir la modification législative envisagée.
En effet, d'une part, les échanges d'informations prévues à l'article L. 135 L du livre des procédures fiscales sont réciproques, d'autre part, ces échanges s'intègrent dans le cadre de la lutte contre les activités lucratives non déclarées portant atteinte à l'ordre public et à la sécurité publique.
Or, la nouvelle disposition n'envisage pas de réciprocité dans les échanges d'informations. Il n'est ainsi pas prévu que les agents des administrations fiscale et douanière transmettent des renseignements directement aux officiers fiscaux judiciaires et officiers de douane judiciaire.
En outre, le champ d'application de l'article L 135 L du livre des procédures fiscales s'avère également plus restreint (activité lucrative non déclarée) que le projet de texte envisagé qui vise toute information susceptible de révéler une fraude fiscale ou douanière au sens large.
- Inscription du dispositif au sein du code de procédure pénale (rétablissement de l'article 706-1-3) :
En l'absence de réciprocité des échanges prévue par le nouveau dispositif (cf. supra), seuls sont donc concernés les officiers fiscaux judiciaires de l'ONAF et de la BNRDF et les officiers de douane judiciaire de l'ONAF dont les compétences relèvent du code de procédure pénale (articles 28-1 et 28-2 du code de procédure pénale).
Leur nouvelle possibilité de communiquer des éléments de nature douanière, financière ou fiscale aux administrations des finances publiques et douanière pourrait trouver sa place à l'article 706-1-3 du code de procédure pénale, ainsi rétabli, au sein du Titre XIII « De la procédure applicable aux infractions en matière économique et financière » dont relèvent les fraudes fiscale et douanière.
3.2. DISPOSITIF RETENU
L'inscription du dispositif dans l'article 706-1-3 du code de procédure pénale apparaît donc plus pertinente, en termes de champ d'application et de compétences, dès lors que le dispositif de communication de renseignements concerne les officiers fiscaux judiciaires et officiers de douane judiciaire dont les compétences relèvent du code de procédure pénale et qui sont chargés de lutter contre les infractions en matière économique et financière auxquelles appartiennent les fraudes aux finances publiques et douanière.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article procède au rétablissement de l'article 706-1-3 du code de procédure pénale.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Cet article ne vise pas à transposer en droit français des normes juridiques européennes.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
La communication de renseignements de l'ONAF et de la BNRDF vers les services de la DGFiP et la DGDDI chargés d'une mission de contrôle, en favorisant la lutte contre les fraudes fiscale et douanière et plus globalement aux finances publiques, participe au maintien de l'équilibre entre les opérateurs économiques en matière, notamment, de concurrence.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
La mesure permettra de lutter contre les fraudes fiscale et douanière et plus globalement aux finances publiques des entreprises.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Cette mesure se traduira par une transmission d'informations ou documents en complément des seules 1 300 communications faites en moyenne par an au titre des articles L. 82 et L. 101 du livre des procédures fiscales et de celles réalisées en application des dispositions de l'article 343 bis du code des douanes et facilitera les missions de contrôle des administrations douanière et des finances publiques.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La mesure permettra de lutter contre les fraudes fiscale et douanière et plus globalement aux finances publiques commises par les particuliers.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Aucune consultation obligatoire n'est requise et aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française. La mesure s'appliquera aux faits commis à compter de l'entrée en vigueur de la loi et pour une durée indéterminée.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal. De plus, il s'applique de plein droit dans les départements et régions d'outre-mer.
Il ne s'applique pas dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les TAAF, compte tenu de leur compétence fiscale.
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert pas de texte d'application.
Article 2 - Etendre l'accès des organismes de protection sociale aux bases de données patrimoniales
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La « Base nationale des données patrimoniales » (BNDP) recense les informations patrimoniales contenues dans les documents déposés par les redevables dans les services d'enregistrement ou en charge de la publicité foncière. Ces informations nominatives sont relatives à l'identité et l'adresse des parties, le cas échéant aux références cadastrales et aux adresses des biens immobiliers ou aux descriptifs des biens mobiliers ainsi qu'au montant des transactions.
Le fichier « Estimer un bien » (PATRIM/PATUELA) recense les informations concernant les ventes de biens immobiliers pour les besoins d'évaluation des biens. Les informations consultables sont notamment l'adresse et les références cadastrales des biens ainsi que le montant des ventes.
Le fichier « FICOVIE » recense les contrats de capitalisation ou les placements de même nature, notamment les contrats d'assurance-vie, dont le montant est supérieur ou égal à 7 500 €. Il permet aussi aux personnes habilitées d'obtenir des informations sur ces contrats ou placements.
Les informations contenues dans ces traitements sont utiles à l'accomplissement des missions de contrôle et de recouvrement des organismes de protection sociale. Elles leur permettent d'appréhender des actifs et des revenus du capital non déclarés par les titulaires de prestations et d'être plus pertinents pour le recouvrement des créances, indus ou sanctions financières.
La loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude (article 6) a créé un droit d'accès direct aux données issues de BNDP et de PATRIM/PATUELA pour les agents des caisses d'allocations familiales (CAF), des caisses de sécurité sociale des territoires ultramarins (CGSS), des caisses de la Mutualité sociale (MSA) et de France Travail.
Les agents des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), des caisses d'assurance retraite et de santé au travail (CARSAT), de la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et de la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) n'ont pas accès à ces informations.
Ces données leur permettraient pourtant d'être plus efficients dans leurs contrôles des prestations soumises à déclaration de ressources comme par exemple la complémentaire santé solidaire (C2S), la pension invalidité (PI), l'allocation spécifique d'invalidité (ASI), l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ou la pension de réversion.
S'agissant de FICOVIE, aujourd'hui certains agents des CPAM, des CAF, des CARSAT, de la CNAV, des CGSS, des caisses de MSA et de France Travail habilités disposent d'un droit d'accès direct aux informations contenues dans le fichier. La loi ne permet pas en revanche à des agents de la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) d'accéder à ces données, cette possibilité n'ayant pas été envisagée lors de l'adoption de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude (à l'époque, tous les agents de contrôle de la branche maladie étaient employés par des organismes locaux et aucun par la caisse nationale).
Il est envisagé d'ouvrir cette possibilité pour tenir compte du recrutement par la CNAM depuis cette date d'agents de contrôle dotés de pouvoirs judiciaires spéciaux en application de l'article L.114-22-3 du code de la sécurité sociale introduit par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Cet accès permettra à la CNAM de gagner en efficacité dans la lutte contre les fraudes commises par des professionnels de santé qui touchent plusieurs organismes et dont l'ampleur et la gravité justifient l'intervention des agents judiciaires nouvellement créés.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
L'accès à des informations normalement couvertes par le secret fiscal, et protégées par le droit au respect de la vie privée, est justifié par l'objectif poursuivi, la lutte contre la fraude en matière de protection sociale, à laquelle le conseil constitutionnel reconnait la valeur d'objectif à valeur constitutionnelle1(*).
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Le secret fiscal est protégé sur le plan conventionnel comme une composante du droit à la vie privée, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ces textes interdisent les ingérences arbitraires ou illégales dans la vie privée, ce qui inclut la divulgation d'informations fiscales.
La Cour européenne des droits de l'homme rappelle que la notion de vie privée est une notion large, non susceptible d'une définition exhaustive. Bien que la protection des données ne soit pas explicitement mentionnée dans la Convention, selon une jurisprudence constante la protection des données à caractère personnel dont font partie les données fiscales, joue un rôle fondamental pour l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale consacré par l'article 8 de la Convention. Toutefois, une ingérence peut être justifiée si elle est prévue par la loi, poursuit un but légitime (ex. lutte contre la fraude), et est nécessaire et proportionnée.
1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARE
Sans objet.
2. NÉCÉSSITÉ DE LÉGIÉFRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
L'article L. 134 D du livre des procédures fiscales précise les catégories d'agents des organismes de protection sociale autorisés à accéder à la Base nationale des données patrimoniales et au fichier PATRIM/PATUELA. Cet article doit par conséquent être modifié.
Lors de l'élaboration de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, il avait été décidé de n'ouvrir l'accès aux bases de la DGFIP que pour les organismes des branches qui avaient identifié, compte tenu de leurs pratiques, un besoin précis en ce sens. Cela n'avait pas été le cas à l'époque pour les organismes gérant les branches maladie et AT- MP du régime général. Les progrès de la lutte contre la fraude depuis lors, et notamment l'accent mis sur la lutte contre les fraudes commises par les professionnels de santé et la priorité donnée aux fraudes dites « à enjeux » (escroqueries) ont fait nettement apparaitre ce besoin : il est nécessaire en particulier de contrer les stratégies mises en place par certains fraudeurs pour dissimuler les biens qu'ils détiennent et éviter de rembourser les sommes perçues indument et de payer les pénalités infligées par les caisses.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La mesure vise à renforcer l'efficacité financière des contrôles en permettant une appréciation plus fine des ressources et du patrimoine des assurés, tant pour la détection des fraudes que pour le recouvrement des sommes afférentes. Il s'agit d'un alignement des règles déjà applicables à certains organismes de protection sociale.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Continuer d'interdire l'accès aux données des fichiers tenus par la DGFIP sur le patrimoine, les transactions immobilières et les contrats d'assurance vie aux agents de l'Assurance maladie chargés du contrôle et du recouvrement des créances priverait la sécurité sociale d'outils qui peuvent dans certains cas s'avérer utiles pour repérer les fraudes et surtout recouvrer les sommes dues par des fraudeurs (parfois non négligeables s'agissant de professionnels : plusieurs millions dans des affaires d'escroqueries ces dernières années commises par des pharmaciens ou des centres de santé par exemple). Il en résulterait une perte pour les finances publiques.
3.2. DISPOSITIF RETENU
La mesure consiste à élargir le périmètre de consultation des fichiers BNDP et PATRIM/PATUELA aux agents des caisses primaires d'assurance-maladie (CPAM), des caisses d'assurance retraite et de santé au travail (CARSAT), de la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) pour les besoins de l'accomplissement de leurs missions de contrôle et de recouvrement des fraudes sociales mentionnées à l'article L. 114-16-2 du code de la sécurité sociale.
La mesure vise à compléter l'article L. 134 D du livre des procédures fiscales en ajoutant les organismes concernés. La rédaction retenue permet en outre d'ouvrir l'accès au Fichier national des contrats d'assurance-vie et de capitalisation (FICOVIE) aux nouveaux agents de contrôle (enquêteurs judiciaires) récemment installés au sein de la CNAM. Les modalités de désignation et d'habilitation des agents seront prévues par décret.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article modifie l'article L. 134 D du livre des procédures fiscales relatif à l'accès aux bases patrimoniales par les organismes de protection sociale.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La mesure relève de la seule compétence de la France. Il convient de rappeler que l'article 48 du TFUE se limite à prévoir une simple coordination des législations des États membres en matière de sécurité sociale. Les règles européennes de coordination ne mettent pas en oeuvre une harmonisation des régimes nationaux de sécurité sociale. Les États membres demeurent souverains pour organiser leurs systèmes de sécurité sociale.
D'une manière générale, le présent article est conforme aux textes internationaux et européens en vigueur.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
L'amélioration des capacités de recouvrement et le renforcement des contrôles permettront de limiter les dépenses.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Cette mesure facilitera la mise en recouvrement de rehaussements d'impositions.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La mesure s'inscrit dans le cadre d'un renforcement de la lutte contre la fraude aux prestations sociales. Elle contribuera à renforcer l'efficacité financière des contrôles sur les particuliers.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a été saisi le 4 août 2025, à titre obligatoire, pour avis en application du a) du 4° du I de l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans le cadre de la procédure d'urgence prévue par le deuxième alinéa du I de l'article 9 du décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 modifié pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et a rendu un avis favorable le 4 septembre 2025.
Le Conseil de la Caisse nationale de l'Assurance Maladie a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 4 septembre 2025.
La Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 1er septembre 2025.
Le Conseil d'administration de la Caisse nationale de l'Assurance Vieillesse a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 3 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal. S'agissant des collectivités ultramarines, celui-ci s'applique conformément au tableau ci-dessous :
Départements d'Outre-mer |
|
Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion |
Mesure applicable |
Mayotte |
Mesure non applicable |
Collectivités d'Outre-mer |
|
Saint-Barthélemy et Saint-Martin |
Mesure applicable |
Saint-Pierre-et-Miquelon |
Mesure applicable |
Autres (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, TAAF) |
Mesure non applicable |
5.2.3. Textes d'application
La mesure nécessite d'une part, un décret en Conseil d'Etat pour fixer les conditions dans lesquelles les organismes de protection sociale assurent la traçabilité des consultations effectuées par les agents relevant de leurs services ainsi que les modalités de conservation et de destruction des informations consultées.
La mesure nécessite d'autre part, d'actualiser par décret simple, après consultation pour avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, l'article R. 134 D-1 du livre des procédures fiscales qui définit les modalités de désignation et d'habilitation de ces agents par le directeur des organismes dans lesquels ils exercent leurs missions. Les actes réglementaires encadrant chacun des traitements concernés et les modalités de mise à disposition des données, seront mis à jour, après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés pour le traitement FICOVIE.
Article 3 - Autoriser des dérogations au secret fiscal dans le cadre de la détection d'une fraude
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Les informations recueillies par la DGFiP dans le cadre de ses missions fiscales sont protégées par les règles du secret fiscal : l' article L. 103 du livre des procédures fiscales (LPF) étend, en effet, en matière fiscale l'obligation de secret professionnel définie aux articles 226--13 et 226-14 du code pénal à toutes les informations recueillies lors d'opérations d'assiette, de contrôle ou de recouvrement, ainsi que d'opérations liées au contentieux, des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts (CGI).
L'objectif de cette mesure consiste à autoriser la DGFiP à communiquer à l'INPI et aux partenaires du guichet des formalités des entreprises juridiquement compétents des informations recueillies par l'administration fiscale à la suite d'un contrôle fiscal ou de la détection d'une fraude dans le cadre de son activité de gestion fiscale utiles à la tenue du registre national des entreprises.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le secret fiscal découle du droit au respect de la vie privée, protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. S'il constitue une garantie essentielle, il ne revêt pas un caractère absolu. Le Conseil constitutionnel admet que des dérogations peuvent y être apportées, à condition qu'elles soient prévues par la loi, justifiées par un objectif d'intérêt général (comme la lutte contre la fraude), et proportionnées (décisions n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016, n°2018-747 QPC du 23 novembre 2018).
Ainsi, toute atteinte au secret fiscal doit être strictement encadrée, tant dans son champ d'application que dans les modalités de mise en oeuvre, et respecter les droits de la défense.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Le secret fiscal est protégé sur le plan conventionnel comme une composante du droit à la vie privée, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ces textes interdisent les ingérences arbitraires ou illégales dans la vie privée, ce qui inclut la divulgation d'informations fiscales.
La Cour européenne des droits de l'homme rappelle que la notion de vie privée est une notion large, non susceptible d'une définition exhaustive. Bien que la protection des données ne soit pas explicitement mentionnée dans la Convention, selon une jurisprudence constante la protection des données à caractère personnel dont font partie les données fiscales, joue un rôle fondamental pour l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale consacré par l'article 8 de la Convention. Toutefois, une ingérence peut être justifiée si elle est prévue par la loi, poursuit un but légitime (ex. lutte contre la fraude), et est nécessaire et proportionnée.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARE
Sans objet.
2. NÉCÉSSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
En l'état actuel du droit national, les règles du secret fiscal font partiellement obstacle à la mise en oeuvre des règles de tenue du registre national des entreprises (RNE) prévu par l'article L. 123-36 du code de commerce. Ce registre unique, instauré par l'article 2 de la loi Pacte du 22 mai 2019, a pour objectif de centraliser et de diffuser les informations économiques et juridiques des entreprises. Compte tenu de l'utilisation de ses données par les systèmes d'information de l'ensemble des administrations partenaires (DGFiP, Urssaf, Insee, caisses de MSA, chambres des métiers et d'artisanat, chambres de commerce et d'industrie, etc.), il est nécessaire que le RNE reflète, de manière exacte, les informations relatives aux immatriculations, modifications et cessations d'activité des entreprises.
Une disposition législative est nécessaire pour permettre que le RNE soit à jour des informations portées à la connaissance de la DGFiP dans le cadre de son activité de contrôle et de gestion fiscale, lorsqu'elle a détecté des cas de fraude. Ces informations doivent être transmises à l'INPI (institut national de la protection intellectuelle), organisme unique en charge du guichet des formalités des entreprises en application de l'article L. 123-33 du code de commerce, de la tenue du registre en application de l'article L. 123-33 du code de commerce, pour être prises en compte au RNE. Or, l'administration fiscale ne peut communiquer ses données à d'autres administrations que sur le fondement d'un texte législatif exprès dérogeant à l'article L. 103 du Livre des procédures fiscales, qui garantit le secret des informations fiscales.
En outre, les administrations partenaires de l'INPI et du RNE, mentionnées à l'article L. 123- 40 du code de commerce peuvent, dans certains cas définis aux articles R. 123-294 à R. 123- 317 du code de commerce et principalement en cas de fraude d'un déclarant, modifier elles- mêmes les informations figurant au RNE. En effet, si le RNE est principalement alimenté des informations issues des formalités effectuées par les entreprises sur le guichet de formalités des entreprises, ces articles permettent aux administrations partenaires d'immatriculer ou de radier d'office des entreprises frauduleuses. Pour mener à bien cette mission de lutte contre la fraude, elles doivent également disposer des informations recueillies par l'administration fiscale suite à un contrôle fiscal ou à la détection d'une fraude dans le cadre de son activité de gestion fiscale.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif de la mesure proposée est de permettre à la DGFiP de tirer les conséquences de la détection, par les services de contrôle et de gestion fiscale, d'une fraude relative à l'activité d'une entreprise. Il s'agit de transmettre à l'INPI, en tant qu'organisme unique au sens de l'article L. 123-33 du code de commerce et aux administrations juridiquement compétentes pour apporter elles-mêmes des modifications au RNE, les informations leur permettant de corriger ce registre.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Au regard du cadre juridique actuel, seule une mesure dérogatoire au secret fiscal permettrait à la DGFIP de transmettre des informations dont elle a seule connaissance en vue de la mise à jour du RNE.
En l'absence de mesure, les fraudes détectées par la DGFiP ne pourront pas être signalées aux partenaires et les entreprises concernées pourront plus facilement poursuivre leur activité frauduleuse, soit parce qu'elles n'auront pas été radiées du registre, soit parce qu'elles n'y auront pas été immatriculées.
3.2. DISPOSITIF RETENU
La mesure retenue est celle d'une dérogation au secret fiscal inscrite dans le livre des procédures fiscales pour permettre à la DGFIP de transmettre des informations dont elle a seule connaissance en vue de la mise à jour du RNE.
Il est précisé qu'en application de l'article L. 123-50 du code de commerce, les immatriculations et radiations d'office au RNE sont réalisées par l'intermédiaire de l'organisme unique mentionné à l'article L. 123-33.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
L'article L. 123-50 du code commerce est modifié.
La mesure introduit une limite à la règle de secret professionnel en matière fiscale décrite au chapitre III du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales en créant un article L. 135 JA.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La mesure déroge au secret professionnel dans un objectif d'intérêt général de lutte contre la fraude, conformément aux principes constitutionnels et conventionnels.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
L'actualisation régulière et rigoureuse du RNE est un gage de transparence pour les entreprises. Sur le plan opérationnel, une base de données actualisée contribue à réduire les délais de traitement des formalités, en limitant les erreurs ou les rejets liés à des incohérences entre les informations transmises et celles déjà enregistrées. Ce gain d'efficacité est particulièrement bénéfique pour les petites entreprises, souvent limitées en ressources administratives.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mesure proposée contribue à renforcer la coopération inter-administrative en matière de lutte contre la fraude.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉ D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Aucune consultation obligatoire n'est requise et aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'appliquera sur l'ensemble du territoire hexagonal, à l'exception des collectivités d'Outre-mer et de Nouvelle-Calédonie, les entreprises implantées dans ces territoires n'étant pas gérées fiscalement par les services de la DGFiP.
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert pas de texte d'application.
Article 4 - Permettre aux caisses de sécurité sociale de mandater l'une d'entre elles pour déposer une plainte pénale unique et renforcer l'articulation de l'action pénale des organismes sociaux
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
En 2024, près de 12 000 actions pénales ont été engagées par les caisses de sécurité sociale (6 000 signalements au Procureur et près de 2 350 plaintes par les Caisses primaire d'assurance maladie (CPAM) pour un préjudice cumulé réclamé de 200 M€, 3 361 poursuites pénales par les Caisses d'allocations familiales (CAF) et 203 plaintes en prestations par les Caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA)2(*).
Avec le développement de fraudes utilisant les réseaux sociaux, le dark web et le phishing de données, le comportement frauduleux d'un même auteur est susceptible de léser plusieurs organismes de sécurité sociale.
Les réseaux sociaux peuvent être un vecteur de fraude en facilitant les possibilités d'achat de fausses prescriptions d'arrêts de travail ou de médicaments qui seront ensuite revendus notamment à l'international ou encore de faux contrats de travail et bulletins de paie qui permettront d'ouvrir des droits à prestations sociales. Un même comportement frauduleux peut alors se matérialiser en différents lieux du territoire et porter préjudice à de multiples caisses de sécurité sociale.
Actuellement, chaque organisme, victime d'une fraude, doit déposer sa propre plainte en application des dispositions de l'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale. L'organisme est d'ailleurs tenu, pour les fraudes d'un montant supérieur à quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale (prestations des branches vieillesse) et à huit fois le montant du plafond mensuel de la sécurité sociale (prestations des branches maladie et accidents du travail et maladies professionnelles, et de la branche famille) de porter plainte en se constituant partie civile. Ces dispositions anciennes mériteraient d'être actualisées au regard de l'article 85 du code de procédure pénale qui conditionne la possibilité de déposer une plainte avec constitution de partie civile à l'absence de poursuite ou au classement sans suite d'une plainte simple préalable.
L'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale prévoit uniquement que les organismes locaux puissent mandater leur organisme national pour déposer plainte en leur nom et pour leur compte. Ainsi, dans les cas de fraudes similaires émanant d'un même auteur, les caisses sont conduites à multiplier les plaintes à l'encontre d'un mis en cause identique, ce qui complexifie la gestion par le greffe (pour la notification des avis à victime par exemple) et les relations avec les services du procureur de la République.
A titre d'exemple, dans un dossier de fraude nationale commise par une société d'audioprothèses, les 60 caisses victimes de l'escroquerie ont dû chacune déposer leur plainte pénale ; le même travail a donc été effectué 60 fois par chaque CPAM concernée.
Par ailleurs, l'obligation des organismes locaux de déposer plainte pour les fraudes constatées au-delà du seuil fixé par l'article D. 114-5 du code de la sécurité sociale peut en outre se cumuler avec l'action pénale des agents de contrôle dotés de prérogatives de police judiciaire en cours de déploiement dans chaque réseau.
En application de l'article L. 114-22-3 du code de la sécurité sociale, chaque réseau peut spécialement habiliter des agents de contrôle pour rechercher des infractions en matière de fraude sociale et les constater par procès-verbal transmis directement au procureur de la République. Ces agents rattachés à des pôles inter-régionaux ou à l'organisme national ont compétence sur l'ensemble du territoire. Dans le prolongement de ce dispositif, il convient d'articuler leur action avec les plaintes formées par les organismes locaux.
Enfin, l'article L.114-9 du code de la sécurité sociale prévoit, dans le cas de l'assurance maladie, une information de l'organisme d'assurance maladie complémentaire de l'assuré lorsqu'qu'une procédure de contrôle est lancée. Ces dispositions ne permettent pas des échanges efficaces entre financeurs dans le cas de fraudes de professionnels de santé. Les complémentaires santé ne sont notamment pas informées lorsque les organismes d'assurance maladie obligatoire obtiennent la condamnation au pénal de professionnels de santé (centres de santé, laboratoires, pharmacies, etc.) pour escroquerie à l'assurance maladie, si bien qu'elles ne peuvent faire valoir auprès de la Justice leur droit à réparation du préjudice qu'elles ont également subi.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
La fraude sociale, qu'elle concerne les recettes ou les dépenses, porte atteinte au principe de solidarité et au pacte républicain qui fondent depuis 1945 la sécurité sociale. Lutter contre celle-ci est un impératif d'efficacité économique et de justice sociale. Le Conseil constitutionnel a reconnu à la « lutte contre la fraude » le caractère d'une exigence constitutionnelle3(*). Plus spécifiquement, le Conseil constitutionnel a caractérisé la lutte contre la fraude en matière de protection sociale comme un objectif de valeur constitutionnelle4(*).
Par ailleurs, la recherche des auteurs d'infractions est elle-même un objectif constitutionnel, nécessaire à la sauvegarde des droits et principes de valeur constitutionnelle5(*). La répression des fraudes sociales complexes est donc solidement fondée sur la protection de l'intérêt général économique et sur la nécessité constitutionnelle de garantir l'effectivité de la répression pénale.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
La mesure relève de la seule compétence de la France.
Il convient de rappeler que l'article 48 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se limite à prévoir une simple coordination des législations des États membres. Les règles européennes de coordination ne mettent pas en oeuvre une harmonisation des régimes nationaux de sécurité sociale. Les États membres demeurent souverains pour organiser leurs systèmes de sécurité sociale.
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a une jurisprudence constante selon laquelle il appartient à la législation de chaque État membre :
- de déterminer les conditions du droit ou de l'obligation de s'affilier à un régime de sécurité sociale ou à telle ou telle branche de pareil régime ;
- de définir les conditions requises pour l'octroi des prestations de sécurité sociale, du moment qu'il n'est pas fait, à cet égard, de discrimination entre les ressortissants nationaux et ceux des autres États membres.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Les modalités selon lesquelles les organismes de sécurité sociale déposent une plainte devant les tribunaux sont organisées par l'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale. Par conséquent, pour créer de nouvelles modalités, il est nécessaire de procéder par voie législative.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La mesure a pour objet d'améliorer le traitement et le suivi judiciaire des fraudes commises en divers lieux du territoire, en permettant aux autorités judiciaires de connaître rapidement l'ampleur de la fraude et l'identité des victimes ou parties civiles.
Elle devrait notamment faciliter le traitement par les CPAM et les parquets des plaintes pénales visant des professionnels de santé lorsque plusieurs caisses sont concernées (cas de plaintes déposées contre les groupes de centres de santé, de laboratoires implantés sur tout le territoire).
Elle vise en outre à faciliter l'information des organismes d'assurance maladie complémentaires lorsqu'une caisse dépose une plainte au pénal ou qu'elle constate une fraude par procès-verbal, dans une affaire les concernant (organismes ayant pris en charge la part complémentaires des soins pour leurs adhérents), pour leur permettre de faire valoir leurs droits auprès de la Justice en tant que victimes.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
La législation en vigueur ne permet pas à un organisme local de sécurité sociale de coordonner, avant toute transmission à l'autorité judiciaire, les plaintes des différents organismes victimes d'une même fraude. En raison des difficultés d'application qui en découlent pour les dossiers de fraude massive, l'option du statu quo n'a pas été retenue.
3.2. DISPOSITIF RETENU
La mesure a pour objet d'une part, de favoriser le regroupement des plaintes pénales portées devant la justice. Elle vise à autoriser les organismes victimes de la fraude d'un même protagoniste à mandater l'un d'entre eux pour déposer une plainte pénale unique.
La mesure a pour objet d'autre part, de simplifier l'engagement de l'action publique, en articulant l'obligation de dépôt d'une plainte pénale avec l'action pénale conduite par les agents de contrôle, spécialement habilités à la recherche d'infractions pénales de fraude sociale grave.
Elle vise à lever l'obligation des organismes de déposer plainte lorsque la fraude est constatée par voie de procès-verbal directement transmis au procureur de la République. L'organisme aura toujours la faculté ou l'obligation dans les cas de fraude importante de se constituer partie civile, au plus tard à l'audience, si le ministère public décide d'engager des poursuites pénales.
Enfin, elle prévoit, lorsqu'un organisme d'assurance maladie obligatoire dépose une plainte au pénal ou qu'elle constate une fraude par procès-verbal, la transmission au parquet de la liste des organismes complémentaires concernés, ce qui permettra à celles-ci d'être informées des audiences les concernant et de se constituer partie civile le cas échéant. Elle supprime les dispositions de l'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale prévoyant l'information des complémentaires par les caisses au moment du lancement d'une procédure de contrôle, les dispositions autorisant et organisant les échanges entre ces acteurs à des fins de lutte contre la fraude faisant désormais l'objet des articles L.114-9-1 à L.114-9-5 introduits par ailleurs dans ce projet de loi.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article modifie l'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le présent article est conforme aux textes internationaux et européens mentionnés supra.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
L'impact financier découle de l'augmentation des plaintes pénales attendues dans le cadre des fraudes de professionnels de santé visant une multitude de CPAM ainsi que des enquêtes judiciaires des agents de contrôle commissionnés des pôles inter-régionaux.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mesure vise à simplifier le dépôt des plaintes pénales et le suivi judiciaire en cas de fraude ayant notamment généré des préjudices à l'encontre de plusieurs organismes.
Elle permet d'une part, de mandater un organisme de sécurité sociale pour déposer une plainte pour le compte d'autres organismes lésés en cas de fraude sérielle. Un organisme pourra coordonner l'ensemble des plaintes et le cas échéant, procéder à une déclaration commune ou déposer des conclusions communes aux fins d'obtenir réparation des préjudices des différentes caisses. L'objectif est d'avoir une vision globale des fraudes commises et une identification la plus complète possible des victimes avant de saisir la justice pour faciliter l'instruction judiciaire du dossier et l'exercice de l'action civile.
Elle dégage d'autre part l'organisme de son obligation de dépôt de plainte lorsqu'un procès-verbal est directement transmis au procureur de la République, afin de ne pas saisir la justice deux fois pour un même dossier. L'objectif est de rationaliser l'introduction, l'enregistrement et le suivi des procédures judiciaires pour les tribunaux.
Enfin, l'obligation faite aux caisses d'assurance maladie de communiquer les noms et coordonnées des organismes complémentaires concernés par un dépôt de plainte ou un procès-verbal nécessitera l'identification de ces organismes et la constitution d'une liste retraçant pour chacun le préjudice subi du fait des paiements effectués à tort pour leurs adhérents qu'il couvre.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil de la Caisse nationale de l'Assurance Maladie a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 4 septembre 2025.
La Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles a été saisie pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 1er septembre 2025.
Le Conseil d'administration de la Caisse nationale de l'Assurance Vieillesse a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 3 septembre 2025.
Le Conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 1er septembre 2025.
Le Conseil d'administration de la Caisse Centrale de la Mutualité Sociale Agricole a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 723-12 du code rural et de la pêche maritime et après avoir examiné le projet de loi, a sursis à statuer le 3 septembre 2025.
Le Conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 2 septembre 2025.
Le Conseil de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale le 22 août 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal. S'agissant des collectivités ultramarines, celui-ci s'applique conformément au tableau ci-dessous :
Départements d'Outre-mer |
|
Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion |
Mesure applicable |
Mayotte |
Mesure non applicable |
Collectivités d'Outre-mer |
|
Saint-Barthélemy et Saint-Martin |
Mesure applicable |
Saint-Pierre-et-Miquelon |
Mesure applicable |
Autres (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, TAAF) |
Mesure non applicable |
5.2.3. Textes d'application
Un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale sera nécessaire afin de définir le contenu et le calendrier d'élaboration de la synthèse du programme de lutte contre la fraude.
Article 5 - Renforcer les échanges d'information entre l'assurance maladie et les complémentaires santé
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La lutte contre la fraude sociale est une composante essentielle de la confiance de nos concitoyens dans le système de protection sociale. Elle nécessite la mobilisation de tous les acteurs et leur coopération.
Au sein de l'assurance maladie obligatoire comme des organismes complémentaires, le constat est le même : les comportements frauduleux se multiplient, notamment au moyen de faux documents, de facturations d'actes fictifs, d'usurpation d'identité et de pratiques illicites qui se diffusent sur les réseaux sociaux tout particulièrement dans le champ des prestations couvertes par le “100% santé” et en cas de tiers-payant.
Les organismes complémentaires d'assurance maladie sont mobilisés dans la lutte contre la fraude depuis de nombreuses années en particulier pour ce qui concerne les prestations où ils sont les premiers financeurs (optique, audiologie et dentaire).
Dans un contexte budgétaire difficile, la recherche d'efficience de la dépense est essentielle. Les enjeux financiers sont importants : la Caisse nationale de l'assurance maladie a un objectif ambitieux de lutte contre la fraude, évalué à 2,5 Md€ pour la période 2024-2027. Les organismes complémentaires, qui constatent un triplement des fraudes entre 2022 et 2023, considèrent que la fraude représente entre 1 à 5% des prestations versées, selon les domaines.
L'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale prévoit d'ores et déjà que les organismes d'assurance maladie obligatoire communiquent des informations aux organismes d'assurance maladie complémentaire, dans le cadre de la lutte contre la fraude.
Toutefois cette communication est doublement limitée : d'une part, l'assurance maladie obligatoire ne peut s'adresser qu'à l'organisme d'assurance maladie complémentaire de l'assuré, la communication en sens inverse n'étant pas autorisée. D'autre part, elle ne peut pas lui communiquer d'informations autres que celles portant sur l'existence d'une procédure d'enquête en cours pour fraude aux prestations sociales.
Ces échanges sont donc peu mis en oeuvre en pratique alors que les organismes d'assurance maladie complémentaire peuvent aussi détecter des cas de fraudes complexes et/ou à fort enjeu dont la transmission systématique à l'assurance maladie permettrait d'enclencher des actions de contrôle en s'appuyant sur les prérogatives dont celle-ci dispose.
L'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction actuelle, n'atteint donc pas l'objectif qui lui a été assigné par le législateur d'amélioration de l'efficacité des moyens mis en oeuvre par la sécurité sociale pour lutter contre la fraude aux prestations sociales.
Par ailleurs, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) est saisie, depuis la fin des années 2010 et notamment depuis la mise en oeuvre du “100% santé”, de nombreuses plaintes émanant à la fois d'assurés et d'opticiens relatives à l'accès par des organismes complémentaires à des données de santé. Depuis 2022, la CNIL recommande une adaptation du cadre juridique afin de sécuriser durablement le traitement par les complémentaires santé de données couvertes par le secret médical pour des objectifs légitimes, que constituent le remboursement des frais de santé, le contrôle du respect des contrats de complémentaire santé et la lutte contre la fraude. Elle considère ainsi que « le cadre législatif actuellement en vigueur ne permet de déduire avec certitude une autorisation pour les OCAM de traiter des données de santé dans tous les cas de figure” et qu'il est donc “indispensable de revoir le cadre juridique applicable, tant en ce qui concerne l'exception mobilisable pour le traitement des données concernant la santé que s'agissant de la levée du secret médical »6(*).
En effet, alors même que les dispositions relatives aux contrats dits « responsables » prévoient que ces derniers doivent permettre le mécanisme de tiers payant qui dispense le patient de l'avance des frais et conduit donc les professionnels de santé à facturer directement aux organismes complémentaires le paiement de la participation de l'assuré, et que les organismes doivent dans ce cadre vérifier si les conditions du renouvellement anticipé de certains équipements sont remplies (exemple : évolution de la vue en optique), ces organismes ne disposent pas aujourd'hui de l'autorisation explicite du législateur pour traiter les données de santé nécessaires à ces vérifications. La CNIL considère par conséquent que les dispositions actuellement prévues dans le code de la sécurité sociale, notamment l'article L. 871-1 relatif aux contrats responsables, doivent être complétées.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
La fraude sociale, qu'elle concerne les recettes ou les dépenses, porte atteinte au principe de solidarité et au pacte républicain qui fondent depuis 1945 la sécurité sociale. Lutter contre celle-ci est un impératif d'efficacité économique et de justice sociale. Le Conseil constitutionnel a reconnu à la « lutte contre la fraude » le caractère d'une exigence constitutionnelle7(*). Plus spécifiquement, le Conseil constitutionnel a caractérisé la lutte contre la fraude en matière de protection sociale comme un objectif de valeur constitutionnelle8(*).
Par ailleurs, en contribuant à la gestion d'un service de protection sociale par le remboursement des frais de santé, complémentaires à la prise en charge par l'assurance maladie obligatoire, les échanges d'informations visés dans l'article 5 entrent dans le champ de l'alinéa 11 de la Constitution de 1946, qui garantit à tous la protection de la santé.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
La mesure s'inscrit pleinement dans le champ de l'article 9 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données dit « RGPD ». Cet article consacre le principe de l'interdiction du traitement des données concernant la santé, tout en définissant des dérogations à ce principe, parmi lesquels la nécessité de ce traitement pour la constatation, à l'exercice ou à la défense d'un droit en justice ou chaque fois que des juridictions agissent dans le cadre de leur fonction juridictionnelle nécessaire « aux fins de la médecine préventive ou de la médecine du travail, de l'appréciation de la capacité de travail du travailleur, de diagnostics médicaux, de la prise en charge sanitaire ou sociale, ou de la gestion des systèmes et des services de soins de santé ou de protection sociale sur la base du droit de l'Union ».
Cet article permet de garantir la licéité de ces traitements au regard du cadre ainsi posé par l'Union européenne.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARE
Sans objet.
2. NÉCÉSSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Les organismes complémentaires pratiquent le tiers-payant dans le cadre des contrats dits « responsables », ce qui signifie que le remboursement des prestations aux assurés se fait sur la base des éléments transmis par les professionnels de santé et non par l'assuré. Or, il est parfois nécessaire pour l'organisme complémentaire de connaître certaines données de santé couvertes par le secret professionnel, afin de procéder aux vérifications avant remboursement. Aujourd'hui, les organismes complémentaires ne disposent pas de l'autorisation explicite du législateur pour les traiter.
Par ailleurs, les échanges d'informations entre organismes de sécurité sociale et organismes complémentaires en matière de lutte contre la fraude sont limités, notamment par l'obligation, pour les agents de contrôle des caisses, de respecter les règles relatives au secret professionnel défini par l'article 226-13 du Code pénal, qui interdit la communication d'informations à caractère secret détenue par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire. Deux avis du Conseil d'État en date du 6 février 1951 et du 11 mars 1965 ont confirmé l'application de ce principe aux personnels des organismes de sécurité sociale. Il est nécessaire de prévoir des dispositions explicites dans la loi permettant la communication d'informations relatives à la fraude aux organismes complémentaires pour éviter la mise en cause des agents concernés en application des articles 226-13 et 226-1 et 226-22 du code pénal.
Les traitements de données mis en oeuvre en application de la mesure portent sur des données personnelles sensibles (données de santé, données d'infraction), et doivent donc être entourés de garanties légales.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La mesure vise à faire évoluer le cadre juridique applicable aux traitements des données de santé opérés par les organismes complémentaires afin de poursuivre deux objectifs :
- D'une part, sécuriser et faciliter le contrôle des demandes de remboursement adressées aux organismes complémentaires avant même leur liquidation, et donc de limiter ainsi des fraudes potentielles ou même des erreurs non-intentionnelles,
- D'autre part, développer les échanges de données en matière de fraude entre l'assurance maladie obligatoire et l'assurance maladie complémentaire.
La refonte de ce cadre juridique nécessite de préciser que les traitements de données mis en oeuvre par les organismes d'assurance complémentaire dans le cadre des contrats conclus pour le remboursement et l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident sont des traitements permettant de concourir à la gestion d'un service de protection sociale au sens du h) du paragraphe 2 de l'article 9 du RGPD.
Il ne s'agit donc aucunement de reconnaître que les organismes complémentaires (qu'il s'agisse de sociétés d'assurance, de mutuelles ou d'instituts de prévoyance) participent au régime de sécurité sociale ou de protection sociale en tant que tels, mais uniquement de préciser que les traitements de données qu'ils doivent mettre en oeuvre dans le cadre des contrats ou règlements de complémentaire santé qu'ils concluent, pour les finalités limitativement énumérées, peuvent être qualifiés de traitements de données permettant de concourir à la gestion d'un service de protection sociale au sens et pour l'application du RGPD.
Il convient par ailleurs de préciser que sont uniquement visés par la mesure les contrats ou règlements de complémentaire santé conclus par les organismes complémentaires, à l'exclusion des contrats de prévoyance qu'ils peuvent par ailleurs proposer à leurs assurés, membres ou adhérents. La mesure vise ainsi à sécuriser juridiquement la capacité de ces organismes à traiter des données de santé, régies par des dispositions particulièrement protectrices, dans le cadre de l'exécution des contrats ou règlements de complémentaire santé qu'ils concluent.
La mesure proposée permet également de lever le secret médical en cas de mise en oeuvre du tiers-payant, puisque le cas échéant les professionnels de santé sont conduits à transmettre directement des informations à l'assurance maladie obligatoire mais également aux organismes complémentaires.
Elle énumère de façon limitative les finalités que peut poursuivre l'utilisation de ces données et les catégories de données pouvant être traitées. Ces finalités sont ainsi au nombre de trois :
- procéder au remboursement et à l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident dans le cadre des contrats ou règlements conclus à ce titre, y compris dans le cadre du tiers-payant ;
- contrôler et procéder aux vérifications du respect de ces contrats ou règlements couvrant les assurés et des conventions souscrites avec les professionnels et organismes ou établissements de santé ;
- procéder à la constatation, à l'exercice ou à la défense de droits en justice. Tout traitement de données qui n'est pas strictement nécessaire à ces finalités n'est pas autorisé. Seules peuvent être utilisées les données personnelles strictement nécessaires à la poursuite de ces finalités. Ainsi, par exemple, les données de santé ne peuvent être traitées à des fins d'exclusion de garanties des contrats d'assurance ou de modification de cotisations ou de primes d'assurance d'un individu ou d'un groupe.
Concernant les droits et obligations qui découlent de cette mission, des évolutions de l'organisation et du fonctionnement de ces opérateurs doivent également être prévues par des dispositions législatives (catégories de personnes habilitées à traiter ces données, soumission de ces personnes au secret professionnel, garanties relatives à l'hébergement et à la conservation de ces données).
Concernant les échanges de données entre l'assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires à des fins de lutte contre la fraude, la réécriture de l'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale (à l'article 4 de ce projet de loi) et l'insertion dans le présent article de nouveaux articles dédiés dans le chapitre relatif au contrôle et la lutte contre la fraude du même code visent à renforcer les moyens des organismes concernés en matière de détection des cas de fraude et de leur ampleur, dans des conditions appropriées à la sensibilité des données de santé et à la spécificité des données d'infractions.
La mesure vise à étendre les échanges d'informations entre organismes d'assurance maladie obligatoire et les complémentaires santé en matière de fraude, en prévoyant une obligation de signalement par l'organisme de complémentaire santé vers l'organisme local d'assurance maladie, auquel est rattaché son adhérent, de tout fait ou information qu'il détient à l'issue d'un contrôle de nature à faire présumer ou caractériser une fraude aux prestations sociales.
En parallèle, la mesure prévoit que lorsque les investigations du régime obligatoire ont permis de mettre en évidence des faits susceptibles de constituer l'un des cas de fraude aux prestations sociales définis à l'article L. 114-16-2 du code de la sécurité sociale, les agents de ces organismes sont habilités à communiquer aux organismes d'assurance maladie complémentaire les informations strictement nécessaires à l'identification de l'auteur des faits et des actes et prestations en cause pour des finalités clairement définies, en lien direct avec la lutte contre la fraude aux prestations sociales.
Des garanties procédurales mises en oeuvre par les destinataires des données sont prévues dans la loi (obligation de mise à jour des données, suppression des données pour les personnes mises hors de cause). Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, mais aussi de l'UNCAM, de l'UNOCAM, et du CCLRF précisera les conditions et modalités de mise en oeuvre de ces échanges d'informations.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Depuis 2022, la CNIL a réitéré à plusieurs reprises son souhait qu'une mesure de niveau législatif soit adoptée afin de sécuriser et d'encadrer la transmission des données personnelles transmises aux complémentaires santé afin de « garantir la vie privée des personnes et assurer la sécurité juridique des professionnels de santé et des mutuelles ».
La CNIL a en effet considéré que seul l'article L. 871-1 du code de la sécurité sociale relatif aux contrats responsables et au mécanisme de tiers-payant peut impliquer la transmission d'informations couvertes par le secret médical vers les organismes complémentaires. Elle a ainsi conclu à la nécessité d'un encadrement législatif autorisant explicitement les professionnels de santé à transmettre aux organismes complémentaires des données couvertes par le secret médical afin de sécuriser ces traitements, notamment ceux réalisés en dehors des contrats responsables. Elle a également invité le Gouvernement à encadrer par la loi les modalités de cette transmission.
S'agissant des échanges d'informations entre les organismes d'assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires, il aurait pu être envisagé de ne pas modifier la loi et d'organiser la transmission des signalements de faits pouvant constituer des fraudes à la sécurité sociale par les organismes complémentaires. Une autre option aurait pu être de limiter la finalité des échanges à l'exercice d'un droit en justice, en reprenant la mesure portée par le projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2025 (article 49), écarté par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2025-875 DC du 28 février 2025 comme « cavalier social ». Une mesure plus large a été privilégiée pour tenir compte de la nécessité plus générale de sécuriser les traitements de données des complémentaires santé.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Dans le cadre de l'exécution des contrats dits « responsables » et de la mise en oeuvre du mécanisme de tiers-payant, les organismes complémentaires seront autorisés à traiter des données de santé transmises par des professionnels de santé, organismes ou établissements dispensant des actes ou prestations de santé. Seules les données de santé strictement nécessaires à la réalisation de trois finalités suivantes peuvent être communiquées :
- le remboursement et l'indemnisation des frais occasionnés à un assuré par une maladie, une maternité ou un accident ;
- le contrôle de la vérification du respect des contrats couvrant les assurés et des conventions souscrites avec les professionnels et organismes ou établissements de santé, y compris à la recherche d'informations ou de faits pouvant être de nature à constituer une fraude en matière d'exécution de ces contrats ;
- la constatation, l'exercice ou la défense de droits en justice.
Pour ce faire, le secret médical qui lie les professionnels et établissements de santé qui traitent ces données sera levé pour autoriser leur transmission pour les seules finalités prévues ci-dessus. Seuls les professionnels de santé des organismes complémentaires et les personnels placés sous leur autorité chargés du contrôle médical du dossier de l'assuré, soumis au secret professionnel, auront accès à ces données de santé.
Le cadre réglementaire précisera notamment les catégories de données traitées et leurs durées de conservation.
La mesure prévoit également des échanges entre les organismes d'assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires en matière de lutte contre la fraude. Elle ouvre la possibilité de faire intervenir un intermédiaire présentant des garanties techniques et organisationnelles appropriées assurant un haut niveau de sécurité des données ainsi que des garanties d'indépendance et d'expertise. Les contours exacts de cet intermédiaire, s'il devait être mis en place, font l'objet de travaux avec l'Assurance maladie et les représentants des organismes complémentaires. Ils devront le cas échéant être précisés dans le décret d'application de la mesure (qui doit plus généralement préciser les conditions et modalités de mise en oeuvre des échanges d'informations, notamment les conditions d'habilitation des personnels de l'organisme d'assurance maladie complémentaire concerné ainsi que les modalités d'information des assurés et des professionnels concernés par ces échanges). La mesure ne vise en toute hypothèse pas la constitution d'une base de données portant sur l'ensemble des assurés mais l'identification des organismes complémentaires concernés après constatation par la caisse de cas de fraudes.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
La mesure crée de nouvelles dispositions :
- Il est créé un chapitre V au titre III du livre Ier du code des assurances, composé des articles L. 135-1 à L. 135-5 du même code ;
- Il est créé une section 3 au chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de la mutualité composée des articles L. 211-16 à L. 211-20 du même code.
- Il est inséré à la suite de l'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale les articles L. 114-9-1 à L. 114-9-5
- La section I du chapitre Ier du titre III du livre IX du code de la sécurité sociale est complétée par les articles L. 931-3-9 à L. 931-3-13.
Par ailleurs, le 3° de l'article 65 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est modifié pour prendre en compte la création de ces articles.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Cette mesure vise à mettre en conformité les traitements de données mis en oeuvre par les organismes complémentaires dans le cadre des contrats ou règlements de complémentaire santé avec le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
La mesure doit permettre d'accroître significativement le nombre de signalements de fraude présumée transmis par les complémentaires santé vers les organismes d'assurance maladie obligatoire, augmentant de facto leur nombre de dossiers instruits et leurs montants de préjudices financiers annuels détectés.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Cette mesure a des impacts sur les organismes complémentaires (institutions de prévoyance, sociétés d'assurance et mutuelles).
4.2.3. Impacts budgétaires
Entre 2017 et 2022, 177 signalements ont été reçus et traités émanant des complémentaires santé, pour un montant de 5,2 millions d'euros de préjudice financier détecté par la suite par les CPAM. Considérant qu'une telle mesure permettrait de doubler le nombre de signalements transmis chaque année aux CPAM par les organismes de complémentaire santé, le gain financier peut s'estimer à +1 M€ pour l'assurance maladie obligatoire.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mesure permettra de renforcer les échanges et la coordination des actions en matière de contrôle et de lutte contre la fraude entre l'assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires d'assurance maladie.
La mise en oeuvre opérationnelle de ces échanges de données (dispositifs techniques, procédures internes OSS-OCAM, etc.) pourrait nécessiter des adaptations/évolutions du SI de l'assurance maladie obligatoire pour permettre de retracer l'ensemble des organismes complémentaires co-financeurs du professionnel de santé ou de l'assuré ciblé.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
La mesure sécurise, au regard du secret médical, les transmissions de données de santé opérées par les professionnels de santé, organismes ou établissements de santé vers les organismes complémentaires.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La mesure sécurise, au regard du secret médical, les transmissions d'informations à caractère médical opérées par les professionnels de santé, organismes ou établissements de santé vers les organismes complémentaires.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a été saisi pour avis le 1er août 2025, à titre obligatoire, en application du a) du 4° du I de l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et a rendu un avis favorable le 4 septembre 2025 (délibération n° 2025-074).
La Caisse nationale d'assurance maladie a été saisi pour avis le 22 août 2025, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 4 septembre 2025.
L'Union nationale des caisses d'assurance maladie a été saisi pour avis le 22 août 2025, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale.
L'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie a été saisi le 22 août 2025, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 1er septembre 2025.
La Caisse centrale de la mutualité sociale agricole a été saisi le 22 août 2025, à titre obligatoire, en application de l'article L. 723-12 du code rural et de la pêche maritime et a rendu un avis le 3 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal. S'agissant des collectivités ultramarines, celui-ci s'applique conformément au tableau ci-dessous :
Collectivités d'outre-mer |
|
Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion |
Mesure applicable |
Mayotte |
Mesure non applicable |
Saint-Martin, Saint-Barthélemy |
Mesure applicable |
Saint-Pierre-et-Miquelon |
Mesure applicable |
Autres (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et- Futuna, TAAF) |
Mesure non applicable |
5.2.3. Textes d'application
Des décrets en Conseil d'Etat, pris après avis de la CNIL, préciseront les modalités d'application du présent article.
Article 6 - Etendre les prérogatives des services départementaux chargés du handicap et de l'autonomie en matière de lutte contre la fraude
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) (ou les services de collectivités d'outre-mer assurant cette mission) et les services en charge de l'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie (services APA) au sein des Conseils départementaux jouent un rôle majeur dans l'attribution des droits et prestations pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. Chaque année 1,7 million de personnes déposent une demande à la MDPH9(*). Les droits et prestations attribués par les MDPH sont nombreux. Ils peuvent avoir une incidence financière directe (allocation aux adultes handicapés - AAH, allocation d'éducation de l'enfant handicapé - AEEH, prestation de compensation du handicap - PCH) ou indirecte par les aides auxquelles ils donnent droit (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé - RQTH, carte mobilité inclusion). Plus de 800 000 personnes10(*) bénéficient par ailleurs de l'APA à domicile.
Les dispositions relatives à la lutte contre la fraude sociale sont définies par les articles L.114-9 et suivants du code de la sécurité sociale. En tant que gestionnaire de la branche autonomie, il est attendu de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) qu'elle mette en place un plan de lutte contre la fraude concernant les prestations entrant dans le périmètre de la branche.
Or, ces dispositions s'adressent à la CNSA sans couvrir la totalité de son réseau. Pour les prestations qui concernent les personnes en situation de handicap, les MDPH, services chargés de l'attribution des prestations à destination des personnes en situations de handicap (PCH, AEEH) ne sont pas des organismes de sécurité sociale. Leurs missions en matière de lutte contre la fraude ne sont pas clairement définies, et leurs prérogatives sont limitées. Pour la prestation à destination des personnes âgées (APA), l'attribution comme le versement relève des Conseils départementaux, qui ne sont pas plus que les MDPH couverts par les dispositions du code de la sécurité sociale. Les missions des MDPH et la compétence des départements en matière de service de l'APA sont en effet essentiellement régies par les dispositions du code de l'action sociale et des familles (CASF). L'article L. 146-3 du CASF crée les MDPH et fixe leurs missions. Les articles suivants définissent leur statut (L. 146-4), les modalités de suivi de leur activité (L. 146-3-1) ainsi que leurs modalités de fonctionnement (L. 146-4-1 et suivants). Le contrôle d'effectivité de l'APA, ainsi que les échanges d'informations avec les administrations publiques nécessaires à ce contrôle, dont les organismes de sécurité sociale, font actuellement l'objet de l'article L. 232-16 du CASF. La transmission des renseignements nécessaires à l'admission à l'aide sociale, ou à la radiation éventuelle, par les agents des administrations fiscales et des organismes de sécurité sociale, à l'exception des renseignements d'ordre médical, résulte de l'application des dispositions de l'article L. 133-3 du CASF (avec renvoi explicite par l'article L. 232-26 du même code pour le service de l'APA).
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
La fraude sociale, qu'elle concerne les recettes ou les dépenses, porte atteinte au principe de solidarité et au pacte républicain qui fondent depuis 1945 la sécurité sociale. Lutter contre celle-ci est un impératif d'efficacité économique et de justice sociale. Le Conseil constitutionnel a reconnu à la « lutte contre la fraude » le caractère d'une exigence constitutionnelle11(*). Plus spécifiquement, le Conseil constitutionnel a caractérisé la lutte contre la fraude en matière de protection sociale comme un objectif de valeur constitutionnelle12(*).
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Les missions des MDPH sont définies par l'article L.146-3 du code de l'action sociale et des familles. Les modalités de partage d'information entre organismes sont définies par les articles L.114-16 et suivants du code de la sécurité sociale. Ces articles doivent par conséquent être modifiés.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La mesure a pour objet de clarifier les missions des MDPH et des services APA en matière de lutte contre la fraude d'une part, et d'autre part de leur permettre de disposer des leviers nécessaires à cette action, en matière de partage d'information avec les organismes oeuvrant dans le champ de la fraude sociale.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Les dispositions relatives aux missions et aux compétences des MDPH et des services APA ainsi qu'à la lutte contre la fraude nécessitent l'intervention de la loi. D'autres dispositions règlementaires et conventionnelles sont possibles mais l'évolution législative est un prérequis.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Pour la délivrance des droits et prestations à destination des personnes en situations de handicap et de l'allocation personnalisée d'autonomie, les MDPH et les services APA des Conseils départementaux peuvent être destinataires de certificats médicaux. La mesure a pour objet d'une part, d'intégrer les MDPH et les services APA dans la liste des organismes recevant les informations relatives aux interdictions d'exercice des professionnels de santé, et de toute autre personne physique ou morale autorisée à dispenser des soins, produits ou dispositifs médicaux. Cette disposition permettra de sécuriser les certificats médicaux qui leur sont communiqués.
La mesure a d'autre part, pour objet d'intégrer les MDPH, mais aussi les services APA des Conseils départementaux, au périmètre des acteurs autorisés à échanger des informations dans le cadre de la lutte contre la fraude sociale.
Cette disposition leur permettra d'échanger tous renseignements et tous documents utiles à l'accomplissement des missions de recherche et de constatation des fraudes en matière sociale énumérées à l'article L. 114-16-213(*), ainsi qu'au recouvrement des cotisations et contributions dues et des prestations sociales versées indûment.
Les possibilités d'échanges d'informations ainsi ouvertes avec notamment les organismes locaux de protection sociale, les officiers et agents de police judiciaire, les agents compétents des impôts, des douanes, de France Travail, de l'Unédic, de l'inspection du travail, des Agences régionales de santé, des services préfectoraux et de la MICAF sont de nature à enrichir significativement les informations utiles à la vérification de certaines situations de fraude auxquelles est exposée la branche autonomie.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article modifie les articles L.114-16, L.114-16-1 et L.114-16-3 du code de la sécurité sociale.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le présent article est conforme aux textes internationaux et européens en vigueur.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
La présente mesure pourrait entrainer des économies potentielles sur le coût des prestations gérées par les MDPH et les conseils départementaux.
Toutefois, il n'existe pas aujourd'hui d'estimation du montant global de la fraude aux prestations sociales autonomie. En tenant compte de la méthode de calcul du Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS) pour le calcul concernant les prestations sociales dans leur ensemble (taux de fraude de 1,46%, taux de fraude détectée de 0,24% et recouvrée 0,07%), il est estimé à 20 millions d'euros la somme potentiellement recouvrable annuellement. Ce chiffre doit être pris avec beaucoup de précaution car le dispositif de lutte contre la fraude de la branche autonomie est récent et ne peut à date être comparé à celui existant au sein du régime général de la sécurité sociale par exemple.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Le présent article facilitera les échanges entre les administrations de l'Etat, les MDPH et les conseils départementaux.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La mesure permettra l'attribution à bon droit des prestations sociales.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Il est possible de retenir une absence d'impact indirect sur les bénéficiaires de bonne foi de ces prestations, puisque les indus ne seront pas réaffectés à leur profit.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) a été consulté, à titre obligatoire, en application de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, le 11 septembre 2025 et a émis un avis favorable avec réserves.
La commission normative de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie a été consultée, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale, et a rendu un avis favorable avec réserves le 3 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal. S'agissant des collectivités ultramarines, celui-ci s'applique conformément au tableau ci-dessous :
Départements d'Outre-mer |
|
Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion |
Mesure applicable |
Mayotte |
Mesure applicable |
Collectivités d'Outre-mer |
|
Saint-Barthélemy et Saint-Martin |
Mesure applicable |
Saint-Pierre-et-Miquelon |
Mesure applicable |
Autres (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, TAAF) |
Mesure non applicable |
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne nécessite pas de texte d'application.
Toutefois, sans qu'il soit nécessaire que la loi le précise, un texte de nature réglementaire pourrait encadrer les modalités d'application de ces dispositions, notamment quant à la désignation et l'habilitation des agents qui procéderont à ces échanges d'information. Ce texte pourrait être travaillé avec des MDPH, des départements et la mission nationale d'accompagnement, de conseil et d'audit (MCIC) de la CNSA.
Article 7 - Rendre obligatoire la géolocalisation des transports sanitaires et taxis conventionnés
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Les principales fraudes sur le transport de patients concernent l'exercice illégal de la profession de transporteurs, des factures falsifiées, des fraudes à la prescription, des fraudes à l'agrément du véhicule, des transports facturés mais non réalisés, ou encore le non-respect répété des règles de facturation à l'Assurance Maladie.
Aussi, fiabiliser les données de facturation des transporteurs implique de coupler l'équipement en dispositifs de géolocalisation intégrés et le déploiement de la facturation via le téléservice « SEFI » (Système Electronique de Facturation Intégré). Ce chantier implique des travaux opérationnels de déploiement du téléservice par l'Assurance maladie, mais également un équipement de l'ensemble des transporteurs.
Les négociations entre l'Assurance maladie et les fédérations représentatives des transporteurs sanitaires, d'une part, et des taxis, d'autre part, ont prévu un calendrier ambitieux de déploiement de ces deux dispositifs, avec la mise en place de groupes de travail techniques dédiés.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
La mesure aborde deux principes à valeur constitutionnelle :
D'un côté, le droit au respect de la vie privée a été rattaché à l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 qui rend l'autorité judiciaire "gardienne de la liberté individuelle" dans une décision du 18 janvier 1995.
De l'autre, la lutte contre la fraude est un objectif à valeur constitutionnelle14(*). En effet, le Conseil constitutionnel concilie ces deux principes en indiquant qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude en matière de protection sociale et, d'autre part, l'exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
- Le considérant 26 de la directive 2011/98 du 13 décembre 2011 laisse la compétence aux États membres d'organiser leurs régimes de sécurité sociale. Dans ce cadre, la mesure relève de la seule compétence de la France.
Le règlement général sur la protection des données (RGPD) instaure un cadre européen en matière de protection et de circulation des données personnelles. Il renforce le droit des individus sur leurs données et rappelle par ailleurs que la protection des données personnelles est un droit fondamental. Ce droit est consacré à la fois par l'article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE et par l'article 16 du Traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE) qui disposent que "toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant". Ce droit n'est cependant pas absolu et doit être concilié avec d'autres droits.
L'article 48 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se limite à prévoir une simple coordination des législations des États membres. Les règles européennes de coordination ne mettent pas en oeuvre une harmonisation des régimes nationaux de sécurité sociale. Les États membres demeurent souverains pour organiser leurs systèmes de sécurité sociale.
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a une jurisprudence constante selon laquelle il appartient à la législation de chaque État membre :
- de déterminer les conditions du droit ou de l'obligation de s'affilier à un régime de sécurité sociale ou à telle ou telle branche de pareil régime15(*) ;
- de définir les conditions requises pour l'octroi des prestations de sécurité sociale, du moment qu'il n'est pas fait, à cet égard, de discrimination entre les ressortissants nationaux et ceux des autres États membres16(*).
1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARE
La région d'Aragon a mis en place une obligation à l'équipement d'un système de géolocalisation pour les ambulances. Le décret royal 619/1998, du 17 avril 2012, a établi les caractéristiques techniques, l'équipement médical et le personnel des véhicules de transport sanitaire routier et ordonne, à son article 3 : « Les ambulances doivent également disposer d'appareils de transmission de données et de localisation GPS auprès de leur centre de coordination des urgences (CCU) »17(*). Cette obligation est déclinée au niveau de la province d'Aragon avec le décret du l 836/2012, du 25 mai 2024, article 7.4 : « les ambulances doivent être équipées de dispositifs de transmission de données et de localisation GPS assurant une communication constante entre le véhicule et le centre de gestion du trafic, le centre de coordination des urgences et le centre d'urgence 112 Aragon. »18(*).
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
En vertu du considérant 26 de la directive 2011/98/UE du 13 décembre 2011 établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d'un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d'un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre, il revient aux Etats membres d'établir leurs régimes de sécurité sociale.
L'organisation du régime obligatoire passe notamment par la détermination des relations entre les organismes de sécurité sociale et les professionnels de santé via des conventions nationales. Ces conventions nationales ont la nature de contrats administratifs et sont assimilées à un acte réglementaire. En ce sens, la présente mesure relève de la seule compétence de l'Etat.
Dans ce cadre, il revient au champ conventionnel de définir les modalités listées à l'article L. 322-5-2 du code de la sécurité sociale et notamment à son alinéa 119(*). Toutefois, le cadre général reste imprécis concernant les modalités d'efficience, de maîtrise des dépenses et de lutte contre la fraude. Le dispositif de recours à la facturation intégrée (SEFI) et de géolocalisation défini dans le champ conventionnel des transporteurs sanitaires (articles 1 et 5) et des taxis (articles 7.5 et 7.6) est un outil essentiel pour répondre à ces grands principes. Une assise au niveau législatif permettrait d'assortir l'obligation de sanctions en cas de manquement, au sein du champ conventionnel.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La mesure vise à fiabiliser la facturation et lutter contre la fraude en matière de transports de patients. Elle constituera également, à terme, une mesure de simplification administrative, en fluidifiant la facturation par les transporteurs sanitaires et les entreprises de taxis conventionnés avec l'Assurance Maladie.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Un maintien de ces dispositions exclusivement dans le champ conventionnel aurait pu être envisagé, mais une disposition législative est plus sécurisante pour la généralisation de cette obligation.
3.2. DISPOSITIF RETENU
La mesure s'inscrit dans la continuité des négociations conventionnelles conduites entre l'Assurance maladie et les fédérations représentatives de transporteurs sanitaires. Elle s'inscrit aussi dans le cadre des discussions avec les organisations représentant les taxis, qui se déroulent en dehors du champ conventionnel et renvoie à une convention cadre (acte unilatérale) dont le cadre a été révisé lors de la LFSS pour 2025. Elle prévoit d'inscrire au sein du code de la sécurité sociale l'obligation pour les transporteurs d'équiper leurs véhicules d'un dispositif de géolocalisation et de disposer d'un système électronique de facturation intégrée. Un décret en Conseil d'Etat précisera les conditions d'utilisation de ces équipements.
Afin de tenir compte des travaux opérationnels de déploiement de ces dispositifs et du temps nécessaire à l'équipement des véhicules, la mesure renvoie à un décret la date d'entrée en vigueur de cette obligation.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article procède au rétablissement de l'article L. 322-5-3 du code de la sécurité sociale afin d'introduire cette obligation législative.
Un décret en Conseil d'Etat précisera les conditions d'utilisation des équipements de géolocalisation certifiée et un décret simple déterminera la date d'entrée en vigueur de cette obligation.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La mesure relève de la seule compétence de la France.
Il convient de rappeler que l'article 48 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se limite à prévoir une simple coordination des législations des États membres. Les règles européennes de coordination ne mettent pas en oeuvre une harmonisation des régimes nationaux de sécurité sociale. Les États membres demeurent souverains pour organiser leurs systèmes de sécurité sociale.
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a une jurisprudence constante selon laquelle il appartient à la législation de chaque État membre :
- de déterminer les conditions du droit ou de l'obligation de s'affilier à un régime de sécurité sociale ou à telle ou telle branche de pareil régime ;
- de définir les conditions requises pour l'octroi des prestations de sécurité sociale, du moment qu'il n'est pas fait, à cet égard, de discrimination entre les ressortissants nationaux et ceux des autres États membres.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
La mesure impliquera pour les transporteurs sanitaires et les entreprises de taxis conventionnés avec l'Assurance maladie d'équiper leurs véhicules avec des dispositifs de géolocalisation.
Une aide à l'équipement est prévue dans les conventions pour les transporteurs sanitaires et les taxis. Le coût de la mesure est sans incidence financière, celle-ci devant permettre de fiabiliser les données et de diminuer le montant de fraudes.
4.2.3. Impacts budgétaires
En 2024, 9,36 M€ d'anomalies ont été recensés concernant les taxis et transporteurs sanitaires. Le montant des préjudices de ces prestations en nature (hors indus) est estimé à 427 M€ pour les transporteurs sanitaires et 209 M€ pour les taxis20(*). L'une des anomalies principales identifiées est la distance facturée (erreur sur le nombre de km facturé et distance facturée différente du distancier)21(*). La Cnam estime une économie à environ 32 M€ en année pleine. Cette estimation n'est pas fiabilisée en raison de l'incertitude pesant sur l'évolution des comportements des transporteurs sanitaires en matière de facturation une fois la géolocalisation devenue obligatoire.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mesure implique la mise à disposition par l'assurance maladie d'un téléservice système électronique de facturation intégré au logiciel (SEFI) et, en pratique, de mettre à la disposition des transporteurs :
- un service en ligne, intégré à leur logiciel métier, leur permettant d'élaborer avec l'assurance maladie une facture normée sur la base d'une prescription de transport, à partir des informations détenues par l'Assurance maladie ;
- un service de numérisation des pièces justificatives nécessaires au remboursement des frais de transport.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil de la Caisse nationale de l'Assurance Maladie a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 4 septembre 2025.
Le Conseil d'administration de la Caisse nationale de l'Assurance Vieillesse a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 3 septembre 2025.
Le Conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 2 septembre 2025.
La commission normative de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie a été consultée, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale, et a rendu un avis favorable avec réserves le 3 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
L'entrée en vigueur du présent article sera différée afin de permettre aux organismes et entreprises un temps d'adaptation pour se conformer à cette obligation. Ainsi, cet article s'appliquera à compter d'une date fixée par décret, et au plus tard au 1er janvier 2027.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal. S'agissant des collectivités ultramarines, celui-ci s'applique conformément au tableau ci-dessous :
Départements d'Outre-mer |
|
Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion |
Mesure applicable |
Mayotte |
Mesure applicable |
Collectivités d'Outre-mer |
|
Saint-Barthélemy et Saint-Martin |
Mesure applicable |
Saint-Pierre-et-Miquelon |
Mesure applicable |
Autres (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, TAAF) |
Mesure non applicable |
5.2.3. Textes d'application
Le présent article nécessite un décret en Conseil d'Etat fixant les conditions d'utilisation du dispositif de géolocalisation et un décret simple fixant la date d'entrée en vigueur de cet article.
Article 8 - Lutter contre les fraudes fiscales et sociales dans le secteur des transports publics particuliers de personnes
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Selon les constats des forces de contrôle (police notamment brigade des « Boers » de la préfecture de police, gendarmerie, inspection du travail et contrôleurs des transports terrestres) et de plusieurs acteurs du secteur (organisations représentatives des chauffeurs indépendants, plateformes, taxis), la fraude dans les transports publics particuliers de personnes connaît un développement préoccupant. Elle se manifeste notamment par la présence de "faux professionnels", la sous-location d'inscriptions au registre des exploitants de VTC, et la généralisation de pratiques de "gestionnaires de flotte" ou du "rattachement". Les différentes fraudes qui en résultent constituent des moyens répandus de contournement des obligations sociales et fiscales, au détriment de l'État et des droits des personnes, et appellent à des réponses adaptées.
Il est observé le développement de réseaux organisés de fraude et les fraudes à la réglementation des transports sont le plus souvent accompagnées voire révélatrices de fraudes à la règlementation du travail, aux règles fiscales et sociales, aux règles sur les assurances, etc.
Un essor particulier des « gestionnaires de flottes » ou « du rattachement des chauffeurs » est constaté. Ces acteurs qui n'ont aucune existence juridique du point de vue de la réglementation des transports sont très souvent des sociétés créées pour des périodes relativement courtes, qui interviennent entre les plateformes et les chauffeurs de Voiture de Transport avec Chauffeur (VTC). Elles reçoivent à ce titre le produit des courses réalisées par les conducteurs indépendants et leur reversent ces revenus après avoir prélevé une commission. Le recours à ces sociétés est en général opéré afin d'échapper aux cotisations sociales et fiscales associées, qui ne font pas l'objet des déclarations et paiements obligatoires associés. À ce constat, s'ajoutent des irrégularités en matière de respect du code des transports (mise à disposition d'un tiers de son inscription au registre des exploitants VTC). Inexistants il y a quelques années, les chauffeurs rattachés représenteraient environ 40% des chauffeurs inscrits sur les plateformes en 2025, selon l'avis de divers acteurs professionnels et en particulier, les plateformes.
Il existe des entreprises intermédiaires susceptibles d'apporter, en toute légalité et dans un cadre contractuel régulier, des services aux conducteurs de VTC indépendants en termes d'assistance administrative ou de location de véhicules, par exemple. Toutefois, il est constaté que des sociétés de ce type ont des pratiques irrégulières en opérant du travail dissimulé, des fraudes fiscales et sociales et des fraudes au code des transports. C'est à travers les fraudes constatées de travail dissimulé et de mise à disposition de l'inscription au registre des exploitants de VTC que se traduisent les irrégularités de sociétés « gestionnaires de flottes » ou de « rattachement » aux pratiques illégales.
L'essor d'offres parallèles au secteur régulé peut également poser un problème majeur de sécurité et de sûreté pour les passagers qui sont susceptibles d'être pris en charge et transportés à bord de véhicules non conformes ou conduits par des chauffeurs non professionnels, le cas échéant ne vérifiant pas les critères d'honorabilité que prévoit la réglementation. Il s'agit aussi, pour les professionnels exerçants légalement, d'une concurrence déloyale. C'est une problématique qui a été signalée aussi bien par les organisations représentatives des travailleurs indépendants VTC, par les centrales de réservations et par les fédérations de taxis.
En outre, le cadre légal actuel présente un écueil concernant la responsabilité des plateformes d'intermédiation dans le secteur du transport public particulier de personnes (T3P).
Au regard des relations contractuelles existantes entre la plateforme, l'exploitant VTC et le client, la plateforme n'est pas le donneur d'ordre. C'est le client qui est donneur d'ordre. Ces plateformes ne sont ainsi pas soumises à l'obligation légale de vigilance prévue par le code du travail (article L. 8222-1) : en effet, le donneur d'ordre est tenu vis-à-vis du prestataire avec lequel il a conclu un contrat d'un montant global au moins égal à 5 000 €, d'être vigilant quant au respect par celui-ci des interdictions relatives au travail dissimulé et à l'emploi d'étranger sans titre. Ainsi, dès la signature du contrat, puis tous les six mois, le donneur d'ordre doit en particulier demander et se faire remettre par son cocontractant une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale émanant de l'URSSAF. Cette attestation de vigilance mentionne le nombre de salariés et le total des rémunérations déclarés par le sous-traitant. Le donneur d'ordre qui méconnaît son obligation de vigilance est tenu solidairement avec son co-contractant au paiement des sommes dues par celui-ci :
- impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que les majorations et les pénalités de retard ;
- remboursement des aides publiques ;
- rémunération, indemnités et charges pour les salariés dissimulés et sans titre de travail.
En l'état du droit, le code des transports prévoit une obligation légale spécifique de vigilance en matière de travail dissimulé et d'emploi d'étranger sans titre pour les plateformes de mise en relation intervenant dans les secteurs du transport routier de marchandises (TRM) et des transports publics collectifs de personnes (respectivement articles L. 3261-3 et L. 3161-4 du code des transports), sans toutefois prévoir d'obligation de vigilance équivalente dans le secteur du T3P.
L'absence d'une disposition similaire dans le secteur du T3P est de nature à favoriser le développement des pratiques frauduleuses susmentionnées. L'introduction d'une obligation de vigilance responsabilisant les plateformes permettraient de dissuader les cocontractants de recourir à des mécanismes frauduleux et de s'assurer du respect des obligations sociales et fiscales.
Enfin, l'Acoss a estimé en décembre 2024 que les fraudes aux cotisations sociales représentaient, en 2022, environ 70 M€ pour le secteur pour 20 000 indépendants. Or, depuis cette date, le nombre de VTC en activité s'est accru (le nombre de chauffeurs actifs sur les plateformes en 2023 a été évalué par l'Observatoire national des transports publics particuliers de personnes à 56 00022(*)) et les recours aux gestionnaires de flottes aux pratiques irrégulières se sont développés. Par ailleurs, cette évaluation, qui ne couvre que les cotisations sociales non versées, reste partielle : elle ne prend pas en compte les pertes fiscales (TVA, impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu) et les effets indirects sur la concurrence. Des annonces suspectes sont publiées quotidiennement sur certaines plateformes pour attirer des chauffeurs VTC vers ces pratiques illégales. La nature diffuse et évolutive de ces pratiques rend un chiffrage exhaustif très difficile. A partir de contrôles de terrain, et après des investigations complexes et longues, la police parvient à mettre à jour des systèmes de fraude dans lesquels des personnes ont créé des sociétés opérant dans le secteur du VTC, sans déclarations des salariés ou déclarations fiscales ou sociales.
C'est pourquoi le Gouvernement envisage à la fois un meilleur contrôle par les plateformes des exploitants à qui elles confient des courses en les assujettissant à procéder à des vérifications nouvelles et à une obligation de vigilance, similaire à celle prévue par le code du travail pour les donneurs d'ordre ainsi qu'une réponse administrative appropriée en créant une sanction administrative permettant de radier les exploitants du registre des VTC lorsqu'ils agissent de manière frauduleuse et d'empêcher temporairement leurs dirigeants de s'inscrire à nouveau y compris sous une autre entité juridique.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Les limitations introduites à la liberté d'entreprendre par les nouvelles obligations imposées aux centrales de réservation se justifient par des motifs d'intérêt général : la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, la protection de l'ordre public et la garantie d'une concurrence loyale dans le secteur des transports publics particuliers de personnes. Or, tant la lutte contre la fraude que la préservation de l'ordre public constituent des principes de valeur constitutionnelle reconnus par décisions du Conseil constitutionnel. Dès lors, les restrictions prévues, strictement nécessaires, adaptées et proportionnées à la situation constatée, trouvent un fondement solide dans ces impératifs supérieurs.
Les deux dispositifs de sanction administrative créés par le projet de loi respectent également les principes constitutionnels applicables à l'exercice du pouvoir de sanction par l'administration.
D'une part, la sanction prévue à l'encontre des exploitants inscrits au registre VTC qui mettent leur inscription à disposition de tiers vise à faire cesser une fraude avérée au cadre légal d'exercice de l'activité. Elle prend la forme d'une radiation du registre, pouvant être assortie, pour les dirigeants concernés, d'une interdiction temporaire de diriger une autre structure inscrite à ce registre. Cette mesure, limitée dans le temps, s'applique dans des conditions strictement encadrées et n'affecte pas de manière disproportionnée la liberté d'entreprendre.
D'autre part, les sanctions pouvant être infligées aux plateformes en cas de manquement à leurs obligations de vigilance seront uniquement administratives et seront proportionnées à la gravité du manquement. Depuis 2016, il existe par ailleurs d'autres obligations pour les centrales de réservation qui font l'objet soit de sanctions administratives soit pénales. La sanction prévue est par ailleurs plafonnée et modulable afin de garantir sa compatibilité avec les principes constitutionnels de légalité et de proportionnalité des peines.
Ces dispositifs assurent un équilibre entre les objectifs de lutte contre la fraude, de protection de l'ordre public et d'une concurrence économique loyale, d'une part, et le respect des droits constitutionnellement protégés, d'autre part, en particulier le principe de légalité des peines et les droits de la défense, d'autre part.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Le présent article est conforme au cadre conventionnel européen. Par ailleurs, il n'était pas soumis à une notification UE, les plateformes numériques de mise en relation relevant de services dans le domaine des transports pour lequel de telles dispositions peuvent être prises (CJUE, affaire C-343/15, Asociacion Profesional Elite Taxi / Uber Systems Spain SL et affaire C-320/16, Uber France SAS / Nabil Bensalem).
1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARE
Sans objet.
2. NÉCÉSSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Bien que renforcés, les contrôles mis en place restent insuffisants pour endiguer l'accroissement des fraudes. De nouvelles obligations de vérification imposées aux professionnels qui mettent en relation des opérateurs de transport et des passagers s'avèrent indispensables. La loi est requise pour cela.
Par ailleurs, l'article introduit permet de prévoir des sanctions administratives à l'égard des exploitants de VTC qui mettent à disposition de tiers, l'inscription au registre des VTC qu'ils ont obtenue pour eux-mêmes.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif poursuivi consiste à mettre fin à des pratiques frauduleuses pouvant résulter du « rattachement » ou des « gestionnaires de flottes ». Cela peut consister, pour un exploitant disposant d'une autorisation ou d'une inscription au registre VTC, à prêter ou louer son statut à des tiers qui ne disposent pas eux-mêmes des autorisations requises. Ces tiers sont alors rattachés fictivement à une structure déclarée, sans lien réel de subordination ou de contrôle, contre rémunération ou commission. Dans de nombreux cas, l'exploitant ne connaît même pas les conducteurs opérant sous sa couverture. Cette pratique engendre plusieurs effets délétères :
- elle permet à des personnes non autorisées d'exercer illégalement une activité régulée de transport de personnes à titre onéreux ;
- elle fausse la concurrence au détriment des professionnels en règle ;
- elle entretient un système opaque proche de la sous-traitance, sans en respecter les règles et souvent incompatible avec le droit du travail, la fiscalité et les obligations sociales ;
- elle complique fortement les contrôles, en empêchant d'identifier les véritables responsables opérationnels.
Il convient de préciser qu'une personne peut être inscrite au registre des exploitants de VTC, à condition d'être travailleur indépendant ou d'employer des conducteurs (article L. 3122-4 du code des transports). La mesure proposée vise à mettre fin à des pratiques illégales consistant à contourner cette règle via des structures qui, faisant appel à des travailleurs indépendants, n'assurent pas les obligations qui incombent aux employeurs.
La mesure vise donc à tarir les mécanismes de contournement du registre des exploitants, en responsabilisant les plateformes de mise en relation et en leur imposant une obligation de vigilance effective sur la réalité du lien entre exploitant et conducteur. Il s'agit d'un objectif de régulation structurelle, destiné à restaurer l'efficacité du droit applicable, à contrecarrer la fraude fiscale et sociale et à garantir la sécurité des usagers comme des professionnels. Elle favorisera également la mise en oeuvre des dispositions législatives qui instaurent le prélèvement obligatoire des cotisations et contributions sociales dues par leurs utilisateurs (exerçant sous le statut de micro-entrepreneurs) par les plateformes numériques qui doit entrer progressivement en vigueur à compter du 1er janvier 2026.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Une première option envisagée consistait à formaliser une charte d'engagement volontaire de lutte contre la pratique du rattachement par les plateformes. Ce type d'instrument a pour avantage de favoriser une appropriation directe par les professionnels, dans une logique de responsabilisation partagée. Cette option reste toutefois soumise au bon vouloir des acteurs.
Cette solution présente également des limites importantes : en l'absence de caractère contraignant, elle ne permet pas d'assurer une couverture homogène ni d'éviter les effets d'aubaine. Les plateformes ou intermédiaires qui choisiraient de ne pas s'y conformer ne pourraient faire l'objet de sanction.
Les ministres chargés des transports et du travail ont adressé un courrier aux principales plateformes numériques intervenant dans le secteur. Ce courrier rappelait le caractère irrégulier de cette pratique au regard du cadre légal applicable aux exploitants de VTC et enjoignait les plateformes de prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin. Toutefois, l'absence de mécanisme contraignant de mise en conformité et l'impossibilité de prononcer des sanctions à l'encontre des plateformes qui continueraient à favoriser ou tolérer de telles pratiques constituent des limites à l'efficacité de cette approche.
L'option retenue consiste à introduire dans la loi un dispositif de responsabilisation des plateformes de mise en relation avec la création des sanctions associées en cas de non-respect des obligations ainsi qu'une sanction administrative visant les dirigeants des exploitants qui mettent à disposition leur inscription au registre des exploitants VTC au bénéfice de tiers.
Ce choix vise à créer un levier dissuasif et à rétablir un cadre de régulation équitable entre les acteurs. Il présente l'avantage d'être rapidement mobilisable, sans dépendre de procédures juridictionnelles longues, tout en laissant aux plateformes une latitude pour adapter leurs systèmes de vérification. Il s'inscrit dans une logique de responsabilisation des acteurs numériques dans la lutte contre la fraude, dans la ligne des mesures de nature similaire créées par la loi n° 2016-1920 du 29 décembre 2016 relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport dite « loi Grandguillaume » (article L 3141-2 du code des transports).
3.2. DISPOSITIF RETENU
Aux fins de lutte contre les gestionnaires de flottes de VTC, les différentes mesures proposées sont les suivantes :
D'une part, une sanction administrative est mise en place pour les personnes qui mettent à disposition auprès de tiers, l'inscription au registre des exploitants VTC qu'elles ont obtenue pour leur propre compte. Cette pratique est caractéristique de l'organisation frauduleuse mise en place par des gestionnaires de flottes. Outre la radiation du registre de cet exploitant, les personnes physiques agissant en qualité de dirigeant pourront se voir interdire d'intervenir en tant que dirigeant d'une autre société inscrite au registre des exploitants de VTC, pendant une période ne pouvant excéder trois années.
D'autre part, l'article L. 3124-7 est modifié afin de clarifier le champ d'application du délit existant.
De plus, le présent article crée une obligation pour les plateformes de mise en relation de s'assurer de la cohérence des informations relatives aux exploitants VTC auxquels elles ont recours, selon le statut des conducteurs.
Une obligation de vigilance est mise en place, pour les plateformes, afin de s'assurer que les exploitants de VTC avec lesquels elles contractualisent, ne pratiquent pas de travail dissimulé et n'emploient pas de personnes non autorisées à exercer une activité professionnelle sur le territoire national. Cette obligation de vigilance, imposée aux centrales de réservation, s'applique de manière indifférenciée aux taxis et aux VTC, garantissant un cadre homogène de contrôle et de responsabilisation ;
Enfin, le présent article prévoit une sanction administrative à l'égard des plateformes qui n'exerceraient pas ces vérifications de façon satisfaisante et une habilitation associée d'agents de contrôle pour opérer les constatations. La sanction encourue par les plateformes est définie dans le nouvel article L. 3143-5. Elle est fonction du nombre de mises en relation avec des passagers effectuées par la plateforme, sans avoir opéré les vérifications. Cette sanction est également modulée en fonction de critères précisés par le texte et comporte un plafond annuel.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
D'une part, le présent article modifie l'article L. 3122-3, le I de l'article L. 3124-7, le II de l'article L. 3141-2 du code des transports.
D'autre part, le présent article procède à la création des articles L. 3124-7-1, L. 3141-2-1 et L. 3143-5 du code des transports.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le transport relève d'une compétence partagée entre l'Union européenne et les États membres (article 58 et titre VI du traité de fonctionnement de l'Union européenne). À ce jour, aucun texte européen ne régit spécifiquement le transport public particulier de personnes (T3P), qui demeure exclu du champ d'harmonisation sectorielle. Les mesures proposées relèvent donc du seul champ de compétence national et ne soulèvent pas de difficulté d'articulation avec le droit de l'Union européenne.
La directive 2024/2831 du 23 octobre 2024 relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, qui devra être transposée d'ici le 2 décembre 2026, ne soulève également pas de difficulté d'articulation. En effet, cette directive met en place, d'une part, une présomption légale de salariat au profit de la personne exécutant un travail via une plateforme, sous la forme d'une facilité procédurale, en lui permettant au lieu et place de démontrer l'existence d'un lien de subordination (pouvoir de direction, contrôle et sanction), d'apporter des éléments de fait témoignant d'une direction et d'un contrôle, charge à la partie défenderesse d'apporter la preuve contraire. Elle prévoit d'autre part une transparence en matière de gestion algorithmique et sur le travail de plateforme. De sorte que cette directive, bien que couvrant le secteur des VTC, ne permet pas de pallier les carences du cadre juridique actuel.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Les mesures proposées font peser une contrainte nouvelle sur les exploitants de VTC, qu'ils soient indépendants ou non, en leur demandant de fournir un nouveau document aux plateformes (attestation de vigilance) de manière périodique. Celle-ci ainsi que le plafond de revenus seront définis par le décret d'application de la mesure.
Elles comportent également de nouvelles obligations de vérification par les plateformes de mise en relation afin qu'elles contribuent à la lutte contre les fraudes observées dans le secteur et particulier pour supprimer celles résultant d'activités de gestionnaires de flottes. Elles s'appuient en partie sur l'utilisation de documents d'ores et déjà à leur disposition ou qui peuvent être fournis facilement lorsque leurs cocontractants interviennent conformément à la législation en vigueur. Les vérifications à opérer consistent principalement à vérifier la cohérence des informations figurant sur ces documents.
S'agissant des mesures de contrôle et de sanction, les dispositions n'auront d'impact que sur les entreprises infractionnistes. Elles favoriseront une concurrence plus équilibrée à travers la suppression de fraudes récurrentes. En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation rappelle qu'un contournement délibéré des règles sociales constitue un acte de concurrence déloyale.
4.2.3. Impacts budgétaires
La mesure ne crée pas de dépense nouvelle. Elle est susceptible de générer des recettes via la perception d'amendes et via la perception de recettes fiscales et sociales en lien avec des activités aujourd'hui non déclarées.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Depuis les obligations mises en place par la loi n° 2016-1920 du 29 décembre 2016 relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes dite loi Grandguillaume, les centrales de réservations sont soumises à diverses obligations. La mise en oeuvre de ces obligations est contrôlée de manière régulière par l'administration et notamment par les contrôleurs des transports terrestres, les inspections du travail et les forces de sécurité intérieure. La mise en place de ces nouvelles obligations sera également vérifiée dans le cadre de ces contrôles existants qui se feront avec une procédure révisée.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Les dispositions envisagées visent à lutter contre des pratiques irrégulières dont les conséquences qui se traduisent par de moindres ressources fiscales et sociales, pénalisent la société.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
La disposition envisagée n'a pas d'impact particulier sur les personnes en situation de handicap.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Les dispositions proposées favorisent le respect de la réglementation dans le secteur et permettent de lutter contre une concurrence déloyale à l'égard des professionnels respectueux de la réglementation.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Les dispositions proposées renforcent la sécurité des clients des transports publics particuliers de personnes.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La mesure proposée n'est pas soumise à consultation obligatoire. Elle a fait l'objet de divers échanges informels avec des acteurs du secteur. Dans un contexte où ces fraudes sont en progression, la très grande majorité d'entre eux sont très favorables à la lutte contre les gestionnaires de flottes et contre les faux professionnels qui portent préjudice à une concurrence loyale dans le secteur et à l'image de marque des acteurs professionnels respectueux des règles.
Cet article a pour objet la lutte contre la fraude liée à la gestion de flotte et ne revêt une contribution à la sécurité routière que de manière indirecte et limitée, la consultation du groupe interministériel permanent de la sécurité routière (GIPSR) n'est donc pas requise.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
Une période de transition de deux mois est envisagée pour permettre aux centrales de réservation de mettre en place les outils de vérification de la situation des exploitants de VTC auxquels elles ont recours pour les nouveaux acteurs enrôlés et un délai de 6 mois pour l'application des mêmes mesures pour les chauffeurs et exploitants auxquels elles ont déjà recours à cette date de deux mois après la promulgation de la loi. Ce calendrier sera fixé par décret en Conseil d'État et les acteurs seront consultés sur leur contenu.
Ainsi, les dispositions du 1° et du 2° du II du présent article sont applicables à compter d'une date fixée par un décret en Conseil d'État et au plus tard, le premier jour du dix-huitième mois suivant la publication de la présente loi.
5.2.2. Application dans l'espace
La mesure s'appliquera à l'ensemble du territoire de la République, hors collectivités d'outre- mer.
5.2.3. Textes d'application
Divers textes d'application sont nécessaires à l'application de la mesure. Il s'agit de décrets en Conseil d'État :
- un décret en Conseil d'État pour l'application du I 3°, concernant les conditions d'application de la sanction administrative prévue à l'article L. 3124-7-1 du code des transports et qui vise à interdire à un exploitant ou à ses dirigeants de se réinscrire au registre de VTC dans un délai maximal de 3 ans ;
- un décret en Conseil d'État pour l'application du II 1°, concernant les conditions relatives vérifications devant être opérées par les plateformes de mise en relation pour s'assurer que les conducteurs mis en relation avec des passagers ne sont pas « rattachés » à des exploitants mettant à disposition d'un tiers leur inscription au registre des VTC ;
- un décret en Conseil d'État pour l'application du II 2°, concernant les conditions d'application des obligations de vigilance auxquelles sont assujetties les plateformes. Il s'agit notamment de définir la périodicité et les modalités des vérifications nouvelles que doivent opérer les plateformes en matière de travail dissimulé et de non emploi d'une personne non autorisée à exercer une activité professionnelle sur le territoire national ;
- un décret en Conseil d'État pour l'application du ° II 4°, concernant les conditions d'application de la sanction administrative prévue à l'article L. 3143-5 du code des transports. Ce décret concerne notamment la désignation de l'autorité administrative compétente ainsi que la procédure à suivre pour l'application de la sanction ;
- un décret en Conseil d'État pour l'application du III, concernant le calendrier d'application des II 1° et II 2°.
Article 9 - Améliorer la coopération entre l'Autorité des marchés financiers (AMF) et les parquets
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
L'Autorité des marchés financiers (AMF) est une autorité publique indépendante qui a pour mission de veiller à la protection de l'épargne investie en produits financiers, à l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés.
A ce titre, l'AMF surveille les marchés et dispose d'un pouvoir d'enquête et de contrôle pouvant donner lieu à une procédure de sanction en cas de manquement pour réprimer notamment les abus de marché, tels que les délits d'initiés, manipulations de cours et diffusions de fausses informations, ainsi que le contrôle du respect des obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme par les acteurs financiers.
Dans ce cadre, l'AMF peut avoir besoin d'informations ayant un lien direct avec des faits susceptibles d'être soumis à l'appréciation de sa commission des sanctions.
En application de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, les parquets peuvent d'ores et déjà requérir de l'AMF la communication de tout document intéressant l'enquête pénale. L'AMF peut également, en retour, obtenir du parquet national financier (PNF) des informations ayant un lien direct avec des faits susceptibles d'être soumis à l'appréciation de la commission des sanctions. Il n'existe toutefois pas de texte équivalent autorisant l'AMF à solliciter des autres parquets la communication de ce type d'informations.
Au regard des enquêtes déjà concernées et de la montée en puissance des sujets répressifs, notamment ceux liés aux crypto-actifs et à la commercialisation de produits atypiques, l'ouverture d'une possibilité pour l'AMF d'obtenir des informations auprès des parquets permettrait de renforcer l'efficacité de son action répressive.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le secret de l'enquête et de l'instruction figure à l'article 11 du code de procédure pénale. Il n'est ni général, ni absolu : il vise au premier chef les acteurs de la procédure pénale (juge d'instruction, membres de la chambre de l'instruction, magistrats du parquet, enquêteurs de police, huissiers, greffiers, experts et toutes personnes participant au contrôle judiciaire).
Il répond à ce titre à plusieurs finalités d'intérêt public :
- garantir l'efficacité des investigations et favoriser la manifestation de la vérité ;
- assurer la présomption d'innocence et la sérénité de la justice ;
- protéger les libertés et la confiance dans la justice.
Le Conseil constitutionnel a lui-même réaffirmé ces finalités, estimant le secret de l'instruction nécessaire pour « d'une part, garantir le bon déroulement de l'enquête et de l'instruction poursuivant ainsi les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions, tous deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle [...], d'autre part, protéger les personnes concernées par une enquête ou une instruction, afin de garantir le droit au respect de la vie privée et de la présomption d'innocence, qui résulte des articles 2 et 9 de la Déclaration de 1789 » (Cons. const., déc. n° 2017-693 QPC du 2 mars 2018, Association de la presse judiciaire).
Ces exigences ne font toutefois pas obstacle à ce que certaines dispositions législatives autorisent la communication à des tiers de pièces de la procédure d'enquête ou d'instruction au profit d'une autorité administrative, par dérogation au principe édicté par l'article 11 du code de procédure pénale. Ainsi, en matière fiscale notamment, l'administration peut se faire communiquer tout ou partie d'un dossier par le parquet, et le contribuable peut se voir opposer des pièces obtenues dans le cadre pénal, sans pour autant avoir le droit de consulter la procédure dans son intégralité ni d'en vérifier la régularité. En matière financière, les services de Tracfin bénéficient d'un droit de communication des autorités judiciaires, qui peuvent les rendre destinataires de toute information utile, même issue d'une enquête pénale en cours, en vertu de l'article L. 561-27 du code monétaire et financier.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) reconnaît la légitimité de la protection du secret de l'instruction, compte tenu de l'enjeu d'une procédure pénale, tant pour l'administration de la justice que pour le droit au respect de la présomption d'innocence des personnes mises en examen. Elle estime ainsi que le secret de l'instruction « sert à protéger, d'une part, les intérêts de l'action pénale, en prévenant les risques d'une collusion ainsi que le danger de disparition et d'altération des moyens de preuve et, d'autre part, les intérêts du prévenu, notamment sous l'angle de la présomption d'innocence et, plus généralement, de ses relations et intérêts personnels. Il est en outre justifié par la nécessité de protéger le processus de formation de l'opinion et de prise de décision du pouvoir judiciaire » (CEDH, 29 mars 2016, Bédat c/ Suisse). En particulier, la CEDH juge légitime la répression de violations du secret de l'instruction, jugeant l'ingérence dans le droit, garanti par la Convention, à la liberté d'expression, nécessaire à la protection du secret des informations relatives à la conduite d'une enquête pénale et à la garantie de l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire (CEDH, 17 décembre 2020, Sellami c/ France). Dans certains cas, la CEDH peut toutefois estimer la condamnation sur le fondement de la violation du secret de l'instruction comme constituant une ingérence disproportionnée dans le droit à la liberté d'expression (par exemple, de journalistes auteurs d'un ouvrage sur un système illégal d'écoutes téléphoniques : CEDH 7 juin 2007, Dupuis c/ France).
La jurisprudence de la CEDH n'encadre toutefois pas les exceptions posées au secret de l'instruction au bénéfice de certaines autorités administratives, notamment en vue de renforcer l'efficacité de leur action répressive.
1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARE
Des modalités de coopérations entre les autorités administratives indépendantes en matière financière et les parquets existent dans de nombreuses juridictions :
- au Royaume-Uni, la Financial Conduct Authority (FCA) et le Serious Fraud Office (SFO) disposent de modalités de transfert d'informations concernant les cas dont ces deux autorités sont saisies ;
- en Allemagne, des modalités de coopération existent, par exemple en matière d'anti-blanchiment, entre la German Financial Intelligence Unit (GFIU) et la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (BaFin).
2. NÉCÉSSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Alors que l'article 77-1-1 du code de procédure pénale prévoit que les parquets peuvent requérir de l'AMF la communication de tout document intéressant l'enquête pénale, à l'inverse, l'AMF ne dispose, dans le cadre actuel, de la faculté se faire communiquer des éléments ayant un lien direct avec des faits susceptibles d'être soumis à l'appréciation de la commission des sanctions, uniquement en ce qui concerne le PNF, sur le fondement de l'article L. 621-20-4 du CMF.
La disposition qui prévoit une extension de cette faculté à l'ensemble des parquets constitue une dérogation au principe du secret de l'instruction posé par l'article 11 du code de procédure pénale : une modification législative est donc nécessaire.
Au demeurant, la multiplication des sujets répressifs liés notamment aux crypto-actifs et à la commercialisation de produits atypiques entraîne la nécessité d'élargir, par voie législative, le périmètre des autorités de poursuite susceptibles de communiquer des éléments à l'AMF.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif poursuivi est d'élargir la possibilité pour l'AMF de se faire communiquer des documents en lien avec les poursuites engagées pour l'AMF, pour renforcer la coopération entre autorités de poursuite, et faciliter l'action de la commission des sanctions de l'AMF.
Cette mesure aura pour effet de renforcer la capacité de l'AMF à conduire son action répressive, dès lors que les informations relatives à un certain nombre de manquements qu'elle a pour mission de réprimer pourront être plus facilement obtenues de la part des autorités de poursuite.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Une option alternative aurait consisté à conserver le périmètre actuel de communication d'éléments par les autorités de poursuite, en continuant de le limiter au seul Parquet national financier.
Le cadre légal actuel permet d'obtenir, à la marge, des informations ayant un lien direct avec des faits susceptibles d'être soumis à l'appréciation de la commission des sanctions. Il nécessite toutefois de créer une « procédure incidente » auprès du PNF. Cette faculté est longue et complexe, puisqu'elle implique d'associer le PNF très en amont dans le dossier, avec un impact significatif sur les délais d'enquête.
3.2. DISPOSITIF RETENU
L'option retenue s'appuie sur la possibilité déjà prévue par l'article L. 621-20-4 du code monétaire et financier pour le procureur de la République financier de communiquer des documents à l'AMF, et élargit cette possibilité à l'ensemble des procureurs de la République.
Cet article dispose que les procès-verbaux ou rapports d'enquête ou toute autre pièce de la procédure pénale ayant un lien direct avec des faits susceptibles d'être soumis à l'appréciation de la commission des sanctions de l'AMF peuvent être communiqués au secrétaire général de l'AMF, avant l'ouverture d'une procédure de sanction. Il dispose en outre que si la procédure fait l'objet d'une information, cette communication ne peut intervenir qu'après avis favorable du juge d'instruction.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
L'article L. 621-20-4 du code monétaire et financier est modifié pour élargir aux procureurs de la République, la compétence, dont dispose le procureur de la République financier, de communiquer des procès-verbaux et rapports d'enquête ou toute autre pièce de la procédure pénale, à l'AMF d'une part, et pour préciser que cette communication ne peut intervenir qu'après avis favorable du juge d'instruction si la procédure fait l'objet d'une information d'autre part.
Par ailleurs, les articles L. 783-10, L. 784-10 et L. 785-9 du code monétaire et financier sont modifiés afin de mettre à jour le compteur Lifou de l'article L. 621-20-4 du même code.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La modification de l'article L. 621-20-4 du code monétaire et financier n'est contraire à aucune disposition du droit de l'Union européenne.
Comme développé supra, elle n'est par ailleurs contraire à aucun droit protégé par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tel qu'interprétée par la CEDH.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
L'impact macroéconomique de la mesure est positif. En fluidifiant l'échange d'informations et en facilitant l'effectivité des poursuites de l'AMF, la mesure améliore le fonctionnement des marchés financiers.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La modification permettra à l'AMF de solliciter auprès de l'ensemble des parquets la communication d'éléments ayant un lien direct avec des faits susceptibles d'être soumis à l'appréciation de la commission des sanctions. Les services de l'AMF pourront donc élargir la faculté de solliciter de tels éléments dans le cadre de son activité de répression des manquements, au-delà du seul PNF, comme c'est le cas à l'heure actuelle.
En retour, les services des parquets pourront désormais être sollicités par l'AMF pour la transmission de pièces de la procédure pénale dont ils sont saisis. Cette communication intervient, le cas échéant, après avis favorable du juge d'instruction, qui pourra donc être sollicité dans ce cadre.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Une meilleure coopération entre l'AMF et les parquets est de nature à lutter plus efficacement contre les infractions relevant de son périmètre et donc renforcer l'efficacité du secteur financier et la confiance en celui-ci.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La disposition a été validée par le collège de l'Autorité des marchés financiers (AMF) lors de la séance du 18 avril 2023. Cette proposition a été effectuée sur la base du droit d'initiative de l'AMF et de son collège pour proposer des modifications législatives ou réglementaires ayant trait au fonctionnement des marchés financiers et à son action, rappelé notamment au II de l'article L. 621-19 du code monétaire et financier.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique au territoire hexagonal.
Les dispositions du présent article seront également applicables dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, qui sont soumis au principe de l'identité législative.
Elles seront également applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert pas de texte d'application.
CHAPITRE II - RENFORCER LES MOYENS D'ENQUÊTE ET DE CONTRÔLE
Article 10 - Etendre le droit de communication auprès des tiers à des agents placés sous l'autorité du directeur ou du directeur comptable et financier d'une CPAM
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Les organismes de sécurité sociale bénéficient d'un droit de communication leur permettant d'obtenir de tiers spécifiquement autorisés et sans que le secret professionnel ne s'y oppose, des renseignements et documents nécessaires au contrôle de la délivrance des prestations.
Ce droit de communication, analogue à celui dont disposent les services fiscaux, est encadré par les dispositions des articles L. 114-19 et suivants du code de la sécurité sociale. Ces dispositions précisent notamment le champ d'application et les modalités d'exercice du droit de communication ainsi que la sanction du refus d'un tiers de déférer à une demande régulière.
Le droit de communication a pour objet de permettre à un organisme de sécurité sociale de vérifier auprès d'un tiers, soit dans le cadre de l'instruction d'une demande, soit dans le cadre d'un contrôle a posteriori, les informations déclarées par l'allocataire, l'assuré, le cotisant ou tout autre personne ayant déclaré des informations ou produit des pièces en vue de l'attribution et du paiement de prestations.
Le droit de communication à l'égard de tiers est devenu un outil indispensable du contrôle du droit à prestation et de la lutte contre la fraude, en permettant de collecter des informations auprès d'organismes, d'entreprises ou d'établissements bancaires.
En matière de contrôle de la sincérité et de l'exactitude des déclarations souscrites ou de l'authenticité des pièces produites en vue de l'attribution et du paiement des prestations servies par les caisses d'assurance maladie, seuls les agents de contrôle agréés et assermentés en vertu de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale mettent en oeuvre le droit de communication auprès de tiers, conformément à une jurisprudence de la Cour de cassation (Civ. 2, 7 septembre 2023, n° 20-17.433).
Peuvent notamment faire l'objet d'une vérification les informations ayant fait l'objet d'une déclaration par l'assuré ou l'allocataire et relatives aux ressources, au domicile, à la résidence en France ou à l'étranger, à la régularité du séjour, à l'état civil, au statut matrimonial, à la composition de la famille, à la condition d'isolement, à l'existence d'un logement et aux coordonnées financières. Aux fins de vérification de ces informations et à titre d'exemple, les organismes prestataires sont notamment fondés à demander les relevés de compte aux établissements bancaires, les justificatifs d'identité mais aussi de domiciliation auprès d'un certain nombre d'opérateurs privés tels que les opérateurs de communication électronique, ou les fournisseurs de biens ou de services.
Le contrôle de la complémentaire santé solidaire (C2S), couverture santé complémentaire financée par l'État, destinée aux personnes disposant de ressources modestes, afin de réduire au maximum le coût de leurs dépenses de santé, effectué par les caisses primaires représente une importante charge administrative. Les vérifications menées par les organismes d'assurance maladie pour s'assurer que les ressources déclarées par le demandeur lors du remplissage du formulaire correspondent bien à ses ressources réelles s'effectuent essentiellement par des contrôles sur pièces. En 2024, 30 000 dossiers ont ainsi été contrôlés au moyen d'un droit de communication.
Les préjudices financiers détectés restent principalement liés à une dissimulation de ressources lors de la demande de la C2S, pour laquelle l'exercice du droit de communication bancaire est incontournable. En 2024, les fraudes liées aux conditions de ressources et de résidence pour les prestations de C2S/CMUC/ACS représentent 4,6 M€ de préjudice.
Par ailleurs, l'Assurance Maladie a intensifié ses contrôles en matière de fraude aux indemnités journalières. Le préjudice a quasi triplé entre 2024 et 2023, essentiellement du fait de la multiplication de l'usage de faux arrêts de travail. Les contrôles des assurés salariés et des travailleurs indépendants qui exercent une activité non autorisée pendant leur arrêt de travail doivent également être poursuivis. Le droit de communication bancaire est dans ce cas un levier essentiel de la vérification des ressources. En 2024, les fraudes liées à l'exercice d'une activité pendant un arrêt de travail représentent 10,8 M€ de préjudice.
L'ouverture du droit de communication, auprès des banques notamment, à des agents placés sous l'autorité des directeurs et directeurs comptables et financiers des organismes, et chargés de mener ces vérifications permettrait aux caisses d'optimiser leurs démarches au regard de leurs impératifs de contrôle, et de recentrer l'action des agents de contrôle agréés assermentés sur des contrôles plus rentables tel que, par exemple, la fraude des professionnels de santé en ville qui a représenté en 2024 près de 68% du préjudice total.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
La fraude sociale, qu'elle concerne les recettes ou les dépenses, porte atteinte au principe de solidarité et au pacte républicain qui fondent depuis 1945 la sécurité sociale. Lutter contre celle-ci est un impératif d'efficacité économique et de justice sociale. Le Conseil constitutionnel a reconnu à la « lutte contre la fraude » le caractère d'une exigence constitutionnelle23(*). Plus spécifiquement, le Conseil constitutionnel a caractérisé la lutte contre la fraude en matière de protection sociale comme un objectif de valeur constitutionnelle24(*). Ainsi, étendre le recours au droit de communication aux directeurs des CPAM et aux agents placés sous son autorité répond à cet objectif de valeur constitutionnelle.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Depuis 2023, l'Assurance Maladie a augmenté de plus de 10 % les effectifs dédiés à la lutte contre la fraude. Plus de 1 600 agents de l'Assurance Maladie sont engagés dans une stratégie globale de lutte contre les fraudes qui s'appuie sur des expertises variées (praticien-conseil, juriste, enquêteur, statisticien). Le renforcement des effectifs dédiés aux contrôles sur pièces s'inscrit dans cette stratégie en permettant de mieux structurer les capacités de contrôle dans un contexte budgétaire contraint.
L'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale précise les modalités d'exercice du droit de communication à l'égard des tiers. Cet article doit par conséquent être modifié afin de permettre aux agents placés sous l'autorité du directeur comptable et financier des CPAM d'exercer le droit de communication de tous renseignements et documents nécessaires au contrôle de la délivrance des prestations.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La mesure vise à donner plus de souplesse aux caisses primaires pour une meilleure organisation des actes d'investigation entre les agents en charge des contrôles sur pièces et ceux effectuant des contrôles sur place. Elle contribuera à renforcer l'efficacité financière des contrôles, ainsi que leurs nombres en élargissant le socle d'agents habilités.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
La stratégie renforcée de contrôle et de lutte contre les fraudes mise en oeuvre depuis mi 2022 par l'Assurance Maladie confirme son efficacité avec une hausse de la détection des préjudices financiers en 2024 de plus d'un tiers par rapport à 2023. Afin de soutenir la capacité d'adaptation du réseau et la mobilisation des équipes de terrain de l'Assurance Maladie, l'option du statu quo n'a pas été retenue.
3.2. DISPOSITIF RETENU
La mesure a pour objet d'étendre le bénéfice du droit de communication auprès de tiers aux directeurs et directeurs comptables et financiers des caisses primaires d'assurance maladie ainsi qu'aux agents placés sous leur autorité pour accomplir les actions de contrôle et de lutte contre la fraude inscrites dans le plan de contrôle prévu à l'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale.
La mesure constitue un alignement, au profit des caisses d'assurance maladie, des règles applicables depuis la LFSS pour 2025, aux URSSAF en matière de contrôle et de lutte contre la fraude. Elle adapte les dispositions de l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale en ajoutant les organismes nouvellement concernés.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
L'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale relatif au droit de communication à l'égard des tiers est modifié.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La mesure relève de la seule compétence de la France.
Il convient de rappeler que l'article 48 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se limite à prévoir une simple coordination des législations des États membres. Les règles européennes de coordination ne mettent pas en oeuvre une harmonisation des régimes nationaux de sécurité sociale. Les États membres demeurent souverains pour organiser leurs systèmes de sécurité sociale.
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a une jurisprudence constante selon laquelle il appartient à la législation de chaque État membre :
- de déterminer les conditions du droit ou de l'obligation de s'affilier à un régime de sécurité sociale ou à telle ou telle branche de pareil régime ;
- de définir les conditions requises pour l'octroi des prestations de sécurité sociale, du moment qu'il n'est pas fait, à cet égard, de discrimination entre les ressortissants nationaux et ceux des autres États membres.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
En 2024, les préjudices financiers relatifs à la complémentaire santé solidaire (C2S) s'élèvent à 4,6 M€ (contre 5,1 M€ en 2023)25(*). L'impact financier a été évalué par rapport à l'augmentation du montant des fraudes détectées par les contrôles lutte contre la fraude, réalisés par des agents administratifs des caisses (+5 M€).
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mesure constitue une simplification administrative pour les organismes concernés à effectif constant.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La mesure permettra l'attribution à bon droit des prestations sociales en renforçant la détection des préjudices financiers dus à des déclarations de ressources frauduleuses.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La mesure s'inscrit dans le cadre d'un renforcement de la lutte contre la fraude aux prestations sociales. Elle contribuera à renforcer l'efficacité financière des contrôles sur les particuliers, ainsi que leurs nombres en élargissant le socle d'agents habilités.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil de la Caisse nationale de l'Assurance Maladie a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 4 septembre 2025.
La Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles a été saisie pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 1er septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal. S'agissant des collectivités ultramarines, celui-ci s'applique conformément au tableau ci-dessous :
Départements d'outre-mer |
|
Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion |
Mesure applicable |
Mayotte |
Mesure applicable |
Collectivités d'outre-mer |
|
Saint-Martin et Saint-Barthélemy |
Mesure applicable |
Saint-Pierre-et-Miquelon |
Mesure applicable |
Autres (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, TAAF) |
Mesure non applicable |
5.2.3. Textes d'application
Les dispositions du présent article ne requiert aucun texte d'application.
Article 11 - Possibilité de recourir à l'anonymat dans les phases d'investigation des services régionaux de contrôle de la formation professionnelle
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Répartis sur l'ensemble du territoire au sein des services déconcentrés de l'Etat [Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS), de la Direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) en Île-de-France et des Directions de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités en outre-mer (DEETS),] les 18 services régionaux de contrôle (SRC) s'assurent du respect de la réglementation et de la bonne utilisation des fonds de la formation professionnelle.
Les agents de contrôles sont inspecteurs du travail, contrôleurs du travail ou agents de la fonction publique de l'État de catégorie A assermentés et commissionnés à cette fin. À l'occasion des contrôles, ils peuvent se faire assister par des agents de l'État et solliciter, en tant que de besoin, l'avis ou l'expertise d'autorités publiques ou professionnelles pour les aider à apprécier les moyens financiers, techniques et pédagogiques mis en oeuvre pour la formation professionnelle.
Les SRC sont compétents pour réaliser le contrôle administratif et financier des organismes prestataires d'actions concourant au développement des compétences. Ce contrôle est prévu par les articles L. 6361-1 et suivants du code du travail.
L'article L. 6361-3 du même code détermine le champ du contrôle. Il s'agit d'un contrôle qui porte sur l'ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques, mis en oeuvre pour la formation professionnelle.
Ce contrôle peut porter sur tout ou partie de l'activité, des actions de formation ou des dépenses de l'organisme. Il porte notamment sur :
- le respect des obligations administratives et comptables de l'organisme (règles applicables en matière de publicité, justification des titres et qualités des formateurs, existence d'un règlement intérieur, règles applicables en matière de comptabilité, obligations relatives au contrat ou à la convention de formation, information des stagiaires, etc.) ;
- la réalisation des actions de formation et les moyens mis en oeuvre à cet effet. Il s'agit de s'assurer de l'exécution de la formation ayant fait l'objet d'une convention avec le financeur. Parmi les justificatifs que l'organisme contrôlé doit fournir à ce stade, l'habilitation à préparer au passage des certifications visées est vérifiée ;
- les dépenses rattachées à l'activité de formation professionnelle. Il s'agit de vérifier que les sommes versées par les organismes financeurs pour le financement des actions de formation sont affectées à cette seule fin (ce contrôle ne porte que sur la nature des dépenses et non sur l'affectation d'un bénéfice éventuel).
Les contrôles s'exercent dans le cadre d'une procédure contradictoire prévue par le Code du travail : ils peuvent se dérouler sur pièces ou sur place et donner lieu à un rapport de contrôle, qui identifie les écarts entre les situations examinées et les règles de droit. Ce rapport peut formuler des recommandations et proposer aux autorités compétentes (Préfet, Ministre) des sanctions administratives ou financières comme :
- l'annulation de la déclaration d'activité des organismes de formation prévue à l'article L6351-4 du code du travail, ce qui a pour conséquence d'empêcher à la structure d'avoir accès à des financements publics ou mutualisés ;
- le versement de sommes d'argent au Trésor public dans les cas suivants (articles L.6362-7 à L. 6362-7-2 du code du travail) : dépenses non rattachables à l'activité, absence de remboursement du cocontractant dans le délai imparti à la suite du constat d'inexécution des formations, identification de manoeuvres frauduleuses dans le seul but de percevoir des fonds de la formation professionnelle.
Ces contrôles portent sur environ 150 000 organismes de formation enregistrés par les services de l'Etat :
- dont 108 000 dits « actifs », ayant remis leur bilan pédagogique et financier conformément à l'article L. 6352-11 du code du travail. Parmi ces derniers, 40 000 réalisent de la formation à distance.
- 44 000 de ces organismes de formation sont également certifiés Qualiopi et peuvent, à ce titre, percevoir des ressources publiques ou mutualisées. Parmi ces derniers, près de 15 000 réalisent de la formation à distance.
Au titre de 2024, les organismes de formations ont déclaré au titre de leur bilan pédagogique et financier avoir reçus plus de 16 milliards d'euros de fonds publics (par la caisse des dépôts et consignations pour le compte personnel de formation, par les opérateurs de compétences pour le financement des contrats d'apprentissage, par France Travail ou les Conseils Régionaux...).
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que : « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture... ».
Il en résulte, selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-558/559 QPC du 29 juillet 2016, que : « la mise en oeuvre d'une politique garantissant un égal accès de tous à la formation professionnelle constitue une exigence constitutionnelle ».
Par ailleurs, la décision n° 2012-273 QPC du 21 septembre 2012 dispose en son considérant n°8 que : « ni la liberté d'entreprendre ni aucune autre exigence constitutionnelle ne fait obstacle à ce que les organismes prestataires d'activités de formation professionnelle continue soient soumis à un contrôle par l'autorité administrative de leur activité et de leurs dépenses. » La même décision rappelle que les sanctions prononcées par les services régionaux de contrôle de la formation professionnelle sont des peines, au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789.
Enfin, l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que la loi détermine les principes fondamentaux « du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale ».
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
L'article 14 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne consacre : « le droit à l'éducation, ainsi qu'à l'accès à la formation professionnelle et continue ».
La directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur s'applique à l'ensemble des prestataires de services ayant leur établissement dans un Etat membre et qui présentent une activité économique - à l'exception des services mentionnés aux 2 et 3 de l'article 2 de la présente directive (services financiers, travail intérimaire, activités de jeux d'argent, services audiovisuels, services et réseaux de communications électroniques...).
Cette directive a pour objet, conformément à son article 1 : « de faciliter l'exercice de la liberté d'établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau de qualité élevé pour les services ».
Par ailleurs, le règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs et abrogeant le règlement (CE) n° 2006/2004 dispose en son article 9 que les autorités compétentes doivent disposer d'au moins un des pouvoirs d'enquête suivants, dont : « d) le pouvoir de procéder à des achats-tests de biens ou de services, si nécessaire sous une fausse identité, afin de détecter les infractions couvertes par le présent règlement et d'obtenir des éléments de preuve, y compris le pouvoir d'inspecter, d'observer, d'étudier, de démonter ou de tester les biens et services ».
1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARE
Sans objet.
2. NÉCÉSSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
La procédure de contrôle décrite aux articles L. 6361-1 et suivants ne prévoient pas de possibilité pour les agents d'utiliser des identités d'emprunt dans le cadre de leurs investigations. Il est apparu nécessaire de les en doter comme pour d'autres service de contrôle (agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et de l'autorité de la concurrence), afin de leur permettre de mener des investigations concernant notamment l'offre de formation proposée à distance.
15 000 des 40 000 organismes de formation percevant des fonds publics ou mutualisés déclarent réaliser des formations à distance, or le contrôle des formations à distance est rendu plus difficile en ce qu'il ne permet pas de visites inopinées ou de constats sur place.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Pour le contrôle des formations à distance ou d'organismes de formation ayant un processus d'inscription en ligne, les agents de contrôle peuvent utiliser une identité d'emprunt afin d'effectuer une inscription comme tout bénéficiaire et ainsi « tester » la procédure jusqu'à son terme. Un tel procédé est notamment utile pour vérifier les possibles collusions entre bénéficiaires et organismes de formation (rétrocessions). Cela permet également de vérifier le contenu exact de la formation26(*) si l'offre initiale est vague ou trompeuse (volontairement ou non afin de dissimuler un objet potentiellement illicite).
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Une option alternative aurait pu consister à demeurer à droit constant. Elle a été écartée car elle ne répondait pas aux objectifs précités.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Compte tenu de la progression de plus en plus importante des offres de formation en ligne, il est apparu nécessaire de prévoir explicitement la possibilité d'utilisation d'une identité d'emprunt pour les agents chargés de contrôler les organismes de formation, afin de donner un cadre juridique permettant de réaliser des investigations dédiées.
Les modalités d'utilisation de l'identité d'emprunt seront précisées par décret en Conseil d'Etat.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article modifie le chapitre II du titre VI du livre III de la sixième partie du code du travail en créant un nouvel article L. 6362-8-1 du code du travail dans la partie dédiée à la procédure de contrôle. De plus, l'article L. 6362-13 du même code est modifié.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le présent article est conforme aux textes internationaux et européens mentionnés supra.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
L'impact direct sur les entreprises est principalement limité aux organismes de formation dont les actions de formation sont réalisées en tout ou partie à distance ou dont l'inscription peut se faire en ligne.
Parmi les 107 000 organismes de formation ayant déclaré une activité à la remise de leur bilan pédagogique et financier au titre de 2024, 40 000 d'entre eux déclarent réaliser des formations en tout ou partie à distance ou dont l'inscription peut se faire en ligne. La mesure n'impactera toutefois que celles qui méconnaitraient les dispositions légales ou règlementaires relatives à la formation professionnelle. 108 000 à 150 000 organismes de formation sont enregistrés, parmi ceux-ci, 1 000 sont contrôlés (généralement suite à un signalement ou dans le cadre des plans de contrôles régionaux établis selon une stratégie locale, en coordination avec les objectifs nationaux). Sur ces 1 000 contrôles, 300 aboutissent à des sanctions, dont 50 à des annulations de l'enregistrement.
4.2.3. Impacts budgétaires
Il est difficile de déterminer précisément l'impact budgétaire positif de la mesure.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Les services administratifs des agents de contrôle des SRC, soit environ 150 agents, dont 100 enquêteurs chargés des contrôles, disposeront de cette nouvelle prérogative qui augmentera leurs capacités d'action et de contrôle. Chaque année, de 800 à 1 000 contrôles sont effectués par les SRC (données du système d'informations « Mon suivi du contrôle » du ministère du travail et de l'emploi).
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La mesure contribuera à améliorer l'accès des actifs à une formation de qualité, avec, pour corollaire, une sécurisation des parcours professionnels et un meilleur accès à l'emploi.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) a été saisie pour un examen conformément au 2° de l'article L. 2271-1 du code du travail et a rendu un avis le 3 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal. S'agissant en particulier des collectivités ultramarines, celui-ci sera applicable conformément au tableau :
Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion |
Mesure directement applicable |
Mayotte |
Mesure directement applicable |
Saint-Martin, Saint-Barthélemy |
Mesure directement applicable |
Saint Pierre-et-Miquelon |
Mesure directement applicable |
Polynésie française, Nouvelle- Calédonie, Wallis-et-Futuna, TAAF |
Mesure non directement applicable Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables dans les territoires mentionnés aux articles 73 et 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie. |
5.2.3. Textes d'application
Un décret en Conseil d'Etat, prévu à l'article L. 6362-13 du code du travail, précisera les modalités d'application de la mesure relative à l'identité d'emprunt, notamment les modalités de consultation et d'utilisation du site internet (date et heure du contrôle, recueil des informations...).
Article 12 - Lutter contre la fraude, les fautes et abus aux risques professionnels
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
L' article L.114-17-1 du code de la Sécurité sociale dispose que peuvent faire l'objet d'un avertissement ou d'une pénalité prononcée par le directeur de la Caisse primaire d'Assurance maladie (CPAM) ou de la Caisse d'assurance retraite et de santé au travail (CARSAT), les employeurs ou bénéficiaires des régimes obligatoires de Sécurité sociale impliqués dans des agissements frauduleux. Le code énumère de façon limitative les motifs de cette pénalité : non-respect de la réglementation, absence de déclaration à caractère frauduleux, refus d'accès à une information, etc. Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité des faits reprochés. Il peut être soit proportionnel aux sommes concernées dans la limite de 70% de celles-ci, soit forfaitaire dans la limite de 4 fois le plafond mensuel de la Sécurité sociale, et ne peut être inférieur au montant des sommes concernées majoré d'une pénalité.
Concernant les incitations financières versées par la branche Accident du travail-Maladie professionnelle (AT-MP), la direction des Risques Professionnels de la Caisse nationale d'Assurance maladie (CNAM) a détecté un nombre significatif de fraudes, de fautes et d'abus en matière de subventions - dont certains font l'objet de signalements au titre de l' article 40 du code pénal - qui ne peuvent faire l'objet de sanctions proportionnées au titre du code de la sécurité sociale dans le cadre juridique actuel. Il s'agit par exemple d'usurpations d'identités, de production de faux documents, mais aussi de non-respect de cahier des charges ou de techniques de cession-bail (vente d'un équipement dont l'employeur est propriétaire à une société qui le remet immédiatement à sa disposition par un contrat de crédit-bail).
Parmi ces situations, certaines ne peuvent être sanctionnées par une pénalité financière prononcée par la CARSAT en l'absence de dispositions légales les prévoyant. Cela prive les caisses d'un levier de sanction efficace et proportionné. Il s'agit par exemple des cas où une facture a été notée comme acquittée par anticipation pour permettre la prise en charge anticipée ou dans les délais d'octroi de la subvention. Cette situation, dans la mesure où le matériel a bien été délivré conformément au cahier des charges, ne justifie pas le dépôt d'une plainte pénale qui en tout état de cause serait classée.
En outre, même pour les autres motifs relevant d'une sanction pénale (usurpation d'identité, dossiers fictifs etc..), les enjeux financiers étant souvent limités (en raison du montant maximum des subventions), les signalements aux parquets ne sont pas systématiquement suivis d'effets, de telle sorte qu'un motif de pénalité pour fraude constituerait ainsi un levier de sanction supplémentaire. Par ailleurs l'absence d'assermentation des ingénieurs-conseils ne leur permet pas de dresser des procès-verbaux lors de leurs visites de prévention, lesquels permettraient d'attester l'observation d'agissements manifestement frauduleux (e.g. constat d'absence ou de non-conformité d'un matériel ayant fait l'objet d'une subvention).
Dans la continuité de la couverture des différents cas de fraude, la création du Fonds d'investissement pour la prévention de l'usure professionnelle (FIPU), qui constitue un nouveau dispositif d'incitation financière, prévoyant le versement de subventions dédiées aux troubles musculosquelettiques (TMS) ou de contribution au financement des salaires de salariés en charge de la prévention des TMS en entreprise, nécessite de prévoir un motif de pénalités en cas de fraudes dans le cadre de ce fonds.
S'agissant des investigations, il est à noter que les dispositions actuelles du code de la sécurité sociale ne placent pas le constat des abus, fautes et fraudes à l'attribution des subventions AT-MP dans le périmètre de contrôle des agents agréés assermentés au titre de la lutte contre la fraude, pas plus que dans celui des ingénieurs-conseils et contrôleurs de sécurité. Elles ne prévoient pas par ailleurs la possibilité de recourir au droit de communication concernant ce domaine, ce qui limite fortement les capacités des caisses à établir les fraudes. Enfin, les travailleurs indépendants ne sont pas visés au titre de leur activité professionnelle, le mécanisme de sanction ne leur étant applicable qu'en leur seule qualité d'assuré social.
Concernant le compte professionnel de prévention (C2P), le cadre juridique actuel ne prévoit ni les moyens d'investigation ni les sanctions adaptées en cas d'agissement frauduleux concernant le C2P. Plusieurs cas de fraudes, tels que des falsifications de documents visant l'obtention de points C2P, ont été détectés mais n'ont pu faire l'objet de sanction à défaut de texte le permettant. En effet, ni les conseillers enquêteurs, ni la Commission Réclamation Compte Professionnel de Prévention (CRC2P) ne sont compétents pour constater ou sanctionner les cas de fraudes.
Concernant la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, si les cas de fausses déclarations ou de non-respect de l'obligation déclarative pesant sur les employeurs sont prévus par le dispositif des pénalités financières institué par l' article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale et de l'indu prévu à l' article L. 471-1 du même code, aucun dispositif de sanction n'est prévu pour les situations lors desquelles l'employeur intervient volontairement dans la relation entre la victime et son médecin ou entre la victime et sa caisse primaire en vue d'éviter la prescription ou le bénéfice d'un arrêt de travail et de minorer les cotisations dues.
C'est le cas lorsque l'employeur prend l'attache du médecin pour lui demander de ne pas prescrire un arrêt de travail ou lorsque l'employeur demande à la victime de ne pas adresser à la CPAM l'avis d'arrêt de travail ou d'adresser à la CPAM un formulaire type selon lequel il reprend le travail avant la fin de la durée prescrite, voire qu'il ne souhaite pas s'arrêter en raison de la mise en place d'un poste adapté. De telles situations, parfois très organisées dans l'entreprise, ont déjà été déclarées ou constatées.
Il en va de même lorsque l'employeur émet de manière systématique des déclarations d'accident de travail inexploitables (e.g. le champ Nature des lésions est complété de la formule « pas de fait accidentel ») ou incomplètes voire vierges en vue de ralentir ou empêcher la reconnaissance en accident du travail d'un sinistre professionnel. De tels comportements manifestement frauduleux de la part de plusieurs entreprises de grande taille ont été constatés par les caisses.
Si des actions incitatives de nature à favoriser le retour au travail et la prévention de la désinsertion sont vertueuses, la mise en place de dispositifs visant à permettre à l'employeur d'intervenir dans la relation entre le salarié et son médecin, ou entre la CPAM et le salarié en tant qu'assuré, doivent être sanctionnés.
Concernant les entreprises qui commettent des infractions dans le ressort de plusieurs organismes : un employeur unique peut commettre simultanément la même infraction au travers de plusieurs établissements répartis sur le territoire national, afin de bénéficier d'avantages indus, tels que la perception de prestations sociales pour de faux salariés. 350 dossiers ont été ciblés en 2025 pour un montant de préjudice potentiel de 7 millions d'euros. A ce jour 30 dossiers sont constitutifs de fraude avérée mais les caisses doivent chacune engager une procédure de pénalité, ce qui morcelle les dossiers et empêche la pleine efficacité du dispositif répressif (par exemple dans certaines régions la bande organisée est constituée mais pas dans d'autres). Il est nécessaire que la possibilité de mandater une commission de pénalité pour le compte de toutes les caisses soit prévue, à l'instar de ce qui existe pour les professionnels de santé.
Concernant la méconnaissance par l'employeur de l'obligation de dématérialisation de la notification de taux AT-MP, le dispositif actuel de pénalité institué par l' alinéa 6 de l'article L. 242-5 du code de la sécurité sociale prévoit l'intervention des CARSAT pour notifier la pénalité mais également des URSSAF (organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales) pour son recouvrement. La complexité en gestion induite par ce dispositif le rend complexe et sa non-mise en oeuvre en pratique alors même qu'il constitue un levier nécessaire pour renforcer la dématérialisation des échanges entre les caisses et les entreprises.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
La lutte contre la fraude est un objectif à valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel a en effet reconnu que tant la lutte contre la fraude fiscale27(*) que la lutte contre la fraude en matière de protection sociale28(*) constituent des objectifs de valeur constitutionnelle.
Il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude en matière de protection sociale et, d'autre part, l'exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis29(*).
Le présent article complète le dispositif de pénalité applicable en cas d'inobservations des règles du code de la sécurité sociale concernant la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Il poursuit donc l'objectif de lutte contre la fraude en matière de protection sociale tout en s'insérant dans un dispositif qui prévoit déjà des modalités d'exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
La mesure relève de la seule compétence de la France.
Il convient de rappeler que l'article 48 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se limite à prévoir une simple coordination des législations des États membres. Les règles européennes de coordination ne mettent pas en oeuvre une harmonisation des régimes nationaux de sécurité sociale. Les États membres demeurent souverains pour organiser leurs systèmes de sécurité sociale.
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a une jurisprudence constante selon laquelle il appartient à la législation de chaque État membre :
- de déterminer les conditions du droit ou de l'obligation de s'affilier à un régime de sécurité sociale ou à telle ou telle branche de pareil régime ;
- de définir les conditions requises pour l'octroi des prestations de sécurité sociale, du moment qu'il n'est pas fait, à cet égard, de discrimination entre les ressortissants nationaux et ceux des autres États membres.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le dispositif de lutte contre la fraude en matière de protection sociale relève du domaine législatif. Ainsi, le présent article complète le dispositif de pénalité applicable en cas d'inobservation des règles du code de la sécurité sociale et institué par l'article L. 114-17-1 de ce code qui énumère de façon limitative les motifs de cette pénalité et ne permet pas dans sa rédaction actuelle de couvrir l'ensemble des situations de fraude auxquelles sont confrontés les organismes de sécurité sociale assurant la gestion de la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
Par ailleurs, l'article L.114-10 du code de la sécurité sociale fixe les domaines d'intervention des agents de contrôle des organismes et les articles L.422-3 du code de la sécurité sociale et L. 4163-16 du code du travail déterminent les prérogatives des agents des caisses en charge de la prévention et du compte professionnel de prévention. Par cohérence avec l'extension du champ des pénalités et il nécessaire de compléter ces dispositions afin que les caisses puissent objectiver leurs constats de faute, fraude et abus en élargissant le périmètre soumis au contrôle des agents et en rendant leurs constats opposables, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Les modalités d'exercice du droit de communication sont prévues par l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale. Ces dispositions ne couvrent aujourd'hui pas l'ensemble de la législation professionnelle ni les organismes qui la mettent en oeuvre et doivent donc être complétées pour les rendre applicable dans le périmètre des risques professionnels.
Enfin, l'article L. 242-5 du code de la sécurité sociale prévoit actuellement une pénalité financière applicable en cas de méconnaissance par l'employeur de l'obligation de dématérialisation de la notification de taux AT-MP. Ce dispositif, lourd en gestion et nécessitant l'intervention de plusieurs organismes de sécurité sociale (CARSAT et URSSAF) mérite d'être simplifié pour être pleinement opérationnel. C'est la raison pour laquelle la présente mesure substitue au mécanisme actuel de pénalité un mécanisme de majoration de cotisation AT-MP dont la mise en oeuvre ne relèvera que de la CARSAT.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Le présent article vise à compléter les mécanismes juridiques à disposition des organismes mettant en oeuvre la législation de sécurité sociale concernant les risques professionnels. En effet, comme les autres branches de la sécurité sociale, la branche AT-MP est exposée à des risques de fraudes qui peuvent affecter l'ensemble de ses activités.
Afin de lutter efficacement contre ce phénomène, il est nécessaire de renforcer les outils juridiques à disposition des organismes qui la mettent en oeuvre qu'il s'agisse des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) comme des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM).
La présente mesure vise donc à compléter le dispositif des pénalités financières pour pleinement y intégrer la législation AT-MP : incitations financières pour la politique de prévention des AT-MP, sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, et aux travailleurs indépendants également éligibles à ces mécanismes au titre de leur activité professionnelle ainsi qu'au C2P.
Corrélativement elle vise à renforcer les pouvoirs de contrôle des agents des organismes en charge de cette législation ainsi que le droit de communication afin de donner aux caisses les moyens d'objectiver leurs constats en matière de faute, fraude et abus.
Enfin, la mesure vise à simplifier les règles applicables en cas de méconnaissance par l'employeur de l'obligation de dématérialisation de la notification de taux AT-MP.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Un maintien des dispositions actuelles aurait pu être envisagé, néanmoins cette modification législative doit permettre d'assurer l'effectivité du dispositif de lutte contre la fraude aux risques professionnels en complétant les moyens juridiques à disposition des organismes de sécurité sociale.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Concernant les incitations financières : il est proposé d'ajouter au dispositif de pénalités financières de l'article L. 114-17-1 et au périmètre des articles L. 114-10 et L. 114-19, un motif relatif aux fausses déclarations ou faux documents produits dans le but de percevoir une incitation financière indue (au titre du FNPAT, du FIPU ou des ristournes de cotisations).
Concernant les investigations financières : il est proposé d'étendre le pouvoir des ingénieurs conseils et contrôleurs de sécurité des CARSAT au constat des abus, des fautes ou des fraudes aux incitations financières versées par la branche AT-MP. Pour la bonne mise en oeuvre des actions de contrôle, le droit de communication est étendu dans ces domaines aux directeurs comptables et financiers, aux directeurs des services traitant les incitations financières et à leurs agents.
Enfin, il est proposé d'étendre le champ des publics pouvant faire l'objet de ces pénalités aux travailleurs indépendants au titre de leur activité professionnelle.
Concernant le C2P : Il est proposé ainsi d'ajouter à l'agrément des conseillers la capacité de constater les fraudes et d'ajouter un motif de pénalité à la main des CARSAT à la commission des pénalités prévue à l'article L. 114-17-1.
Concernant la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles : il est proposé d'ajouter un motif supplémentaire au dispositif de pénalités financières de l'article L. 114-17-1 et de compléter le II relatif aux obligations légales pour ajouter le cas où leur non-respect prive une personne de ses droits (en l'occurrence droit à la couverture AT-MP).
Concernant les entreprises qui commettent des infractions dans le ressort de plusieurs organismes : il est proposé de compléter l'article L114-17-1 V afin de permettre qu'une commission de pénalité d'un organisme soit mandatée pour le compte des autres organismes.
Concernant la méconnaissance par l'employeur de l'obligation de dématérialisation de la notification de taux AT-MP : il est proposé de substituer au mécanisme actuel de pénalité institué par l'alinéa 6 de l'article L. 242-5 du code de la sécurité sociale un mécanisme de majoration de cotisation AT-MP tel que prévu à l'article L. 242-7. Cette mesure, dont la mise en oeuvre ne relèvera que de la CARSAT, constituera une mesure de simplification importante en gestion en écartant toute nécessité de faire intervenir l'URSSAF. Elle rendra opérationnel le mécanisme d'incitation des entreprises à la dématérialisation de leurs démarches avec la branche AT-MP.
Cette mesure de lutte contre la fraude vise à étendre le champ des investigations et des bilans de la CNAM. Les propositions complètent les dispositifs existants, notamment les pénalités financières.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article modifie la première phrase du premier alinéa de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, ainsi que les articles L. 114-17-1, L. 114-19, le sixième alinéa de l'article L. 242-5, l'article L. 242-7 et l'article L. 422-3 du même code.
Le présent article modifie également le I de l'article L. 4163-16 du code du travail.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La mesure relève de la seule compétence de la France.
Il convient de rappeler que l'article 48 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se limite à prévoir une simple coordination des législations des États membres. Les règles européennes de coordination ne mettent pas en oeuvre une harmonisation des régimes nationaux de sécurité sociale. Les États membres demeurent souverains pour organiser leurs systèmes de sécurité sociale.
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a une jurisprudence constante selon laquelle il appartient à la législation de chaque État membre :
- de déterminer les conditions du droit ou de l'obligation de s'affilier à un régime de sécurité sociale ou à telle ou telle branche de pareil régime ;
- de définir les conditions requises pour l'octroi des prestations de sécurité sociale, du moment qu'il n'est pas fait, à cet égard, de discrimination entre les ressortissants nationaux et ceux des autres États membres.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
La mesure étend le champ des fraudes commises par les entreprises en matière de législation sur les risques professionnels, susceptibles de faire l'objet d'une pénalité et permet l'application d'une majoration de cotisation AT-MP en cas de méconnaissance par l'employeur de l'obligation de dématérialisation de la notification de taux AT-MP (en remplacement du mécanisme de pénalité actuellement en vigueur).
4.2.3. Impacts budgétaires
En 2022 la CNAM a détecté près de 500 000 euros de fraude sur des subventions prévention. Avec la création du FIPU et l'extension prévisible des subventions prévention du FNPAT dans le cadre de la COG, il est raisonnable d'estimer l'enjeu à au moins 1M€ par an.
En matière de sous-déclaration des accidents du travail, sur la base des données aujourd'hui remontées par les caisses de sécurité sociale, l'enjeu financier peut raisonnablement être estimé à 5 millions en préjudice détecté et évité.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Renforcement des pouvoirs de constat et de sanction des fraudes à disposition de organismes de sécurité sociale en matière de législation sur les risques professionnels.
Simplification de la gestion en ce qui concerne la méconnaissance par l'employeur de l'obligation de dématérialisation de la notification de taux AT-MP.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le conseil d'administration de la Caisse national d'assurance vieillesse a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 3 septembre 2025.
La Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles a été saisie pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 1er septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal. S'agissant en particulier des collectivités ultramarines, celui-ci sera applicable conformément au tableau :
Collectivités d'outre-mer |
|
Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion |
Mesure applicable |
Mayotte |
Mesure applicable |
Saint-Martin, Saint-Barthélemy |
Mesure applicable |
Saint-Pierre-et-Miquelon |
Mesure partiellement applicable (applicable concernant les modifications apportées aux articles L. 114-10, L. 114-17-1 et L. 114-19). |
Autres (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, TAAF) |
Mesure non-applicable |
5.2.3. Textes d'application
Pour l'application de la majoration de cotisation prévue par l'article L. 242-5 du CSS tel que résultant du présent projet de loi : modification de l'arrêté du 9 décembre 2010 relatif à l'attribution de ristournes sur la cotisation ou d'avances ou de subventions ou à l'imposition de cotisations supplémentaires en matière d'accidents du travail ou de maladies professionnelles.
Les modalités de notification des décisions mentionnées à l'article L. 242-5 du code de la sécurité sociale, en l'absence de réalisation des démarches nécessaires à leur mise à disposition par voie électronique seront précisées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.
TITRE II - ADAPTER LES LEVIERS DE LUTTE AUX NOUVELLES FORMES DE FRAUDES ET RENFORCER LES SANCTIONS
CHAPITRE 1ER - TARIR LES SOURCES DE REVENUS OCCULTES OU ILLICITES ET MIEUX SANCTIONNER LEURS BÉNÉFICIAIRES
Article 13 (1°) - Obligation de versement de l'indemnisation chômage sur un compte bancaire domicilié en France dans l'espace unique de paiement en euros de l'Union européenne
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Pour bénéficier des allocations mentionnées à l'article L. 5421-2 du code du travail, il faut notamment remplir la condition de résidence sur le territoire relevant du champ d'application de l'assurance chômage :
- pour l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE), c'est l'article 4f) du Règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024 relative à l'Assurance chômage qui prévoit cette condition de résidence.
- pour l'allocation de solidarité spécifique (ASS), il faut être inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi et ne plus bénéficier de l'ARE ( article L. 5423-1 et suivants du code du travail) donc par ricochet, il faut aussi remplir la condition de résidence liée à l'ARE.
- pour l'allocation pour les travailleurs indépendants (ATI), la circulaire Unedic 2022- 11 du 13 juillet 2022 sur l'Allocation du travailleur indépendant prévoit : « Outre ces conditions spécifiques d'attribution, le travailleur indépendant doit satisfaire aux autres conditions d'aptitude physique, de résidence et d'âge, prévues également pour les bénéficiaires de l'allocation d'aide au retour à l'emploi ».
Ainsi, l'allocataire doit justifier d'une résidence stable et effective sur le territoire relevant du champ d'application du régime d'assurance chômage (Cass. 2e civ., 27 juin 2024, n° 22- 13.472). En conséquence, dès lors que l'allocataire cesse de résider de manière stable et effective sur le territoire relevant du champ d'application du régime d'assurance chômage, le versement des allocations doit être interrompu ( Règlement général d'assurance chômage 15 novembre 2024, art. 25 c) du §2). Pour l'appréciation de la condition de résidence en cours d'indemnisation, l'allocataire est réputé résider sur le territoire relevant du champ d'application du régime d'assurance chômage lorsqu'il justifie y être effectivement présent plus de 6 mois au cours de l'année de versement de l'allocation (art 25 f)).
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le onzième alinéa du Préambule de la Constitution « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé » et des moyens convenables d'existence s'il est dans l'incapacité de travailler. Aux termes de l'article 34 de la Constitution, la détermination des principes fondamentaux du droit du travail relève du domaine de la loi.
Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
En l'occurrence, si la présente mesure aboutit à une différence de traitement entre allocataires selon qu'ils disposent ou non d'un compte bancaire domicilié en France ou dans l'un des pays de l'espace unique de paiement en euros, cette différence de traitement repose bien sur une différence objective de situation en lien avec l'objet de la mesure (lutte contre la fraude), la possession d'un compte bancaire domicilié à l'étranger pouvant constituer un indice de comportements frauduleux (résidence ou exercice d'activités à l'étranger non déclarés à France Travail) et pouvant compromettre la capacité de l'opérateur à obtenir les informations nécessaires de la part des banques situés à l'étranger et à recouvrer les indus correspondants. En tout état de cause, cette différence de traitement n'apparait pas disproportionnée, la mesure se bornant à imposer aux intéressés l'ouverture d'un compte domicilié au sein de l'espace unique de paiement en euros pour le seul versement de l'allocation, mais ne leur interdit en rien de bénéficier d'un second compte bancaire domicilié en dehors de cet espace. Il résulte, par ailleurs, de la jurisprudence constitutionnelle qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public, qui inclut la lutte contre la fraude. Le Conseil constitutionnel veille notamment à ce que cette conciliation s'opère entre les droits et libertés constitutionnellement garantis et les objectifs à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale (voir par exemple, décision n°2001-457 DC du 27 décembre 2001) ou de lutte contre la fraude en matière de protection sociale (décision n°2019-789 QPC du 14 juin 2019).
Le projet de loi prévoit une domiciliation bancaire dans l'Espace unique de paiement en euros afin de prévenir les cas de fraude à la condition de résidence et opère ainsi une conciliation, qui n'est pas manifestement déséquilibrée, entre les exigences constitutionnelles rappelées ci- dessus.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
L'espace unique de paiement en euros (ou SEPA, Single Euro Payments Area) est une démarche ayant conduit à construire un marché unique des paiements en euros afin de réduire la multiplication des instruments nationaux, qui complexifiait pour les consommateurs et les entreprises les paiements vers d'autres pays de la zone euro. La généralisation du virement et du prélèvement européens a été organisée au 1er février 2014, par le règlement européen n°260/2012 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2012 établissant des exigences techniques et commerciales pour les virements et les prélèvements en euros et modifiant le règlement (CE) n ° 924/2009.
La zone SEPA comprend notamment les 27 pays de l'Union européenne, les autres pays de l'Espace économique européen (Islande, Liechtenstein, Norvège), la Suisse, le Royaume-Uni, Andorre, Monaco, Saint-Marin, le Vatican, le Monténégro et l'Albanie.
Depuis la mise en place cet espace, les consommateurs français disposent de la possibilité d'effectuer des virements ou des prélèvements en euros sans que leurs créanciers ne puissent exiger que le compte bancaire utilisé à cet effet soit domicilié en France. En outre, la directive n°2014/92/UE du 23 juillet 2014 permet à tout européen d'ouvrir un compte dans l'établissement bancaire de son choix, y compris dans un autre pays de l'UE. Il en résulte une prohibition des discriminations fondées sur la domiciliation bancaire. En droit national, les professionnels de tous secteurs qui refuseraient d'assurer des opérations bancaires depuis ou vers des comptes domiciliés dans un autre Etat de l'espace uniquement de paiement en euros peuvent faire l'objet de sanctions financières dans les conditions prévues par l'article L. 362-1 du code monétaire et financier.
La présente mesure, qui introduit une condition de domiciliation bancaire pour le service par France Travail des allocations chômage conditionnées à une résidence en France, autorise en l'occurrence, comme alternative au versement de ces allocations sur un compte domicilié en France, leur versement sur un compte domicilié dans l'un des autres Etats de l'espace unique de paiement en euros. La mesure permet donc de mettre en oeuvre les principes de la règlementation européenne rappelée ci-dessus.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARE
Sans objet.
2. NÉCÉSSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
La condition de résidence sur le territoire national est aujourd'hui fixée uniquement dans la convention d'assurance chômage négociée par les partenaires sociaux et agréée par l'Etat par voie réglementaire, en application de l'article L. 5422-20 du code du travail. Elle n'a pas d'assise législative.
La jurisprudence considère que les organisations professionnelles d'employeurs et les organisations syndicales de salariés ne méconnaissent pas leur pouvoir en insérant au règlement annexé à la convention d'assurance chômage des dispositions qui prévoient que l'attribution et le paiement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi est subordonné à la résidence du bénéficiaire sur le territoire relevant du champ d'application du régime d'assurance chômage (Cour de cassation, 28 février 2018, n°15-24181).
Ainsi, il n'est pas nécessaire de prévoir explicitement dans la loi l'existence d'une condition de résidence pour l'accès à une indemnisation chômage. En ce sens, par parallélisme avec ce que prévoit le code de la sécurité sociale permettant d'éviter de fixer une condition de résidence dans la loi, il est nécessaire de préciser que, lorsque cette condition de résidence est exigée et que les versements sont délivrés sur un compte bancaire, ils se font uniquement sur des comptes domiciliés en France ou dans l'espace unique de paiement en euros de l'Union européenne. En effet, certains versements sur des comptes situés en dehors de cet espace unique de paiement en euros suggèrent, de la part des demandeurs d'emploi, le non-respect des conditions de résidence ou de leurs obligations déclaratives en matière de changements de résidence ou d'exercice d'activités à l'étranger. La mesure vise donc à renforcer l'effectivité de la condition de résidence. Il s'agit d'un outil de cohérence et facilitant les vérifications, non d'une nouvelle condition d'éligibilité.
D'où la création d'un nouvel article du code du travail (article L. 5421-5) respectueuse de la jurisprudence de la Cour de Cassation et symétrique avec ce qui est déjà prévu sur le champ de la sécurité sociale.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La non-déclaration de la résidence ou du travail à l'étranger est la principale fraude détectée subie par France Travail. Pour 2024, elle représente 56 millions d'euros de préjudice total (cumul du préjudice subi et évité)30(*). Cette fraude est en constante évolution sur les dix dernières années.
Afin de limiter les situations d'indemnisation de personnes résidant à l'étranger, le versement exclusif des allocations et prestations par les organismes gestionnaires des régimes obligatoires de sécurité sociale sur des comptes bancaires domiciliés en France ou dans l'espace unique de paiement en euros, prévu à l'article L. 114-10-2-1 du code de la sécurité sociale (issue de la LFSS pour 2023), doit être appliqué aux allocations au titre du régime d'assurance chômage.
France Travail rencontre des difficultés pour récupérer des informations auprès des banques étrangères. Cette situation complique considérablement le processus d'investigation et le recouvrement des montants indus. La rédaction de l'article L. 5421-5 tel que proposé permettra ainsi de lutter contre cette fraude.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Une option alternative aurait pu consister à demeurer à droit constant. Toutefois, il est apparu nécessaire de renforcer le dispositif juridique : compte tenu de l'importance des montants versés sur des comptes étrangers, laissant supposer un non-respect de la condition de résidence ou une absence de déclaration d'un changement de résidence ou de l'exercice d'activités à l'étranger, et de la forte progression de ces montants sur les derniers exercices.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Compte tenu des éléments présentés ci-dessus sur l'importance de cette fraude et l'arsenal juridique déjà existant sur le champ de la sécurité sociale, il est proposé de créer un nouvel article dans le code du travail imposant une domiciliation bancaire aux demandeurs d'emploi bénéficiant de l'un des revenus de remplacement mentionnés à l'article L.5421-2 du code du travail.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article créé dans le code du travail un nouvel article L. 5421-5.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La présente mesure est conforme aux textes internationaux et européens mentionnés supra.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Cette mesure permettrait, d'une part, de prévenir les fraudes et, d'autre part, de faciliter le recouvrement des indus, plus aisé, lorsque les titulaires d'un compte sont situés dans l'espace unique de paiement en euros de l'Union européenne.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Le recouvrement des indus pour non-respect de la condition de résidence devrait s'en trouver facilité pour les services dédiés de France Travail.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Cette mesure facilitera la lutte contre la fraude, laquelle constitue un enjeu sociétal majeur.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Les demandeurs d'emploi souhaitant percevoir leur allocation chômage vont devoir posséder un compte bancaire domicilié en France ou au sein de l'espace unique de paiement en euros de l'Union européenne.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application du 2° de l'article L. 2271-1 du code du travail et a rendu un avis le 3 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Les dispositions du présent article seront applicables sur l'ensemble du territoire hexagonal, dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, soumises au principe de l'identité législative.
Elles ne sont pas applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et- Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert aucun texte d'application.
Article 13 (2° et 3°) - Rendre obligatoire l'inscription et la présentation à l'examen de la certification ou du bloc de compétences en cas de mobilisation des fonds du compte personnel de formation (CPF)
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Depuis sa création en 2014 à l'initiative des partenaires sociaux, le compte personnel de formation (CPF) a marqué un tournant décisif dans le paysage de la formation professionnelle en France. Ce dispositif innovant répond à des enjeux cruciaux en matière de politique de l'emploi : garantir à chaque individu la possibilité de se former tout au long de sa vie professionnelle, dans un contexte marqué par une évolution rapide des métiers et des compétences requises. Grâce à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui a permis sa monétisation, l'ambition du CPF repose sur le libre choix du titulaire pour l'accès à sa formation et à la détermination de son parcours professionnel, de l'universalité, de l'égalité mais également de la solidarité en matière de financement et d'accès à la formation des populations les plus fragiles.
Le CPF permet à l'ensemble de la population active de disposer tout au long de sa vie professionnelle de droits à la formation, accessibles et mobilisables sur une plateforme dédiée : MonCompteFormation.
Poursuivant un objectif de sécurisation des parcours professionnels, le compte personnel de formation (CPF), ne peut être mobilisé que pour certaines actions définies à l'article L. 6323- 6 du code du travail et notamment sanctionnées par une certification ou habilitation enregistrée au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ou au Répertoire spécifique (RS). Plus précisément, le RNCP (article L. 6113-5 du code du travail) recense les certifications professionnelles qui permettent une validation des compétences et des connaissances acquises nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle et le RS (article L. 6113-6 du code du travail), les certifications ou habilitations correspondant à des compétences transversales ou complémentaires à un métier, exercées en situation professionnelle.
Cette mesure concerne les titulaires d'un compte personnel de formation (CPF) alimenté en euros, soit les actifs du secteur privé : salariés, travailleurs non-salariés et demandeurs d'emploi conformément à l'article L. 6323-2 du code du travail.
En 2025, plus de 38 millions de CPF ont été alimentés par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), organisme gestionnaire de ce dispositif pour le compte de l'Etat. Cette gestion s'appuie sur les conditions générales d'utilisation de MonCompteFormation qui précisent les engagements souscrits par les titulaires de CPF et par les organismes de formation référencés sur le service ( article L. 6323-9 du code du travail).
Près de 24 millions de titulaires de CPF ont activé la visualisation de leur compte et donc accepté les conditions générales d'utilisation de la plateforme MonCompteFormation.
Au 13 juillet 2025 et depuis l'ouverture de MonCompteFormation le 21 novembre 2019, 9 millions de dossiers de formation ont été souscrit sur cette plateforme pour un coût pédagogique de 13,47 milliards d'euros.
Les conditions générales d'utilisation (CGU) de la plateforme MonCompteFormation définissent conformément à l'article L. 6323-9 du code du travail, les engagements à respecter par les organismes de formation référencés pour pouvoir continuer à rester éligibles au CPF (article L. 6323-9-1 du code du travail). Parmi ces engagements des organismes de formation, figurent :
- une obligation d'accompagnement du stagiaire vers le passage de la certification ou du bloc (notamment la fourniture d'information du stagiaire sur les dates de passage des examens permettant d'être certifié à l'issue de la formation) ;
- un accès du stagiaire aux tests et examens lui permettant d'être certifié.
Cependant, les certificateurs ne fournissent aucune donnée permettant à la CDC d'effectuer des contrôles probants.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que : « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture... ».
Il en résulte, selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-558/559 QPC du 29 juillet 2016, que : « la mise en oeuvre d'une politique garantissant un égal accès de tous à la formation professionnelle constitue une exigence constitutionnelle. »
Par ailleurs, la jurisprudence constitutionnelle précise qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public, qui inclut la lutte contre la fraude. Le Conseil constitutionnel veille notamment à ce que cette conciliation s'opère entre les droits et libertés constitutionnellement garantis et les objectifs à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale (voir par exemple, décision n°2001-457 DC du 27 décembre 2001) ou de lutte contre la fraude en matière de protection sociale ( décision n°2019-789 QPC du 14 juin 2019).
Le Conseil constitutionnel admet également que le bon emploi des deniers publics est un objectif de valeur constitutionnelle qui découle des articles 14 et 15 de la Déclaration de 1789 ( décision n°2006-545 DC, 28 décembre 2006).
En l'occurrence, la présente mesure permet de renforcer la lutte contre la fraude au compte personnel de formation et de veiller à ce que les fonds publics confiés à la Caisse des dépôts et consignations permettent le financement de formations « réelles », préparant au passage d'une certification inscrite aux répertoires nationaux. Ce faisant, elle met en oeuvre, en les conciliant, le principe d'égal accès à la formation professionnelle et les objectifs à valeur constitutionnels rappelés ci-dessus.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
L'article 14 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne consacre : « le droit à l'éducation, ainsi qu'à l'accès à la formation professionnelle et continue ».
La directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur s'applique à l'ensemble des prestataires de services ayant leur établissement dans un Etat membre et qui présentent une activité économique - à l'exception des services mentionnés aux 2 et 3 de l'article 2 de la présente directive (services financiers, travail intérimaire, activités de jeux d'argent, services audiovisuels, services et réseaux de communications électroniques...).
Cette directive a pour objet, conformément à son article 1 : « de faciliter l'exercice de la liberté d'établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau de qualité élevé pour les services. »
1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARE
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Depuis 2022, le Gouvernement, France compétences ainsi que la CDC ont engagé la mise en oeuvre de plusieurs mesures de sécurisation et de régulation de la plateforme MonCompteFormation afin de pouvoir lutter contre les abus et les fraudes à ce dispositif.
Les mesures les plus marquantes ont été :
- La campagne de contrôle de l'ensemble des certifications enregistrées auprès de France compétences ;
- La mise en place de France Connect + au 25 octobre 2022 afin de lutter contre les usurpations d'identité ;
- La promulgation de la loi n° 2022-1587 du 19 décembre 2022 visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires.
Dans la continuité de ces mesures de lutte contre les abus et fraudes au CPF par certains organismes de formation, le Gouvernement a lancé des mesures de responsabilisation du titulaire de compte en instaurant depuis le 2 mai 2024 une participation financière obligatoire due par chaque titulaire de CPF lors d'une souscription à une action de formation. Cette mesure vise à lutter contre l'effet consumériste qui avait pu être constaté.
Depuis l'instauration de cette participation obligatoire au CPF, le taux d'annulation avant l'entrée en formation a été divisé par deux (de 14% en 2022 à 7 % en 2024).
L'objectif du CPF reste l'acquisition pour son titulaire de nouvelles compétences grâce à la réussite d'une certification lui permettant de pouvoir s'insérer, se maintenir ou évoluer dans l'emploi.
Afin de lutter contre les transmissions de droits à des tiers ou l'inscription des titulaires de CPF à des formations non éligibles (par exemple : formation de recyclage pour obtenir le renouvellement de la carte taxi), il est nécessaire de pouvoir conditionner la mobilisation des droits CPF à l'inscription effective et au passage de la certification visée par la formation ou au bloc de compétences.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Cet article vise à introduire l'obligation pour le titulaire du compte de se présenter aux épreuves prévues par l'organisme certificateur. Il va, d'une part, dans le sens d'une responsabilisation du titulaire du compte personnel de formation. Il permet, d'autre part, de pallier les situations de cession de droits, d'inscription de complaisance en formation (en vue de rétribution) ou d'inscription volontaire en formation qui ne prépare pas à la certification visée (par exemple : formation Montessori pour les parents sous couvert d'un titre professionnel d'assistant familial).
Cette mesure ne concerne que les formations menant à des certifications inscrites à un des deux répertoires nationaux de France compétences (RNCP ou RS). Comme cela est déjà le cas pour l'annulation en cours de formation, les conditions générales d'utilisation du service MonCompteFormation préciseront les éventuels motifs légitimes qui pourront être mis en avant par les titulaires de CPF qui pourront justifier de l'absence de présentation aux épreuves pour l'obtention de la certification ou du bloc de compétences.
Les titulaires responsabilisés grâce à cette obligation, ne voudront pas risquer un remboursement à la CDC des sommes indûment mobilisées et donc souscriront à des formations qui mènent réellement à la certification visée. Les titulaires de CPF seront sensibilisés grâce à cette mesure, en lien avec celle du présent projet de loi relative au recouvrement forcé à l'encontre des titulaires de CPF, au fait que la mobilisation de leur CPF engage des fonds publics et qu'à ce titre ils ont également des devoirs à respecter.
Pour que cette obligation puisse être contrôlée, il est nécessaire que la CDC puisse être destinataire, en sus des informations sur les titulaires de certification qu'elle reçoit déjà par les organismes et ministères certificateurs conformément à l'article L. 6113-8 du code du travail, des informations sur les inscriptions et passages de certification.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Aucune autre option n'a été envisagée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Compte tenu de la progression de plus en plus importante des offres d'organismes de formation proposant des formations non éligibles ou des transmissions de droit, il est indispensable que cette mesure puisse permettre à la Caisse des dépôts de sanctionner les titulaires de CPF entrant en collusion avec les fraudeurs.
Pour ce faire, l'article L. 6323-6 du code du travail est complété par un nouvel alinéa introduisant l'obligation pour le titulaire du CPF de s'inscrire et de se présenter, sauf cas de force majeure, aux épreuves permettant l'obtention de la certification. Il va, d'une part, dans le sens d'une responsabilisation du titulaire du compte personnel de formation et permet, d'autre part, de pallier les situations de cession de droits, d'inscription de complaisance en formation (contre rétribution) ou d'inscription volontaire à une formation qui ne prépare pas à la certification visée (par exemple : formation Montessori pour les parents en lieu du titre professionnel assistant familial, formations de recyclage pour obtenir le renouvellement de la carte taxi/VTC).
Cette mesure ne concerne que les formations menant à des certifications inscrites à l'un des deux répertoires nationaux de France compétences (RNCP ou RS) ainsi que l'obtention des blocs de compétences des certifications RNCP.
Comme tel est déjà le cas pour l'annulation en cours de formation, les conditions générales d'utilisation du service MonCompteFormation préciseront les motifs légitimes qui pourront être invoqués par les titulaires de CPF afin de justifier de l'absence de présentation aux épreuves en vue de l'obtention de la certification ou du bloc de compétences.
Les titulaires responsabilisés grâce à cette obligation, ne voudront pas risquer un remboursement auprès de la Caisse des dépôts de leurs droits indûment mobilisés, souscriront des formations qui mèneront réellement à la certification visée et s'y impliqueront.
Les titulaires de CPF seront sensibilisés grâce à cette mesure au fait que la mobilisation de leur CPF engage des fonds publics et qu'à ce titre ils ont également des devoirs à respecter.
Pour que cette double obligation puisse être contrôlée, l'article L. 6113-8 du même code est également modifié afin de permettre à la Caisse des dépôts et consignations d'être destinataire, en sus des informations sur les titulaires de certifications qui lui sont déjà adressées par les organismes et ministères certificateurs, des informations sur les personnes inscrites aux sessions d'examen mais également les personnes présentes à ces mêmes examens afin d'éviter les fraudes décrites supra.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article modifie l'article L. 6113-8 et le I de l'article L. 6323-6 du code du travail.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le présent article est conforme aux textes internationaux et conventionnels mentionnés supra.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Les certificateurs qui proposent à des organismes de formation d'utiliser leurs certifications enregistrées auprès d'un des deux répertoires de France compétences, devront pouvoir proposer à chaque titulaire de CPF s'étant formé une place pour l'examen de la certification.
Les organismes de formation référencés sur la plateforme MonCompteFormation devront suivre les stagiaires formés jusqu'à l'examen.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mesure a un impact sur les services de la Caisse des dépôts et consignations car un contrôle supplémentaire sera à opérer ainsi que des développements informatiques associés.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La mesure contribuera à prévenir et à lutter contre les utilisations abusives et frauduleuses de fonds publics.
Cette mesure permet également d'assurer la soutenabilité financière du dispositif afin qu'il puisse continuer à être financé et que chaque actif puisse continuer à pouvoir utiliser ses droits à la formation.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Cette mesure concerne les titulaires de CPF. Ces derniers seront tenus responsable du bon usage de leurs droits à formation professionnelle et devront en conséquence s'inscrire à l'examen de la certification ou du bloc de compétences pour lequel ils ont bénéficié de fonds publics.
Ils pourront néanmoins faire valoir les motifs légitimes qui les ont, le cas échéant, conduits à ne pas s'inscrire à cet examen.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application du 2° de l'article L. 2271-1 du code du travail et a rendu un avis favorable le 3 septembre 2025.
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a été saisi le 04 août 2025, à titre obligatoire, pour avis en application du a) du 4° du I de l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans le cadre de la procédure d'urgence prévue par le deuxième alinéa du I de l'article 9 du décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 modifié pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et a rendu un avis n°2025-072 le 4 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal. S'agissant des collectivités ultramarines, celui-ci s'applique conformément au tableau ci-dessous :
Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion |
Mesure directement applicable |
Mayotte |
Mesure directement applicable |
Saint-Martin, Saint-Barthélemy |
Mesure directement applicable |
Saint Pierre-et-Miquelon |
Mesure directement applicable |
Polynésie française, Nouvelle- Calédonie, Wallis-et-Futuna, TAAF |
Mesure non directement applicable Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables dans les territoires mentionnés à l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie. |
5.2.3. Textes d'application
Un décret en Conseil d'Etat sera à prévoir pour préciser les échanges d'information entre les ministères et organismes certificateurs et la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que les modalités de respect de l'obligation (conformément aux articles L. 6113-8 et L. 6323-46 du code du travail).
Article 14 (I, II et III) - Majoration de la contribution sociale généralisée (CSG) assise sur les revenus issus d'activités illicites
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
D'après une analyse publiée en janvier 2024, Interstats fait état d'une nette progression des indicateurs de la délinquance en 2023, de +7%31(*). Ce constat couvre notamment le trafic de stupéfiants, à l'origine d'une hausse de la consommation de drogues illicites de plus de 5,6% entre 2017 et 202332(*) et engendrant un coût pour les finances publiques et en particulier pour les finances sociales estimé à 7,7 Md€ en 2019. Cette problématique s'étend plus largement au trafic de contrefaçons, en hausse de 54% entre 2020 et 202233(*), à la contrebande de tabac et d'alcool, dont le volume a plus que doublé entre 2020 et 202234(*), ou encore au trafic d'armes et de fausse monnaie35(*).
En dépit du coût qu'elles représentent pour les finances publiques et sociales, les activités illicites ne contribuent que très marginalement à la couverture des risques sociaux. En l'état du droit, les revenus issus de ces activités sont assimilés, à certaines conditions, à des revenus du patrimoine et sont assujettis comme tels à la CSG et la CRDS au taux cumulé normal de 9,7%.
Pour lutter contre toutes ces formes de délinquance, un certain nombre de mesures ont été mises en place. A titre d'exemple, prévoient un renforcement des moyens d'actions et une meilleure coordination des différents acteurs de lutte contre la délinquance : le plan tabac 2023-2025 (création de groupes de lutte anti trafic de tabacs coordonnant l'action de la douane et des forces de l'ordre), prévoit un renforcement des moyens d'action et une meilleure coordination, Cyber douane (création d'un réseau opérationnel en région et mise en oeuvre du pouvoir d'injonction numérique issu de la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023), le plan d'action de l'UE en matière de lutte contre le trafic d'armes à feu pour la période 2020-2025 (amélioration du renseignement et de la coopération internationale), ou encore la loi du 13 juin 2025 visant à « sortir la France du piège du narcotrafic » (création d'un parquet national anticriminalité organisée). Cependant, ces textes portent essentiellement sur des dispositifs d'ordre pénal et procédural et ne concernent pas les finances sociales. Aussi, conformément aux recommandations du Haut conseil au financement de la protection sociale (HCFiPS)36(*), il est envisagé de renforcer, en matière de prélèvements sociaux, la contribution de ces activités à la solidarité nationale, qui pâtit des conséquences de ces activités illégales.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
En vertu de l'article 34 de la Constitution, « il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques »37(*).
Le principe d'égalité devant les charges publique exige qu'un impôt ne revête pas un caractère confiscatoire ou fasse peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives38(*).
Pour apprécier le caractère confiscatoire d'une imposition sur le revenu, le Conseil constitutionnel prend en considération l'ensemble des impositions portant sur le même revenu et acquittées par le même contribuable39(*). Il peut alors calculer le taux marginal maximal d'imposition applicable à un même revenu qui, s'il est excessif, est considéré comme confiscatoire.
Synthétisant la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat, dans un avis du 21 mars 201340(*) relève « qu'un taux marginal maximal d'imposition des deux tiers, quelle que soit la source des revenus, doit être regardé comme le seuil au-delà duquel une mesure fiscale risque d'être censurée par le juge constitutionnel comme étant confiscatoire ou comme faisant peser une charge excessive sur une catégorie de contribuables en méconnaissance du principe d'égalité ».
Le Conseil constitutionnel a récemment admis que des revenus de capitaux mobiliers distribués de manière irrégulière ou occulte soient imposés à un taux allant jusqu'à 73,6% résultant de l'application d'une majoration d'assiette de 25%, au motif que « ces taux, qui ne s'appliquent qu'à de hauts niveaux de revenus imposables, portent sur des revenus de capitaux mobiliers dissimulés, non spontanément déclarés par le contribuable »41(*). Le seuil maximal d'imposition susmentionné peut donc être réhaussé en fonction de la nature des revenus.
La mesure proposée s'inscrit ainsi en conformité avec les exigences constitutionnelles. D'une part, le principe de l'application d'un taux dérogatoire de CSG repose sur un critère rationnel et objectif, l'illicéité des revenus taxés, lesquels constituent par nature une catégorie de revenus particulière. D'autre part, fixé à 25%, ce taux dérogatoire a pour effet de porter le taux marginal maximal d'imposition à 70,5%, pour des contribuables dont le taux moyen d'imposition à l'impôt sur le revenu est de 45 %, soit le taux le plus élevé applicable. La prise en compte de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, dont le taux maximal est de 4 %, pourrait porter ce taux à 74,5 %, soit un niveau proche de celui qui avait été admis par le Conseil constitutionnel dans la décision précitée. Cette prise en compte dans le taux marginal doit toutefois être nuancée, puisqu'elle ne s'applique qu'aux contribuables dont le taux moyen d'imposition est inférieur à 20 %.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Cet article ne vise pas à transposer en droit français des normes juridiques européennes. Il est conforme au droit européen en vigueur ou en cours d'élaboration.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
La mesure proposée tend à réformer un taux de la CSG, qui revêt le caractère d'une imposition de toutes natures au sens de l'article 34 de la Constitution42(*). Cette matière appartient au domaine de la loi et implique par conséquent la mobilisation du vecteur législatif.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Cette mesure tend à rétablir une cohérence socio-fiscale entre les contribuables percevant des revenus de source licite et ceux tirant leurs revenus de source illicite. En l'état du droit, les revenus tirés d'activités illicites sont très marginalement assujettis aux différents prélèvements fiscaux et sociaux dans la mesure où ils ne sont pas déclarés. La mesure permet ainsi d'intégrer plus amplement les revenus issus d'activités illicites dans le financement de la protection sociale.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Aucune autre option n'a été envisagée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Afin d'intégrer plus amplement les revenus tirés d'activités illicites dans le financement de la protection sociale, il est proposé de rehausser la fiscalité à un taux supérieur, dont les recettes visent à pallier les effets des activités taxées sur les dépenses assumées par la solidarité nationale.
Dans cet esprit, il est proposé de mobiliser le dispositif existant en le renforçant selon deux axes.
En l'état du droit, les revenus issus d'activités illicites sont soumis à la CSG dans les conditions de droit commun applicables aux revenus du patrimoine. En effet, aux termes de l' article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts (CGI), toute personne disposant librement de sommes d'argent ou de biens dans le cadre d'un crime ou d'un délit lié au trafic de stupéfiants, de fausse monnaie, d'armes, de contrefaçons, ou à la contrebande d'alcool et de tabac et aux délits en matière d'habitat indigne, est présumée avoir perçu un revenu imposable à hauteur des montants ou de la valeur vénale des biens concernés. Toutefois, cette assiette est, dans les faits, strictement limitée aux éléments découverts dans le cadre d'une procédure pénale, et sous réserve que l'administration fiscale ait été informée d'une implication présentant un intérêt financier, fiscal ou douanier.
Conformément à l' article L. 136-6 du code de la sécurité sociale (CSS), ces revenus sont assujettis à la CSG dans les conditions applicables aux revenus du patrimoine. Le taux appliqué demeure celui du droit commun, soit 9,2%, auquel s'ajoute la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) au taux de 0,5%.
Une majoration est applicable à hauteur de 80% du montant des droits dus au titre de l'impôt sur le revenu (IR) ainsi que de la CSG en application de l' article 1758 du CGI.
Il est également à noter que, conformément à l' article 154 quinquies du CGI, la CSG acquittée sur ces revenus, comme pour l'ensemble des revenus du patrimoine, est partiellement déductible du revenu imposable à hauteur de 6,8 points. Cette déductibilité s'applique alors même que certains revenus d'origine licite n'ouvrent pas droit à un tel avantage43(*).
Dans l'objectif de renforcer la portée des prélèvements sociaux sur les revenus issus d'activités illégales, plusieurs pistes d'évolution complémentaires sont envisagées. Elles viseraient une majoration du taux de CSG applicable à ces revenus, ainsi que la suppression de leur caractère partiellement déductible de l'impôt sur le revenu.
Un taux spécifique de CSG applicable aux revenus du patrimoine issus d'activités illicites pourrait être ainsi fixé à 25%.
Ce taux ne serait pas déductible de l'impôt sur le revenu compte tenu de son objet.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
D'une part, le I du présent article procède au rétablissement du IV de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, en fixant le taux de la contribution sociale à 25%.
D'autre part, le II du présent article prévoit que le II de l'article 154 quinquies du code général des impôts est complété par un alinéa.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le présent article est conforme aux textes internationaux et européens en vigueur.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
A partir d'une assiette totale de 38,4 M€44(*) (correspondant au montant des biens et sommes d'argent saisis), le rendement total de la CSG sur les revenus issus d'activités illicites au taux actuel de 9,2% est estimé à environ 3,5 M€ en moyenne depuis 2021. En appliquant un taux majoré de 25% (soit +15,8%), le montant total des recettes serait porté à 17,2 M€, soit un rendement supplémentaire de 13,7 M€.
Organismes impactés (régime, branche, fonds) |
Impact financier en droits constatés (en M€) Économie ou recette supplémentaire (signe +) Coût ou moindre recette (signe -) |
||
2026 |
2027 |
2028 |
|
Régime général/ROBSS/autre |
+13,7 M€ |
+14,2M€ |
+14,7M€ |
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Sans objet.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale, et a rendu un avis favorable le 1er septembre 2025.
La caisse centrale de la mutualité sociale agricole a été saisie pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 723-12 du code rural et de la pêche maritime, et a rendu un avis le 3 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
D'une part, le I du présent article s'appliquera à compter du 1er janvier 2026. D'autre part, le II s'appliquera à l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2026 et des années suivantes.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal. S'agissant des collectivités ultramarines, celui-ci s'applique conformément au tableau ci-dessous :
Collectivités d'outre-mer |
|
Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion |
Mesure applicable |
Mayotte |
Mesure non applicable |
Saint-Martin, Saint-Barthélemy |
Mesure applicable |
Saint-Pierre-et-Miquelon |
Mesure non applicable |
Autres (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, TAAF) |
Mesure non applicable |
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert pas de texte d'application.
Article 14 (IV) - Prise en compte des revenus issus d'activités illicites pour le service des revenus de remplacement
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Les revenus d'activité illicites peuvent, d'une part, être taxés par l'administration fiscale, le contribuable ne pouvant se prévaloir du caractère délictueux de ces dernières pour contester le caractère imposable des sommes qu'il en retire. D'autre part, ces revenus peuvent être qualifiés comme tels par le pouvoir judiciaire et les services des impôts mais ne peuvent être qualifiées de revenus par l'opérateur France Travail.
Les revenus issus d'activités illicites ne sont donc aujourd'hui pas connus de France Travail qui ne peut en tirer aucune conséquence sur le versement des allocations. En somme, ces montants ne peuvent pas être pris en compte lors de la procédure d'ouverture des droits à l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE), ni pour la détermination des ressources dans le cadre de l'allocation spécifique de solidarité (ASS) ou l'allocation des travailleurs indépendants (ATI). D'une part, car elles n'ont pas donné lieu à contribution et d'autre part, parce qu'elles n'ont pas été déclarées à France Travail.
Aujourd'hui, à défaut de mesures législatives interdisant le versement d'un revenu de remplacement dans les hypothèses où l'intéressé perçoit des revenus issus d'activités illicites, ces derniers font l'objet d'un cumul avec le revenu de remplacement, et France Travail ne dispose d'aucune possibilité de récupérer les sommes versées une fois l'existence de ces revenus illicites connue.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Aux termes de l'article 34 de la Constitution, la détermination des principes fondamentaux du droit du travail relève du domaine de la loi.
Tiré de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, le principe non bis in idem implique que nul ne puisse être poursuivi ni condamné deux fois pour les mêmes faits. Le Conseil constitutionnel rappelle que ce principe ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étend « à toute sanction ayant le caractère d'une punition » et qu'il « découle du principe de nécessité des délits et des peines qu'une même personne ne peut faire l'objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux »45(*). Il en résulte ainsi qu'une coexistence entre sanctions de nature différentes peut être prévue. La jurisprudence du Conseil constitutionnel admet ainsi que le principe non bis in idem « ne reçoit pas application au cas de cumul entre sanctions pénales et sanctions administratives »46(*).
En l'occurrence, la présente mesure d'interdiction du cumul entre revenus de remplacement servis par France Travail et revenus tirés d'activités illicites ne constitue pas une mesure de sanction administrative dont l'objet premier serait de réprimer un comportement donné, mais s'apparente en réalité à une règle de calcul de l'allocation (encadrement des types de revenus susceptibles d'être cumulés avec le revenu de remplacement), de sorte qu'elle n'entraine aucune situation de coexistence - par ailleurs admise par la jurisprudence constitutionnelle - entre une sanction administrative et les poursuites pénales qui auraient été engagées à l'encontre du demandeur d'emploi en raison de ses activités illicites.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
La présente mesure s'inspire du dispositif qui permet d'ores et déjà à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) de prendre en compte les revenus illicites dans le cadre des prestations qu'elle verse, et notamment de la méthodologie employée pour l'identification de ces revenus.
La CNAF, qui verse des prestations sociales en fonction du niveau de revenu, prend en compte les informations relatives aux revenus issus d'activités illicites lorsque ces informations émanent d'un tiers de confiance et que ces revenus soient imposables et quantifiés.
C'est sur la base, d'une part, de la qualification de revenus imposables pour toutes les prestations sociales et, d'autre part, de l'article R 262-6 du code de l'action sociale et des familles (CASF) - lequel vise l'ensemble des ressources de quelque nature qu'elles soient pour le revenu de solidarité active (RSA) - que sont pris en compte les revenus illicites.
La mise en oeuvre de ce dispositif repose sur une convention nationale conclue entre la CNAF, la Direction de la sécurité sociale (DSS), la Direction générale de la police nationale (DGPN) et la Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF), en principe déclinée localement dans chaque caisse d'allocations familiales.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Aucune disposition légale ne permet d'interdire le cumul du revenu de remplacement versé par France Travail avec les revenus tirés d'une activité illicite. Une évolution législative est donc nécessaire.
S'agissant de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE), il appartiendra aux partenaires sociaux de définir les modalités d'application de cette mesure dans le cadre des accords mentionnés à l'article L. 5422-20 du code du travail.
Cependant, s'agissant spécifiquement de allocation de solidarité spécifique (ASS), les mesures d'application pourront être prises par décret en Conseil d'Etat, l'article R5423-2 du code du travail disposant déjà que : « Les ressources prises en considération pour l'application du plafond prévu au 3° de l'article R. 5423-1 comprennent l'allocation de solidarité ainsi que les autres ressources de l'intéressé et, le cas échéant, de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin, telles qu'elles doivent être déclarées à l'administration fiscale pour le calcul de l'impôt sur le revenu avant déduction des divers abattements ».
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif de cette mesure est de permettre à France Travail de tenir compte, rétroactivement, des revenus issus d'activités illicites, soumis à imposition sur le revenu, dans le calcul du revenu de remplacement et, par suite, de considérer qu'il a été versé indument et qu'il peut donc être récupéré comme un trop- perçu.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Aucune alternative à la mesure retenue n'était envisageable pour interdire le cumul entre les allocations versées par France travail et les revenus tirés d'une activité illicite.
3.2. DISPOSITIF RETENU
La mesure complète le code du travail d'une disposition prévoyant l'impossibilité d'un cumul entre les revenus tirés d'une activité illicite constituant des revenus imposables avec le revenu de remplacement.
La connaissance des revenus en provenance d'activité illicite (narcotrafic par exemple) proviendra des services des impôts.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Un nouvel article L. 5425-1-1 est inséré dans le code du travail et prévoit que les revenus de remplacement ne peuvent être cumulés, au titre d'une même période, avec des sommes soumises à l'impôt sur le revenu en application de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, communiqués à l'organisme débiteur du revenu de remplacement par l'administration fiscale.
Les modalités d'application du présent article sont fixées :
- Pour l'allocation d'assurance et l'allocation des travailleurs indépendants, par l'accord prévu à l'article L. 5422-20 ;
- Pour les allocations de solidarité, par décret en Conseil d'Etat.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Un impact positif peut être attendu sur l'équilibre financier du régime d'assurance chômage et, s'agissant des allocations versées pour le compte de l'Etat, sur le budget de l'Etat. La nouvelle interdiction de cumul entre allocations et revenus tirés d'activités illicites permettra en effet à France Travail de constater, a posteriori, des indus et de les récupérer.
Aucune donnée n'étant connue, il est toutefois impossible de calculer précisément cet impact.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Il conviendra de conclure une convention nationale avec les services administratifs (Délégation nationale à la lutte contre la fraude - DNLF) ayant connaissance des revenus illicites perçus afin d'organiser la transmission des données et de décliner cette convention localement.
La conclusion de ces partenariats et le suivi des conventions afin que les informations soient bien transmises et prises en compte impliqueront une mobilisation des services de France Travail.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La prise en compte des revenus illicites pour exclure leur cumul avec un revenu de remplacement améliorera, à proportion, la situation du régime d'assurance chômage et du budget de l'Etat, en limitant les versements indus.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La mesure aura un impact direct sur les personnes qui cumulent actuellement un revenu de remplacement avec des revenus illicites. Elle permettra de suspendre ou supprimer les allocations concernées et de récupérer les montants indûment versés, dès lors que les revenus illicites sont connus via un tiers de confiance. Elle contribuera à renforcer l'équité entre les allocataires.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) a été consultée, à titre obligatoire, en application de l'article L. 2271-1 2° du code du travail, et a rendu un avis favorable le 3 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal. Ces dispositions seront également applicables dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, qui sont soumis au principe de l'identité législative.
5.2.3. Textes d'application
Les modalités d'application du présent article seront fixées :
- Par l'accord prévu à l'article L. 5422-20 du code du travail pour l'allocation d'assurance et l'allocation des travailleurs indépendants ;
- Par un décret en Conseil d'Etat s'agissant des allocations de solidarité.
Article 15 - Maîtriser la circulation des espèces pour lutter contre le blanchiment d'argent et le travail
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La France dispose d'un cadre robuste encadrant la circulation de l'argent liquide, notamment afin de lutter contre le recours aux espèces dans des schémas de fraude fiscale, de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme - règlementation dite « LCB-FT » (lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme). Outre les plafonds de paiement en espèces d'application générale prévus aux articles L. 112-6 et D. 112-3 du code monétaire et financier (à savoir : 1 000 euros pour les professionnels et les particuliers résidents fiscaux ; 10 000 euros pour les non-résidents fiscaux sauf si le paiement est effectué auprès d'un professionnel assujetti à la LBC-FT, auquel cas le plafond de paiement est de 15 000 euros), plusieurs dispositions spécifiques à des secteurs économiques particulièrement à risque sont prévues dans notre droit interne. Ainsi, les commerçants de biens de haute valeur (biens de luxe) sont assujettis aux obligations de prévention de blanchiment de capitaux lorsqu'ils acceptent des paiements en espèces supérieurs ou au moyen de monnaie électronique d'un montant supérieur à 10 000 euros (11° de l'article L. 561-2 et article D. 561-10-1 du code monétaire et financier). Ces obligations préventives impliquent la mise en place de procédures internes visant à détecter et gérer les risques, de mesures de vigilance quant aux clients et la relation d'affaires, de conservation de documents ou encore de déclaration de soupçon à la cellule de renseignement financier Tracfin.
Le dispositif national en vigueur découle de la quatrième directive anti-blanchiment ( directive (UE) n°2015/849), telle que modifiée par la cinquième directive anti-blanchiment ( directive (UE) n°2018/843), et prévoit un assujettissement des vendeurs de biens de haute valeur aux obligations de prévention, dès lors que le paiement est effectué ou reçu en espèces pour un montant égal ou supérieur à 10 000 euros (article 2, paragraphe 1, point 3, point e).
Il s'agit d'un dispositif crucial dans la mesure où les biens de haute valeur peuvent servir de vecteur au blanchiment de capitaux. L'analyse nationale des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme estime ainsi que les biens de luxe, et notamment les biens relevant des domaines de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie et de l'orfèvrerie, présentent des facteurs d'attractivité pour les criminels : stockage de grande valeur et facilité de transport, prestige associé à ces biens, ou encore la tradition de discrétion propre à ce secteur d'activité. Les services répressifs, en particulier les douanes, identifient différentes typologies de blanchiment reposant sur l'achat de biens de haute valeur, y compris, dans certains cas, par des ressortissants étrangers pour les revendre dans un pays tiers.
Cette exposition au risque est également observée par nos partenaires européens. Le règlement 2024/1624, publié le 19 juin 2024 et entrant en application le 10 juillet 2027, prévoit l'assujettissement aux obligations LBC-FT à l'échelle européenne pour les négociants en biens de haute valeur, parmi lesquels les articles de bijouterie, joaillerie, et orfèvrerie, ainsi que les horloges et montres, d'une valeur supérieure à 10 000 euros. Ce futur cadre européen entraînera le renforcement du dispositif national français en ce qu'il élargira l'assujettissement aux opérations réalisées via tout type de paiement et plus uniquement via des espèces. Il s'agit ainsi d'anticiper la transposition du règlement européen sur ce point.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
La liberté d'entreprendre, qui découle du principe général de liberté consacré par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (Cons. const., décision n° 81-132 DC, Loi de nationalisation du 16 janvier 1982, cons. 16 ; Cons. const., décision n° n° 2023-1055 QPC, Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais du 16 juin 2023, cons. 6.), recouvre deux composantes que sont la liberté d'accéder à une profession ou une activité économique et la liberté dans l'exercice de cette profession et de cette activité (Cons. const., décision n° 2012-285 QPC, Christian S. du 30 novembre 2012, cons 7). Par ailleurs, la liberté contractuelle, de valeur constitutionnelle, découle également de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 Cons. const., décision no 2000-437 DC, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 du 19 décembre 200, cons. 37 ; Cons. const., décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, cons. 23. Cons. const., décision n° 98-401 DC du 10 juin 1998, cons. 29). Elle recouvre le libre choix de contracter ou non, de négocier le contenu d'un contrat ou encore de s'opposer à ce que soient unilatéralement remis en cause par la loi l'effet ou le maintien de situations contractuelles acquises (Cons. const., décision n° 98-401 DC du 10 juin 1998, cons. 29.)
Ces libertés ressortissent aux principes fondamentaux du régime des obligations civiles et commerciales qu'il appartient au seul législateur de réglementer (Cons. const., décision n° 2014-388 QPC du 11 avril 2014, par. 5 ; CE, 3 oct. 1980, Fédération française des professionnels immobiliers et commerciaux, n° 12955).
Il ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi (Cons. const., décision n° 2018-697 QPC du 6 avril 2018, pt. 9).
En l'occurrence, l'assujettissement des professionnels à la règlementation LCB-FT porte atteinte à leur liberté d'entreprendre, en ce qu'elle met en cause le libre exercice de leur activité, et pourrait également être regardée comme portant atteinte à leur liberté contractuelle. Cependant, ces obligations de vigilance participent de l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions (CC, 30 juillet 2021, Loi relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, n° 2021- 822 DC ; CC, décision n° 2015-524 QPC du 2 mars 2016, cons. 9).
À cet égard, le Conseil constitutionnel, saisi de la méconnaissance du principe de liberté contractuelle tel qu'il découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, par une disposition limitant la possibilité du paiement en espèce pour les opérations de location de véhicules, estime qu'un tel dispositif ne porte pas une atteinte disproportionnée à ce principe, dès lors que législateur a entendu poursuivre un objectif de valeur constitutionnelle de prévention des infractions et qu'il se borne à interdire un mode particulier de paiement pour certaines opérations commerciales (CC, 12 juin 2025, Loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, n°2025-885 DC, §55 à 58).
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Le dispositif national en vigueur découle de la quatrième directive anti-blanchiment (directive (UE) n°2015/849) (précitée), telle que modifiée par la cinquième directive anti-blanchiment (directive (UE) n°2018/843) (précitée). Celle-ci prévoyait déjà un assujettissement des vendeurs de biens de haute valeur, dès lors que le paiement était effectué ou reçu en espèces pour un montant égal ou supérieur à 10 000 euros (article 2, paragraphe 1, point 3, point e). Le champ d'assujettissement aux obligations LBC-FT peut toutefois être élargi à certains secteurs ou professions, selon une approche par les risques, par chacun des Etats membres (article 4 de la directive).
Tout comme le dispositif LCB-FT participe à l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et à l'objectif à valeur constitutionnelle de prévention des infractions consacrés par le Conseil constitutionnel au niveau national, la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) considère que la règlementation LCB-FT constitue un objectif d'intérêt général, notamment susceptible de justifier des ingérences dans certains droits fondamentaux (arrêt du 21 juin 2022, Ligue des droits humains, aff. C-817/19).
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Les cadres européen et nationaux de lutte contre le blanchiment s'appuient sur les recommandations émises par le Groupe d'action financière (GAFI), organisation intergouvernementale de référence en la matière. Le GAFI fonctionne selon un système de cycles d'évaluations mutuelles des dispositifs nationaux au regard de quarante recommandations. Il peut être noté que le dispositif français a été jugé particulièrement robuste à l'occasion de sa dernière évaluation en 2022.
Le GAFI recommande dans ses normes internationales de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme d'assujettir aux obligations de vigilance les négociants en métaux précieux et négociants en pierres précieuses pour les opérations en espèces supérieure à 15 000 euros ( recommandation n°22 et note interprétative). Le GAFI encourage en outre les juridictions à ajuster, selon les risques observés au niveau national, leur périmètre d'assujettissement, avec donc la possibilité pour les Etats d'appliquer ces obligations de prévention de la criminalité financière à d'autres secteurs. Le cadre européen s'inscrit dans cette optique en assujettissant à la LBC-FT les vendeurs de biens à haute valeur.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le Conseil de l'Union européenne a adopté le 31 mai 2024 un paquet européen anti--blanchiment, supplantant l'actuelle directive (UE) n° 2015/849 par une « sixième directive anti-blanchiment » (la directive (UE) n°2024/1640) ainsi que deux règlements d'application directe (le règlement (UE) n°2024/1624, harmonisant au niveau européen le dispositif LBC- FT et le règlement (UE) n°2024/1620 instaurant une autorité européenne de lutte contre le blanchiment des capitaux). Ce nouveau paquet européen, qui entrera en application le 10 juillet 2027 :
- prévoit l'obligation pour tous les Etats de mettre en place un plafond de paiement en espèces ne pouvant être supérieur à 10 000 euros ;
- modifie les modalités d'assujettissement des vendeurs de biens de haute valeur : le critère d'assujettissement n'est plus l'acceptation d'un paiement en espèces supérieur à un seuil de 10 000 euros, mais la vente, quel que soit le moyen de paiement, de biens entrant dans une liste de catégories précises lorsque la valeur dépasse 10 000 euros. Les biens visés sont les articles de bijouterie, joaillerie, orfèvrerie et horlogerie (article 3 du règlement (UE) n°2024/1624, renvoyant à l'annexe IV dudit règlement47(*)).
Afin de renforcer l'action contre la fraude fiscale et le blanchiment de capitaux, il est envisagé d'anticiper la mise en place au niveau national du plafond de paiement en espèces ne pouvant être supérieur à 10 000 euros prévu par ce nouveau paquet européen anti-blanchiment. En effet, au vu des enjeux mis en évidence par la commission d'enquête du Sénat évaluant les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales en France et en Europe et proposant des mesures répondant aux nouveaux défis de la LCB-FT, il est préférable de procéder rapidement à l'abaissement des plafonds. Cette mesure sera faite par voie réglementaire, en modifiant l'article D. 112-3 du code monétaire et financier.
Il est également proposé d'anticiper l'entrée en application des dispositions du règlement UE 2024/1624 qui élargissent le périmètre d'assujettissement des vendeurs de biens de luxe au--delà des seuls paiements en espèces : ces professionnels seront en effet assujettis aux obligations de prévention du blanchiment pour toute transaction portant sur un bien dont la valeur dépasse 10 000 euros, et ce quel que soit le mode de paiement. Cette mesure législative apparaît en tout état de cause nécessaire car les dispositifs de plafonds de paiement en espèces et d'assujettissement à la LCB-FT des vendeurs de biens de luxe sont étroitement corrélés. En effet, ceux-ci ne sont aujourd'hui assujettis à la LCB-FT que lorsqu'ils acceptent des paiements en espèces ou au moyen de monnaie électronique d'un montant supérieur à 10 000 euros. Ainsi, si le plafond de paiement en espèces auprès d'un professionnel assujetti est ramené à 10 000 euros, mathématiquement l'assujettissement des vendeurs de biens de haute valeur deviendra nul, puisque plus aucune transaction en espèces supérieure à 10 000 euros ne sera autorisée.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Trois objectifs sont poursuivis.
D'une part, le présent article a vocation à ouvrir la voie à une évolution des plafonds de paiement en espèces afin de mieux lutter contre la fraude fiscale et le blanchiment de capitaux, en décorrélant de ces plafonds le périmètre d'assujettissement LCB-FT des vendeurs de biens de luxe.
D'autre part, la mesure tend à renforcer les obligations imposées aux professionnels de la vente de biens de luxe en étendant leur assujettissement à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme à toute transaction supérieure à un seuil, et plus uniquement aux transactions effectuées en espèces et monnaies électroniques.
Enfin, cette disposition a pour objet d'aligner notre dispositif d'assujettissement dans le secteur du luxe avec le futur cadre européen harmonisé par le règlement 2024/1624.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
La première option envisagée correspondait en une dissociation de la problématique du plafond des paiements en espèces et de celle du champ d'assujettissement, en abaissant le plafond par voie réglementaire (une modification de l'article D. 112-3 du code monétaire et financier suffit) tout en rendant de facto caduque l'assujettissement des vendeurs de biens prévu au 11° de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier puisque ne relevant dans ce scenario d'aucune situation juridiquement admissible (un assujettissement pour les activités de transaction pour un montant supérieur à 10 000 euros payé par espèces). L'analyse nationale des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme de 2023 évalue la menace associée au secteur de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie et de l'orfèvrerie (« secteur HBJO ») comme élevée (p. 170-171). La vulnérabilité du dispositif LBC-FT à ce secteur est quant à elle estimée à un niveau modéré, très principalement du fait de l'assujettissement de ce secteur et, par voie de conséquence, de la supervision par la DGCCRF (p.172). Une action unilatérale sur les plafonds de paiement augmenterait mécaniquement le risque que représente ce secteur, et a à ce titre été écartée.
La deuxième hypothèse envisagée était d'attendre l'entrée en application du règlement (UE) n° 2024/1624 prévue au 10 juillet 2027. Au regard des priorités identifiées par le Gouvernement et les parlementaires, cette limitation des paiements serait tardive. L'option a donc été écartée.
Une troisième option aurait consisté à abaisser le plafond de paiement en espèces à 10 000 euros, tout en abaissant le seuil d'assujettissement des vendeurs de biens en-dessous de 10 000 euros. Ainsi, un assujettissement aux obligations de prévention du blanchiment serait resté fonctionnel, pour toutes les transactions réalisées en espèces entre ce nouveau seuil et le plafond de 10 000 euros. Néanmoins, ce périmètre d'assujettissement serait devenu caduque dès le 10 juillet 2027, puisque le règlement européen assujettit les commerçants pour toute transaction portant sur un article HBJO dont la valeur dépasse 10 000 euros, et ce quel que soit le mode de paiement. Ces évolutions successives du périmètre d'assujettissement n'étaient source d'insécurité juridique pour les acteurs du secteur, cette option a donc été écartée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
L'option retenue consiste à anticiper le futur périmètre européen d'assujettissement des vendeurs de biens de luxe en modifiant la loi pour inclure les opérations, réalisées par tout moyen de paiement, au-dessus d'un seuil.
En parallèle de cette évolution nécessitant de légiférer, il sera possible d'abaisser par décret le plafond de paiement en espèces pour les non-résidents auprès d'un professionnel assujetti, de 15 000 euros à 10 000 euros, sans pour autant rendre caduque le dispositif d'assujettissement.
Cette option permet ainsi de conserver un dispositif cohérent combinant un plafonnement robuste des paiements en espèces, et un mécanisme de prévention du blanchiment dans le secteur des biens de luxe.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article procède à la modification du 11° de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier pour ajouter les nouvelles modalités d'assujettissement à la réglementation LCB-FT des commerçants de biens d'horlogerie, bijouterie, joaillerie, et orfèvrerie. Un État membre peut en effet adopter les mesures de transposition par anticipation ( CJCE, 6 oct. 1970, aff. 9/70, Frantz Grad , att. 13 : Rec. CJCE 1970, p. 825).
Il n'est en revanche pas envisagé de supprimer dès maintenant l'assujettissement des autres commerçants de biens aux règles LCB-FT pour les paiements en espèces ou en monnaie électronique d'un montant supérieur à 10 000 euros, dès lors que cette obligation répond aux exigences de la directive 2015/849. Celle-ci sera abrogée à compter du 10 juillet 2027, date à laquelle entre en application le règlement 2024/1624, d'application directe. Les mesures d'adaptation du droit interne à ce règlement seront prises dans le cadre du vecteur de transposition de la directive 2024/1640.
Par ailleurs, l'article L. 775-36 du code monétaire et financier est modifié afin de mettre à jour le compteur Lifou de l'article L. 561-2du même code.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
En maintenant l'assujettissement des autres commerçants de biens aux règles LCB-FT pour les paiements en espèces ou en monnaie électronique d'un montant supérieur à 10 000 euros, la conformité de la France avec la directive 2015/849 sera garantie.
Les mesures proposées sont en outre conformes avec l'engagement de la France à mettre en oeuvre les standards du GAFI, puisqu'il s'agira de renforcer notre dispositif selon une approche par les risques, en ciblant les secteurs économiques exposés à une importante menace de blanchiment de capitaux, comme exigé par la recommandation 1 de l'organisation.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Les principaux opérateurs économiques concernés par les dispositions envisagées sont les entreprises du secteur du luxe, y compris les maisons de haute joaillerie, d'horlogerie, les joailliers et horlogers indépendants.
Il convient de rappeler que ces acteurs sont déjà soumis à des obligations de prévention du blanchiment de capitaux lorsqu'elles acceptent des paiements en espèces ou monnaie électronique supérieurs à 10 000 euros. L'impact de la présente mesure sur les entreprises concernées sera donc lié à l'extension probable des obligations de vigilance à un plus grand nombre d'opérations, puisque tous les modes de paiement seront désormais pris en compte : toute transaction portant sur un bien de luxe d'un montant supérieur à 10 000 euros, quel que soit le moyen de paiement, impliquera la mise en oeuvre d'obligations de vigilance. Les professionnels concernés devront procéder à l'identification du client et, le cas échéant, du bénéficiaire effectif lorsque l'opération est réalisée pour le compte d'une personne morale. Les données recueillies devront être conservées pendant une durée de cinq ans. Les opérateurs devront également évaluer les risques de blanchiment associés à la transaction et, en cas de doute, recueillir des éléments relatifs à l'origine des fonds.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Tracfin pourrait recevoir un volume accru de déclarations de soupçons en provenance des acteurs du luxe.
La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui est l'autorité de contrôle du respect des obligations préventives pour ce secteur, pourrait avoir un plus grand nombre d'opérations à contrôler.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Les modifications législatives proposées, de même que les évolutions réglementaires annoncées s'agissant des plafonds de paiement en espèces, contribueront à une plus grande efficacité de notre action contre la fraude fiscale et la criminalité financière en général.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Les particuliers concernés par la mesure proposée sont ceux qui effectueront des achats de biens d'horlogerie, bijouterie, joaillerie ou orfèvrerie d'une valeur supérieure à 10 000 euros. Ils devront consentir à un contrôle de leur identité par le commerçant assujetti et répondre à d'éventuelles questions concernant l'origine des fonds utilisés pour l'achat.
Alors que les particuliers jusqu'à présent concernés par ces vérifications étaient exclusivement ceux qui procédaient à des paiements en espèces au-dessus du seuil de 10 000 euros, les contrôles ne dépendront plus du mode de paiement. En outre, alors que les particuliers concernés étaient nécessairement des non-résidents, puisqu'ils étaient seuls autorisés à procéder à des achats en espèces pour un montant supérieur à 10 000 euros, des particuliers résidents devront désormais également consentir aux vérifications. En revanche, les particuliers qui effectuaient l'achat de plusieurs biens pour un montant cumulé supérieur à 10 000 euros, auparavant soumis aux contrôles dans la mesure où ils procédaient au paiement en espèces, ne seront plus contrôlés si aucun des biens acquis ne dépasse le seuil d'une valeur unitaire de 10 000 euros. De plus, la mention précise des biens d'horlogerie, bijouterie, joaillerie ou orfèvrerie limite davantage que les précédentes dispositions le champ matériel des biens concernés pour lesquels les particuliers devront consentir aux diligences du commerçant assujetti.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Les principaux acteurs des segments Horlogerie-Bijouterie-Joaillerie-Orfèvrerie (HBJO) ont été rencontrés et se sont vu présenter ce projet d'abaissement des plafonds de paiement en espèces, qui serait accompagné d'une évolution du périmètre d'assujettissement à la LBC-FT de ces mêmes acteurs, en anticipation du futur cadre commun européen.
La ministre déléguée chargée des Comptes publics s'est entretenue avec les acteurs du secteur du luxe le 3 juin 2025. Lors de cette rencontre, la ministre a fait part de son souhait de procéder à un abaissement des plafonds de paiement en espèces, et a indiqué que pour ce faire sans pour autant rendre caduque le dispositif d'assujettissement aux obligations de LBC-FT des professionnels du secteur, il sera nécessaire d'anticiper l'évolution du périmètre d'assujettissement au niveau européen, en incluant les opérations réalisées au-dessus d'un seuil quel que soit le moyen de paiement. Les acteurs présents à cette réunion représentaient non seulement le segment HBJO mais aussi la maroquinerie et la bagagerie, ainsi que l'habillement. Ils se sont montrés ouverts à la mesure proposée.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
L'ajustement d'un périmètre d'assujettissement aux obligations LBC-FT implique l'adaptation des acteurs du secteur à de nouvelles exigences. Le présent article entrera donc en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la publication de la présente loi au Journal officiel de la République française, afin d'assurer un délai de mise en conformité du secteur.
Par ailleurs, la directive 2015/849 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, dont résultait l'obligation d'assujettissement des personnes se livrant au commerce de biens acceptant des paiements en espèces d'un montant supérieur à un certain seuil jusqu'à présent prévue au 11° de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, reste applicable jusqu'à l'entrée en application du nouveau paquet européen anti blanchiment. Il est donc nécessaire de conserver, au moins jusqu'à cette entrée en application, le périmètre d'assujettissement précédemment fixé à cet alinéa, en y ajoutant le nouveau périmètre d'assujettissement proposé.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal, ainsi que, d'une part, dans les départements et régions d'outre-mer régis par l'article 73 de la Constitution en application du principe dit « d'identité législative » (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte), et d'autre part, dans les territoires de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon en vertu de leurs statuts respectifs (la matière bancaire et financière ne fait pas partie des matières exclues de l'applicabilité de plein droit, en application, respectivement, des articles LO. 6213-1, LO. 6313-1 et LO.6413-1 du code général des collectivités territoriales).
En application des articles 74 et 77 de la Constitution et du principe dit de « spécialité législative », les lois et règlements ne sont applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie, que dans les matières relevant statutairement des compétences de l'Etat et sur mention expresse d'applicabilité.
L'Etat est compétent dans la matière bancaire et financière dans ces trois collectivités :
- En Nouvelle-Calédonie, cette compétence est prévue par le 5° du I de l'article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, article qui définit les compétences de l'Etat dans cette collectivité.
- En Polynésie française, cette compétence est prévue en application du 7° de l'article 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, article qui liste les compétences de l'Etat dans cette collectivité. L'article 13 précisant par ailleurs que la Polynésie française est compétente dans tous les domaines qui ne relèvent pas de la compétence de l'Etat.
- Dans les îles Wallis et Futuna, jusqu'à l'intervention des dispositions organiques prévues par l'article 74 de la Constitution, le régime législatif et règlementaire des îles Wallis et Futuna est déterminé par (i) la loi n°61-814 du 29 juillet 1961 modifiée, conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer ; (ii) le décret n° 57- 811 du 22 juillet 1957 relatif aux attributions de l'assemblée territoriale, du conseil territorial et de l'administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna. Ce décret liste, en son article 40, les domaines dans lesquels l'assemblée de Wallis et Futuna prend des délibérations portant réglementation territoriale. Parmi ces 41 items, aucun ne concerne, de près ou de loin, les domaines bancaires et financiers.
La modification de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier s'applique de plein droit en Nouvelle-Calédonie (art. L. 773-42) et en Polynésie française (art. L. 774-42). En revanche, elle s'applique, par mention expresse, à Wallis-et-Futuna car cette collectivité est dépourvue de loi organique statutaire, par mise à jour du tableau compteur Lifou de l'article L. 775-36.
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert aucun texte d'application.
CHAPITRE II - RENFORCER LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES ET PÉNALES
Article 16 - Créer un dispositif de sanctions administratives pour les services régionaux de contrôles de la formation professionnelle et ajouter une nouvelle infraction pénale en matière de remontée des données issues des comptabilités analytiques vers France compétences
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Le chapitre V du titre V du Livre III de la Sixième partie du code du travail (partie législative) est relatif aux dispositions pénales applicables aux organismes de formation. Il comprend vingt-trois articles et prévoit des amendes allant de 4 500 euros à 37 500 euros.
La trentaine d'incriminations prévues au présent chapitre est diverse et tient :
- Aux obligations en matière de déclaration d'activité applicables aux organismes de formation ( articles L. 6355-1 à L. 6355-4 du code du travail) ;
- A la réalisation des actions de formation et à leur justification ( articles L. 6355-6 et L. 6355-7 du même code) ;
- Aux dispositions relatives au règlement intérieur ( articles L. 6355-8 et L. 6355-9 du même code) ;
- Aux dispositions comptables ( articles L. 6355-10 à L. 6355-14) ;
- Au bilan pédagogique et financier ( article L. 6355-15) ;
- Aux dispositions précontractuelles et contractuelles, dont la publicité ( articles L. 6355- 16 à L. 6355-22) ;
- A l'interdiction d'exercer une activité de dirigeant d'un organisme de formation professionnelle ( article L. 6355-23) et au paiement des contributions obligatoires en matière de formation professionnelle par l'employeur et à la bonne utilisation des fonds reçus par les responsables des opérateurs de compétences et des fonds d'assurance formation ( article L. 6355-24).
Il n'est pas proposé de réformer le contenu de ces dispositions, comme le quantum des peines afférentes.
La difficulté tient à ce que ces procès-verbaux sont très peu utilisés par les services régionaux de contrôle, malgré une réponse pénale proche de 100 %. En effet, de 800 à 1 000 contrôles sont réalisés chaque année par les 150 agents des services régionaux de contrôles, mais seuls quelques procès-verbaux sont dressés chaque année.
Cette sous-utilisation tient, d'une part, à la relative faiblesse des manquements potentiellement incriminés, tels que listés ci-dessus (irrégularité du règlement intérieur de l'organisme, de la présentation comptable...), au regard des sanctions pouvant être prononcées par ailleurs par les services régionaux de contrôle (annulation de la déclaration d'activité, sur le fondement de l'article L. 6351-4 ou décision de rejet des dépenses ou de remboursement des recettes publiques sur le fondement de l'article L. 6362-10), et d'autre part, à la procédure en elle-même qui implique, conformément au troisième alinéa de l'article L. 6363-1, l'information préalable du procureur de la République.
Autrement dit, lorsque les agents de contrôle détectent un manquement aux dispositions précitées, ils peuvent, soit en informer le procureur de la République et dresser ensuite (s'il ne s'oppose pas) un procès-verbal ou intégrer le manquement dans le rapport de contrôle.
En pratique, et compte tenu de la relative lourdeur du dispositif de procès-verbal, les services régionaux de contrôle concentrent donc leurs investigations sur des manquements plus graves, signalant les non-conformités par des points d'attention ou des recommandations.
En conséquence, les faits listés aux articles L. 6355-1 à L. 6355-24 ne sont donc, pris isolément, quasiment jamais poursuivis.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que : « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture... ».
Il en résulte, selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-558/559 QPC du 29 juillet 2016, que : « la mise en oeuvre d'une politique garantissant un égal accès de tous à la formation professionnelle constitue une exigence constitutionnelle. »
Tiré de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, le principe non bis in idem implique que nul ne puisse être poursuivi ni condamné deux fois pour les mêmes faits.
Le Conseil constitutionnel rappelle que ce principe ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étend : « à toute sanction ayant le caractère d'une punition » et qu'il « découle du principe de nécessité des délits et des peines qu'une même personne ne peut faire l'objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux. » (voir par ex. décision n°2022-988 QPC du 8 avril 2022).
Il en résulte ainsi qu'une coexistence entre sanctions de nature différentes peut être prévue. La jurisprudence du Conseil constitutionnel admet ainsi que le principe non bis in idem : « ne reçoit pas application au cas de cumul entre sanctions pénales et sanctions administratives » (décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989; décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997). Enfin, le Conseil constitutionnel précise que : « lorsqu'une sanction administrative est susceptible de se cumuler avec une sanction pénale, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ; qu'il appartiendra donc aux autorités administratives et judiciaires compétentes de veiller au respect de cette exigence » (décision n°97-395 DC du 30 décembre 1997).
En tout état de cause, la présente mesure prévoit que les sanctions administratives ne peuvent être prises que sous réserve de l'absence de poursuites pénales, de sorte qu'aucun cumul de sanctions n'est susceptible d'intervenir.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
L'article 14 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne consacre : « le droit à l'éducation, ainsi qu'à l'accès à la formation professionnelle et continue ».
La directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur s'applique à l'ensemble des prestataires de services ayant leur établissement dans un Etat membre et qui présentent une activité économique - à l'exception des services mentionnés aux 2 et 3 de l'article 2 de la présente directive.
L'article 16 prévoit l'interdiction aux Etats membres de subordonner l'accès à une activité de service ou son exercice sur le territoire à des exigences qui ne satisfont pas aux principes de non-discrimination, nécessité et proportionnalité.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le présent dispositif vise à constituer un système de sanction alternatif aux contrôles administratifs et financiers des dépenses et activités des organismes de formation mentionnés à l'article L. 6361-3 du code du travail, dont la durée est en moyenne (du lancement du contrôle à la dernière décision, hors contentieux juridictionnel) d'un an.
Il s'agit également de proposer un dispositif déjudiciarisé, en substitution des procès-verbaux mentionnés à l'article L. 6363-1 du même code afin de proposer une granularité dans la réponse à même de sanctionner efficacement les « petites et moyennes irrégularités » aujourd'hui peu poursuivies.
Le procureur de la République restera toutefois libre de s'opposer aux poursuites ou de les initier lui-même, dans les modalités du dispositif actuel de procès-verbal.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif est tout à la fois de simplifier la procédure pour les services régionaux de contrôle en initiant directement la constatation des sanctions et le procès-verbal de pénalisation dans des modalités déjà prévues dans le code du travail (voir les sanctions administratives aujourd'hui en vigueur pour les inspecteurs du droit : articles L. 8115-1 à L. 8115-8) et pour les manquements spécifiques en matière de travail illégal : articles L. 8272-1 à L. 8272-5).
Il s'agit également de déjudiciariser des manquements particulièrement techniques et dont il ne semble pas opportun de mobiliser les moyens juridictionnels, déjà sollicités par les transmissions de faits délictueux, voire criminels, rapportés par les services de contrôle conformément à l'article 40 du code de procédure pénale.
Année |
Nombre d'articles 40 (données MTE)* |
2021 |
6 |
2022 |
11 |
2023 |
26 |
2024 |
12 |
2025 (S1) |
6 |
*Les données du système d'informations "Mon suivi du contrôle" sont établies à partir de l'année de lancement du contrôle.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Une option alternative aurait pu consister à demeurer à droit constant, en renonçant à l'effectivité des incriminations prévues dans le code du travail. Compte tenu des attentes des usagers, des contrôleurs et des organismes de formation eux-mêmes, cette solution est rapidement devenue inenvisageable.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Compte tenu de l'augmentation très importante du nombre d'organismes de formation, l'option retenue vise à accroitre les prérogatives de contrôle et l'échelle de sanction pouvant être utilisées par les services afin de gagner en efficacité et de s'assurer de l'effectivité des sanctions légales prévues dans le code du travail.
Il est ainsi proposé de pénaliser l'absence de transmission des données issues de la mise en oeuvre de la comptabilité analytique de la part des centres de formation par apprentissage à France compétences, puis de permettre, alternativement aux procédures pénales, de prononcer des amendes administratives pour les manquements listés aux articles L. 6355-1 à L. 6355-24 du code du travail ou d'adresser à l'employeur un avertissement.
L'amende administrative prévue est de 4 000 euros et est appliquée autant de fois que le manquement est constaté. Lorsqu'une amende est prononcée, l'autorité administrative informe par tout moyen le procureur de la République des suites données au rapport des agents mentionnés à l'article L. 6361-5. Le plafond de cette amende peut être doublé en cas de nouveau manquement constaté dans les deux ans. Le montant de l'amende prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de l'auteur, ses ressources et ses charges.
Par ailleurs, le dispositif fixe la procédure applicable, et notamment les règles en matière de droit au contradictoire et à la motivation de la décision.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article procède d'une part, à la modification de l'article L. 6231-4 du code du travail, et d'autre part, à la création dans le même code d'un nouvel article L. 6355-15-1.
Enfin, il procède à la création d'un nouveau chapitre VI intitulé « Sanctions administratives » après le chapitre V du titre V du livre III de la sixième partie du code du travail, composé des articles L. 6356-1 à L. 6356-7.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le présent article est conforme aux textes internationaux et européens mentionnés supra.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
L'impact direct sur les entreprises est principalement limité aux organismes de formation.
Au titre des bilans pédagogiques et financiers adressés par ceux-ci, environ 108 000 organismes de formation ont déclaré une activité sur 2024, pour environ 26,9 milliards d'euros de ressources48(*).
Du point de vue des organismes de formation eux-mêmes, les mesures devraient lutter contre les pratiques de concurrence déloyales.
4.2.3. Impacts budgétaires
Du fait de la création de cette procédure rapide de sanction, une augmentation du nombre de décisions de sanction pourrait être observée, et contribuer à augmenter les montants financiers issus des mesures de contrôle et recouvrés par les services fiscaux.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Les services régionaux de contrôle de la formation professionnelle comptent environ 150 agents, dont une centaine d'inspecteurs, chargé de contrôler les organismes.
Il est attendu de la création de ce nouveau dispositif, une augmentation du nombre de décisions de sanction, sur des sujets qui auparavant n'étaient pas forcément poursuivis du fait de la lourdeur de la procédure pénale, tels que notamment la publicité mensongère et les contrats de formations incomplets ou comportant des clauses abusives.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La mesure contribuera à améliorer l'effectivité des dispositions du code du travail : une meilleure information des services régionaux de contrôle quant aux organismes actifs, le respect des dispositions applicables en matière contractuelle et précontractuelle pour les particuliers acheteurs de formation, enfin le respect des règles comptables et organisationnelles applicables aux organismes de formation.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
L'effectivité des règles applicables aux organismes de formation en matière de publicité, de droit précontractuel et contractuel sera mieux assurée, garantissant par là un accès plus aisé et plus sûr aux prestations de formation professionnelle.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application du 2° de l'article L. 2271-1 du code du travail et a rendu un avis favorable le 3 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
La mesure entre en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal. S'agissant en particulier des collectivités ultramarines, celui-ci sera applicable conformément au tableau :
Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion |
Mesure directement applicable |
Mayotte |
Mesure directement applicable |
Saint-Martin, Saint-Barthélemy |
Mesure directement applicable |
Saint Pierre-et-Miquelon |
Mesure directement applicable |
Polynésie française, Nouvelle- Calédonie, Wallis-et-Futuna, TAAF |
Mesure non directement applicable Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables dans les territoires mentionnés aux articles 73 et 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie. |
5.2.3. Textes d'application
Le présent article requiert d'être appliqué par décret en Conseil d'Etat relatif à l'articulation entre les poursuites réalisées par le procureur et les poursuites administratives, ainsi que les modalités de mises en oeuvre de ces amendes administratives.
Article 17 (1°) - Permettre le cumul d'une sanction conventionnelle avec une pénalité financière prononcées par le directeur de la CPAM en cas de fraude de professionnels de santé
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La lutte contre la fraude est une priorité de l'Assurance Maladie, que cette fraude soit le fait des assurés, des entreprises, ou des établissements et professionnels de santé qu'elle finance.
L'Assurance Maladie doit en particulier pouvoir sanctionner efficacement les comportements des professionnels de santé à l'origine de préjudices financiers importants.
Le professionnel de santé ne respectant pas la réglementation et occasionnant un préjudice à l'Assurance Maladie s'expose à plusieurs sanctions cumulatives ou alternatives : les pénalités financières, les sanctions conventionnelles (déconventionnement, suspension de la participation à la prise en charge des avantages sociaux), les procédures ordinales et le signalement à l'Ordre (contentieux du contrôle technique ou déontologique) et la procédure pénale.
La procédure de pénalités financières créée par la loi n°2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie (art. 23), est désormais codifiée à l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale. Cet article prévoyait dès l'origine que l'organisme de sécurité sociale ne peut concurremment recourir au dispositif de pénalité et aux procédures conventionnelles visant à sanctionner la même inobservation des règles du code de la sécurité sociale par un professionnel de santé.
Actuellement, dans les cas de manquements les plus graves, les directeurs de caisses primaires peuvent alternativement :
- Soit prononcer à l'encontre du professionnel de santé, une pénalité financière, dont le montant est plafonné
- Soit suspendre, pour une durée plus ou moins longue, le conventionnement du professionnel de santé qui n'a pas respecté les engagements prévus dans les conventions signées par la CNAM avec les représentants de la profession.
Ce principe d'incompatibilité prévu par la loi n'apparaît cependant plus adapté à la réalité des enjeux de lutte contre la fraude des professionnels de santé, d'autant que ces deux sanctions de nature différente, protègent des intérêts sociaux distincts.
La pénalité financière a pour finalité de redresser les abus constatés. Cette sanction de nature pécuniaire est calculée sur une situation passée, c'est-à-dire le niveau d'indu avéré à l'issue d'un contrôle a posteriori. Le législateur a entendu assurer une bonne gestion des deniers publics et une égalité de traitement entre les professionnels de santé.
Le déconventionnement a pour but de faire respecter les principes de moralité et de probité indispensables à l'exercice de l'activité. Cette sanction s'applique dans le cadre des relations contractuelles du professionnel de santé avec l'Assurance Maladie. Le professionnel de santé déloyal est écarté - temporairement ou définitivement. Les remboursements de l'Assurance Maladie sont alors établis sur la base des tarifs d'autorité, ce qui permet cette fois de protéger les intérêts financiers de l'Assurance Maladie pour l'avenir. En revanche, l'emploi de cette sanction a des conséquences défavorables pour les assurés sociaux. Elle a donc des effets différents et son emploi obéit à des conditions distinctes de la précédente.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le Conseil constitutionnel a progressivement développé une jurisprudence sur le principe de nécessité des délits et des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.
Le Conseil a tout d'abord défini les conditions d'application du principe de non-cumul des poursuites. Le principe de nécessité des délits et des peines ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étend à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Il implique qu'une même personne ne puisse faire l'objet de poursuites différentes conduisant à des sanctions de même nature pour les mêmes faits, en application de corps de règles protégeant les mêmes intérêts sociaux49(*).
Le Conseil a ensuite clarifié les conditions de cumul de poursuites de nature différente. Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente en application de corps de règles distincts50(*). Les sanctions de nature différente relèvent notamment de corps de règles distincts lorsqu'elles ne protègent pas les mêmes intérêts sociaux51(*).
Le Conseil a enfin précisé les conditions de cumul de poursuites non différentes qui poursuivent des finalités communes. Des règles distinctes peuvent permettre l'engagement de procédures complémentaires et de sanctions proportionnées dans les cas les plus graves - en l'espèce pour des finalités, à la fois dissuasive et répressive, de lutte contre la fraude fiscale52(*). Dans ce cas, si l'éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues.
Le cumul du prononcé d'une pénalité financière et d'une sanction conventionnelle à l'encontre d'un professionnel de santé, sanctions de nature différente protégeant des intérêts sociaux distincts, est donc conforme au dernier état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
L'article 4 du Protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme limite le champ d'application des garanties associées au principe non bis in idem aux infractions pénales au sens de la Convention. Dans sa décision n° 2012-289 du 17 janvier 2013 de rejet d'une QPC relative au cumul de sanctions ordinales à l'encontre de médecins (disciplinaire et section des assurances sociales), le Conseil Constitutionnel relève que la Cour de cassation juge que le principe non bis idem, tel qu'il est énoncé par le protocole additionnel à la CESDHLF, n'est applicable qu'en matière pénale et n'interdit pas le cumul des poursuites et des sanctions pénales et administratives, pénales et disciplinaires, pénales et douanières ou pénales et fiscales.
La mesure relève de la seule compétence de la France.
Il convient de rappeler que l'article 48 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se limite à prévoir une simple coordination des législations des États membres. Les règles européennes de coordination ne mettent pas en oeuvre une harmonisation des régimes nationaux de sécurité sociale. Les États membres demeurent souverains pour organiser leurs systèmes de sécurité sociale.
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a une jurisprudence constante selon laquelle il appartient à la législation de chaque État membre :
- de déterminer les conditions du droit ou de l'obligation de s'affilier à un régime de sécurité sociale ou à telle ou telle branche de pareil régime ;
- de définir les conditions requises pour l'octroi des prestations de sécurité sociale, du moment qu'il n'est pas fait, à cet égard, de discrimination entre les ressortissants nationaux et ceux des autres États membres.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
La dernière phrase du III de l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale prévoit expressément que « le directeur ne peut concurremment recourir au dispositif de pénalité prévu par le présent article et aux procédures conventionnelles visant à sanctionner les mêmes faits ». Cet article doit par conséquent être modifié par voie législative.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La mesure vise à permettre aux directeurs des Caisses primaire d'assurance maladie (CPAM) d'engager parallèlement une procédure de pénalité financière et une procédure de déconventionnement à l'encontre des professionnels de santé, dans les cas de manquements les plus graves où le montant des pénalités n'est pas suffisamment dissuasif.
Cela permettra de les sanctionner de manière plus adaptée (facturations abusives répétées, fraude en bande organisée, groupes par exemple) et de préserver au mieux les intérêts financiers de l'Assurance maladie.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Aucune autre option n'a été envisagée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
La mesure consiste à supprimer le dernier alinéa du III de l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale relatif aux sanctions mises en oeuvre par l'organisme d'assurance maladie et qui dispose que « le directeur ne peut concurremment recourir au dispositif de pénalité prévu au présent article et aux procédures conventionnelles visant à sanctionner les mêmes faits », afin de permettre aux directeurs de CPAM de cumuler une sanction conventionnelle et une pénalité financière en cas de fraude de professionnels de santé.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
L'article procède à la modification de l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale, en supprimant le dernier alinéa du III de cet article.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La présente mesure est conforme au cadre européen mentionné supra.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
En 202453(*), 800 pénalités financières ont été prononcées par les CPAM à l'encontre d'offreurs de soins et de prestataires de biens et de services conventionnés pour un total de 1,4M€, soit 67 000 € par dossier en moyenne. 79 professionnels ont quant à eux fait l'objet d'un déconventionnement. En considérant que le montant moyen de la pénalité financière pourrait être appliqué à ces professionnels, le gain financier peut être estimé à plus de 5M€.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mesure ne comporte aucune charge administrative supplémentaire pérenne pour les organismes concernés, le nombre de déconventionnement reste limité en nombre.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
La mesure va impacter les médecins en tant que profession réglementée notamment ceux qui occasionnent à l'Assurance maladie un montant de préjudice élevé.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil de la Caisse nationale de l'assurance maladie a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l' article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 4 septembre 2025.
La Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale titre obligatoire et a rendu un avis favorable le 1er septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal. S'agissant des collectivités ultramarines, celui-ci s'applique conformément au tableau ci-dessous :
Départements d'Outre-mer |
|
Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion |
Mesure applicable |
Mayotte |
Mesure applicable |
Collectivités d'Outre-mer |
|
Saint-Martin et Saint-Barthélemy |
Mesure applicable |
Saint-Pierre-et-Miquelon |
Mesure applicable |
Autres (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, TAAF) |
Mesure non applicable |
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert pas de texte d'application.
Article 17 (2°) - Permettre l'utilisation de la procédure de mise sous objectif (MSO) en première intention et non seulement en cas de refus par le médecin de la mise sous accord préalable (MSAP)
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La très forte dynamique de la dépense de la médecine en ville notamment sur les indemnités journalières rend nécessaires des mesures de responsabilisation des professionnels prescripteurs afin de garantir la soutenabilité des comptes sociaux et d'assurer la pérennité de notre modèle de protection sociale.
L'augmentation de la population active, le vieillissement de la population ou encore l'augmentation du montant de l'indemnité moyenne en raison de la hausse des salaires et de la hausse de l'activité portée par un marché de l'emploi dynamique ne permettent pas à eux seuls d'expliquer l'augmentation de la dépense.
L'assurance maladie conduit déjà des contrôles et des actions d'accompagnement concernant les prescripteurs, les assurés et les entreprises, pour limiter les abus, responsabiliser chacun et renforcer les bonnes pratiques. Le dispositif de mise sous objectif ou sous accord préalable des prescripteurs sur leurs prescriptions d'indemnités journalières à un impact important sur les dépenses d'indemnités journalières avec près de 160 millions d'euros d'économies sur 2023/2024.
La mesure prévoit d'intensifier et de simplifier l'accompagnement des médecins présentant un taux important de prescriptions.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
La lutte contre la fraude est un objectif à valeur constitutionnelle. La question prioritaire de constitutionnalité 2019-789 du 14 juin 2019, cons. 7, JORF n°0137 du 15 juin 2019, texte n° 92, concilie ces deux principes en indiquant qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude en matière de protection sociale et, d'autre part, l'exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis.
L'article L. 162-2 du CSS dispose que : « Dans l'intérêt des assurés sociaux et de la santé publique, le respect de la liberté d'exercice et de l'indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade, la liberté d'installation du médecin, sauf dispositions contraires en vigueur à la date de promulgation de la loi n° 71-525 du 3 juillet 1971 ».
La jurisprudence (TC, 14 février 2000, n° 00-02.929) instaure que l'indépendance professionnelle des médecins dans l'exercice de leur art est un principe général du droit.
Si ce principe d'indépendance professionnelle revêt une valeur législative et a été reconnu comme principe général du droit, celui-ci n'est toutefois ni général, ni absolu et s'articule avec des principes constitutionnels et législatifs.
L'indépendance professionnelle des médecins est ainsi susceptible d'être nuancée en vertu de l'équilibre financier de la sécurité sociale, auquel participe « la maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance maladie »54(*), qui est un objectif à valeur constitutionnelle (décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997 ; décision n° 2002-463 DC du 12 décembre 2002, cons 18).
Le Conseil constitutionnel a également consacré l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé (décision n°2022-1027/1028 QPC du 9 décembre 2022), lequel implique notamment « la coordination des soins et la prévention des prescriptions inutiles ou dangereuses » (décision n°2004-504 DC du 12 août 2004, cons 5).
La procédure MSO/MSAP étant la conséquence d'une atypie constatée dans les prescriptions d'un médecin portant préjudice aux dépenses d'assurance maladie, elle fait partie de l'arsenal mis à la disposition de la CNAM pour assurer que les pratiques demeurent « dans l'intérêt des assurés sociaux et de la santé publique » et poursuit tant l'objectif à valeur constitutionnelle d'équilibre financier de la sécurité sociale que l'intérêt des assurés sociaux.
Par ailleurs, le principe d'indépendance « est assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux », conformément à l'article L. 162-2 du CSS. Parmi ces principes, se trouve l'obligation du médecin « sans négliger son devoir d'assistance morale, [de] limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l'efficacité des soins », mentionnée à l'article R. 4127-8 du CSP.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Le règlement général sur la protection des données (RGPD) instaure un cadre européen en matière de protection et de circulation des données personnelles. Il renforce le droit des individus sur leurs données et rappelle par ailleurs que la protection des données personnelles est un droit fondamental. Ce droit est consacré à la fois par l'article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE et par l'article 16 du Traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE) qui disposent que "toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant". Ce droit n'est cependant pas absolu et doit être concilié avec d'autres droits.
La mesure relève de la seule compétence de la France.
L'article 48 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se limite à prévoir une simple coordination des législations des États membres en matière de sécurité sociale. Les règles européennes de coordination ne mettent pas en oeuvre une harmonisation des régimes nationaux de sécurité sociale. Les États membres demeurent souverains pour organiser leurs systèmes de sécurité sociale.
Il est de jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qu'il appartient ainsi à la législation de chaque État membre :
- de déterminer les conditions du droit ou de l'obligation de s'affilier à un régime de sécurité sociale ou à telle ou telle branche de pareil régime ;
- de définir les conditions requises pour l'octroi des prestations de sécurité sociale, du moment qu'il n'est pas fait, à cet égard, de discrimination entre nationaux et ressortissants des autres États membres.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le présent article vise à étendre les MSO/MSAP aux professionnels exerçant dans les centres de santé et plateformes de téléconsultation (TLC) sur le même périmètre que les autres professionnels de santé, c'est-à-dire à la réalisation ou à la prescription d'un acte, produit ou prestation et prescriptions de transport en complément de l'extension aux indemnités journalières prévue par la LFSS 2024. L'alignement des actions possibles entre les centres de santé et les plateformes de téléconsultation et les professionnels de santé de ville permettra d'engager des actions visant à mieux encadrer l'activité de ces structures collectives.
Il convient également de modifier l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale pour rendre la MSO obligatoire et non facultative pour le prescripteur ciblé, afin que cette procédure puisse pleinement produire ses effets (régulation des prescriptions non pertinentes, évolution des pratiques des prescripteurs, contribution au plan annuel d'économies (ONDAM).
Ces mesures permettent de réduire le temps consacré à ce dispositif par le service du contrôle médical, car la MSO nécessite un simple accompagnement lors de sa mise en place alors que le service médical est amené à intervenir pour chaque prescription dans le champ ciblé dans le cadre de la MSAP.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Actuellement, l'Assurance maladie dispose de deux principaux leviers pour agir auprès des professionnels de santé hyperprescripteurs :
- La mise sous objectifs (MSO)
- La mise sous accord préalable (MSAP) des médecins prescripteurs ;
Ainsi, en cas de constat d'une activité de prescriptions anormalement élevée au regard de la pratique constatée chez des professionnels de santé à profil de patients comparable, le directeur de la caisse locale d'assurance maladie, avec l'appui du service du contrôle médical, peut décider de mettre le professionnel de santé hyperprescripteur sous accord préalable (MSAP) ou, comme mesure alternative, sous objectif (MSO).
Dans le cadre d'une MSAP, la caisse locale peut subordonner, pour une durée maximum de 6 mois, à l'accord préalable du service du contrôle médical les prescriptions du médecin concerné. Un courrier est adressé à tout assuré présentant une prescription d'un médecin mis sous accord préalable, pour le prévenir des conditions particulières de prise en charge de sa prescription.
La caisse locale peut, conjointement avec le service du contrôle médical, proposer au médecin - en alternative à la procédure de mise sous accord préalable (MSAP) - de s'engager à atteindre un objectif de réduction des prescriptions dans un certain délai. Il s'agit de la Mise sous objectif (MSO). En cas de refus du médecin, la caisse poursuit la procédure de MSAP.
Dans le cadre de ces deux procédures, les professionnels de santé sont informés des faits constatés ou des données chiffrées relatives à leur pratique. Le directeur de l'organisme local d'assurance maladie compétent doit notifier au professionnel de santé concerné les faits constatés ou les données chiffrées relatives à sa pratique ainsi que celles relatives à la moyenne servant de base de référence, et l'informer de son droit à être entendu, sur sa demande, ou de présenter ses observations écrites. Quant à la proposition de mise sous objectifs, elle doit notamment mentionner l'objectif de réduction du nombre de prescriptions, de la durée constatée ainsi que le montant maximal de la pénalité encourue en cas de dépassement de l'objectif.
La procédure de MSO/MSAP constitue un des moyens d'action de contrôle des médecins prescripteurs le plus élevé dans l'arsenal des outils à disposition de l'Assurance maladie. Il permet de contrôler la qualité et la quantité des prescriptions pour les médecins ciblés pour atypie, dans la perspective de régulation d'un poste de dépenses dynamique contribuant au dépassement de l'Ondam.
Créée en 2006 et régulièrement enrichie depuis, cette procédure encadrée par l'article L. 162- 1-15 du code de la sécurité produit des résultats probants (contribution moyenne de l'ordre de 60 millions d'euros par an aux économies inscrites au plan ONDAM55(*)), mais se confronte régulièrement aux pratiques des prescripteurs qui agissent pour la contourner.
La procédure prévoit aujourd'hui une proposition de mise sous MSO (premier niveau de contrôle) que le médecin peut refuser. En cas de refus, une MSAP est mise en place (second niveau de contrôle).
La croissance moyenne des dépenses remboursées au titre des indemnités journalières est très dynamique depuis 2010 (entre 2010 et 2019, de + 2,9% pour les indemnités journalières maladie, + 3,2 % pour les indemnités journalières Accident du travail et maladie professionnelle (AT-MP)). Cette croissance des dépenses indemnités journalières maladie s'explique principalement (i) par l'augmentation et le vieillissement de la population active (pour 36 %) ; (ii) par l'augmentation de la durée moyenne d'arrêt par classe d'âge (pour 23%), (iii) par l'augmentation de l'indemnité journalière moyenne par classe d'âge (pour 18%) (iv) mais également par l'augmentation du taux de recours (+ 14 %)56(*).
Cette dynamique s'est encore accélérée sur la période récente (+ 5,9% en 2023, + 7,4 % en 2022, soit + 6,6 % en moyenne depuis 2019 (hors Covid), alors qu'elle s'élevait à 4,4 % entre 2015 et 2019. En 2023, les dépenses d'indemnités journalières sont restées soutenues et l'analyse des remboursements hors indemnités journalières liées au Covid confirme que ces dernières se situent au-dessus de leur dynamique d'avant crise, cette évolution s'expliquant seulement en partie par la mise en place d'indemnités journalières maladie pour les professions libérales en juillet 2021, ainsi que par plusieurs hausses exceptionnelles successives du SMIC depuis octobre 2021 et deux grippes saisonnières en 202257(*).
Le dispositif MSO/MSAP sur les indemnités journalières a un impact important sur les dépenses d'indemnités journalières. Ainsi en 2023, 965 médecins ont été initialement retenus, ce qui a ensuite donné lieu à :
- 416 MSO ;
- 255 abandons de MSO suite à phase contradictoire ;
- 294 refus de MSO ayant abouti à 201 MSAP et 93 abandons de MSAP pour un montant total de près de 160 millions d'euros d'économies sur 2023/2024.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Un maintien de ces dispositions aurait pu être envisagé, néanmoins cette modification législative doit permettre d'assurer l'effectivité de ce dispositif tout en limitant la mobilisation des ressources notamment médicales de la Caisse nationale d'Assurance maladie.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Le présent article vise à étendre les MSO/MSAP aux professionnels exerçant dans les centres de santé et plateformes de TLC sur le même périmètre que les autres professionnels de santé, c'est-à-dire à la réalisation ou à la prescription d'un acte, produit ou prestation et prescriptions de transport en complément de l'extension aux indemnités journalières prévue par la LFSS 2024. L'alignement des actions possibles entre les centres de santé et les plateformes de téléconsultation et les professionnels de santé de ville permettra d'engager des actions visant à mieux encadrer l'activité de ces structures collectives ;
De plus, la mesure modifie l'article L 162-1-15 du code de la sécurité sociale pour rendre la MSO obligatoire et non facultative pour le prescripteur ciblé, afin que cette procédure puisse pleinement produire ses effets (régulation des prescriptions non pertinentes, évolution des pratiques des prescripteurs, contribution au plan annuel d'économies (ONDAM) ;
Ces mesures permettent de réduire le temps consacré à ce dispositif par le service du contrôle médical, car la MSO nécessite un simple accompagnement lors de sa mise en place alors que le service médical est amené à intervenir pour chaque prescription dans le champ ciblé dans le cadre de la MSAP.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
L'article L. 162-2-15 du code la sécurité sociale est modifié afin d'introduire cette obligation législative.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
L'encadrement des prises en charge par l'assurance maladie obligatoire est conforme au droit et à la jurisprudence de l'Union Européenne s'agissant d'une prise en charge par l'assurance maladie obligatoire.
Par ailleurs, la protection de la santé publique et la préservation de l'équilibre financier du système de sécurité sociale sont des objectifs d'intérêt général qui justifient que les Etats membres introduisent des règlementations plus restrictives.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Le renforcement des contrôles permettra de limiter les dépenses de l'assurance maladie en matière de remboursements au titre de prescription et d'indemnités journalières versées ainsi que les indemnisations au titre du complément versé par les employeurs.
4.2.3. Impacts budgétaires
L'extension des MSO MSAP aux centres de santé et plateformes de TLC sur le même périmètre que les autres professionnels de santé libéraux pourraient générer jusqu'à 10 M€ d'économies en plus par an58(*).
L'imposition de la mise sous objectifs aux médecins pourrait générer une économie potentielle supplémentaire de 10 M€59(*).
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mesure va avoir un impact favorable sur le temps médical dans les services du contrôle médical de l'assurance maladie.
En effet, en cas de constat d'une activité de prescriptions anormalement élevée au regard de la pratique constatée chez des professionnels de santé à profil de patients comparable, le directeur de la caisse locale d'assurance maladie, avec l'appui du service du contrôle médical, peut décider de mettre le professionnel de santé concerné sous accord préalable (MSAP) ou, comme mesure alternative, sous objectif (MSO).
Dans le cadre d'une MSAP, la caisse locale peut subordonner, pour une durée maximum de 6 mois, à l'accord préalable du service du contrôle médical les prescriptions du médecin concerné. Un courrier est adressé à tout assuré présentant une prescription d'un médecin mis sous accord préalable, pour le prévenir des conditions particulières de prise en charge de sa prescription.
La caisse locale peut, conjointement avec le service du contrôle médical, proposer au médecin - en alternative à la procédure de mise sous accord préalable (MSAP) - de s'engager à atteindre un objectif de réduction des prescriptions dans un certain délai. Il s'agit de la Mise sous objectif (MSO). En cas de refus du médecin, la caisse poursuit la procédure de MSAP.
Dans le cadre de ces deux procédures, les professionnels de santé sont informés des faits constatés ou des données chiffrées relatives à leur pratique. Le directeur de l'organisme local d'assurance maladie compétent doit notifier au professionnel de santé concerné les faits constatés ou les données chiffrées relatives à sa pratique ainsi que celles relatives à la moyenne servant de base de référence, et l'informer de son droit à être entendu, sur sa demande, ou de présenter ses observations écrites. Quant à la proposition de mise sous objectifs, elle doit notamment mentionner l'objectif de réduction du nombre de prescriptions, de la durée constatée ainsi que le montant maximal de la pénalité encourue en cas de dépassement de l'objectif.
La procédure de MSO/MSAP constitue un des moyens d'action de contrôle des médecins prescripteurs le plus élevé dans l'arsenal des outils à disposition de l'Assurance maladie. Il permet de contrôler la qualité et la quantité des prescriptions pour les médecins ciblés pour atypie, dans la perspective de régulation d'un poste de dépenses dynamique contribuant au dépassement de l'ONDAM.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
La mesure va impacter les médecins en tant que profession réglementée notamment ceux dont le montant de prescription dépasse un seuil précisé par voie réglementaire.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La mesure permettra de limiter les prescriptions non pertinentes voire les fraudes, notamment sur les arrêts de travail.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le conseil de la Caisse nationale de l'Assurance Maladie a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 4 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal. S'agissant des collectivités ultramarines, celui-ci s'applique conformément au tableau ci-dessous :
Collectivités d'outre-mer |
|
Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion |
Mesure applicable |
Mayotte |
Mesure applicable |
Saint-Martin, Saint-Barthélemy |
Mesure applicable |
Saint-Pierre-et-Miquelon |
Mesure applicable |
Autres (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et- Futuna, TAAF) |
Mesure non applicable |
5.2.3. Textes d'application
Un décret en Conseil d'Etat fixant notamment les seuils ciblés ainsi que les modalités du contradictoire de la procédure MSO/MSAP est nécessaire.
Article 18 - Sanctionner plus sévèrement les escroqueries aux finances publiques commises en bande organisée
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. Elle est punie de 5 ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende ( article 323-1 du code pénal).
Les peines sont portées à 7 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'escroquerie est réalisée ( article 313-2, 5° du code pénal) au préjudice d'une personne publique, d'un organisme de protection sociale ou d'un organisme chargé d'une mission de service public, pour l'obtention d'une allocation, d'une prestation, d'un paiement ou d'un avantage indu.
Lorsque l'escroquerie est commise en bande organisée, les peines sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 1 000 000 euros d'amende.
La mesure vise à criminaliser l'escroquerie commise au préjudice des finances publiques lorsqu'elle est réalisée en bande organisée, et permettre la mise en oeuvre du régime procédural applicable à la criminalité et à la délinquance organisées, tel que défini aux articles 706-73 à 706-106 du code de procédure pénale. Cette intégration est justifiée par la nature même de ces fraudes, de plus en plus élaborées et réalisées par des réseaux structurés dont l'identification, la surveillance et le démantèlement présentent une complexité particulière.
Pour ce faire, la mesure entend aligner le quantum de la peine d'emprisonnement du crime d'escroquerie aux finances publiques en bande organisée sur celui prévu pour le vol en bande organisée ( article 311-9 code pénal), soit 15 ans de réclusion criminelle.
Le constat est en effet aujourd'hui partagé que les dispositifs d'aides publiques, en particulier, sont l'objet d'attaques systématiques conduites par des organisations criminelles agissant souvent depuis l'étranger. Usant de moyens importants, profitant de la dématérialisation de l'instruction des demandes et mettant en oeuvre une ingénierie complexe, elles parviennent ainsi à se faire remettre frauduleusement une part très importante des crédits alloués dans le cadre de chacun des dispositifs d'aides. Les sommes ainsi escroquées sont immédiatement confiées à des réseaux de blanchiment dont l'expertise obère généralement aux autorités administratives ou judiciaires toute possibilité de les récupérer. Le préjudice occasionné aux finances publiques, comme aux citoyens, est considérable. Tout aussi importante est l'atteinte portée à l'efficacité des politiques publiques encouragées par ces aides.
La création d'une infraction criminelle d'escroquerie aux finances publiques commise en bande organisée vise à sanctionner avec plus de sévérité les membres des organisations criminelles qui détournent l'argent public à leur profit. La peine de quinze années encourues est la même que celle prévue par les auteurs du crime de vol en bande organisée (art. 311-9 du code pénal).
Le rapprochement entre le vol et l'escroquerie s'impose avec évidence. En effet, le vol et l'escroquerie participent d'une même logique d'appropriation illégitime du bien d'autrui. Là où le vol procède d'une soustraction sans consentement, l'escroquerie s'accomplit par un détournement du consentement obtenu par la fraude.
S'il est espéré que la criminalisation de ces faits ait un effet dissuasif, elle permettra d'abord aux juridictions de prononcer des peines conformes à l'extrême gravité des faits. Elle autorisera également l'allongement de la durée possible de la détention provisoire, permettant ainsi que soient conduites des investigations complexes et souvent longues sans que les mis en cause puissent bénéficier prématurément d'une remise en liberté leur permettant de prendre la fuite.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le Conseil constitutionnel reconnaît que la lutte contre la fraude fiscale ( décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013 ; décision n° 2021-908 QPC du 26 mai 2021) et la lutte contre la fraude en matière de protection sociale ( décision n° 2019-789 QPC du 14 juin 2019) constituent des objectifs de valeur constitutionnelle. Par ailleurs, la recherche des auteurs d'infractions est elle-même un objectif constitutionnel, nécessaire à la sauvegarde des droits et principes de valeur constitutionnelle ( décision n° 2011-192 QPC du 10 novembre 2011). Cette reconnaissance s'étend notamment à la fraude douanière, qui participe de cet objectif ( décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022). La répression des fraudes complexes, qu'elles soient fiscales, sociales ou douanières, est donc solidement fondée sur la protection de l'intérêt général économique et sur la nécessité constitutionnelle de garantir l'effectivité de la répression pénale.
Le crime d'escroquerie aux finances publiques, lorsqu'il est commis en bande organisée par des structures de fraude sophistiquées, s'inscrit dans cette logique constitutionnelle. Il participe à la fois à la lutte contre les formes les plus graves de fraude aux ressources publiques et à la recherche des auteurs d'infractions organisées.
Le crime d'escroquerie aux finances publiques commis en bande organisée est puni de 15 ans de réclusion, reprenant le quantum prévu pour le vol en bande organisée ( art. 311-9 CP). Le Conseil constitutionnel censure les peines manifestement disproportionnées au regard de la gravité des manquements et de l'objectif poursuivi par le législateur ( décision n° 2021-942 QPC du 21 octobre 2021). En l'espèce, la peine de 15 ans ne s'applique au crime d'escroquerie que lorsque deux conditions cumulatives sont réunies : 1°) escroquerie visée à l'article 313-2, 5° CP, commise au préjudice d'une personne publique, d'un organisme de protection sociale ou d'un organisme chargé d'une mission de service public, visant l'obtention d'une allocation, prestation, paiement ou avantage indu ; 2°) escroquerie commise en bande organisée, ce qui encadre strictement l'application de la peine et garantit sa proportionnalité par rapport à la gravité de l'infraction.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Le développement de la circonstance aggravante de bande organisée et des techniques d'enquête et d'investigation réservées à la criminalité organisée résulte pour partie de la transposition des directives et des décisions-cadres60(*) posant des règles minimales concernant la définition des infractions et des peines.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
L'article 34 de la Constitution dispose que « la loi fixe les règles concernant : - la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale (...) ».
L'objectif de criminalisation de l'escroquerie commise au préjudice des finances publiques lorsqu'elle est réalisée en bande organisée est justifiée par la nature même de ces fraudes, de plus en plus élaborées et réalisées par des réseaux structurés dont l'identification, la surveillance et le démantèlement présentent une complexité particulière.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
S'il est espéré que la criminalisation de ces faits ait un effet dissuasif, elle permettra d'abord aux juridictions de prononcer des peines conformes à l'extrême gravité des faits. Elle autorisera également l'allongement de la durée possible de la détention provisoire, permettant ainsi que soient conduites des investigations complexes et souvent longues sans que les mis en cause puissent bénéficier prématurément d'une remise en liberté leur permettant de prendre la fuite.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Sur le régime procédural, deux options sont envisageables.
- Option 1 :
Le crime d'escroquerie aux finances publiques en bande organisée est inscrit dans la liste des infractions mentionnées à l'article 706-73 du Code de procédure pénale. Cette inscription permet de lui appliquer le régime dérogatoire en matière de procédure pénale, applicable à l'enquête, aux poursuites, à l'instruction et au jugement des infractions relevant de la criminalité organisée.
Le Conseil constitutionnel admet que les infractions visées par l'article 706-73 du Code de procédure pénale sont caractérisées par l'existence de groupements structurés ou de réseaux, dont l'identification, la connaissance et le démantèlement posent des problèmes complexes. Il relève que ces infractions sont susceptibles, pour la plupart, de porter atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes. Toutefois, certaines infractions, bien que ne portant pas atteinte directement aux personnes, peuvent justifier une procédure dérogatoire en raison de leur gravité intrinsèque.
Parmi ces infractions figure le crime de vol lorsqu'il est commis en bande organisée (art. 706- 73, 7°). Le Conseil a jugé que cette qualification permettait au législateur de prévoir des règles de procédure spécifiques, sous réserve que le vol présente une gravité suffisante ( décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004). Les commentaires aux Cahiers précisent que cette gravité peut résulter d'une atteinte à des intérêts fondamentaux, notamment l'intérêt général économique ou le patrimoine artistique national (p. 16). De même, le crime de fausse monnaie, également listé à l'article 706-73 (10°), voit sa place traditionnellement justifiée par les périls que les faux monnayeurs font courir à l'économie (Cahiers, p. 12).
Dans cette logique, le crime d'escroquerie aux finances publiques commis en bande organisée complète la liste des infractions de criminalité organisée de l'article 706-73 du Code de procédure pénale qui, bien que ne portant pas atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes, portent une atteinte directe, grave et durable à l'intérêt général économique. En effet, ces escroqueries sapent la capacité de l'État à mobiliser les ressources indispensables à l'action publique, compromettent le financement des services publics ainsi que des politiques économiques et sociales, et, in fine, privent les citoyens des prestations et droits auxquels ils pourraient légitimement prétendre.
L'inscription d'un crime ou d'un délit à l'article 706-73 du Code de procédure pénale permet le recours aux techniques spéciales d'enquête (écoutes, captation de données, surveillance, infiltration, etc.) définies au Titre XXV du Livre IV du CPP et la mise en oeuvre de la garde à vue dérogatoire prévue par l'article 706-88 du Code de procédure pénale, pouvant être prolongée jusqu'à 96 heures.
L'article 706-88 du Code de procédure pénale prévoit que, si les nécessités de l'enquête l'exigent, la garde à vue peut faire l'objet de deux prolongations supplémentaires de 24 heures, décidées par le juge des libertés et de la détention ou par le juge d'instruction. Cette durée vient s'ajouter à celle de droit commun prévue à l'article 63 du CPP, portant la durée maximale de la garde à vue à 96 heures.
Le Conseil constitutionnel a validé la possibilité d'appliquer ces mesures aux délits de fraude fiscale commis en bande organisée, dans la mesure où leur complexité et leur gravité justifiaient l'usage de techniques d'enquête spéciales ( décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013). De manière comparable, la même analyse a été retenue pour l'escroquerie en bande organisée, tout en soulignant que ces délits ne portent pas directement atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes ( décision n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014).
Toutefois, le Conseil a considéré que l'application de la garde à vue de 96 heures à ces délits, même commis en bande organisée, portait une atteinte disproportionnée aux droits de la défense et à la liberté individuelle. Commentant sa décision du 9 octobre 2014, le Conseil indiquait explicitement que la censure était prononcée car il s'agissait en l'espèce d'infractions « qui ne constituent ni des crimes, ni des atteintes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes » (Cahiers, p. 12).
Le crime d'escroquerie aux finances publiques en bande organisée présente une gravité objective et une complexité procédurale analogues aux autres infractions listées à l'article 706-73 du Code de procédure pénale, dont le crime de vol en bande organisée. Il constitue une atteinte particulièrement forte à l'intérêt général économique, justifiant pleinement son rattachement à la criminalité organisée et l'application du régime procédural dérogatoire prévu à ce titre.
- Option 2 :
Le crime d'escroquerie aux finances publiques en bande organisée est inscrit dans la liste des infractions mentionnées à l'article 706-73-1 du Code de procédure pénale. Cette inscription permet de lui appliquer le régime dérogatoire en matière de procédure pénale, applicable à l'enquête, aux poursuites, à l'instruction et au jugement des infractions relevant de la criminalité organisée, à l'exclusion de l'article 708-88 du Code de procédure pénale permettant la garde à vue des mis en cause jusqu'à 96h00 heures.
Cette option entend assimiler le crime d'escroquerie aux finances publiques en bande organisée, quant au régime procédural applicable, aux délits de fraude fiscale en bande organisée ( décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013) et aux délits d'escroquerie en bande organisée ( décision n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014) au motif que ces infractions (crimes et délits) ne portent pas directement atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Le choix de l'option 2 est privilégiée pour écarter une censure du Conseil constitutionnel quand bien même le Conseil ne s'est pas expressément prononcé sur la nouvelle incrimination de crimes aux finances publiques en bande organisée pour l'application de l' article 706-88 du Code de procédure pénale.
Le dispositif retenu consiste donc en une inscription du nouveau crime d'escroquerie aux finances publiques en bande organisée à l'article 706-73-1 du code pénal pour écarter une censure du Conseil constitutionnel quand bien il ne s'est pas expressément prononcé sur la nouvelle incrimination pour l'application de l'article 706-88 du code de procédure pénale.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article modifie, d'une part, l'article 313-2 du code pénal et, d'autre part, les articles 28-1, 28-2 et 706-73-1 du code de procédure pénale.
Par ailleurs, l'article 711-1 du code pénal et l'article 804 du code de procédure pénale sont modifiés afin de mettre à jour les compteurs Lifou et permettre l'application de ces dispositions en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les iles Wallis-et-Futuna.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le présent article est conforme aux textes internationaux et européens mentionnés supra.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
La mesure doit permettre de lutter plus efficacement contre la fraude aux finances publiques et donc d'en faire diminuer le montant au bénéfice du budget de l'État.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mission nouvelle ne requiert pas de moyens spécifiques pour son exercice.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La fraude fiscale porte atteinte au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques et à celui de la libre concurrence. Elle cause un préjudice grave à la société dans son ensemble en portant atteinte au pacte social et en générant un trouble à l'ordre public économique.
La lutte contre la fraude fiscale est un enjeu majeur de souveraineté et de redressement des comptes publics au bénéfice de tous.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Les prévenus se verront appliquer le régime procédural dérogatoire applicable à l'enquête, aux poursuites, à l'instruction et au jugement des infractions relevant de la criminalité organisée, à l'exclusion de l'article 708-88 du code de procédure pénale (garde à vue de 96 heures) et encourront des sanctions plus lourdes.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Aucune consultation obligatoire n'est requise et aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique en France hexagonale. Il s'applique également de plein droit, sans adaptation particulière, dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et à Mayotte) régies par le principe de l'identité législative.
Cet article s'applique également à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, qui relèvent du principe d'identité législative pour la mesure envisagée, sans adaptation particulière.
Enfin, la mesure modifiant le code pénal et le code procédure pénale est rendue applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert pas de texte d'application.
Article 19 - Renforcement du délit de mise à disposition d'instruments facilitant la fraude fiscale
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La loi n°2023-1322 du 29 décembre 2023 pour 2024 a introduit à l'article 1744 du code général des impôts un délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale, visant les personnes physiques ou morales qui mettent notamment à la disposition de leurs clients des moyens, services, actes ou instruments leur permettant de se soustraire à leurs obligations fiscales.
Les procédés fournis dans un but frauduleux visés par cette mesure sont repris des procédés pouvant mener à la mise en oeuvre de la procédure judiciaire d'enquête fiscale visés au II de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales et de ceux de la fraude fiscale aggravée énoncés aux alinéas 2 à 7 de l'article 1741 du code général des impôts, ce qui permet de circonscrire l'incrimination aux montages portant sur les fraudes fiscales les plus graves et les plus complexes, pour lesquels les moyens d'enquête judiciaire vont s'avérer les plus utiles.
La possibilité d'engager directement des poursuites pénales à l'encontre de l'organisateur présumé d'un montage de fraude fiscale complexe ou aggravé permet ainsi de mobiliser rapidement des moyens d'investigation judiciaire de nature à appréhender de manière plus efficace et exhaustive le schéma frauduleux concerné. La loi actuelle omet d'aggraver l'infraction pénale par la bande organisée.
Les poursuites pénales engagées doivent également permettre d'assurer un contrôle fiscal plus efficace des contribuables bénéficiaires de ces schémas frauduleux à travers la coordination des actions administratives et judiciaires.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Saisi de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, le Conseil Constitutionnel n'a soulevé d'office aucune question de conformité à la Constitution de l'article 113 introduisant à l'article 1744 du CGI le délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale, lequel ne faisait pas partie des dispositions déférées par les députés et sénateurs requérants61(*).
En renforçant les moyens de détection et de répression des agissements des intermédiaires, concepteurs ou promoteurs de schémas frauduleux, la mesure s'inscrit pleinement dans l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale ( 99-424 DC, 29 décembre 1999, cons. 52) pouvant justifier certaines atteintes aux libertés individuelles.
Par ailleurs, la mesure envisagée par le législateur respecte le principe de légalité en application des articles 34 et 37 de la Constitution et conformément à l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 selon laquelle les lois doivent définir les incriminations et les peines en termes clairs et précis et ne peuvent s'appliquer qu'à des infractions commises postérieurement à leur entrée en vigueur.
En outre, eu égard à la gravité des infractions visées (facilitation de la fraude fiscale), l'aggravation envisagée de leurs sanctions pénales en les alignant sur le niveau de sanction du délit de fraude fiscale visé à l'article 1741 du code général des impôts apparaît en lien direct avec les manquements sanctionnés. De même, elle n'apparaît pas manifestement hors de proportion avec la gravité des manquements réprimés. De fait la mesure apparaît conforme au principe de nécessité et proportionnalité des délits et des peines conformément à l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.
Enfin, le juge pénal doit fixer les peines dans le respect du principe d'individualisation des peines, principe dont la valeur constitutionnelle a été reconnue par la décision du Conseil constitutionnel n°2005-520 DC du 22 juillet 2005, considérant qu'il découlait de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789. Le principe est également inscrit à l'article 132-1 du code pénal. La peine doit donc être prononcée en fonction de la gravité de l'infraction, des circonstances, de la personnalité, de la situation sociale et familiale de l'auteur des faits. Ainsi, la circonstance que les peines visées à l'article 1744 sont prononcées, à l'issue d'un procès correctionnel, par un juge indépendant exerçant pleinement, dans le cadre de son office, son pouvoir de modulation, d'individualisation et de proportionnalité pour déterminer aussi bien le principe que le quantum de ladite peine, est donc de nature à satisfaire le respect des principes constitutionnels de proportionnalité et d'individualisation des peines.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Le respect du principe « non bis in idem » résultant de l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne (notamment arrêt du 5 mai 2022, C-570/20), est expressément assuré par la loi.
En effet, il est exclu d'appliquer l'amende administrative prévue à l'article 1740 A bis du code général des impôts visant les professionnels facilitant la fraude fiscale lorsqu'ils sont poursuivis pénalement sur le fondement de l'article 1744 du code général des impôts.
La mesure précise clairement le niveau renforcé de sanctions pénales du délit de mise à disposition de moyens de facilitation de la fraude fiscale, respectant ainsi l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne qui consacre le principe de légalité des délits et des peines.
Dans le cadre de l'interprétation de cet article, la Cour de Justice de l'Union européenne a jugé que les dispositions pénales doivent respecter certaines exigences d'accessibilité et de prévisibilité en ce qui concerne tant la définition de l'infraction que la détermination de la peine. Il en découle que la loi doit définir clairement les infractions et les peines qui les répriment. (arrêt du 11 juin 2020, Prokuratura Rejonowa w Supsku, C-634/18, EU:C:2020:455),
Enfin, la circonstance que les peines visées à l'article 1744 sont prononcées, à l'issue d'un procès correctionnel, par un juge indépendant exerçant pleinement, dans le cadre de son office, son pouvoir de modulation, d'individualisation et de proportionnalité pour déterminer aussi bien le principe que le quantum de ladite peine, est également de nature à satisfaire le respect du droit à un procès équitable tel qu'il ressort de l' article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et dont découle le droit de saisir un organe de pleine juridiction disposant d'un pouvoir d'appréciation étendu.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
La mesure s'inscrit dans un mouvement international de renforcement de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale, qui vise aussi bien les fraudeurs que ceux qui facilitent leur action comme l'a préconisé l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) dans son rapport du 25 février 2021 intitulé « En finir avec les montages financiers abusif : réprimer les intermédiaires qui favorisent les délits fiscaux et la criminalité en col blanc ».
Au niveau européen, généralement les intermédiaires fiscaux peuvent être poursuivis pénalement selon les règles pénales générales, notamment sur le fondement de la complicité de fraude fiscale.
L'Italie et le Royaume disposent de régimes de sanctions spécifiques à l'encontre des intermédiaires fiscaux62(*).
Ainsi, en Italie, ces derniers encourent une majoration de 50 % des sanctions pour les délits fiscaux qu'ils commettent ainsi que l'interdiction de toute activité professionnelle ayant trait à la représentation ou à l'assistance fiscale pour une durée d'un à cinq ans. Ils peuvent également être mis en examen pour « association de malfaiteurs », délit passible d'une peine d'emprisonnement de trois à sept ans.
Au Royaume-Uni, la loi sanctionne d'une pénalité pouvant atteindre 50 000 GBP et de la publication de leurs noms les « mandataires fiscaux » qui commettent délibérément des actes malhonnêtes en vue de faire perdre des recettes fiscales au Trésor public. Le « mandataire fiscal » est défini comme un individu (c'est-à-dire une personne physique) qui, dans le cadre d'une activité professionnelle, aide d'autres personnes (« clients ») à gérer leurs affaires fiscales. Cette définition inclut les avocats et les conseillers juridiques s'ils fournissent des conseils de nature fiscale. En outre, la loi prévoit une pénalité pouvant atteindre 100 % des recettes fiscales perdues à l'encontre de personnes (physiques ou morales) qui fournissent délibérément des informations fausses ou dissimulent délibérément des informations dans les documents du contribuable.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Lorsqu'elles sont commises en bande organisée, les fraudes réalisées au préjudice des finances publiques présentent un degré de complexité et de gravité particulier justifiant à la fois la mise en oeuvre de moyens d'enquêtes experts pour les détecter et un niveau de peines renforcé pour les sanctionner.
Ainsi, tout comme le délit de fraude fiscale, le délit de mise à disposition d'instruments facilitant la fraude fiscale peut être commis en bande organisée. A cet égard, le premier signalement de tels faits effectué par l'administration fiscale à l'autorité judiciaire met en cause une pluralité d'acteurs intervenus dans la mise à disposition de moyens (y compris internationaux) destinés à faciliter la commission du délit de fraude fiscale.
Or, à défaut d'inclure une circonstance aggravante de bande organisée et de relever, par suite, de la délinquance organisée, les suspicions d'agissements relevant du délit de mise à disposition d'instruments facilitant la fraude fiscale n'entrent pas dans le champ des infractions économiques et financières de l'article 706-73-1 permettant la mobilisation de l'ensemble des techniques d'investigation judiciaire nécessaires à leur détection.
De même, à défaut d'entrer dans le champ des infractions définies à l'article 705 du code de procédure pénale comme relevant de la compétence du procureur de la République financier, la recherche et la poursuite du délit visé à l'article 1744 du code général des impôts ne peut peuvent pas être mis en oeuvre par le procureur de la République financier.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La réforme envisagée, qui modifie à la fois des dispositions du code général des impôts et du code de procédure pénale, vise à renforcer aussi bien la détection que la répression d'une forme particulièrement grave de délinquance financière et fiscale.
Ces deux objectifs combinés s'illustrent à travers l'ensemble des modifications textuelles proposées, à savoir :
- l'insertion de la bande organisée dans l'article 1744 du code général des impôts et l'alignement du niveau des sanctions sur l'échelle des peines prévue par l'article 1741 du même code pour la fraude fiscale et la fraude fiscale aggravée (aggravation des peines prévues) ;
- l'octroi des techniques spéciales d'enquête relevant de la lutte contre la criminalité organisée, en intégrant à la suite du 15° de l'article 706-73-1 du code de procédure pénale, les délits comptable et de fraude fiscale, lorsqu'ils sont commis en bande organisée ou lorsqu'il existe des présomptions caractérisées que ces infractions résultent de l'un des comportements mentionnés aux 1° à 5° du II de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales et, les délits de facilitation de cette fraude, lorsqu'ils sont commis en bande organisée ;
- l'extension de la compétence du procureur de la République financier à la poursuite du délit de mise à disposition d'instruments facilitant la fraude fiscale, dans le prolongement de l'extension de compétence déjà réalisée au profit des officiers de douane judiciaire et des officiers fiscaux judiciaires.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Attendre l'issue des premières enquêtes et décisions de justice afférentes à ce délit de création récente avant d'envisager de le réformer est une option qui a été envisagée.
Dans la mesure où le délit visé à l'article 1744 du code général des impôts s'applique exclusivement aux faits constatés ou agissements commis à compter du 31 décembre 2023, l'autorité judiciaire n'est à ce jour saisie que d'un nombre très limité d'affaires, en cours d'enquête judiciaire. Dans ces conditions, il pourrait être jugé plus opérant d'attendre d'avoir un recul suffisant pour mener une véritable évaluation du dispositif actuel avant d'envisager toute modification textuelle.
Une autre option aurait pu être celle de se cantonner à la seule aggravation des peines prévues pour réprimer le délit de mise à disposition d'outils de facilitation de la fraude fiscale en cas de commission des faits en bande organisée.
Enfin, la dernière option est une option maximaliste de travailler sur les trois aspects : aggravation des peines, extension de la compétence du parquet national financier, octroi de techniques spéciales d'enquête.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Les premiers travaux opérationnels mis en oeuvre sur cette incrimination ont révélé la complexité et l'opacité particulière des montages proposés et par suite la nécessité de renforcer les capacités d'enquête et d'investigation judiciaire pour être en mesure de mieux les détecter et les réprimer.
Dès lors, l'option retenue est de renforcer les moyens d'action et la cohérence globale du dispositif afin de le rendre plus efficient.
L'aggravation des peines prévues en répression du délit de mise à disposition d'outils de facilitation de la fraude fiscale et leur alignement sur l'échelle des sanctions prévues à l'article 1741 du code général des impôts en cas de fraude fiscale et de complicité de fraude fiscale (article 1742 du code général des impôts) apparaît très cohérent au regard de la nature comparable des incriminations concernées. Une telle aggravation des peines pour un délit qui s'apparente fortement à de la complicité de fraude fiscale n'apparaît pas disproportionnée.
Il en est de même du regroupement des infractions de nature fiscale ou sociale les plus graves sous le même régime d'enquête particulièrement complet prévu à l'article 706-73-1 du code de procédure pénale ainsi que de la possibilité donnée au procureur de la République financier, déjà compétent en matière de fraude fiscale complexe, de conduire directement des enquêtes à l'encontre des concepteurs et promoteurs de ces schémas frauduleux. Cette extension de compétence apparaît cohérente.
Les enjeux particuliers attachés à la lutte contre la grande délinquance financière et fiscale, qui porte gravement atteinte au pacte social et républicain, justifient une adoption immédiate des mesures envisagées en ce qu'elles auront pour effet de renforcer la détection et la répression des organisateurs de montages de fraude fiscale complexe ou aggravée.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
En premier lieu, le présent article modifie l'article 1744 du code général des impôts afin de permettre l'aggravation des sanctions par alignement sur l'échelle des peines prévues à l'article 1741 du même code et ajout d'une circonstance de commission du délit en bande organisée.
En deuxième lieu, l'article 705 du code de procédure pénale est modifié afin de permettre l'extension du champ de compétence du procureur de la République financier au délit de mise à disposition d'instruments facilitant la fraude fiscale.
En troisième lieu, l'article 706-73-1 du code de procédure pénale est modifié pour l'intégration, d'une part, des délits comptable et de fraude fiscale, lorsqu'ils sont commis en bande organisée ou lorsqu'il existe des présomptions caractérisées que ces infractions résultent de l'un des comportements mentionnés aux 1° à 5° du II de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales et, d'autre part, des délits de facilitation de cette fraude, lorsqu'ils sont commis en bande organisée.
Enfin, il est prévu l'abrogation, en coordination, du 2° de l'article 706-1-1 du code de procédure pénale, de façon à unifier le régime d'enquête applicable aux délits précités.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le présent article est conforme aux textes internationaux et européens mentionnés supra.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
En favorisant la lutte contre la fraude fiscale, le renforcement de la détection et de la répression du délit de facilitation de la fraude fiscale participe à l'égalité des citoyens devant l'impôt et à l'équilibre entre les opérateurs économiques en matière, notamment, de concurrence.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Cette mesure permettra de renforcer la lutte contre la fraude fiscale des entreprises.
4.2.3. Impacts budgétaires
La mesure renforce les leviers de lutte contre la fraude fiscale, en permettant de mieux détecter et réprimer la mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale et contribue ainsi à accroître les rentrées budgétaires issues de l'action de contrôle de l'administration fiscale.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Sans objet.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La mesure vise à lutter contre les atteintes graves au pacte social et républicain commises par les fraudeurs fiscaux et ceux qui facilitent leurs agissements.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Cette mesure permettra de renforcer la lutte contre la fraude fiscale. Les poursuites pénales engagées permettront d'assurer un contrôle fiscal plus efficace des contribuables bénéficiaires de ces schémas frauduleux à travers la coordination des actions administratives et judiciaires.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Aucune consultation obligatoire n'est requise et aucune consultation facultative n'a été conduite
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française. Il s'appliquera aux faits commis à compter de l'entrée en vigueur de la loi.
5.2.2. Application dans l'espace
Le texte s'applique de plein droit en France hexagonale ainsi que dans les départements et régions d'outre-mer.
Il ne s'applique pas dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna, en Polynésie française et dans les TAAF, compte tenu de leur compétence fiscale.
5.2.3. Textes d'application
Le texte ne nécessite pas de mesure réglementaire d'application.
Article 20 - Renforcer les obligations déclaratives et des sanctions pour les trusts
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Institution répandue dans divers systèmes juridiques étrangers, essentiellement anglo-saxons, le trust est inconnu en droit civil français. Il se traduit par un dédoublement de propriété dans lequel la propriété juridique est détenue par le « trustee » (administrateur du trust choisi par le constituant) tandis que la propriété économique est détenue par le bénéficiaire. Particulièrement souple, cet outil patrimonial peut recevoir toutes sortes d'actifs, eux-mêmes susceptibles de générer des revenus : immeuble, oeuvre d'art, parts de société, liquidités, etc. Le recours au trust permet, du vivant du constituant, de confier la gestion du patrimoine à un tiers (l'administrateur) parfois sous le contrôle d'un protecteur et, après le décès du constituant, d'assurer la dévolution de sa succession selon son souhait, tout en permettant également au patrimoine d'être maintenu, en totalité ou partiellement, dans le cercle familial sur plusieurs générations.
Si la jurisprudence française reconnaissait depuis longtemps la validité des trusts constitués à l'étranger, il était toutefois difficile de qualifier les relations juridiques caractéristiques du trust au regard du droit interne français. Aussi, le législateur a posé une définition relativement large du trust afin d'englober toutes ses variantes possibles à l'article 792 du code général des impôts et a déterminé les contours de son régime fiscal par la loi du 29 juillet 2011. Son appréhension juridique par le droit interne était en effet indispensable dès lors qu'une proportion importante des trusts est située dans des pays à fiscalité privilégiée et que leur constitution poursuit souvent l'objectif d'éviter et/ou de se soustraire à l'impôt.
D'autres mesures ont été ultérieurement adoptées dans un souci de transparence, de coopération internationale et de lutte contre la fraude fiscale. Notamment, le champ des obligations déclaratives pesant sur l'administrateur du trust a été étendu par la loi n° 2018-- 1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 à l'ensemble des biens et droits que le trust contient. Également, la transposition de la directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 visant à lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme s'est traduite par un renforcement des obligations déclaratives et un transfert du lieu de dépôt des déclarations annuelles et évènementielles des administrateurs de trusts en vertu du décret n° 2020-1321 du 30 octobre 2020 relatif aux obligations déclaratives des administrateurs de trusts.
Le dispositif actuel comporte deux difficultés liées, d'une part, à l'absence d'obligation déclarative claire en cas de décès du constituant et, d'autre part, aux pénalités applicables.
Ø Obligations déclaratives
Depuis 2012, les administrateurs des trusts de droit étranger sont tenus à deux obligations déclaratives lorsque ces trusts ont un lien avec la France :
- d'une part, une obligation annuelle de déclaration de la valeur vénale au 1er janvier des actifs mis en trust le 15 juin de chaque année au plus tard ;
- d'autre part, une obligation évènementielle de déclarer la constitution du trust ainsi que toute modification susceptible d'affecter l'économie ou le fonctionnement du trust ou de provoquer l'extinction du trust, dans le mois qui suit cette modification (versement de dividendes, décès d'un des membres du trust, modification de l'acte de trust, dissolution du trust, transfert d'actifs du trust, etc.).
Le champ des obligations déclaratives a été étendu progressivement :
- la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a étendu le champ d'application des obligations déclaratives annuelles et événementielles aux administrateurs de trust dont le domicile fiscal est situé en France et renforce les sanctions en cas de non-respect par les administrateurs de trust de leurs obligations déclaratives ;
- la loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, supprimant l'ISF et créant l'IFI, a restreint la déclaration annuelle de bien aux seuls biens et droits immobiliers avant que la loi n°2018-1317 ne réintègre l'ensemble des biens, droits et produits recapitalisés dans le champ d'application de la déclaration annuelle ;
- et l'ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme a étendu les obligations déclaratives aux administrateurs de trust établis ou résidant en dehors de l'Union européenne et a précisé que les bénéficiaires dont l'identité doit être déclarée sont les bénéficiaires effectifs.
La condition tenant à l'existence d'un lien avec la France a été ajoutée par la loi du 12 février 2020. Concrètement, elle permet de faire entrer dans le champ de l'obligation déclarative davantage de trusts pour tenir compte de la localisation à l'étranger de nombreux administrateurs. Ainsi, dès lors qu'un administrateur de trust - même domicilié en dehors de l'Union européenne - acquiert un immeuble en France ou entre en relation d'affaires en France au sens de l'article L. 5 61-2-1 du code monétaire et financier, il est soumis à l'obligation déclarative prévue à l'article 1649 AB du code général des impôts (CGI).
Seuls les trustees, soumis à la loi d'un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, administrant des trusts dits de retraite, sont exclus de ces obligations déclaratives ainsi que les administrateurs des entités qui ne répondent pas à la définition du trust au sens de l'article 792-0 bis du CGI.
La défaillance des administrateurs du trust dans l'accomplissement de leurs obligations déclaratives est sanctionnée par l'application d'une amende 20 000 euros par déclaration omise ( article 173 6 IV bis du code général des impôts) ainsi que par la perte de l'exonération du prélèvement sui generis pour les personnes qui n'étaient pas assujetties à l'impôt sur la fortune immobilière.
Outre les obligations déclaratives précitées, l'administrateur du trust est, dans les cas prévus aux b et c du 2 du II de l'article 792-0 bis du CGI, également tenu à une obligation contributive en matière de droits de mutation par décès.
Ø Pénalités
L' article 1729-0 A du code général des impôts (CGI) institue une majoration de 80 % applicable aux l rectifications effectuées à raison :
- des sommes figurant sur un compte qui n'a pas été déclaré conformément au deuxième alinéa de l'article 1649 A du CGI (comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger) ;
- des sommes figurant sur un ou plusieurs contrats de capitalisation ou placements de même nature qui auraient dû être déclarés conformément à l'article 1649 AA du CGI (contrats souscrits auprès d'organismes établis hors de France) ;
- des actifs mentionnés aux 1° et 2° du III de l'article 990 J placés dans un trust qui n'a pas été déclaré en infraction à l'article 1649 AB du CGI.
Antérieurement à l'instauration de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) par la loi de finances pour 2018, le périmètre des biens et droits devant figurer dans la déclaration incombant aux trusts en application des dispositions de l'article 1649 AB du CGI était défini par renvoi aux 1° et 2° du III de l'article 990 J du CGI précisant celui des biens et droits soumis au prélèvement sui generis en matière de trusts, lequel épousait alors les contours du champ d'application de l'impôt de solidarité sur la fortune.
À la suite de l'instauration de l'IFI, et dès lors que le prélèvement sui generis précité ne frappait plus que les seuls actifs immobiliers, le législateur a modifié, par l'article 48 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, la rédaction de l'article 1649 AB du CGI afin d'y supprimer le renvoi à l'article 990 J du CGI et y définir directement les biens et droits devant figurer dans les déclarations des trusts qui ne se limitent pas aux seuls actifs immobiliers.
En revanche, le renvoi opéré par le c de l'article 1729-0 A du CGI aux dispositions de l'article 990 J du même code n'a pas été modifié.
Il en résulte que la majoration de 80 % prévue par ce texte ne peut être appliquée aux omissions déclaratives des trusts portant sur des biens et droits autres qu'immobiliers.
Le texte proposé vise à élargir le champ d'application de la majoration afin de la rendre applicable à l'ensemble des omissions déclaratives, quelle que soit la nature des biens omis.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
En vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.
Le Conseil constitutionnel a jugé qu' « en réprimant la méconnaissance des obligations déclaratives relatives aux trusts posées par les dispositions de l'article 1649 AB du code général des impôts, le législateur a entendu faciliter l'accès de l'administration fiscale aux informations relatives aux trusts et prévenir la dissimulation d'actifs à l'étranger. Il a ainsi poursuivi l'objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales »63(*).
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Ø Obligations déclaratives
L'obligation contributive de l'administrateur du trust énoncée aux b et c du 2 du II de l'article 792-0 bis du code général des impôts n'est assortie d'aucune obligation déclarative. Cette obligation contributive s'applique en effet en cas de transmissions qui ne peuvent être juridiquement qualifiés de donations ou de successions, excluant par là-même la déclaration de succession prévue à l'article 800 du CGI.
Si l'obligation de déclaration évènementielle découlant des articles 1649 AB et 344 G sexies de l'annexe II au code général des impôts peut certes être reliée au décès du constituant, celle--ci n'est pas pour autant liée à l'obligation contributive spécifique de l'administrateur.
Il s'ensuit qu'en cas de défaillance de l'administrateur dans l'accomplissement de son obligation contributive, l'administration n'est pas en mesure, faute d'obligation déclarative qui lui soit associée, d'user des outils de contrôles habituellement mis en oeuvre dans cette situation (envoi de mises en demeure, engagement d'une taxation d'office).
Ø Pénalités
En cas de rectification du fait de l'omission des actifs figurant dans un trust, la majoration de 80 % prévue par l'article 1729 O-A du CGI ne peut être appliquée aux omissions déclaratives des trusts portant sur des biens et droits autres qu'immobilier. La modification proposée vise, en supprimant toute référence à l'article 990 J du CGI dans l'article 1729-0 A du CGI, à assurer la coordination entre le champ d'application de la majoration de 80 % prévue par ce texte et le périmètre des biens et droit devant figurer dans les déclarations incombant aux trusts en application de l'article 1649 AB du CGI.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La mesure proposée vise à créer une obligation déclarative pesant sur l'administrateur du trust chargé de verser au comptable public compétent les droits de mutation par décès dus dans les cas prévus aux b et c du 2 du II de l'article 792-0 bis du code général des impôts afin de permettre l'engagement des procédures adéquates en cas de défaillance de la part de l'administrateur.
En outre, le c de l'article 1729-0 A du code général des impôts dans sa rédaction actuelle ne permet d'appliquer la majoration de 80 % aux droits qu'à une partie seulement des manquements aux obligations déclaratives des trusts.
Ainsi, un contribuable qui dissimule des avoirs financiers dans un trust n'est pas passible de la majoration de 80 % si le trust n'a pas respecté les obligations déclaratives, alors que cette même majoration s'applique s'il n'a pas déclaré un compte bancaire ou un contrat d'assurance-vie étranger détenu directement.
La modification proposée vise à coordonner le champ d'application de la sanction de 80 % avec celui des obligations déclaratives des trusts.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Ø Obligations déclaratives
Deux options ont été envisagées :
- Option 1 : modification de l'article 792-0 bis du CGI pour rendre obligatoire le dépôt d'une déclaration de succession.
- Option 2 : modification de l'article 792-0 bis du CGI pour rendre obligatoire le dépôt d'une déclaration spécifique
Ø Pénalités
Deux options ont été envisagées :
- Option 1 : Maintenir le renvoi par l'article 1729-0 A du CGI à l'article 990 J du CGI et modifier le périmètre de ce texte pour y inclure l'ensemble des biens et droits susceptibles d'être placés dans un trust.
- Option 2 : supprimer à l'article 1729-0 A du CGI la référence à l'article 990 J du CGI de manière à faire coïncider le champ d'application de la majoration de 80 % avec celui des obligations déclaratives des trusts prévues à l'article 1649 AB du même code.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Ø Obligations déclaratives
Pour intégrer une nouvelle obligation déclarative au droit positif, il a été fait le choix de retenir l'option 2.
En effet, si les droits à la charge de l'administrateur ont certes la nature de droits de succession, ils sont néanmoins exigibles dans des situations qui ne peuvent juridiquement s'analyser en une succession ou donation ; en outre, ils ne sont pas à la charge de personnes ayant la qualité d'héritier, de légataire ou de donataire. Dès lors, la déclaration de succession prévue à l'article 800 du CGI ne paraît pas constituer un support adapté au versement des droits dus.
Modifier l'article 792-0 bis du code général des impôts et y faire figurer une obligation déclarative spécifique paraît ainsi plus pertinent.
Ø Pénalités
L'option 1 étendrait le champ d'application du prélèvement sui generis de l'article 990 J du CGI au-delà de celui de l'impôt sur la fortune immobilière alors qu'il a précisément vocation à se substituer à cet impôt.
Il a été en conséquence fait le choix de retenir l'option 2 qui, de manière plus lisible et cohérente, lie directement le champ d'application de la sanction à celui du manquement sanctionné.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article procède, d'une part, à la modification de l'article 792-0 bis du code général des impôts afin d'y intégrer une nouvelle obligation déclarative pour l'administrateur de trust dans certains cas délimités par la loi, et d'autre part, à la modification du c du I de l'article 1729-0 A du code général des impôts afin de supprimer, pour l'application de la pénalité de 80 %, le renvoi aux dispositions de l'article 990 J du CGI.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Cet article ne vise pas à transposer en droit français des normes juridiques européennes. Il est par ailleurs compatible avec le droit européen en vigueur ou en cours d'élaboration.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
La mesure vise à renforcer le contrôle des trusts mais l'impact budgétaire n'est pas quantifiable.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mesure permettra de faciliter le contrôle et la mise en oeuvre des outils procéduraux classiques en cas de défaillance de l'administrateur du trust.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Aucune consultation obligatoire n'est requise et aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'appliquera aux contribuables de l'ensemble du territoire hexagonal, à l'exception des collectivités d'Outre-mer et de Nouvelle-Calédonie.
Par ailleurs, cette mesure sera applicable à tous les trusts étrangers ayant un lien avec la France, quel que soit leur pays d'implantation.
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert pas de texte d'application.
TITRE III - GARANTIR UN MEILLEUR RECOUVREMENT DES MONTANTS SOUSTRAITS PAR FRAUDE
Article 21 (I-1° et III) - Renforcer l'efficacité des mesures conservatoires dans la procédure dite de « flagrance sociale »
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
- La nécessité d'accroître les outils de recouvrement des créances sociales liées au travail dissimulé
Le manque à gagner lié au travail dissimulé sur le champ du secteur privé non-agricole est estimé entre 6,0 et 7,8 milliards d'euros64(*) par an de cotisations et contributions éludées. Or, si le montant des redressements opérés par les organismes de recouvrement n'a cessé d'augmenter ces dernières années (1,6 Md€ en 2024), le montant des sommes réellement recouvrées s'avère toujours largement inférieur (121 M€ en 2024). Dans un contexte de dégradation des comptes de la sécurité sociale, il apparait plus que jamais nécessaire de prendre des mesures visant à améliorer le recouvrement des dettes sociales d'origine frauduleuses.
- Historique de la flagrance sociale et des mesures conservatoires
Initialement créée par la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 sur le modèle de la flagrance fiscale65(*), la procédure dite de « flagrance sociale »66(*) visait à répondre aux conditions auxquelles répond également la procédure dite de « flagrance fiscale » : l'exigence d'indices objectifs et la nécessité d'agir rapidement. Concrètement, cette mesure permettait à un inspecteur du recouvrement, dans le cadre d'une procédure de contrôle impliquant un procès-verbal relevant l'infraction de travail dissimulé et lorsque le comportement de l'entreprise ou de ses dirigeants mettait en péril le recouvrement des cotisations éludées, de solliciter du juge de l'exécution l'autorisation de pratiquer sur les biens du débiteur une ou plusieurs mesures conservatoires. Elle permettait ainsi de geler les actifs de la personne contrôlée à hauteur du préjudice constaté et visait à empêcher la disparition des sommes dont le recouvrement était menacé. Cette procédure, qui nécessitait la rédaction de deux procès-verbaux (un PV de travail dissimulé et un PV de flagrance sociale, ce dernier devant de surcroît être signé par la personne contrôlée), ainsi que l'intervention du juge, était trop complexe et trop lente pour lutter efficacement contre la fraude aux cotisations sociales. Elle a été abrogée le 1er janvier 2017 et remplacée par des mesures facilitant la saisie conservatoire spécifiques à la lutte contre le travail dissimulé.
Prévues à l' article L. 133-1 du code de la sécurité sociale, ces mesures conservatoires peuvent être mises en oeuvre par le directeur de l'organisme de recouvrement, lorsqu'un procès-verbal de travail dissimulé a été établi, sans solliciter l'autorisation du juge. Cette procédure suppose toutefois la remise préalable d'un document d'information à la personne contrôlée, laquelle a la possibilité de produire des éléments justifiant de l'existence de garanties suffisantes pour couvrir les montants évalués. Ce document mentionne la possibilité pour l'organisme en charge du recouvrement de réaliser, sans solliciter l'autorisation du juge, une ou plusieurs mesures conservatoires, en l'absence de la production de ces garanties ou lorsque ces garanties sont insuffisantes.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
- Respect du droit de propriété
Le droit à la propriété figure aux articles 2 et 17 de la Déclaration du droit de l'Homme et du citoyen. Les atteintes à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi.
En l'occurrence, l'atteinte au droit de propriété est justifiée par des objectifs reconnus comme étant d'intérêt général par le Conseil constitutionnel (lutte contre le travail dissimulé et amélioration du recouvrement des créances publiques67(*)) et proportionnée à ces objectifs.
- Respect du droit à un recours effectif
L'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 institue le droit à un recours effectif devant un juge indépendant et impartial dans le respect des droits de la défense.
Le projet d'article maintient la possibilité, pour la personne faisant l'objet d'une mesure conservatoire spécifique, de saisir le juge de l'exécution, lequel se prononcera dans un délai de 15 jours. En ce sens, le droit à un recours effectif est garanti puisque l'intéressé peut demander la mainlevée de la mesure.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Le droit au recours effectif est garanti aux articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et donc contrôlé par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Pour être qualifié d'effectif, le recours doit être capable de porter directement remède à la situation critiquée (Pine Valley Developments Ltd et autres c. Irlande, décision de la Commission, 1989). Il doit être approprié (adéquat) et accessible répondant lui-même à l'obligation de célérité. La CEDH rappelle régulièrement qu'un recours inapte à prospérer en temps utile n'est ni adéquat ni effectif (Pine Valley Developments Ltd et autres c. Irlande, 1991, § 47 ; CEDH, Payet c. France, 2011, §§ 131- 134).
Pour les mêmes raisons qu'exposé supra, la mesure ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit européen à un recours effectif.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Les mesures conservatoires spécifiques à la lutte contre le travail dissimulé prévues à l'article L. 133-1 du code de la sécurité sociale s'avèrent inefficaces pour recouvrer les créances des entreprises « éphémères », susceptibles d'organiser leur propre insolvabilité, face auxquelles l'effet de surprise est déterminant. En effet, la remise dès le début du contrôle, du document précisant la possibilité pour l'organisme de recouvrement de réaliser une mesure conservatoire spécifique pourrait, selon les organismes, inciter l'usager à faire disparaitre son entreprise ou à organiser son insolvabilité. De plus, la procédure actuelle est soumise au respect de délais stricts, sous peine de caducité de la décision de procéder à la saisie par le directeur de l'organisme.
Aussi le nouveau dispositif reposerait sur l'établissement d'un procès-verbal de « flagrance sociale », qui permettrait au directeur de l'organisme en charge du recouvrement de prendre des mesures conservatoires dès la notification de celui-ci à l'usager, sans intervention du juge de l'exécution ni préalable avec le cotisant quant aux garanties qu'il pourrait apporter. Le directeur de l'organisme chargé du recouvrement resterait toutefois libre d'annuler cette saisie en cas d'apport de garanties par le cotisant. Le cotisant dispose en outre du droit d'exercer un recours en référé pour demander la mainlevée de la saisie conservatoire. La mesure proposée vise donc, sur le modèle de la flagrance fiscale, avant tout à accélérer la saisie face à des acteurs fraudeurs très propices et aptes à organiser leur disparition, tout en préservant des voies de recours.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Le projet d'article vise à renforcer l'efficacité du recouvrement des créances sociales dans les situations de travail dissimulé. Cette mesure contribue ainsi à lutter contre la fraude sociale en facilitant la récupération des cotisations et contributions sociales éludées et à lutter contre les sociétés éphémères.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Une solution non retenue aurait consisté à réformer a minima les mesures conservatoires existantes en supprimant uniquement le document d'information prévu à l'article L. 133-1 du code de la sécurité sociale et de réduire les délais de mise en oeuvre du dispositif, sans que cette suppression soit assortie de la création de nouvelles modalités d'information de la personne contrôlée. Mais ce document permet aujourd'hui à la personne contrôlée d'être informée de la procédure envisagée et de présenter d'éventuelles garanties pour éviter la mise en oeuvre de mesures conservatoires. Supprimer cette étape sans prévoir d'alternative aurait soulevé des enjeux de de sécurité juridique, rendant cette option plus difficile à mettre en oeuvre.
La procédure de flagrance sociale a été préférée car elle offre un bon équilibre entre efficacité, simplicité et sécurité juridique, tout en s'appuyant sur le modèle existant de la flagrance fiscale, lequel permet déjà d'agir contre les sociétés éphémères et leur capacité à organiser rapidement leur insolvabilité.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Le projet vise à remplacer les dispositions existantes par un nouveau dispositif de flagrance sociale inspiré de la flagrance fiscale. Cette procédure repose sur l'établissement de deux procès-verbaux distincts : un procès-verbal de constat de travail dissimulé, dressé dans les conditions actuelles, et un procès-verbal de flagrance sociale, comportant notamment l'évaluation du montant des cotisations et contributions dues68(*), et les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement des cotisations et contributions dues. La notification de ce second procès-verbal permettrait au directeur de l'organisme de recouvrement de déclencher immédiatement, sans autorisation judiciaire préalable, des mesures conservatoires.
La décision du directeur pourrait être contestée selon les voies existantes de recours prévues par le code des procédures civiles d'exécution, via une saisine en urgence du juge de l'exécution, qui statuerait dans un délai de quinze jours. Il pourrait ordonner la mainlevée des mesures conservatoires, notamment s'il estime que les conditions légales de mise en oeuvre ne sont pas réunies, ou si le cotisant contrôlé a pu apporter des garanties suffisant à couvrir les montants de cotisations et contributions éludés. Ce recours ne serait néanmoins pas suspensif afin de permettre à l'organisme de préserver ses chances de recouvrement et de ne pas laisser aux entreprises éphémères un délai supplémentaire pour organiser leur insolvabilité.
Cette mesure, qui s'inspire du dispositif existant de la flagrance fiscale69(*), s'inscrit dans une logique de rapprochement des moyens d'action entre administrations dans le cadre de la lutte contre la fraude aux finances publiques.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
L'instauration d'une procédure de flagrance sociale par le présent article suppose de modifier l'article L. 133-1 du code de la sécurité sociale, lequel est relatif à l'établissement du procès-verbal de travail dissimulé et aux mesures conservatoires existantes. Elle suppose également la prise d'un décret en Conseil d'Etat afin d'abroger les dispositions actuelles en matière de saisie conservatoire et de déterminer les modalités d'application du nouveau dispositif de flagrance sociale, notamment les modalités d'établissement et notification du procès-verbal de flagrance sociale.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le projet d'article ne présente pas de difficulté d'articulation avec le droit international, ni avec le droit de l'Union européenne.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
L'impact macroéconomique de l'instauration d'une nouvelle procédure de flagrance sociale en remplacement des mesures conservatoires existantes est positif.
Effet sur le recouvrement et la soutenabilité du système social : En renforçant l'efficacité du recouvrement des cotisations dans les cas de travail dissimulé, la mesure contribue à une meilleure préservation des recettes de la sécurité sociale, sans peser sur les entreprises respectueuses du droit. A terme cela peut renforcer la soutenabilité du système de protection sociale.
Effet sur l'équité entre acteurs économiques : Cette mesure favorise également une concurrence plus loyale, en réduisant l'avantage économique injustement obtenu par les fraudeurs.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
L'impact sur les entreprises est négligeable dans la mesure où la nouvelle procédure dite de flagrance sociale viendrait remplacer les mesures conservatoires actuelles. De surcroît, seules les entreprises autrices de travail dissimulé seront susceptibles de se voir appliquer cette procédure. La mesure est donc sans impact pour les entreprises vertueuses.
4.2.3. Impacts budgétaires
La présente mesure aurait un impact positif sur le financement de la Sécurité sociale en renforçant l'efficacité du recouvrement des cotisations et contributions sociales en cas de travail dissimulé.
Cette mesure ne crée pas un nouveau pouvoir de saisie, mais remplace une procédure existante par un dispositif plus souple et plus réactif. L'enjeu principal réside dans une mise en oeuvre plus rapide et mieux adaptée aux situations urgentes, en particulier dans le cadre de la lutte contre les sociétés éphémères. Le gain financier attendu résulte donc d'une amélioration opérationnelle, et doit être considéré comme marginal au regard du dispositif déjà en place.
Gain potentiel de la mesure = R x T x U x S = 16,8 millions d'euros
Où :
- R = montant annuel des redressements pour travail dissimulé (2024) = 1 600 M€,
- T = taux estimé des redressements liés à des sociétés éphémères = hypothèse de 70 %,
- U = utilisation effective de la procédure dans les cas où elle serait applicable = hypothèse de 30 %.
- S = sommes recouvrées grâce à la nouvelle procédure, qui n'auraient pu l'être avec l'ancienne = hypothèse de 5 %.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mesure nécessite l'adaptation des procédures interne ainsi que la diffusion d'outils d'information et la mise en place de formations à destination des agents concernés des organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales. A terme, la mesure facilitera le travail des agents chargés du recouvrement en leur offrant un outil juridique plus facilement mobilisable et mieux adapté à la lutte contre les entreprises frauduleuses, notamment contre les sociétés éphémères.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale a été consulté, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale, et a rendu un avis favorable le 1er septembre 2025.
Le Conseil d'administration central de la Mutualité sociale agricole a été consulté, à titre obligatoire, en application de l'article L 723-12 du code rural et de la pêche maritime et a rendu un avis le 3 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le III du présent article prévoit que les dispositions prévues au 1° du I entreront en vigueur à une date fixée par décret simple et au plus tard le 1er janvier 2027 afin de permettre l'adaptation des dispositions réglementaires et de permettre aux organismes de recouvrement de se préparer efficacement à la mise en oeuvre de la nouvelle procédure de flagrance sociale.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article est applicable en France hexagonale.
Conformément à l'article 73 de la Constitution, les lois sont applicables de plein droit dans les départements et les régions d'outre-mer. Le régime d'application des lois et règlements à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon est fondé sur le principe de l'identité législative, assortie d'exceptions.
La mesure prévue au I sera applicable en hexagone, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin sans qu'il soit besoin d'y ajouter une mention particulière d'applicabilité.
L'article L. 133-1 du code de la sécurité sociale est applicable à Mayotte conformément au III de l'article 22 de l'ordonnance 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique, à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès et autonomie, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte. La caisse de sécurité sociale de Mayotte assure le recouvrement des cotisations et contributions qui lui sont dues "selon les règles, les garanties et les sanctions" prévues par le code de la sécurité sociale. La mesure prévue au I sera donc applicable à Mayotte sans qu'il soit besoin d'y prévoir une disposition particulière d'applicabilité.
L'article L. 133-1 du code de la sécurité sociale n'est pas applicable à Saint-Pierre-et- Miquelon. La mesure prévue au I n'y sera donc pas applicable.
En Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ainsi qu'à Wallis-et-Futuna, la sécurité sociale relève de la compétence des collectivités territoriales et non de l'Etat. La mesure prévue au I n'y sera donc pas applicable. Elle ne sera pas non plus applicable dans les Terres australes et antarctiques françaises en l'absence de mention particulière d'applicabilité.
5.2.3. Textes d'application
Un décret en Conseil d'Etat pris sur le fondement de l'article L. 133-1 du code de la sécurité sociale fixera les modalités d'application du nouveau dispositif de flagrance sociale. Il abrogera les dispositions relatives aux mesures conservatoires spécifiques au travail dissimulé actuellement prévues aux articles R. 133-1 et R. 133-1-1 du code de sécurité sociale et précisera notamment le contenu du procès-verbal de flagrance ainsi que les conditions de sa notification.
Par ailleurs, un décret simple fixera également la date d'entrée en vigueur des dispositions.
Article 21 (I-2°, II et IV) - Supprimer le caractère suspensif de l'opposition à contrainte en cas de redressement pour travail dissimulé
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Le manque à gagner lié au travail dissimulé sur le champ du secteur privé non agricole est estimé entre 6,0 et 7,8 milliards d'euros70(*) par an de cotisations et contributions éludées. Or, si le montant des redressements opérés par les organismes de recouvrement n'a cessé d'augmenter ces dernières années (1,6 Md€ en 2024), le montant des sommes réellement recouvrées s'avère toujours largement inférieur (121 M€ en 2024). Dans un contexte de dégradation des comptes de la sécurité sociale, il apparait plus que jamais nécessaire de prendre des mesures visant à améliorer le recouvrement des dettes sociales d'origine frauduleuses, et notamment d'accroître les outils de recouvrement des créances sociales liées au travail dissimulé.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Les droits de la défense, comprenant le droit à un recours effectif, découlent de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre ces derniers et la prévention des atteintes à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes, et la recherche des auteurs d'infractions. Le Conseil constitutionnel juge de façon constante que l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 garantit le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif (Décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, cons. 11). C'est notamment le cas lorsqu'est en cause la privation du droit de propriété (n°2011-208 QPC, 13 janvier 2012, cons. 5 et 6,).
En l'espèce, la mesure vise à éviter, en cas de travail dissimulé, la disparition du débiteur qui priverait d'effet utile l'action en recouvrement des organismes de contrôle. Dans ce cadre, le débiteur conserve le droit d'effectuer un recours (opposition) contre la contrainte.
Par ailleurs, lorsqu'un recours est ouvert, ce dernier doit être effectif. Il s'agit d'une exigence constitutionnelle71(*). Or, selon le Conseil, l'absence de caractère non suspensif d'une voie de recours ne méconnaît pas, en elle- même, le droit à un recours effectif72(*). Dans ce cas, le Conseil constitutionnel prend en compte l'objectif poursuivi par le législateur et, le cas échéant, le caractère irrémédiable de la mesure sans que le recours n'ait été tranché. Ainsi, le caractère non suspensif du recours contre l'aliénation de biens saisis par l`administration douanière sur autorisation d'un juge est inconstitutionnelle, car l'exécution d'une telle mesure est définitive (le bien sort définitivement du patrimoine de la personne)73(*) ; de même, a été jugé inconstitutionnel le caractère non suspensif du recours contre la désignation par le CHSCT d'un expert aux frais de l'employeur car même si ce dernier obtient postérieurement l'annulation de la désignation, il aura payé les honoraires sans possibilité de récupération74(*).
Dans ce cadre, le Conseil constitutionnel a pu à plusieurs reprises écarter le grief tiré de la méconnaissance du droit au recours juridictionnel effectif lorsqu'il s'agissait de mesures prises et directement exécutées, privant d'un droit la personne en cause, mais dont la contestation a posteriori permettait la restitution de son droit75(*). En l'espèce, la suppression du caractère suspensif de l'opposition à contrainte, délivrée en cas de travail dissimulé, poursuit l'objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude. De même, en cas d'opposition, le jugement statuant sur l'opposition pourra annuler la contrainte ou en réduire le montant, l'URSSAF ou la caisse de la mutualité sociale agricole (MSA) étant alors tenue de restituer au débiteur les sommes recouvrées via les mesures d'exécution forcées. Par ailleurs, elle pourra être condamnée à indemniser le débiteur si elle a commis une faute en pratiquant une mesure d'exécution forcée sur la base d'une contrainte in fine annulée.
Pour renforcer le droit au recours effectif des débiteurs concernés, la mesure prévoit en outre de permettre une saisine du juge afin d'arrêter l'exécution de la contrainte lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Dès lors, la mesure ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours effectif.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Le droit au recours effectif est garanti aux articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et donc contrôlé par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Pour être qualifié d'effectif, le recours doit être capable de porter directement remède à la situation critiquée (Pine Valley Developments Ltd et autres c. Irlande, décision de la Commission, 1989). Il doit être approprié (adéquat) et accessible répondant lui-même à l'obligation de célérité. La CEDH rappelle régulièrement qu'un recours inapte à prospérer en temps utile n'est ni adéquat ni effectif (Pine Valley Developments Ltd et autres c. Irlande, 1991, § 47 ; CEDH, Payet c. France, 2011, §§ 131- 134).
Pour les mêmes raisons qu'exposé supra, la mesure ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit européen à un recours effectif.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
La mise en oeuvre des procédures conservatoires à l'heure actuelle ne permet pas toujours d'opérer un recouvrement des sommes éludées dans les cas de travail dissimulé. En particulier, ce recouvrement se heurte aux difficultés que posent les entreprises « éphémères », susceptibles d'organiser leur propre insolvabilité.
Dans le cadre d'un contrôle en matière de travail dissimulé, les entreprises concernées peuvent en effet anticiper leur dissolution ou transférer leurs actifs à d'autres entités, aboutissant à rendre infructueux le dispositif. Face à ces stratégies, un renforcement des garanties dont peuvent disposer les URSSAF et les caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA) au fil de la procédure de contrôle ne peut qu'améliorer le montant des créances finalement recouvrées.
Dans ce cadre, la contrainte76(*), qui permet à l'URSSAF d'exiger le paiement des sommes dues lorsque, malgré un avertissement et une mise en demeure préalables, le débiteur n'a pas régularisé sa situation dans le délai imparti, peut s'avérer inefficace. Avant d'émettre une contrainte, l'URSSAF doit en effet adresser au débiteur une mise en demeure, l'invitant à régulariser sa situation dans un délai de 30 jours, conformément à l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale. À défaut de réponse ou de paiement, l'article L. 244-9 du même code confère au directeur de l'URSSAF la faculté de décerner une contrainte comportant tous les effets d'un jugement à défaut d'opposition. Des dispositions similaires sont prévues à l'article L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime pour les caisses de MSA.
Le débiteur dispose alors d'un délai contraint (quinze jours) à compter de la notification ou de la signification de la contrainte pour former opposition auprès du tribunal compétent, sans quoi la contrainte devient un titre définitif et permet à l'URSSAF ou à la caisse de MSA de procéder à des mesures d'exécution forcée, telles que des saisies. Or, l'opposition du débiteur a actuellement un effet suspensif sur l'exécution de la contrainte, jusqu'à la décision du tribunal.
Compte tenu du caractère exorbitant du droit commun de l'opposition à une mesure administrative de décernement d'une contrainte, cette mesure ne pouvait faire l'objet que d'une mesure législative.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La mesure vise à supprimer l'effet suspensif de l'opposition à contrainte, afin que celle-ci devienne immédiatement exécutoire et que le débiteur ne puisse plus organiser, dans un moment où il est déjà informé de l'existence d'un contrôle par le biais d'une mise en demeure, le détournement de ses actifs. Ce faisant, la mesure doit permettre de renforcer le recouvrement effectif des sommes dues en cas de travail dissimulé.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Compte tenu du caractère exorbitant du droit commun de l'opposition à une mesure administrative de décernement d'une contrainte, cette mesure ne pouvait faire l'objet que d'une mesure législative. Aussi, aucune option en dehors d'une telle intervention n'a été envisagée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Le projet consiste à permettre le caractère immédiatement exécutoire du décernement d'une contrainte en cas de travail dissimulé, en supprimant le caractère suspensif de l'opposition que peuvent former les débiteurs soumis à cette contrainte.
Ce caractère immédiatement exécutoire s'accompagne de l'ouverture de la possibilité pour le débiteur de demander au juge, en même temps que l'opposition, l'arrêt de l'exécution provisoire de la contrainte, lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives, sur le modèle de ce qui existe aujourd'hui en ce qui concerne l'exécution provisoire des décisions de première instance en appel.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
La suppression de l'effet suspensif de l'opposition à la contrainte suppose de modifier les articles L. 244-9 du code de la sécurité sociale et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime, lesquels précisent la procédure de décernement de ladite contrainte.
Elle suppose également la prise d'un décret en Conseil d'Etat afin d'adapter en conséquence les dispositions relatives aux conséquences du décernement d'une contrainte par un organisme social créancier.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le présent article ne présente pas de difficulté d'articulation avec le droit international, ni avec le droit de l'Union européenne.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
L'impact macroéconomique de la suppression du caractère suspensif de l'opposition à contrainte est positif.
- Effet sur le recouvrement et la soutenabilité du système social
En renforçant l'efficacité du recouvrement des cotisations dans les cas de travail dissimulé, la mesure contribue à une meilleure préservation des recettes de la sécurité sociale, sans peser sur les entreprises respectueuses du droit. A terme cela peut renforcer la soutenabilité du système de protection sociale.
- Effet sur l'équité entre acteurs économiques
Cette mesure favorise également une concurrence plus loyale, en réduisant l'avantage économique injustement obtenu par les fraudeurs.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
L'adoption du II du présent article du projet de loi aurait un impact sur le financement de la sécurité sociale en renforçant l'efficacité du recouvrement des cotisations et contributions sociales en cas de de travail dissimulé.
Sur la base des données relatives aux contraintes décernées avec des créances liées à du travail dissimulé en 2023, il ressort que le montant des contraintes émises dans un dossier de travail illégal et ayant fait l'objet d'une opposition est de 31M€ et que ces dernières n'aboutissaient à un recouvrement réel que pour 7% des montants, contre 36% pour les contraintes n'ayant pas fait l'objet d'une opposition.
Par ailleurs, en 2024, l'URSSAF a obtenu gain de cause dans 80 % des cas devant les juridictions en cas d'opposition à contrainte impliquant des créances liées à du travail dissimulé.
Il peut donc être inféré que le gain pour les caisses de sécurité sociale sera égal à la différence entre les taux de recouvrement des créances ayant fait l'objet (To) ou non (Tno) d'une opposition à contrainte, la suppression de l'effet suspensif permettant aux contraintes qui ont fait l'objet d'une opposition d'exercer un effet plus immédiat et positif sur le recouvrement qui les rapprochera des dossiers sans opposition. Ce montant doit toutefois être réduit par la part des cas où l'URSSAF n'obtient pas gain de cause devant les juridictions sur les oppositions à contrainte (Tp). Il sera pris pour hypothèse, pour agréger les cas où la contrainte est complètement annulée et ceux où le juge en corrige les montants, que ces cas de perte de contentieux conduisent à une réduction moyenne de 50% des montants recouvrés par les URSSAF.
Au total, le gain estimé serait ainsi de : 31 M€ * (Tno - To) * (1 - Tp * 0,5) = 31 * 0,29 * 0,9 = 8,1 M€.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mesure nécessite l'adaptation des systèmes informatiques des caisses concernées par la mise en oeuvre de cette mesure et la formation des agents à cette évolution de la procédure de contrôle en cas de suspicion de travail dissimulé.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale a été consulté, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale et a rendu un avis favorable le 1er septembre 2025.
Le Conseil d'administration central de la Mutualité sociale agricole a été consulté, à titre obligatoire, en application de l'article L. 723-12 du code rural et de la pêche maritime, et a rendu un avis le 3 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le IV du présent article prévoit que les dispositions prévues au 2° du I et au II entreront en vigueur à une date fixée par décret simple et au plus tard le 1er janvier 2027 afin de permettre l'adaptation des dispositions réglementaires et de permettre aux organismes de recouvrement de se préparer efficacement à la mise en oeuvre de la nouvelle procédure de flagrance sociale.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal.
Conformément à l'article 73 de la Constitution, les lois sont applicables de plein droit dans les départements et les régions d'outre-mer. Le régime d'application des lois et règlements à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon est fondé sur le principe de l'identité législative, assortie d'exceptions.
Les mesures prévues au 2° du I et au II seront donc applicables en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin sans qu'il soit besoin d'y ajouter une mention particulière d'applicabilité.
L'article L. 133-1 du code de la sécurité sociale est applicable à Mayotte conformément au III de l'article 22 de l'ordonnance 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique, à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès et autonomie, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte. La caisse de sécurité sociale de Mayotte assure le recouvrement des cotisations et contributions qui lui sont dues "selon les règles, les garanties et les sanctions" prévues par le code de la sécurité sociale. Les mesures prévues au 2° du I et au II seront applicables à Mayotte sans qu'il soit besoin d'y prévoir une disposition particulière d'applicabilité.
L'article L. 133-1 du code de la sécurité sociale n'est pas applicable à Saint-Pierre-et- Miquelon. Les mesures prévues aux 2° du I et au II n'y seront donc pas applicables.
En Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ainsi qu'à Wallis-et-Futuna, la sécurité sociale relève de la compétence des collectivités territoriales et non de l'Etat. Les mesures prévues au 2° du I et au II n'y seront donc pas applicables. Elles ne seront pas non plus applicables dans les Terres australes et antarctiques françaises en l'absence de mention particulière d'applicabilité.
5.2.3. Textes d'application
Un décret en Conseil d'Etat, pris sur le fondement des articles L. 244-9 du code de la sécurité sociale et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime, adaptera la procédure de contrôle à la suppression de l'effet suspensif de l'exécution de la contrainte.
En particulier, les dispositions réglementaires relatives au décernement d'une contrainte par les directeurs d'organismes sociaux créanciers, inscrites aux articles R. 133-3 à R. 133-7 du code de la sécurité sociale et aux articles R. 725-8 à R. 725-11 du code rural et de la pêche maritime, devront prendre en compte les spécificités applicables au décernement de la contrainte en cas de travail dissimulé, telles qu'issues de la mesure.
Ce même décret devra également préciser les modalités et délais de la procédure aux fins d'arrêter l'exécution provisoire de la contrainte.
Par ailleurs, un décret simple prévoira la date d'entrée en vigueur de la mesure.
Article 22 - Réviser les dispositions relatives aux obligations et à la solidarité financière des maîtres d'ouvrage et donneurs d'ordre
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
- La lutte contre le travail illégal, une priorité du Gouvernement
Les pouvoirs publics sont engagés de façon constante dans la lutte contre toutes formes de fraudes et de pratiques abusives portant atteintes à l'ordre public, social et économique. Le travail illégal sous toutes ses formes est ainsi une priorité d'action pour l'ensemble des corps de contrôle compétents ainsi que pour les instances d'animation et de coordination. L'action coordonnée des services, notamment dans le cadre des comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF), permet de mettre en oeuvre des actions ciblées dans les secteurs réputés fraudogènes.
Le travail illégal constitue en effet un triple préjudice : pour les salariés dont les droits ne sont pas garantis, pour les entreprises qui respectent la loi et qui sont victimes d'une concurrence déloyale ainsi que pour la collectivité qui est privée des prélèvements sociaux et fiscaux qui lui sont dus.
- Le travail dissimulé, la principale infraction constitutive de travail illégal
L'infraction de travail dissimulé constitue la première infraction de travail illégal relevée par les corps de contrôle (77 % des procédures sur les années 2019 et 2020)77(*). Elle regroupe des situations de dissimulation intentionnelle, partielle ou totale, d'activité78(*) ou d'emploi salarié79(*).
La dissimulation d'une activité découle de :
- L'absence ou défaut d'immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés ;
- L'omission des déclarations sociales et fiscales ;
- Le fait de se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l'employeur de ces derniers exerce dans l'État sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.
La dissimulation d'un emploi découle de :
- L'absence de déclaration préalable à l'embauche ;
- L'absence de bulletin de paie ou la mention sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ;
- L'absence de déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci.
Le manque à gagner lié au travail dissimulé sur le champ du secteur privé non agricole est estimé entre 6,0 et 7,8 milliards d'euros80(*) par an de cotisations et contributions éludées.
Des mécanismes de solidarité financière des dettes sociales déjà prévus par le code du travail et le code de la sécurité sociale
Le code du travail prévoit qu'est tenu solidairement au paiement des cotisations et contributions obligatoires ainsi qu'aux pénalités et majorations dues par celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé :
- toute personne qui méconnait l'obligation de vigilance prévue à l'article L. 8222-1 du code du travail (cf. l'article L. 8222-2 du code du travail) ;
- toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé (cf. l'article L. 8222-2 du code du travail) ;
- le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre qui méconnait l'obligation de diligence prévue au premier alinéa de l'article L. 8222-5 du code du travail ;
- toute personne morale de droit public qui méconnait l'obligation de diligence prévue au premier alinéa de l'article L. 8222-6 du code du travail ou, en cas de poursuite du contrat, si la preuve de la fin de la situation délictuelle ne lui a pas été apportée dans un délai de six mois suivant la mise en demeure.
Le code de la sécurité sociale prévoit par ailleurs deux autres mécanismes de solidarité financière des dettes sociales : d'une part, l'article L. 243-3-2 prévoit la possibilité pour un dirigeant d'une société d'être déclaré par le président du tribunal judiciaire solidairement responsable du paiement des cotisations, contributions et sanctions pécuniaires dues par la société ayant fait l'objet d'une verbalisation pour travail dissimulé lorsqu'il est responsable des manoeuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations sociales qui ont rendu impossible le recouvrement de ces cotisations, contributions et sanctions.
D'autre part, l'article L. 243-7-3 prévoit une responsabilité subsidiaire et solidaire de la société mère ou de la société holding en cas de constatation d'une infraction de travail dissimulé par procès-verbal établi à l'encontre d'un employeur appartenant à un ensemble de personnes entre lesquelles un lien de dépendance ou de contrôle existe, au sens des articles L. 233- 1 et L. 233-3 du code de commerce.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Ø Elargissement de l'obligation de vigilance et du mécanisme de solidarité financière qui en découle au maître d'ouvrage
- Sur le respect des principes de présomption d'innocence, d'individualisation et de proportionnalité des peines :
Ces principes résultant des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne s'appliquent qu'aux peines et aux sanctions ayant le caractère d'une punition. Or, le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015 a considéré que le mécanisme de solidarité financière prévu par l'article L. 8222-2 du code du travail « n'a pas le caractère d'une punition au sens des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 » dès lors qu'il « constitue une garantie pour le recouvrement des créances du Trésor public et des organismes de protection sociale » et que « le donneur d'ordre qui s'est acquitté du paiement des sommes exigibles en application du 1 ° de l'article L. 8222-2 dispose d'une action récursoire contre le débiteur principal et, le cas échéant, contre les codébiteurs solidaires ».
Par ailleurs, s'agissant du respect du principe de nécessité des délits et des peines, la Cour de cassation a rejeté la demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel sur l'article L.243-7-7 du code de la sécurité sociale, aux motifs que : « La disposition critiquée [de l'article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale] ayant pour objet, en assortissant de majorations complémentaires égales à 25 ou à 40 % le montant des cotisations et contributions sociales mises en recouvrement à l'issue d'un contrôle ayant conduit à la constatation des infractions en matière de travail illégal qu'elle mentionne, de concourir au bon fonctionnement du système de sécurité sociale et à son équilibre financier ainsi qu'à l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude sociale qui découle de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, il ne saurait être sérieusement soutenu qu'elle méconnaît ainsi les principes de nécessité des délits et des peines et le principe de proportionnalité des peines énoncés à l'article 8 de la Déclaration ; que la majoration qu'elle prévoit n'ayant ni la même nature, ni la même finalité que les sanctions pénales auxquelles s'expose également, le cas échéant, le redevable, il ne saurait être davantage soutenu qu'elle méconnaît la règle du non cumul des sanctions pénales et administratives dite communément « non bis in idem » qui découle des mêmes dispositions constitutionnelles. » ( Civ. 2e, 29 sept. 2016, n° 16-40.227).
- Sur le respect du principe de responsabilité
Il résulte de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Comme le rappelle le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, la loi peut instituer une solidarité de paiement dès lors que les conditions d'engagement de cette solidarité sont proportionnées à son étendue et en rapport avec l'objectif poursuivi par le législateur.
En l'occurrence, la mesure vise à lutter contre le travail dissimulé et assurer un meilleur recouvrement des créances publiques, objectifs d'intérêt général.
La mesure ne porte pas une atteinte manifestement disproportionnée au principe de responsabilité. En effet, le maître de l'ouvrage qui n'aurait pas respecté son obligation de vigilance, et dont le cocontractant ou un sous-traitant de celui-ci aurait fait l'objet d'un procès- verbal pour délit de travail dissimulé, pourrait être regardé comme ayant facilité la réalisation de ce travail dissimulé. Par ailleurs, cette solidarité serait limitée, dès lors que ces sommes seraient déterminées, en application des dispositions de l'article L. 8222-3 du code du travail, « à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession ».
- Sur le respect du droit de propriété
Le droit à la propriété figure aux articles 2 et 17 de la Déclaration du droit de l'Homme et du citoyen. Les atteintes à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi.
La solidarité financière n'est pas susceptible d'emporter une privation du droit de propriété au sens de l'article 17 de la déclaration de 1789.
L'atteinte au droit de propriété, prévu à l'article 2 de la déclaration, est par ailleurs justifiée par des objectifs d'intérêt général (lutte contre le travail dissimulé et amélioration du recouvrement des créances publiques) et proportionnée à ces objectifs. Le maître de l'ouvrage qui se serait acquitté du paiement des sommes exigibles disposerait en effet d'une action récursoire contre le débiteur principal et, le cas échéant, contre les codébiteurs solidaires. Par ailleurs, les sommes dont le paiement serait exigible seraient limitées aux cotisations éludées correspondant aux rémunérations versées au titre des travaux réalisés pour le compte du donneur d'ordres. Cette quote part revenant à un maître d'ouvrage sera déterminée, en application de l'article L. 8222-3 du code du travail, en tant compte de la « valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession ».
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le montant des cotisations et contributions éludées chaque année du fait du recours au travail dissimulé dans le secteur privé non agricole est estimé à 6,0 à 7,8 milliards d'euros81(*). Or, si le montant des redressements opérés par les organismes de recouvrement n'a cessé d'augmenter ces dernières années (1,6 Md€ en 2024), le montant des sommes réellement recouvrées s'avère toujours largement inférieur (121 M€ en 2024) du fait de la difficulté d'obtenir le paiement de la part des fraudeurs. Dans un contexte de dégradation des comptes de la sécurité sociale, il apparait plus que jamais nécessaire de prendre des mesures visant à améliorer le recouvrement des dettes sociales d'origine frauduleuses.
Les redressements opérés par les corps de contrôle affichent en effet une progression significative. Les organismes de recouvrement du régime général enregistrent des performances exceptionnelles en 2023 et 2024, ayant procédé au redressement d'environ 2,8 Md€ dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé sur ces deux années, dont 1,6 Md€ pour la seule année 2024. Le montant des redressements opérés par les caisses de mutualité sociale agricole a par ailleurs doublé entre 2022 et 2023, de 12,6 millions d'euros à 25,29 millions d'euros et se maintient en 2024 à 24,35 millions d'euros.
La hausse des redressements en matière de travail dissimulé ne s'est toutefois pas traduite par un accroissement équivalent des encaissements afférents. Ainsi, au total pour les deux années 2023 et 2024, seuls 200 millions d'euros ont été recouvrés par les organismes du régime général. Le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) estime, dans son rapport relatif à la lutte contre la fraude sociale publié en juillet 2024, que seules 10 % des sommes redressées au titre de la lutte contre le travail dissimulé sont recouvrées. Cette limite s'explique d'abord par la fragilité financière importante des entreprises ayant le plus recours à la fraude, ce qui les conduit à être fréquemment liquidées du fait des redressements mis à leur charge, mais aussi en partie par leur disparition volontaire ou l'organisation de son insolvabilité avant que les organismes de recouvrement puissent récupérer les sommes dues.
Ainsi, la sous-traitance en cascade contribue à freiner le recouvrement des cotisations sociales, en entraînant un transfert ou une dilution de la responsabilité civile et pénale, notamment dans les situations de recours au travail dissimulé. Le mécanisme existant de solidarité financière du donneur d'ordre et du maître d'ouvrage s'avère insuffisant dans pareille situation.
En effet, si la solidarité financière du maître de l'ouvrage peut être engagée sur le fondement de l'article L. 8222-2 du code du travail (en cas de recours sciemment à du travail dissimulé), sa mise en oeuvre repose sur une condamnation pénale définitive prononcée par les tribunaux correctionnels. Elle est donc subordonnée à la capacité des parquets à engager des poursuites, et les délais avant d'obtenir une condamnation définitive obèrent toute efficacité réelle en termes de recouvrement.
Par ailleurs, la mise en oeuvre de la solidarité financière en cas de manquement à l'article L. 8222-5 du code du travail (« devoir de diligence » selon lequel le donneur d'ordre ou maitre d'ouvrage, informé d'une infraction de travail dissimulé par le sous-traitant, est tenu de faire cesser sans délai cette situation irrégulière) est d'une portée limitée. Le devoir de diligence constitue en effet une obligation de moyen et non de résultat : la solidarité financière ne pourra être engagée dès lors que le donneur d'ordre ou maitre d'ouvrage aura adressé un courrier à son sous-traitant lui demandant de faire cesser les pratiques non conformes.
La solidarité financière en cas de manquement à l'obligation de vigilance prévue à l'article L. 8222-1 du code du travail, est la plus couramment mise en oeuvre. Ce dispositif est toutefois plus aisément mis en défaut en cas de sous-traitance en cascade dans la mesure où il ne peut être engagé qu'à l'encontre du donneur d'ordre du rang immédiatement supérieur à celui de l'employeur défaillant.
Or, la solidarité financière constitue un levier important d'optimisation du recouvrement des sommes dues en cas de travail dissimulé, de plus en plus mobilisé par les organismes chargés du recouvrement des cotisations sociales. Pour le régime général, le recours à la solidarité financière s'est accru au cours des dernières années.
Années |
Nombre d'actions de solidarité financière engagées |
Sommes mises en redressement |
2021 |
293 |
15,2 millions d'euros |
2022 |
317 |
19,1 millions d'euros |
2023 |
427 |
11,7 millions d'euros |
2024 |
587 |
32 millions d'euros |
Dans le secteur agricole, le recours au mécanisme de solidarité financière est stable au cours des dernières années. Il a été actionné dans 6 dossiers en 2024 contre 5 en 2023.
Le présent article du projet de loi vise donc à élargir l'obligation de vigilance prévue à l'article L. 8222-1 du code du travail, et par suite, le mécanisme de solidarité financière qui découle du manquement à cette obligation, au maître de l'ouvrage, afin d'améliorer les perspectives de recouvrement des dettes sociales et fiscales, notamment en cas de sous-traitance en cascade et de contribuer à la prévention de la fraude.
Par ailleurs, dans le droit en vigueur, le montant de redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l'issue d'un contrôle est majoré de 25 % en cas de constat d'une infraction de travail dissimulé ( article L. 243-7-7 I du code de la sécurité sociale). Cette majoration est portée à 40 % en cas d'emploi dissimulé d'un mineur, en cas de faits commis à l'égard de plusieurs personnes ou d'une personne vulnérable ou en cas de faits commis en bande organisée.
Le sous-traitant peut bénéficier d'une réduction de dix points du taux de ces majorations de redressement si, dans un délai de trente jours à compter de la notification de la mise en demeure, il procède au règlement intégral des cotisations, pénalités et majorations de retard notifiées ou si un délai de paiement a été accepté par l'organisme, sauf dans les cas de réitération ( article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale). Cette disposition s'applique aux donneurs d'ordres selon les mêmes modalités.
Afin d'encourager davantage le donneur d'ordre ou le maitre d'ouvrage au paiement rapide des sommes dues dans le cadre de la solidarité financière, le présent article du projet de loi les dispense de l'intégralité du paiement de la majoration au titre du « travail dissimulé » en cas de paiement des sommes dues dans un délai défini par décret en Conseil d'Etat à compter de la notification de la mise en demeure ou de conclusion d'un plan d'échelonnement dans le même délai.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Le projet d'article vise à renforcer le rôle et la responsabilité en matière de lutte contre le travail dissimulé du maître de l'ouvrage dans les marchés privés et dans les marchés publics afin de garantir le respect de cette interdiction et ainsi améliorer la lutte contre le travail illégal et prévenir les risques de fraude. Par voie de conséquence, cette mesure devrait permettre d'améliorer la protection des salariés dont les droits ne sont aujourd'hui pas garantis et contribuer à rétablir des conditions de concurrence plus équitables entre entreprises. Le projet d'article vise également à offrir une nouvelle garantie pour le recouvrement des créances publiques en cas de travail dissimulé.
Enfin, le projet d'article vise à inciter les donneurs d'ordre et les maîtres d'ouvrage, au paiement rapide des cotisations dues dans le cadre de la solidarité financière.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
La création d'un nouveau mécanisme de solidarité financière ainsi que la limitation du recouvrement des majorations de redressement applicables en cas de travail dissimulé nécessitent l'intervention de la loi. Aussi, aucune option en dehors d'une telle intervention n'a été envisagée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Le présent article du projet de loi a pour objet d'une part, d'élargir l'obligation de vigilance prévue à l'article L. 8222-1 du code du travail, et par suite, le mécanisme de solidarité financière qui découle du manquement à cette obligation, au maître de l'ouvrage afin d'améliorer les perspectives de recouvrement en cas de sous-traitance en cascade, et d'autre part, de supprimer le recouvrement des majorations appliquées au titre du travail dissimulé dans le cadre de la solidarité financière, si le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre paie dans un délai défini par décret en Conseil d'Etat les sommes dues au principal.
Ø Elargissement de l'obligation de vigilance et du mécanisme de solidarité financière qui en découle au maître d'ouvrage
- Création d'une obligation de vigilance du maître de l'ouvrage dans les chaines de sous-traitance
Le présent article du projet de loi crée, à la charge du maître de l'ouvrage, une obligation de vigilance consistant à vérifier périodiquement le respect par le sous-traitant des interdictions relatives au travail dissimulé82(*). Celle-ci consisterait en l'obligation pour le maître de l'ouvrage de se faire remettre, par l'entrepreneur principal, à la conclusion du contrat de sous-traitance puis tous les six mois, une liste de documents précisée par décret (un document permettant d'attester de l'immatriculation de l'entreprise et une attestation de paiement des cotisations sociales fournie par l'URSSAF), permettant de matérialiser ce respect.
Cette nouvelle obligation de vigilance du maître de l'ouvrage serait conditionnée :
- à sa connaissance, à travers son acceptation, de l'existence du sous-traitant ainsi qu'à l'existence d'un contrat entre le donneur d'ordre et le sous-traitant (condition à définir par voie réglementaire) ;
- à l'existence d'un contrat d'un montant minimum (montant à définir par voie réglementaire).
Cette proposition vise tout d'abord à renforcer le rôle et la responsabilité en matière de lutte contre le travail dissimulé du maître de l'ouvrage dans les marchés privés et dans les marchés publics, lequel a connaissance de l'ensemble de la chaîne de sous-traitance dès lors qu'il accepte chaque sous-traitant83(*).
Au-delà de son aspect répressif lorsqu'il est activé, ce dispositif s'inscrit également dans une logique de prévention et de dissuasion du le travail dissimulé. La sensibilisation des donneurs d'ordre et maitres d'ouvrage, tant publics que privés, aux obligations légales et aux risques permet de responsabiliser l'ensemble des acteurs des chaînes de valeur.
- Création d'une solidarité financière du maître de l'ouvrage conditionnée au manquement à son obligation de vigilance
Le présent article du projet de loi vise également à faciliter le recouvrement des cotisations sociales dans les chaines de sous-traitance en permettant aux organismes de recouvrement de s'adresser directement au maître d'ouvrage, lequel est davantage susceptible d'être pérenne et solvable que les donneurs d'ordre et sous-traitants intermédiaires, en cas de manquement à son obligation de vigilance.
Le recours à la solidarité financière du maître de l'ouvrage serait limité :
- elle ne pourrait être engagée qu'en cas de manquement par le maître de l'ouvrage à son obligation de vigilance mentionnée supra ;
- le maître de l'ouvrage, qui se serait acquitté du paiement des sommes exigibles dans le cadre de cette solidarité financière, disposera de la possibilité de mener une action récursoire contre le débiteur principal, et le cas échéant contre les codébiteurs solidaires (cette obligation du maitre de l'ouvrage étant ajoutée et non substituée à l'obligation de vigilance du donneur d'ordre).
Ce mécanisme de solidarité financière n'a pas vocation à constituer une sanction pour les maîtres d'ouvrage mais uniquement une garantie pour le recouvrement des créances du Trésor public et des organismes de protection sociale.
Ø Limitation du recouvrement des majorations appliquées au titre du travail dissimulé dans le cadre de la solidarité financière, si le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre paie dans un délai défini par décret en Conseil d'Etat les sommes dues au principal
Le présent article du projet de loi vise à encourager davantage le donneur d'ordre ou le maitre de l'ouvrage au paiement rapide des sommes recouvrées dans le cadre de la solidarité financière en les dispensant de l'intégralité du paiement de la majoration « travail dissimulé » prévue à l'article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale en cas de paiement dans un délai défini par décret en Conseil d'Etat à compter de la notification de la mise en demeure ou si, dans le même délai, il a présenté un plan d'échelonnement du paiement au directeur de l'organisme de recouvrement et que ce dernier l'a accepté.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
La création d'une nouvelle obligation de vigilance du maître d'ouvrage nécessite la création d'un nouvel article L. 8222-1-1 du code du travail ainsi qu'un décret en Conseil d'Etat84(*) et un décret simple afin de préciser les conditions d'application et les modalités selon lesquelles sont opérées les vérifications.
La création d'une solidarité financière du maître d'ouvrage en cas de manquement à cette obligation nécessite en outre de modifier l'article L. 8222-2 du même code afin d'y insérer une référence à l'article nouvellement créé.
La limitation du recouvrement des majorations appliquées au titre du travail dissimulé nécessite par ailleurs de modifier l'article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale ainsi qu'un décret en Conseil d'Etat.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le présent article ne présente pas de difficulté d'articulation avec le droit international ni avec le droit de l'Union européenne.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Ø Elargissement de l'obligation de vigilance et du mécanisme de solidarité financière qui en découle au maître d'ouvrage
- Amélioration du taux de recouvrement des créances sociales :
L'extension de la chaîne de responsabilité au maître d'ouvrage accroît les chances de recouvrement des cotisations en cas de défaillance des sous-traitants, d'autant que les maîtres d'ouvrage sont davantage susceptibles d'être pérennes et solvables que les donneurs d'ordre intermédiaires. Une hausse des ressources pour les caisses de sécurité sociale est attendue (cf. partie 4.2.3 sur l'impact budgétaire).
- Réduction du travail dissimulé :
Le second impact attendu est la réduction du travail dissimulé en raison de la responsabilisation des maîtres d'ouvrage (vigilance sur la régularité des sous-traitants). A terme, cela devrait se traduire par un basculement d'une partie de l'activité informelle vers l'activité formelle et ainsi augmenter les recettes fiscales et sociales. La mesure devrait ainsi contribuer à assainir la concurrence entre les entreprises et améliorer les conditions de travail des travailleurs.
Ø Suppression des majorations appliquées au titre du travail dissimulé dans le cadre de la solidarité financière, si le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre paie un délai défini par décret en Conseil d'Etat les sommes dues au principal
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Ø Elargissement de l'obligation de vigilance et du mécanisme de solidarité financière qui en découle au maître d'ouvrage
La mesure a un impact sur les maîtres d'ouvrage, lesquels devront respecter une obligation de vigilance qui consistera à demander et à se faire remettre périodiquement une liste de documents prévue par le code du travail (disposition réglementaire). La liste de documents sera identique à celle prévue dans le cadre de l'obligation de vigilance du donneur d'ordre prévu à l'article L. 8222-1 du code du travail85(*). L'obtention de ces documents respecte l'objectif de simplicité au bénéfice des entreprises, et notamment les TPE-PME.
Parmi eux figure notamment l'attestation de vigilance délivrée de façon dématérialisée par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et par les caisses de mutualité sociale agricole (MSA). La vérification de l'attestation par le maître de l'ouvrage portera sur son authenticité86(*) : le code de sécurité mentionné sur l'attestation permet d'authentifier la validité du document et de sécuriser le contenu des informations portées. La vérification est exercée par voie dématérialisée.
La remise des documents prévus par le code du travail crée une présomption de vérification. Cette présomption de vérification est écartée en cas de discordance entre la dénomination de la société, désignée sur les documents remis, et l'identité du cocontractant87(*).
Remplir son devoir de vigilance sera donc une démarche accessible pour le maître d'ouvrage.
Ø Suppression des majorations appliquées au titre du travail dissimulé dans le cadre de la solidarité financière, si le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre paie dans un délai défini par décret en Conseil d'Etat les sommes dues au principal
Cette mesure n'entraîne aucune démarche, formalité ou charge administrative supplémentaire pour les entreprises, dans la mesure où l'absence de recouvrement des majorations de redressement prévues en cas de travail dissimulé auprès du donneur d'ordre ou du maître d'ouvrage serait automatiquement réalisée par l'organisme chargé du recouvrement, sans qu'aucune demande préalable soit nécessaire.
4.2.3. Impacts budgétaires
Le présent article aura un impact sur le financement de la sécurité sociale, ainsi que, indirectement, sur les recettes fiscales, en luttant contre le travail illégal et en renforçant l'efficacité du recouvrement des cotisations et contributions sociales en cas de de travail dissimulé.
Ø Elargissement de l'obligation de vigilance et du mécanisme de solidarité financière qui en découle au maître d'ouvrage
En 2021, 38 % des entreprises des secteurs marchands non agricoles et non financiers ont eu recours à la sous-traitance. La sous-traitance est particulièrement présente dans le secteur de la construction où 47 % des entreprises y ont recours88(*).
Or, le secteur du BTP est le premier secteur confronté au travail dissimulé. En 2024, 55 % des sommes redressées par les organismes de recouvrement du régime général dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé (soit 877,2 M€) le sont dans le secteur du BTP, et le taux de recouvrement à 2 ans sur les entreprises de ce secteur est de 3,5% en moyenne depuis 2012 (contre 6,3 % dans l'ensemble des secteurs).
Gain potentiel de la mesure=R×T×C×S = 47,25 millions d'euros.
Où :
R = Montant annuel redressé au titre du travail dissimulé dans les chaînes de sous-traitance = Hypothèse de 750 millions d'euros, correspondant à la valeur des redressements dans le BTP, qui est le principal concerné par la sous-traitance ;
T= Taux d'infructuosité actuel du recouvrement au titre du travail illégal = 90 % ;
C = Part des cas où la responsabilité du maître d'ouvrage, au titre d'un défaut au devoir de vigilance, pourrait s'appliquer = hypothèse de 10 % ;
S = Taux de succès de recouvrement via le maître d'ouvrage = hypothèse de 70 %.
Outre ces gains financiers directs, des gains liés à l'évitement de la fraude (difficiles à chiffrer par nature) peuvent être attendus, en conséquence de la création d'une obligation de vigilance du maître d'ouvrage.
Ø Suppression des majorations appliquées au titre du travail dissimulé dans le cadre de la solidarité financière, si le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre paie dans un délai défini par décret en Conseil d'Etat les sommes dues au principal
Les majorations de redressement liées au travail dissimulé pourront être recouvrées auprès de celui qui a exercé le travail dissimulé. L'impossibilité de recouvrer ces sommes auprès de ce dernier ne pouvant être écartée, une légère perte financière peut toutefois être attendue.
Sur l'année 2024, la perte aurait été d'au maximum 8 millions d'euros, correspondant aux majorations au titre du travail dissimulé mises en recouvrement via la solidarité financière.
L'effet incitatif pour les maîtres d'ouvrage à payer rapidement les sommes dues au titre de la solidarité financière pourrait toutefois annuler ce coût, voire être générateur de gains.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Les collectivités territoriales devront respecter la nouvelle obligation de vigilance en tant que maîtres d'ouvrage, dès lors que les contrats passés dépasseront un montant défini par voie réglementaire.
Elles sont également susceptibles de bénéficier de la limitation du recouvrement de la majoration applicable en cas de travail dissimulé, le cas échéant, dans le cadre de la mise en oeuvre de la solidarité financière, en leur qualité de maître d'ouvrage ou de donneur d'ordre.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Concernant les organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales, aucun besoin de recrutement n'est identifié mais des ajustements de compétences sont nécessaires. La mesure nécessite ainsi une adaptation des systèmes d'information et une mise à jour des outils d'information des agents de contrôle et du recouvrement.
La mesure suppose par ailleurs une vigilance accrue pour les administrations publiques assumant le rôle de maître d'ouvrage.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La mesure n'est pas applicable aux particuliers employeurs maîtres d'ouvrage, afin de les exonérer d'une obligation de vigilance portant sur l'ensemble d'une chaîne de sous-traitance, difficile à exiger pour ce public.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le Conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale, et a rendu un avis favorable le 1er septembre 2025.
La Caisse centrale de la mutualité sociale agricole a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 723-12 du code rural et de la pêche maritime, et a rendu un avis le 3 septembre 2025.
Le Conseil national d'évaluation des normes a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, et a rendu un avis favorable le 11 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Les dispositions du présent article entreront en vigueur au 1er janvier 2026.
5.2.2. Application dans l'espace
Ø Elargissement de l'obligation de vigilance et du mécanisme de solidarité financière qui en découle au maître d'ouvrage
Le code du travail a un champ d'application géographique qui comprend le territoire hexagonal, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon (article L. 1521-1 du code du travail).
Conformément à l'article 73 de la Constitution, les lois sont applicables de plein droit dans les départements et les régions d'outre-mer. Concernant Mayotte, l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale est applicable conformément à l'article 28-9 de l'ordonnance 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique, à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès et autonomie, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte. L'article L. 2193-4 du code de la commande publique est applicable à Mayotte conformément à l'article 1400-1 du même code.
Le présent article, en ce qui concerne l'élargissement de l'obligation de vigilance et le mécanisme de solidarité financière qui en découle, s'appliquera donc sans mesure d'adaptation sur le territoire de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion et de Mayotte.
Le régime d'application des lois et règlements à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint- Pierre-et-Miquelon est fondé sur le principe de l'identité législative, assortie d'exceptions. Les articles L.O. 6213-1, 6313-1 et 6413-1 du code général des collectivités territoriales rendent en effet les lois et règlements applicables de plein droit dans ces collectivités, sauf s'ils interviennent dans des matières relevant de leur compétence normative. Le droit du travail ne relève pas des compétences normatives de ces collectivités. Le code de la sécurité sociale est, en application du principe d'identité législative, applicable à Saint-Barthélemy et Saint- Martin. L'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale est applicable à Saint-Pierre et Miquelon conformément à l'article 8-1 de l'ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 portant extension et adaptation au département de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales. L'article L. 2193-4 du code de la commande publique est applicable à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre et Miquelon conformément à l'article 1400-2 du même code. Le présent article du projet de loi, en ce qui concerne l'élargissement de l'obligation de vigilance et le mécanisme de solidarité financière qui en découle, sera donc applicable sur ces territoires, sans qu'il soit besoin d'y ajouter une mention particulière d'applicabilité.
Les autres collectivités ultra-marines françaises (Terres australes et antarctiques françaises, Wallis et Futuna, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française) disposent d'un code du travail spécifique qui contient des mesures particulières qui se substituent à celles du code du travail. Le présent article, en ce qui concerne l'élargissement de l'obligation de vigilance et le mécanisme de solidarité financière qui en découle, ne s'y appliquera pas.
Ø Limitation du recouvrement des majorations appliquées au titre du travail dissimulé dans le cadre de la solidarité financière, si le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre paie dans un délai défini par décret en Conseil d'Etat les sommes dues au principal
Conformément à l'article 73 de la Constitution, les lois sont applicables de plein droit dans les départements et les régions d'outre-mer. Le régime d'application des lois et règlements à Saint Martin et Saint Barthélemy est fondé sur le principe de l'identité législative, assortie d'exceptions.
Le présent article, en ce qui concerne la limitation du recouvrement des majorations, est applicable en hexagone, en Guadeloupe, à la Réunion, en Martinique, en Guyane, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin sans qu'il soit besoin d'y ajouter une mention particulière d'applicabilité.
L'article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale est applicable à Mayotte conformément au III de l'article 22 de l'ordonnance 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique, à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès et autonomie, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte. Cet article prévoit en effet que la caisse de sécurité sociale de Mayotte assure le recouvrement des cotisations et contributions qui lui sont dues "selon les règles, les garanties et les sanctions" prévues par le code de la sécurité sociale. Le présent article du projet de loi, en ce qui concerne la limitation du recouvrement des majorations, y sera donc applicable.
L'article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale est applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon conformément à l'article 8-1 de l'ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 portant extension et adaptation au département de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales. Le présent article du projet de loi, en ce qui concerne la limitation du recouvrement des majorations, y sera donc applicable.
En Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ainsi qu'à Wallis-et-Futuna, la sécurité sociale relève de la compétence des collectivités territoriales et non de l'Etat. Le présent article, en ce qui concerne la limitation du recouvrement des majorations, n'y sera donc pas applicable. Il ne sera pas non plus applicable dans les Terres australes et antarctiques françaises en l'absence de mention particulière d'applicabilité.
5.2.3. Textes d'application
Concernant la création d'une nouvelle obligation de vigilance du maître d'ouvrage et du mécanisme de solidarité financière qui en découle, un décret en Conseil d'Etat, pris sur le fondement de l'article L. 8222-7 du code du travail, fixera les conditions d'application du nouvel article L. 8222-1-1 du code du travail. Il précisera notamment le seuil à partir duquel l'obligation de vigilance s'applique, ainsi que les conditions liées à l'acceptation par le maître d'ouvrage du sous-traitant et à l'existence d'un contrat entre le donneur d'ordre et le sous- traitant.
Un décret viendra par ailleurs préciser les modalités d'application du nouvel article L. 8222-1-1 du code du travail. Il précisera les modalités d'application du devoir de vigilance, notamment la périodicité des vérifications ainsi que la liste des documents à fournir.
Concernant la limitation du recouvrement des majorations appliquées au titre du travail dissimulé, un décret en Conseil d'Etat, pris sur le fondement de l'article L. 243-7-7 modifié du code de la sécurité sociale, précisera le délai dans lequel le maître d'ouvrage doit avoir procédé au règlement intégral des cotisations, pénalités et majorations dues ou avoir présenté un plan d'échelonnement du paiement au directeur de l'organisme.
Article 23 - Extension du délai de mise en recouvrement dans le cadre du délai spécial de reprise de l'administration fiscale
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Dans certaines situations, l'administration fiscale n'acquiert une connaissance exacte de la matière imposable qu'à la suite d'un évènement dont elle ne maîtrise pas le calendrier : elle peut, alors même que les délais de reprise de droit commun sont écoulés, réparer les omissions ou les insuffisances en lien avec l'évènement en cause jusqu'à la fin de l'année qui suit la survenue de cet évènement.
Actuellement, trois dispositifs particuliers prévoient un délai spécial de prescription du droit de reprise.
Ainsi, l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales (LPF) prévoit un tel délai spécial lorsque l'administration a, dans le délai initial de reprise et dans le cadre de l'assistance administrative internationale, demandé à l'autorité compétente d'un autre Etat ou territoire des renseignements concernant un contribuable. Elle peut ainsi réparer les omissions ou les insuffisances d'imposition afférentes à cette demande, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu'à la fin de l'année qui suit celle de la réception de la réponse et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé (texte créé par l'article 40 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier et modifié en dernier lieu par l'article 59 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière).
Par ailleurs, l'article L. 188 B du LPF dispose que, lorsque l'administration a, dans le délai de reprise, déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale dans les cas visés aux 1° à 5° du II de l'article L. 228, du même livre, les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes à la période couverte par le délai de reprise peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (texte créé par l'article 23 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 et modifié en dernier lieu par l'article 36 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude).
Enfin, l'article L. 188 C du LPF prévoit que, même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (texte créé par l'article 10 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 et modifié en dernier lieu par l'article 92 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015).
Les rehaussements notifiés dans le cadre de ces délais spéciaux de prescription du droit de reprise doivent respecter l'ensemble des garanties procédurales prévues par le livre des procédures fiscales (envoi d'une proposition de rectification motivée ; notification d'une réponse motivée aux observations du contribuable ; possibilité de saisir pour avis l'une des commissions administratives compétentes ; possibilité de former un recours hiérarchique).
L'administration dispose ensuite d'un délai expirant le 31 décembre de l'année suivant celle de la notification de la proposition de rectification pour conclure la procédure de contrôle et procéder à la mise en recouvrement de l'imposition : concrètement, ce délai varie de douze à vingt-quatre mois selon la date de notification de la proposition de rectification.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Au sujet de la fixation d'une limite dans le temps à la faculté pour l'administration de réparer des omissions ou insuffisances d'imposition, apportée à l'ancien article L. 170 du LPF devenu article L. 188 C du même livre, le Conseil constitutionnel a relevé que la détermination des conditions et délais dans lesquels l'administration fiscale dispose d'une telle faculté, sous le contrôle du juge de l'impôt, est sans rapport avec l'édiction d'une peine au sens de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'elle est étrangère au champ d'application de l'article 12 de ce dernier texte, qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'impose que le délai dans lequel l'administration peut réparer une insuffisance ou une omission d'imposition soit identique au délai de prescription applicable aux créances de l'État et, enfin, que ladite détermination n'est pas contraire au principe d'égalité devant la loi89(*).
La mesure proposée, qui n'étend pas le délai spécial de prescription du droit de reprise mais se borne à allonger le délai de mise en recouvrement des impositions notifiées dans ce cadre ne méconnaît aucun principe constitutionnel.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Les articles L. 188 A, L. 188 B et L. 188 C du LPF instituent, dans certaines situations, un délai spécial de prescription du droit de reprise permettant à l'administration de réparer les omissions ou insuffisances d'imposition jusqu'au 31 décembre de l'année qui suit celle, respectivement, de la réception de la réponse à une demande d'assistance administrative internationale, de la décision mettant fin à la procédure initiée par une plainte de l'administration ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale, de la décision qui a clos la procédure dans laquelle des omissions ou insuffisances d'imposition ont été révélées par une procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse.
Dans ces situations, une fois que l'administration a notifié au contribuable une proposition de rectification interruptive de prescription réparant l'omission ou l'insuffisance constatée, elle ne dispose plus ainsi que d'un délai qui, s'il n'est jamais inférieur à douze mois, ne peut cependant excéder vingt-quatre mois pour mener à son terme la procédure d'imposition, en offrant l'ensemble des garanties légales aux contribuables, et mettre en recouvrement l'imposition qui en découle.
Or il arrive fréquemment que ce délai soit insuffisant, notamment lorsque le contribuable sollicite en cours de procédure des recours hiérarchiques et la saisine d'une commission (commission départementale de conciliation, commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, comité de l'abus de droit fiscal) dès lors qu'une telle saisine n'interrompt ni ne suspend les délais de prescription.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La mesure proposée étend le délai ouvert à l'administration pour procéder à la mise en recouvrement des impositions notifiées dans les délais spéciaux de reprise prévus aux articles L. 188 A, L. 188 B et L. 188 C du LPF jusqu'au terme de la seconde (au lieu de la première) année suivant celle de l'évènement qui lui donne naissance.
Elle poursuit l'objectif de permettre un débat contradictoire plus serein entre le contribuable et l'administration, d'offrir de meilleures conditions de dialogue en assurant à la fois le respect des garanties légales dont bénéficie le contribuable et la sécurité juridique des procédures d'imposition.
De façon indirecte, l'objectif de la mesure est également d'assurer un meilleur taux de recouvrement car le délai actuel d'un an est parfois trop court pour mener à bien la procédure de contrôle si bien que les rappels ne peuvent pas être mis en recouvrement.
À cet égard, le projet ne modifie pas la garantie essentielle pour les contribuables que constitue la limite temporelle à l'action de l'administration prévue par ces trois textes sous la forme d'un délai butoir expirant le 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé pour l'article L 188 A et à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due pour les articles L. 188 B et L. 188 C.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Deux options peuvent être envisagées :
- Soit, accroître la durée du délai de mise en recouvrement à l'intérieur du délai spécial de reprise ;
- Soit, raccourcir la durée des procédures d'imposition en limitant ou aménageant les garanties légales des contribuables.
Alors que l'option de l'allongement du délai de mise en recouvrement ne modifie ni la nature ni l'étendue des garanties légales offertes aux contribuables et préserve le délai butoir décrit au point 2.2., le raccourcissement de la durée des procédures implique nécessaire la limitation ou l'aménagement de ces mêmes garanties.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Dès lors qu'il n'est pas envisageable d'affaiblir la nature et l'étendue des garanties de procédure offertes aux contribuables, l'option tenant à l'accroissement de la durée du délai de mise en recouvrement est la seule permettant de concilier la sécurité juridique des procédures et le respect des droits du contribuable.
Par ailleurs, la loi ne pouvant remettre en cause des prescriptions acquises, cette mesure s'appliquera aux délais de reprise venant à expiration à compter de la publication de la loi.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article procède à la modification des articles L. 188 A, L. 188 B et L. 188 C à la section VII du chapitre IV du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales (partie législative).
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Cet article ne vise pas à transposer en droit français des normes juridiques européennes. Il est par ailleurs compatible avec le droit européen en vigueur ou en cours d'élaboration.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
La mesure n'a pas d'impact budgétaire direct mais peut permettre de mener à bien certains contrôles qui ne peuvent pas l'être aujourd'hui faute de pouvoir respecter toutes les formalités applicables dans le délai actuel d'un an et ainsi permettre de recouvrer des recettes fiscales aujourd'hui perdues.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Cette mesure permettra de procéder à la mise en recouvrement de rappels qui ne peuvent pas l'être aujourd'hui faute de temps.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
En étendant les délais de contrôles, la mesure évitera donc que certains contribuables échappent à des rappels d'impositions faute pour l'administration d'avoir pu mener le contrôle jusqu'à son terme avant la prescription.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Aucune consultation obligatoire n'est requise et aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entre en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
Néanmoins, il s'applique aux délais de reprise venant à expiration à compter de la publication de la présente loi.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article est applicable en France hexagonale.
Le texte s'applique de plein droit dans les départements et régions d'outre-mer régis par l'article 73 de la Constitution.
Il ne s'applique pas dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, compte tenu de leur compétence fiscale.
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert pas de texte d'application.
Article 24 - Clarification du délai de reprise et renforcement du caractère répressif de l'action de l'administration
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Aucune disposition du titre VI du livre III de la sixième partie du code du travail ne permet de définir précisément l'étendue du droit de reprise sur lequel l'administration en charge de la formation professionnelle, et en particulier les agents des services régionaux de contrôles (SRC) des services déconcentrés de l'Etat [Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) et Direction régionale interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DR(I)EETS)] doivent s'appuyer dans le cadre de leur mission de contrôle.
Ce droit de reprise s'est fondé sur une analogie, à la fois, avec la déclaration fiscale n° 2483 (articles 235 ter D et suivants du code général des impôts) gérée par la Direction générale des finances publiques (DGFiP), dont l'objet était de déterminer le niveau de la participation financière des entreprises ayant au moins 10 salariés (devenus 11 avec la loi de finances pour 2016) au développement de la formation professionnelle continue mais également sur les dispositions du Livre des procédures fiscales relatives au recouvrement des taxes sur le chiffre d'affaires (du fait du renvoi opéré par l'article L. 6362-12 du code du travail à ces modalités, pour le recouvrement des versements exigibles au titre du contrôle des dépenses et activités de formation). Par ailleurs, la loi la loi n°2018-771 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a réformé le financement de la formation professionnelle et transféré au 1er janvier 2022 la collecte des contributions légales de la formation professionnelle et de l'apprentissage au réseau des Urssaf, ce qui rend encore plus prégnant la nécessité de fixer le cadre de l'intervention de l'administration dans sa temporalité.
Ainsi, dans le cadre de la procédure de contrôle en matière de formation professionnelle visée par les articles L. 6362-8 et L. 6362-9 du code du travail, le droit de reprise de l'administration s'exerce en principe jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle “la taxe est devenue exigible” en application de l'article L.176 du Livre des procédures fiscales.
Or, la suppression effective de la déclaration n° 2483 en 2016, faisant suite au décret n° 2015- 600 du 2 juin 2015 portant suppression des dispositions réglementaires relatives à la déclaration fiscale des employeurs en matière de formation professionnelle, a fragilisé l'analogie entre l'existence d'un droit de reprise tiré de la gestion d'une taxe par la DGFiP, d'autant que les SRC ne sont pas amenés à contrôler la détermination d'une contribution, d'une taxe, mais le bien-fondé du financement des prestations de formation réalisées par les organismes de formation via les fonds publics gérés notamment par les Opérateurs de compétences (OPCO) et de leur emploi, à l'instar de l'analogie avec l'établissement, les poursuites, les garanties, les sanctions et sûretés applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires.
Dès lors, il devient nécessaire de différencier clairement le délai de prescription de l'action en répétition, qui est celui pendant lequel l'administration peut établir l'existence d'une dette (produits indus, dépenses injustifiées), du délai de prescription de l'action en recouvrement, qui est celui pendant lequel le créancier, en l'espèce la DGFiP, peut poursuivre le recouvrement forcé des reversements notifiés par les SRC (article L. 274 du Livre des procédures fiscales).
L'objectif étant de clarifier la procédure de contrôle, d'indiquer dans un texte dédié le droit de reprise de l'administration en l'étendant éventuellement, en présence d'une fraude avérée, au- delà des 3 ans (jusqu'à 10 ans), à l'instar de ce qui existe pour les services de contrôle de la DGFiP, afin de renforcer le caractère répressif de l'action de l'Administration.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Dans sa décision n°2018-738 QPC du 11 octobre 2018, le Conseil constitutionnel envisage la prescription comme une simple faculté pour le législateur et non comme une obligation découlant directement de la garantie des droits : « aucun droit ou liberté que la Constitution garantit n'impose que les poursuites disciplinaires soient nécessairement soumises à une règle de prescription, qu'il est loisible au législateur d'instaurer ».
Par ailleurs, dans la décision n° 2012-256 QPC du 18 juin 2012, le Conseil constitutionnel précise : « qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose que les créances sur les personnes publiques soient soumises aux mêmes règles que les créances civiles. »
Toutefois, le juge administratif considère que le pouvoir administratif ne saurait instituer un droit de reprise excluant tout délai de prescription sans méconnaitre le principe de sécurité juridique (CE, 9e et 10e ss-sect., 23 juin 2014, n° 355801).
Dans ces conditions, comme la prescription de l'action en répétition participe de la protection des situations acquises et, donc, de la sécurité juridique, il appartiendra au juge administratif de veiller au respect du droit de reprise par l'administration.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
La conception constitutionnelle française de la prescription est partagée par la Cour européenne des droits de l'homme, 22 oct. 1996, Stubbings et a. c/ Roy. Uni, n° 22083/93 et 22095/93 notamment en ce que les règles de prescription poursuivent un but légitime, afin de garantir la sécurité juridique en imposant, comme en l'espèce, un terme à l'action de l'administration, terme dès lors porté à la connaissance des administrés.
Ainsi, ladite décision énonce notamment les éléments suivants :
« 55. Les Etats contractants jouissent à juste titre d'une marge d'appréciation lorsqu'il s'agit de dire comment circonscrire le droit d'accès à un tribunal.
[...]
« 57. Partant, compte tenu en particulier des buts légitimes que visent les délais de prescription en litige et la marge d'appréciation reconnue aux Etats quant à la réglementation de l'accès à un tribunal (paragraphes 50-51 ci-dessus), la Cour estime qu'il n'y a pas eu violation de l'article 6 par. 1 de la Convention pris isolément (art. 6-1). »
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Depuis la suppression de la déclaration n° 2483 précitée, aucun texte ne permet de définir le droit de reprise de l'administration chargée des dispositifs liés à la formation professionnelle et particulièrement des agents des services régionaux de contrôles (SRC) des DREETS et DR(I)EETS et la période visée lors de l'engagement de contrôles est renvoyée implicitement aux dispositions du code général des impôts.
Par ailleurs, la disposition proposée permettrait d'unifier les procédures applicables en matière de reprise en droit de la formation professionnelle et en droit fiscal en permettant un élargissement du délai de reprise à dix ans en cas de manoeuvres frauduleuses afin de percevoir des fonds publics.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif de cette rédaction est de clarifier les dispositions applicables en matière de droit de reprise, en précisant notamment qu'il ne s'agit plus de sanctions fiscales, mais de sanctions financières par suite d'un contrôle au titre des articles L. 6362-2 à L. 6362-7-3 du code du travail et de prévoir la possibilité pour les services de contrôle d'effectuer un droit de reprise jusqu'à dix ans en cas de manoeuvre frauduleuse. Ce manque de clarté donne lieu à des procédures contentieuses90(*).
En améliorant ainsi la capacité de l'administration à recouvrer les sommes dues en cas de manoeuvres frauduleuses, la mesure participe ainsi au renforcement de la lutte contre la fraude dans le domaine de la formation professionnelle.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Une autre option aurait pu consister à demeurer sur une lecture doctrinale et jurisprudentielle du droit de reprise, en s'appuyant sur les termes de l'article 2224 du code civil, mais avec le risque inhérent d'une évolution de la jurisprudence et d'un manque de lisibilité pour les services et les organismes concernés.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Une disposition législative a été retenue afin, d'une part, de clarifier la procédure de contrôle au regard de la prescription, et, d'autre part, renforcer l'aspect répressif avec l'extension de la prescription en cas de fraude avérée à dix ans d'exercices comptables.
Ce délai permettra aux services de contrôle d'étendre leur intervention afin de sanctionner les comportements les plus frauduleux dans le temps.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article procède à la création d'un nouvel article L. 6362-8-1 du code du travail et à la modification de l'article L. 6362-9 du même code.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le présent article est conforme aux textes internationaux et européens mentionnés supra.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
La mesure a un impact direct, mais très limité sur les entreprises. Environ 1 000 contrôles de la formation professionnelle sont réalisés chaque année pour près de 100 à 150 décisions portant sanctions financières.
Pour les organismes concernés, et dans le cas de manoeuvres frauduleuses, la disposition pourra permettre aux agents de contrôle d'effectuer un droit de reprise allant jusqu'à dix ans.
Il convient de rappeler qu'au 1er août 2025, 145 000 organismes de formation sont enregistrés.
Pour la quasi-intégralité des organismes de formation professionnelle, cet encadrement législatif du droit de reprise constituera un élément de stabilisation des règles applicables au contrôle et permettra, dans les éventuelles discussions avec les services de contrôle de l'Etat, de limiter les discussions aux seuls éléments de fond.
4.2.3. Impacts budgétaires
La mesure a vocation à renforcer, en clarifiant la procédure, le recouvrement des montants remis en cause (finalité budgétaire), de sanctionner ainsi les irrégularités intentionnelles (finalité répressive) et d'inciter les acteurs de la formation professionnelle au respect des textes qui encadrent l'activité de dispensateur de formations (finalité dissuasive).
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mesure permet une clarification des procédures de contrôle par l'administration, ce qui facilitera d'autant la rédaction des rapports et des contrôles et des éventuelles décisions de sanction subséquentes.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
La mesure permet de renforcer la lutte contre la fraude, par l'exemplarité des sanctions financières notifiées par l'administration en charge du contrôle de la formation professionnelle puis recouvrées par l'administration fiscale (article L. 6362-12 du code du travail).
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) a été saisie pour avis, à titre obligatoire, en application du 2° de l'article L. 2271-1 du code du travail et a rendu un avis le 3 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal. S'agissant des collectivités ultramarines, celui-ci s'applique conformément au tableau ci-dessous :
Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion |
Mesure directement applicable |
Mayotte |
Mesure directement applicable |
Saint-Martin, Saint-Barthélemy |
Mesure directement applicable |
Saint Pierre-et-Miquelon |
Mesure directement applicable |
Polynésie française, Nouvelle- Calédonie, Wallis-et-Futuna, TAAF |
Mesure non directement applicable Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables dans les territoires mentionnés à l'article 74 de la Constitution |
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert aucun texte d'application.
Article 25 - Octroyer à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) un pouvoir de contrainte sur les titulaires d'un compte personnel de formation (CPF) en cas de manoeuvres frauduleuses
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Depuis sa création en 2014 à l'initiative des partenaires sociaux, le compte personnel de formation (CPF) a marqué un tournant décisif dans le paysage de la formation professionnelle en France. Ce dispositif innovant répond à des enjeux cruciaux en matière de politique de l'emploi : garantir à chaque individu la possibilité de se former tout au long de sa vie professionnelle, dans un contexte marqué par une évolution rapide des métiers et des compétences requises. Grâce à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui a permis sa monétisation, l'ambition du CPF repose sur le choix du titulaire pour l'accès à sa formation et à la détermination de son parcours professionnel, de l'universalité, de l'égalité mais également de la solidarité en matière de financement et d'accès à la formation des populations les plus fragiles.
Le CPF permet à l'ensemble de la population active de disposer tout au long de sa vie professionnelle de droits à la formation, accessibles et mobilisables sur une plateforme dédiée : MonCompteFormation. Ce compte est alimenté, en euros, chaque année si son titulaire a travaillé au cours de l'année précédente.
Plus précisément, cette mesure concerne les titulaires d'un compte personnel de formation (CPF) alimenté en euros, soit les actifs du secteur privé : salariés, travailleurs non-salariés et demandeurs d'emploi conformément à l'article L. 6323-2 du code du travail.
En 2025, plus de 38 millions de CPF ont été alimentés par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), organisme gestionnaire de ce dispositif pour le compte de l'Etat. Cette gestion s'appuie sur les conditions générales d'utilisation de MonCompteFormation qui précisent les engagements souscrits par les titulaires de CPF et par les organismes de formation référencés sur le service ( article L. 6323-9 du code du travail).
Près de 24 millions de titulaires de CPF ont activé la visualisation de leur compte et donc accepté les conditions générales d'utilisation de la plateforme MonCompteFormation.
Au 13 juillet 2025 et depuis l'ouverture de MonCompteFormation le 21 novembre 2019, 9,28 millions de dossiers de formation ont été souscrits sur cette plateforme pour un coût pédagogique de 13,47 milliards d'euros.
Au premier semestre 2025, 14 plaintes ont été déposées, concernant 23 organismes identifiés pour un préjudice pour les finances publiques estimé à 73 M€ (40 plaintes en 2024 pour un préjudice estimé à près de 100 M€).
Par ailleurs, la CDC s'est constituée partie civile dans 13 informations judiciaires en cours et a traité depuis le début de l'année 2025, 563 réquisitions judiciaires relatives au CPF, adressées par des services de police et gendarmerie, soit une augmentation de 18% des volumes en 2025 par rapport à 2024 sur la même période. En 2024, la CDC s'est constituée partie civile dans 10 informations judiciaires en cours et a traité au cours de l'année 2024, 1132 réquisitions judiciaires relatives au CPF, adressées par des services de police et gendarmerie, soit une d'augmentation de 40% des volumes en 2024 par rapport à 2023
En outre, sur cette même période, deux condamnations pénales ont été prononcées, par les tribunaux judiciaires de Pontoise et Saint-Denis de la Réunion.
Enfin, l'activité des juges administratifs est restée soutenue et largement favorable à la CDC au premier semestre 2025, comme en 2024 : 44 décisions ont été rendues, dont 21 au fond. Seules 3 décisions, une au fond et 2 en référé, ont été défavorables à la CDC.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que : « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture... ».
Il en résulte, selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-558/559 QPC du 29 juillet 2016, que : « la mise en oeuvre d'une politique garantissant un égal accès de tous à la formation professionnelle constitue une exigence constitutionnelle ».
Il résulte, par ailleurs, de la jurisprudence constitutionnelle qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public, qui inclut la lutte contre la fraude. Le Conseil constitutionnel veille notamment à ce que cette conciliation s'opère entre les droits et libertés constitutionnellement garantis et les objectifs à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale (voir par exemple, décision n°2001- 457 DC du 27 décembre 2001) ou de lutte contre la fraude en matière de protection sociale ( décision n°2019-789 QPC du 14 juin 2019).
Le Conseil constitutionnel admet également que le bon emploi des deniers publics est un objectif de valeur constitutionnelle qui découle des articles 14 et 15 de la Déclaration de 1789. ( décision n°2006-545 DC, 28 décembre 2006).
En l'occurrence, la présente mesure qui permet de renforcer la lutte contre la fraude au compte personnel de formation et d'améliorer le recouvrement des indus correspondant en permettant à la Caisse des dépôts et consignation en cas de manoeuvres frauduleuses du titulaire, met en oeuvre, en les conciliant, les principes et objectifs à valeur constitutionnels rappelés ci-dessus.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
L'article 14 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne consacre : « le droit à l'éducation, ainsi qu'à l'accès à la formation professionnelle et continue », lequel n'est pas mis en cause par la présente mesure, qui assure un équilibre entre ce droit et l'objectif d'intérêt général visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation.
La directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur s'applique à l'ensemble des prestataires de services ayant leur établissement dans un Etat membre et qui présentent une activité économique - à l'exception des services mentionnés aux 2 et 3 de l'article 2 de la présente directive.
L'article 13 de la Convention européenne des droits de l'Homme relatif au droit à un recours effectif s'applique à la Caisse des dépôts et consignations. En permettant à la Caisse des dépôts et consignations de délivrer, en cas de manoeuvres frauduleuses du titulaire de compte, une contrainte emportant tous les effets d'un jugement, la présente mesure ne porte aucunement atteinte au droit à un recours effectif, l'intéressé disposant de la possibilité de faire opposition à cette mesure de recouvrement forcé, en saisissant le juge.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Depuis 2022, le Gouvernement, France compétences ainsi que la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ont engagé la mise en oeuvre de plusieurs mesures de sécurisation et de régulation de la plateforme MonCompteFormation afin de pouvoir lutter contre les abus et les fraudes à ce dispositif.
Les mesures les plus marquantes ont été :
- La campagne de contrôle de l'ensemble des certifications enregistrées auprès de France compétences ;
- La mise en place de « France Connect + » au 25 octobre 2022 afin de lutter contre les usurpations d'identité ;
- La promulgation de la loi n° 2022-1587 du 19 décembre 2022 visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires.
La loi du 19 décembre 2022 précitée a permis d'introduire une possibilité pour la CDC, après constatation contradictoire et notamment lorsque le recouvrement amiable a échoué, d'engager une procédure de recouvrement forcé à l'encontre des organismes de formation en cas de fonds indument perçus (article L. 6323-44 du code du travail).
En revanche, pour les titulaires de CPF, la loi du 19 décembre 2022, qui a introduit l'article L. 6323-45 au sein du code du travail, ne permet à la CDC qu'un recouvrement amiable qui peut être proposé, en sus du remboursement traditionnel par le titulaire, sur les droits inscrits ou sur ceux faisant l'objet d'une inscription ultérieure sur le compte. L'objectif était d'éviter à la CDC de lancer une action en justice pour obtenir le remboursement forcé des sommes engagées par le titulaire.
Dans la continuité de ces mesures de lutte contre les abus et fraudes au CPF par les organismes de formation, le Gouvernement a lancé des mesures de responsabilisation du titulaire de compte en instaurant depuis le 2 mai 2024 une participation financière obligatoire due par chaque titulaire de CPF lors d'une souscription à une action de formation. Cette mesure visait à lutter contre l'effet consumériste qui avait pu être constaté.
Depuis l'instauration de cette participation obligatoire au CPF, le taux d'annulation avant l'entrée en formation a été divisé par deux (de 14% en 2022 à 7 % en 2024).
Cependant, la CDC note un raffinement des comportements frauduleux qui se sont adaptés aux mesures d'encadrement précédemment mises en place. Avec les services de police et de justice, plusieurs mécanismes principaux de fraude ont été identifiés (rétribution financière ou sous forme de cadeaux, financement de formations non éligibles, transmission de droits à des tiers, fausses déclarations ...) et reposent sur le même schéma de collusion ou d'entente illicite du titulaire de compte et de l'organisme de formation.
Cette collusion est principalement véhiculée par les organismes fraudeurs auprès des titulaires de compte comme étant sans risque pour ce dernier puisqu'il n'existe pas de conséquences personnelles en cas de droits indûment mobilisés.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif poursuivi par la mesure est de conférer aux décisions de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), en cas de manoeuvres frauduleuses du titulaire de CPF91(*), le caractère d'un titre exécutoire, au sens de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, et lui donner les moyens de mettre en oeuvre un recouvrement forcé, selon la définition prévue à l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution.
Grâce à cette disposition, la Caisse des dépôts et consignations n'aurait plus à saisir la juridiction administrative afin d'obtenir ce titre exécutoire (le délai moyen de jugement devant le tribunal administratif étant compris entre sept mois et deux ans et demi selon la nature et la difficulté des dossiers).
Cette mesure vise principalement à prévenir et dissuader les comportements frauduleux en mettant fin au sentiment d'impunité qui peut être lié à la relative lenteur des procédures actuelles, ainsi qu'à responsabiliser les titulaires dans le cadre de leur utilisation du compte personnel de formation (CPF).
Enfin, cette mesure permettra, dans la mesure où la conduite de procédures contentieuses aux fins d'obtention d'un titre exécutoire engendre des dépenses pour le fonds finançant le CPF92(*), d'éviter à la fois les frais liés à l'obtention d'un titre exécutoire ainsi que ceux liés aux droits proportionnels (la partie des droits proportionnels à la charge du créancier n'étant pas due en cas de décisions auxquelles la loi attache les effets d'un jugement).
Par conséquent, ces mesures représenteront une véritable sécurisation des fonds publics confiés en gestion à la CDC.
Pour ce faire, la procédure contradictoire préalable qui prouverait la mobilisation indue de ces fonds par le titulaire ainsi que le recouvrement amiable continueraient à être réalisés par la CDC selon les modalités définies par le code des relations entre le public et l'administration.
Concrètement, après constatation de fonds indûment mobilisés et réalisation d'une procédure contradictoire, la CDC demanderait le paiement sous un mois au titulaire de CPF et pourrait toujours opérer un recouvrement sur les droits inscrits ou à venir. Cette mesure introduite par la loi du 19 décembre 2022 précitée n'est pas remise en question.
Cependant, en cas de manoeuvres frauduleuses du titulaire de CPF constatée par la CDC, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations aurait la possibilité de délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du titulaire de CPF devant la juridiction compétente, comporterait tous les effets d'un jugement.
Cette mesure permettrait notamment de prévenir et lutter contre les comportements frauduleux suivants :
- rétribution financière ou sous forme de cadeaux ou de voyage ;
- transmission de droits à un tiers ;
- inscription à une formation fictive sur la plateforme MonCompteFormation pour obtenir une formation non éligible ;
- déclaration de non-détention de qualification pour bénéficier d'une alimentation majorée ou toute autre fausse déclaration ;
- toute production de faux documents ou participation à la production de faux documents ;
- absence de paiement des heures de conduite réservées par le titulaire sur MonCompteFormation auprès d'écoles de conduite et non annulées conformément à l'arrêté du 29 mai 2020 définissant le modèle de contrat type pour l'enseignement de la conduite pour la catégorie B du permis de conduire ;
- conversion des heures en euros pour les agents publics alors qu'ils ne remplissent pas les conditions (fausse déclaration) ;
- non-respect des encadrements CPF notamment pour les actions de droit.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Une option de transfert du recouvrement forcé aux services fiscaux a été expertisée avec ces services mais a été écartée, notamment au regard du statut particulier de la Caisse des dépôts, qui ne peut pas émettre de titre de perception car ne disposant pas de la qualité d'ordonnateur de l'Etat.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Compte tenu de la progression de plus en plus importante des offres de rétribution sur les réseaux sociaux, il est devenu indispensable qu'une réponse adaptée puisse être apportée en cas de constatation de fonds indûment mobilisés.
Il est donc proposé de compléter l'article L. 6323-45 du code du travail qui permettra au directeur général de la Caisse des dépôts et consignations de délivrer, en cas de manoeuvres frauduleuses, une contrainte laquelle, à défaut d'opposition du titulaire de CPF devant la juridiction compétente, comporterait tous les effets d'un jugement.
Concrètement, lorsque la CDC constatera une manoeuvre frauduleuse d'un titulaire de CPF qui a pour conséquence la mobilisation indue de droits CPF, elle notifiera, après procédure contradictoire, au titulaire de CPF le montant des droits indûment mobilisés à rembourser. Lorsque cette demande de remboursement n'est pas satisfaite au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations pourra délivrer la contrainte prévue par la présente mesure.
La contrainte sera adressée au titulaire de CPF par tout moyen conférant date certaine à sa réception ou lui sera signifiée par acte de commissaire de justice. La notification ou la signification de la contrainte mentionnera à peine de nullité le montant des sommes réclamées et le fondement de la créance, les voies et les délais de recours ainsi que les formes requises pour la saisine du tribunal compétent.
A l'instar des dispositions applicables aux contraintes émises par la CDC contre les organismes de formation, le titulaire de CPF pourra, dans les quinze jours à compter de sa notification ou de sa signification, former opposition à la contrainte par inscription au greffe du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié. Cette opposition devra être motivée et accompagnée d'une copie de la contrainte contestée. Cette constatation suspendra la mise en oeuvre de la contrainte.
Dans un délai de huit jours après la réception de l'opposition, le greffe du tribunal en informera le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.
Les frais de signification de la contrainte, les frais de poursuites et les frais accessoires aux poursuites seront à la charge du titulaire de CPF, sauf lorsque son opposition est jugée fondée.
Les sommes recouvrées par la Caisse des dépôts et consignations auprès des titulaires de CPF seront reversées à France compétences, aux éventuels organismes financeurs mentionnés aux 2° à 15° du II de l'article L. 6323-4 du code du travail. Elles seront réparties à due proportion de leur participation financière aux actions de formation éligibles au compte personnel de formation.
En cas de recouvrement partiel de la créance, France compétences sera destinataire, en priorité, des sommes recouvrées.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le présent article consiste à faire évoluer le dispositif prévu à l'article L. 6323-45 du code du travail et qui concerne le recouvrement des fonds CPF indument mobilisés par le titulaire en procédant à la création à sa suite d'un nouvel article L. 6323-45-1.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le présent article est conforme aux textes internationaux et européens mentionnés supra.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Le présent article aura un impact sur les services de la Caisse des dépôts et consignations, lesquels devront assurer la gestion des contraintes sur les titulaires de CPF. Cela représentera ainsi une nouvelle charge sur ces services.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Le présent article contribuera à prévenir et à lutter contre les utilisations frauduleuses de fonds publics.
Il permettra également d'assurer la soutenabilité financière du dispositif CPF afin qu'il puisse continuer à être financé et que chaque actif puisse continuer à pouvoir utiliser ses droits à la formation.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) a été saisie pour avis, à titre obligatoire, en application du 2° de l'article L. 2271-1 du code du travail, et a rendu un avis le 3 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article s'applique à l'ensemble du territoire hexagonal. S'agissant des collectivités ultramarines, celui-ci s'applique conformément au tableau ci-dessous :
Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion |
Mesure directement applicable |
Mayotte |
Mesure directement applicable |
Saint-Martin, Saint-Barthélemy |
Mesure directement applicable |
Saint Pierre-et-Miquelon |
Mesure directement applicable |
Polynésie française, Nouvelle- Calédonie, Wallis-et-Futuna, TAAF |
Mesure non directement applicable Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables dans les territoires mentionnés à l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie. |
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert pas, en tant que tel, de texte d'application.
Néanmoins, en application des articles L. 6323-46 et L. 6333-8 du code du travail, un décret en Conseil d'Etat sera à prévoir pour préciser les modalités de recouvrement amiable opéré par les services de la Caisse des dépôts et consignations afin de tenir compte du présent article.
Article 26 - Autorisation des organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales à saisir la valeur de rachat d'un contrat d'assurance-vie dans le cadre de la procédure d'opposition à tiers détenteur
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
- La nécessité d'accroître les outils de recouvrement des créances sociales liées au travail dissimulé
Le montant des cotisations et contributions éludées chaque année du fait du recours au travail dissimulé dans le secteur privé non agricole est estimé à 6,0 à 7,8 milliards d'euros93(*). Or, si le montant des redressements opérés par les organismes de recouvrement94(*) n'a cessé d'augmenter ces dernières années (1,6 Md€ en 2024), le montant des sommes réellement recouvrées s'avère toujours largement inférieur (121 M€ en 2024)95(*) du fait de la difficulté d'obtenir le paiement de la part des fraudeurs. En effet, les fraudeurs disposent le plus souvent de très peu d'actifs mobilisables. L'ampleur des sommes mises à leur charge du fait du redressement limite donc logiquement la possibilité de les recouvrer. Ils peuvent par ailleurs organiser leur insolvabilité, disparaissant avant même la mise en recouvrement des sommes dues. Dans un contexte de dégradation des comptes de la sécurité sociale, il apparait plus que jamais nécessaire de prendre des mesures visant à améliorer le recouvrement des dettes sociales d'origine frauduleuses.
- La procédure d'opposition à tiers détenteur, une procédure de recouvrement forcé à la main des organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales
La procédure d'opposition à tiers détenteur, prévue à l'article L. 133-4-9 du code de la sécurité sociale permet aux organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales munis d'un titre exécutoire définitif d'enjoindre des tiers dépositaires, détenteurs ou redevables de sommes appartenant ou devant revenir au débiteur, de leur verser en lieu et place de celui-ci les fonds qu'ils détiennent ou qu'ils doivent à due concurrence des cotisations, des contributions et des majorations et pénalités de retard restant dus.
Cet outil de recouvrement direct dispense les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales de recourir à la procédure de saisie de droit commun réalisée par un commissaire de justice conformément aux articles L.211-1 à -5 du code des procédures civiles d'exécution.
- L'impossibilité pour les organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales de pratiquer des saisies sur des sommes placées en assurance-vie
Le caractère insaisissable du capital ou de la rente garantis au profit du bénéficiaire d'une assurance-vie est prévu par l'article L. 132-14 du code des assurances et par l'article L. 223- 15 du code de la mutualité. Ces dispositions font obstacle à la possibilité pour les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales de réaliser des saisies sur les sommes placées en assurance-vie dans le cadre de la procédure d'opposition à tiers détenteur.
- Des exceptions au caractère insaisissable des assurances-vie ont déjà été admises
Concernant le recouvrement des créances fiscales, depuis la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale, la saisie administrative à tiers détenteur peut s'exercer sur les sommes versées par un redevable souscripteur ou adhérent d'un contrat d'assurance-vie rachetable, y compris si la possibilité de rachat fait l'objet de limitations, dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification de l'avis (disposition prévue à l'article L. 262 du livre des procédures fiscales).
Le recouvrement des créances de toutes natures régies par le code des douanes étant, conformément à l'article 387 bis de ce code, effectué par voie de saisie administrative à tiers détenteur dans les conditions prévues à l'article L. 262 du livre des procédures fiscales, celui- ci peut porter sur la part rachetable des contrats d'assurance-vie.
Il en est de même pour le recouvrement par les comptables publics compétents des titres rendus exécutoires dans les conditions prévues par l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
- Respect du droit de propriété
Le droit à la propriété figure aux articles 2 et 17 de la Déclaration du droit de l'Homme et du citoyen. Les atteintes à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi.
En l'espèce, l'atteinte au droit de propriété est justifiée par des objectifs d'intérêt général de lutte contre le travail dissimulé et d'amélioration du recouvrement des créances publiques. Elle est proportionnée à ces objectifs, se rapportant au montant des cotisations et contributions sociales éludées par le cotisant.
- Respect du droit à un recours effectif
L'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 consacre le droit à un recours effectif devant un juge indépendant et impartial dans le respect des droits de la défense.
Conformément à l'article L. 133-4-9 du code de la sécurité sociale, l'opposition à tiers détenteur est notifiée par les organismes de recouvrement tant au détenteur qu'au débiteur. Bien que celle-ci emporte attribution immédiate des sommes concernées à l'organisme créancier, elle peut être contestée dans le mois suivant sa notification devant le juge de l'exécution par le débiteur ou le tiers détenteur. Le paiement est en principe différé pendant le délai de recours et jusqu'à ce qu'il soit statué sur celui-ci, sauf décision contraire du juge. Par exception, le paiement n'est pas différé, sauf si le juge en décide autrement, lorsque la créance de l'organisme fait suite à un contrôle au cours duquel a été établie une situation d'obstacle à contrôle ou lorsque le recours formé contre le titre exécutoire a été jugé dilatoire ou abusif.
Une telle procédure sauvegarde le droit du débiteur d'exercer un recours juridictionnel en cas de saisine de la part rachetable de son contrat d'assurance-vie.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Dans le cadre de leur mission de lutte contre le travail illégal, les agents des organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales individuellement désignés et dûment habilités bénéficient d'un droit d'accès au fichier « FICOVIE »96(*) qui recense les contrats de capitalisation ou les placements de même nature, notamment les contrats d'assurance-vie dont le montant est supérieur à 7 500 euros. Toutefois, ces agents ne peuvent opérer des saisies sur ces contrats en raison de leur caractère insaisissable garanti par l'article L. 132-14 du code des assurances et par l'article L. 223-15 du code de la mutualité.
Ainsi, la législation actuelle ne permet pas aux organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales de procéder à la saisie de la valeur de rachat des contrats d'assurance vie, alors même que l'administration fiscale bénéficie déjà de cette faculté dans le cadre de ses procédures de recouvrement forcé. Le présent article vise à doter les agents de recouvrement des cotisations et contributions sociales d'une telle possibilité, et lever ainsi une asymétrie avec les pouvoirs des services fiscaux qui n'apparaît pas justifiée, notamment au regard de l'objectif d'équilibre des comptes de la sécurité sociale.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Le projet d'article vise à renforcer l'efficacité du recouvrement des créances sociales dans les situations de travail dissimulé. Cette mesure contribue ainsi à lutter contre la fraude sociale en facilitant la récupération des cotisations et contributions sociales éludées.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Introduire une mesure dérogatoire au caractère insaisissable des contrats d'assurance vie nécessite l'intervention de la loi. Aussi, aucune option en dehors d'une telle intervention n'a été envisagée.
Une option, non retenue, aurait été de permettre aux organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales de procéder à une opposition à tiers détenteur sur un contrat d'assurance vie pour toutes les créances sociales et non uniquement pour celles issues du travail dissimulé. Cette option aurait nécessité d'ouvrir l'accès au fichier « FICOVIE » aux agents pour l'ensemble de leurs missions et non uniquement dans le cadre de leur mission de lutte contre le travail illégal.
L'option retenue permet de limiter les situations dans lesquelles le principe d'insaisissabilité de l'assurance-vie est remis en cause. Cette solution apparait plus équilibrée.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Le présent article vise, par exception au principe d'insaisissabilité des contrats d'assurance-vie, à permettre aux organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales d'opérer des saisies sur les contrats rachetables, à l'instar des saisies aujourd'hui possibles, pour ces mêmes organismes, par exemple sur des comptes courants dans le cadre de la saisie à tiers détenteur. La mesure serait limitée à la part rachetable de ces contrats puisque cette part peut être assimilée à une épargne détenue par le souscripteur.
La possibilité de saisir la valeur de rachat d'un contrat d'assurance-vie ne pourrait s'appliquer qu'aux situations dans lesquelles le débiteur est redevable à titre personnel des cotisations et contributions sociales, ce qui suppose que la dette sociale puisse être poursuivie sur son patrimoine privé. Ce serait le cas lorsque la personne physique débitrice ne bénéficie pas de la séparation entre patrimoine personnel et professionnel97(*), ce qui se présente principalement dans deux hypothèses prévues par le code de la sécurité sociale :
- lorsqu'il s'agit d'un travailleur indépendant exerçant dans le cadre d'une entreprise individuelle en application de l'article L. 133-4-7 du code de la sécurité sociale, qui permet le recouvrement sur les biens personnels du cotisant qui s'est soustrait à ses obligations de déclaration et de paiement de ses cotisations et contributions sociales par des manoeuvres frauduleuses ou à la suite de l'inobservation grave et répétée de ces mêmes obligations ;
- ou lorsqu'un dirigeant est déclaré, par le président du tribunal judiciaire, solidairement responsable du non-paiement des cotisations par son entreprise verbalisée pour travail dissimulé, dans le cadre de l'article L. 243-3-2 du même code.
Cette mesure s'inscrit dans une logique de cohérence des moyens d'action entre administrations dans le cadre de la lutte contre la fraude aux finances publiques.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
L'autorisation des organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales à saisir la valeur de rachat d'un contrat d'assurance-vie suppose :
- de modifier l'article L. 133-4-9 du code de la sécurité sociale lequel est relatif à l'opposition au tiers détenteur ;
- de modifier l'article L. 132-14 du code des assurances et l'article L. 223-15 du code des mutualités lesquels établissent le caractère insaisissable des assurances-vie.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le projet d'article ne présente pas de difficulté d'articulation avec le droit international ni avec le droit de l'Union européenne.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
- Effet sur le recouvrement et la soutenabilité du système social
L'ouverture de la possibilité, pour les organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales, de saisir les contrats d'assurance vie facilitera la récupération des créances sociales dans les situations de travail dissimulé. Cela renforcera la soutenabilité financière des régimes sociaux sur le long terme en réduisant les pertes dues à l'insolvabilité ou à la disparition des entreprises.
- Effet sur l'épargne globale
L'effet sur le niveau global d'épargne des ménages est négligeable, car la mesure ne vise que des cas marginaux.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
La mesure entraine des démarches pour l'organisme assureur, lequel devra répondre aux organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales dans un délai d'un mois98(*) et lui verser les sommes dues.
4.2.3. Impacts budgétaires
Le présent article aura un impact sur le budget des caisses de sécurité sociale en renforçant l'efficacité du recouvrement des cotisations et contributions sociales en cas de travail dissimulé.
L'assurance-vie et l'épargne retraite restent les principaux placements financiers des ménages français, représentant 32,4 % de leur patrimoine financier en 2024, pour une valeur de 2 078 milliards d'euros99(*). Le gain attendu de la mesure est toutefois limité au seul champ des travailleurs indépendants ou de dirigeants reconnus comme solidairement responsables de leur entreprise par le juge.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sanas objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Le présent article aura un impact limité sur les organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales. Ils nécessitent la mise en place d'un outil d'information à destination des agents visant à détailler la nouvelle saisie et expliciter les situations dans lesquelles il convient d'y avoir recours.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Sans objet.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Le présent article a un impact limité sur les particuliers car il ne concerne que des situations exceptionnelles de travail dissimulé dans lesquelles la dette sociale peut être poursuivie sur le patrimoine privé de l'auteur de l'infraction. La mesure ne modifie en rien les droits des épargnants ordinaires.
La mesure n'entraîne aucune démarche, formalité ou charge administrative supplémentaire pour le titulaire du contrat d'assurance-vie saisi, sauf en cas de contestation de la saisie.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le comité consultatif de la législation et de la réglementation financières a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 614-2 du code monétaire et financier, et a rendu un avis favorable le 4 septembre 2025.
Le conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale a été saisi pour avis, à titre obligatoire, en application de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale, et a rendu un favorable le 1er septembre 2025.
La caisse centrale de la mutualité sociale agricole a été saisie pour avis, à titre obligatoire, en application de à l'article 723-12 du code rural et de la pêche maritime, et a rendu un avis le 3 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Conformément à l'article 73 de la Constitution, les lois sont applicables de plein droit dans les départements et les régions d'outre-mer. Le régime d'application des lois et règlements à Saint Martin, Saint Barthélemy et Saint Pierre et Miquelon est fondé sur le principe de l'identité législative, assortie d'exceptions.
Ainsi, le présent article est applicable en hexagone, en Guadeloupe, à la Réunion, en Martinique, en Guyane, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin sans qu'il soit besoin d'y prévoir une disposition particulière d'applicabilité.
L'article L. 133-4-9 du code de la sécurité sociale est applicable à Mayotte conformément au III de l'article 22 de l'ordonnance 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique, à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès et autonomie, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte. La caisse de sécurité sociale de Mayotte assure le recouvrement des cotisations et contributions qui lui sont dues "selon les règles, les garanties et les sanctions" prévues par le code de la sécurité sociale. Par ailleurs, l'article L. 223-15 du code de la mutualité est applicable à Mayotte conformément à l'article L. 610-1-1 du même code. L'article L. 132-14 du code des assurances étant également applicable à Mayotte. Par conséquent, Les V et VI du présent article seront applicables à Mayotte sans qu'il soit besoin d'y ajouter une mention particulière d'applicabilité.
L'article L. 133-4-9 du code de la sécurité sociale n'est pas applicable à Saint-Pierre-et- Miquelon. Ainsi, le présent article n'y sera donc pas applicable.
En Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ainsi qu'à Wallis-et-Futuna, la sécurité sociale relève de la compétence des collectivités territoriales et non de l'Etat. Le présent article n'y sera donc pas applicable. De même, il ne s'appliquera pas dans les Terres australes et antarctiques françaises en l'absence de mention particulière d'applicabilité.
5.2.3. Textes d'application
Le présent article ne requiert aucun texte d'application.
Article 27 - Améliorer le recouvrement des fraudes aux allocations de chômage
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
France Travail est confronté à différents types de fraudes, dont les plus fréquentes sont : la reprise d'activité non déclarée, la résidence ou l'activité professionnelle à l'étranger non déclarées, l'usurpation d'identité, et l'usage de faux documents. Ces fraudes visent à obtenir ou continuer à bénéficier indûment des prestations chômage ou des aides liées à l'emploi.
Une situation est qualifiée de fraude lorsqu'une intention délibérée de tromper est établie. La détection repose sur plusieurs leviers : les signalements internes ou externes, le croisement automatisé de données (Déclaration Sociale Nominative, fichiers partenaires) ou les enquêtes menées par les auditeurs spécialisés. Ces moyens permettent d'identifier des incohérences, de vérifier les déclarations et de réunir les preuves nécessaires à la qualification de fraude.
En 2024, pour France Travail, le montant total des trop-perçus liés à la fraude s'élève à 84 millions d'euros, avec un taux de recouvrement de 15,8 %. En comparaison, pour les autres trop-perçus (hors fraude), le montant total constaté est de 1 217 millions d'euros, avec un taux de recouvrement de 63,2 %. Cet écart significatif souligne la difficulté à récupérer les montants dus en cas de fraude.
A noter, pour les trop-perçus liés à la fraude, le taux de recouvrement atteint seulement 43,7 % au bout de 5 ans, contre 86 % pour les autres trop-perçus100(*).
Bien que les procédures de recouvrement soient identiques, les indus frauduleux restent plus difficiles à récupérer que les indus hors fraude. Cela s'explique par plusieurs facteurs :
- des fraudeurs souvent insolvables ou difficilement localisables ;
- un comportement volontairement opaque, avec des stratégies pour échapper au contrôle ;
- des montants plus élevés, compliquant le remboursement ;
- des délais de détection plus longs, freinant l'intervention rapide des services.
Ce constat démontre les difficultés de l'opérateur à recouvrer les trop-perçus frauduleux et milite pour le renforcement des moyens de recouvrement à sa disposition. En effet, le recouvrement des sommes indûment perçues à la suite d'une fraude ou de manoeuvres frauduleuses obéit à la procédure de droit commun applicable à tous les trop perçus d'allocations versées par France Travail (articles L. 5426-8-1 et suivants et articles R. 5426- 18 et suivants du code du travail).
- L'avis à tiers détenteur
La contrainte émise par France travail permet de procéder via un commissaire de justice à des saisies mobilières ou immobilières, dont le coût pour l'opérateur est conséquent (les honoraires et frais d'actes liés au recouvrement des trop-perçus représentent pour 2024, plus de 8 millions d'euros101(*), quasi exclusivement résultant des frais des commissaires de justice). La procédure est donc longue tandis que les retenues peuvent être mises en place au terme des deux mois suivants la lettre amiable.
L'article L. 262 du livre de procédures fiscales permet de mettre en place une procédure de saisie administrative à tiers détenteur (SATD) par les comptables publics avec la possibilité d'obtenir le recouvrement des impositions dues par un contribuable défaillant.
Après avoir notifié la SATD auprès de tiers qui sont dépositaires, débiteurs, ou détenteurs de sommes qui reviennent au contribuable, le comptable public saisit ces sommes pour obtenir le recouvrement des impositions dues par le contribuable.
Grâce à la SATD, les comptables publics peuvent procéder au recouvrement forcé de leur créance, sans avoir besoin de passer par une procédure de saisie de droit commun longue et coûteuse. Cette procédure permet de récupérer les sommes directement entre les mains du tiers au profit de l'administration fiscale.
La procédure de SATD concerne aujourd'hui les impôts, les pénalités et les frais qui sont garantis par le privilège du Trésor.
L'objectif est d'octroyer à France Travail une nouvelle modalité de recouvrement des trop- perçus frauduleux, via le pouvoir d'émettre des SATD. En cas de multiplicité de saisies (saisie de l'administration fiscale et saisie de France Travail), et d'insuffisance des fonds pour procéder à toutes, la saisie émise par l'administration fiscale sera prioritaire : autrement dit, la SATD émise par France Travail ne sera exécutée qu'après exécution de celle émise par le Trésor public.
- La suppression de la quotité saisissable pour le remboursement des indus d'origine frauduleuse
Le trop-perçu une fois déclenché donne lieu à l'envoi d'une lettre amiable afin de le porter à la connaissance du demandeur d'emploi. Passé un délai de deux mois, sans réaction de sa part et en application de l'article L. 5426-8-1 du code du travail, France Travail peut, s'il n'y a pas de contestation, procéder au recouvrement par retenue sur les échéances à venir. Dans l'hypothèse où la personne conteste le trop-perçu, la procédure de recouvrement est suspendue et ne peut pas faire l'objet de retenue. Lorsque la contestation porte sur le caractère indu de sommes versées au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) ou sur l'allocation des travailleurs indépendants (ATI), un recours gracieux préalable devant le directeur général de France Travail est obligatoire avant tout recours devant les juridictions compétentes, en application de l'article R. 5426-19 du code du travail. De plus, la fraude pour rester inscrit ou percevoir indument un revenu de remplacement est sanctionnée par une suppression définitive et en totalité du revenu de remplacement ou des allocations et par la radiation de la liste des demandeurs d'emploi pour une durée de 6 à 12 mois (article L. 5412-1 et R. 5412-3-1 du code du travail).
Aux termes de l'article L. 5428-1 du code du travail les allocations, aides et prestations versées par France Travail sont cessibles et saisissables dans les mêmes conditions et limites que les salaires (solde du compte saisi et montant du solde bancaire insaisissable). S'y applique par conséquent la règle de la quotité saisissable, prévue à l'article L. 3252-2 du même code, qui prévoit que « les sommes dues à titre de rémunération ne sont saisissables ou cessibles que dans des proportions et selon des seuils de rémunération affectés d'un correctif pour toute personne à charge, déterminés par décret en Conseil d'Etat ».
Dans ce cadre, les allocations, aides et prestations versées par France Travail se décomposent en une fraction totalement insaisissable (articles L. 3225-5 et R. 3225-5 du code du travail) qui correspond au montant du revenu de solidarité active pour une personne seule, et une fraction saisissable selon un barème règlementaire, fixant les proportions selon lesquelles les salaires sont saisissables et cessibles.
La part saisissable est définie selon un barème par tranches de ressources mensuelles saisissables, revalorisé annuellement. Depuis le 1er janvier 2025, la proportion dans laquelle les sommes dues à titre de rémunération sont saisissables ou cessibles, en application de l'article L. 3252-2, est fixée comme suit par l'article R. 3252-2 du code du travail :
« 1° Le vingtième, sur la tranche inférieure ou égale à 4 440 € ;
2° Le dixième, sur la tranche supérieure à 4 440 € et inférieure ou égale à 8 660 € ;
3° Le cinquième, sur la tranche supérieure à 8 660 € et inférieure ou égale à 12 890 € ; 4° Le quart, sur la tranche supérieure à 12 890 € et inférieure ou égale à 17 090 € ;
5° Le tiers, sur la tranche supérieure à 17 090 € et inférieure ou égale à 21 300 € ;
6° Les deux tiers, sur la tranche supérieure à 21 300 € et inférieure ou égale à 25 600 € ;
7° La totalité, sur la tranche supérieure à 25 600 € ».
Cette quotité saisissable s'applique à l'ensemble des revenus de remplacement versés par France Travail, sans exception.
Cette règle constitue un obstacle pour récupérer rapidement les trop perçus frauduleux, puisqu'une partie des allocations versées à la suite d'une fraude ne peuvent faire l'objet d'une retenue. Pour tous les dossiers de trop-perçus, fraude et hors fraude, la quotité saisissable empêche le recouvrement d'environ 5 millions d'euros par an. Dans ce cas, deux mois après la lettre amiable, et le positionnement des retenues si le demandeur d'emploi est indemnisé, une mise en demeure est envoyée un mois avant la contrainte, qui ouvre la voie du contentieux.
Ainsi, s'agissant plus spécifiquement des indus liés à la fraude, environ 3300 radiations ont été prononcées en 2024. Parmi les demandeurs d'emploi concernés, un tiers se réinscrit dans les six mois suivant la radiation. Parmi, ces derniers, un peu plus de 40% bénéficie d'une ouverture de droits. La mesure proposée permettrait de récupérer les indus plus rapidement, par retenue intégrale des nouvelles allocations versées à cette population.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le point 11 du Préambule de la Constitution « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé » et des moyens convenables d'existence s'il est dans l'incapacité de travailler.
Aux termes de l'article 34 de la Constitution, la détermination des principes fondamentaux du droit du travail relève du domaine de la loi.
Il résulte, par ailleurs, de la jurisprudence constitutionnelle qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public, qui inclut la lutte contre la fraude. Le Conseil constitutionnel veille notamment à ce que cette conciliation s'opère entre les droits et libertés constitutionnellement garantis et les objectifs à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale (voir par exemple, décision n°2001- 457 DC du 27 décembre 2001) ou de lutte contre la fraude en matière de protection sociale ( décision n°2019-789 QPC du 14 juin 2019).
Le projet de loi prévoit la suppression de la quotité saisissable pour les trop-perçus qui seraient issus d'une fraude uniquement, et non pour les autres types de trop-perçus qui ne seraient pas la résultante d'un comportement frauduleux. Cette différence de traitement est directement liée au caractère frauduleux des sommes perçues par l'allocataire.
Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Par ailleurs, le motif d'intérêt général n'est pas discutable dans la mesure où il s'agit de récupérer des sommes indues provenant de fonds publics issues des contributions des employeurs et de la Contribution sociale généralisée/Contribution pour le remboursement de la dette sociale. Enfin, la différence de traitement introduite par la mesure est en rapport direct avec l'objet de la loi, à savoir, la récupération plus rapide et efficiente des trop-perçus issus de comportements frauduleux.
La suppression de la quotité saisissable en cas de fraude ne contrevient pas non plus à la garantie de moyens convenables d'existence. Elle vise en effet uniquement les situations de fraude avérée, dans lesquelles, par définition, le droit à indemnisation et par extension, celui de recevoir de la collectivité des moyens convenables d'existence, doit être regardé dès l'origine comme étant sans cause, car obtenu par des manoeuvres trompeuses. Après récupération des sommes concernées, l'intéressé conservera les sommes versées qui, le cas échéant, ne relèveraient pas d'un trop-perçu frauduleux.
Par ailleurs, l'action sur la quotité saisissable n'est pas l'unique moyen de recouvrer, et ne sera mise en oeuvre que lorsque la personne ne s'est pas manifestée et qu'elle ne conteste pas la somme. En outre, même en cas de fraude, les services de recouvrement conservent la possibilité d'adapter les modalités de remboursement en fonction de la situation du débiteur, notamment en cas de personnes à charge. L'intéressé a ainsi la faculté de signer un échéancier de remboursement avec des montants ajustables en fonction de sa situation.
Il en résulte que la mesure, qui poursuit un objectif d'intérêt général légitime, opère une conciliation proportionnée entre les exigences tirées du Préambule de la Constitution et l'objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Sans objet.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Sans objet.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le pouvoir de procéder au recouvrement de sommes par avis tiers détenteur relevant du pouvoir législatif, une disposition en ce sens est indispensable pour donner cette prérogative à France Travail en modifiant l'article L. 262 du livre des procédures fiscales.
L'article L. 5428-1 du code du travail prévoyant expressément que les allocations, aides et prestations versées par France Travail sont cessibles et saisissables dans les mêmes conditions et limites que les salaires, il y a nécessité de modifier ces dispositions législatives imposant le respect de la quotité saisissable lors de retenues sur les allocations.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif poursuivi par la mesure est de mieux recouvrer les trop perçus frauduleux, en permettant à France Travail de ne pas se voir appliquer la règle de la quotité saisissable pour ces trop-perçus, et en lui permettant d'émettre des avis de saisie à tiers détenteur. France Travail estime, grâce à ces deux mesures, pouvoir augmenter d'au moins 20% le recouvrement des trop-perçus frauduleux.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Des alternatives à la levée de la règle de quotité saisissable en cas de fraude, qui auraient notamment pu consister à faire évoluer les procédures de recouvrement ont été écartées en raison de leur complexité opérationnelle pour les services en charge du recouvrement au sein de France Travail, ainsi qu'en raison de leur moindre efficacité face à des comportements frauduleux organisés.
3.2. DISPOSITIF RETENU
La possibilité de recourir à la saisie administrative à tiers détenteur permettra à France Travail d'améliorer la récupération des sommes indument versées, étant rappelé que l'article L. 5428-1 du code du travail prévoit que les allocations, aides ainsi que tout autres prestations versées par France Travail sont saisissables dans les mêmes conditions et limites que les salaires. Par ailleurs, elle permettra de réaliser des économies conséquentes sur les frais afférents au recouvrement des trop-perçus frauduleux. Enfin, il est prévu que cette nouvelle prérogative de France Travail, en cas de saisie concomitante de l'administration fiscale, ne s'exerce que dans les limites de la disponibilité des fonds et qu'en cas d'insuffisance des fonds disponibles, la saisie émise par l'administrative fiscale doit être servie en priorité.
La règle de la quotité saisissable constituant un obstacle, pour France Travail, pour récupérer les trop-perçus, il est prévu de modifier l'article L. 5428-1 du code du travail afin de prévoir que la règle de la quotité saisissable n'est pas applicable aux sommes indûment versées en raison d'un manquement délibéré ou de manoeuvres frauduleuses.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
S'agissant de la saisie à tiers détenteur, la mesure implique une modification de :
- l'article L. 5426-8-2 du code du travail ;
- l'article L. 262 du Livre des procédures fiscales.
S'agissant de la suppression de l'application du principe de la quotité saisissable, il s'agit de compléter l'article L. 5428-1 du code du travail.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Sans objet.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Le montant total des trop-perçus liés à la fraude s'élève 84 millions d'euros en 2024, avec un taux de recouvrement de 15,8%, contre 63 % pour les autres types de trop-perçus. Une hausse de 20% du taux de recouvrement des trop-perçus frauduleux permettrait de récupérer près de 2,5 millions d'euros supplémentaires.
En outre, il y a lieu de considérer qu'un meilleur taux de recouvrement aurait des impacts positifs sur la situation budgétaire du régime d'assurance chômage.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mise en place de l'émission des SATD devra faire l'objet de développements au sein du système d'information de France Travail.
Une formation aux agents des services contentieux sera dispensée et une information à l'ensemble du réseau sera assurée.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Renforcer et rendre plus efficace la lutte contre la fraude permettra une plus grande adhésion au système d'indemnisation chômage.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Sans objet.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) a été consultée, à titre obligatoire, en application de l'article L. 2271-1 2° du code du travail, et a rendu un avis le 3 septembre 2025.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Le présent article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.
5.2.2. Application dans l'espace
Le présent article est applicable en France hexagonale.
Les dispositions du présent article seront applicables dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, qui sont soumis au principe de l'identité législative.
5.2.3. Textes d'application
Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités dans lesquels le directeur général de France Travail désigne des agents placés sous son autorité habilités à notifier des avis de saisie administrative au redevable et au tiers détenteur.
* 1 Conseil constitutionnel, décision n°2019-789 QPC du 14 janvier 2019, au sujet du droit de communication dont disposent les agents de contrôle de la sécurité sociale, inspiré de celui en matière fiscale.
* 2 Ces chiffres sont issus des bilans d'activité transmis annuellement par les caisses nationales à l'autorité de tutelle. Ils ont été publiés dans l'annexe 6 au projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (PLACSS) pour 2024.
* 3 Décision n° 2010-622 DC du 28 décembre 2010.
* 4 Décision n° 2019-789 QPC, 14 juin 2019, paragr. 7 et 10.
* 5 Conseil constitutionnel, décision n° 2011-192 QPC, 10 nov. 2011, cons. 21.
* 6 Analyse juridique adressée aux organismes complémentaires, 2022, site internet de la CNIL: Analyse juridique adressée aux organismes de complémentaire santé.
* 7 Décision n° 2010-622 DC du 28 décembre 2010.
* 8 Décision n° 2019-789 QPC, 14 juin 2019, paragr. 7 et 10.
* 9 Synthèse des rapports d'activité 2022 des maisons départementales des personnes handicapées [p. 11]
* 10 815 780 bénéficiaires de l'APA à domicile ont fait l'objet d'un paiement au titre du mois de décembre 2023 (France entière, hors Mayotte). Source : DREES, « APA et PCH - Montants versés ».
* 11 Décision n° 2010-622 DC du 28 décembre 2010.
* 12 Décision n° 2019-789 QPC, 14 juin 2019, paragr. 7 et 10.
* 13 Sont notamment visées à l'article L. 114-16-2 du code de la sécurité sociale les infractions pénales d'escroquerie, de faux et usage de faux, de fausse déclaration, d'obtention indue de document administratif, de faux certificat et d'attestation indue, d'incitation à la fraude sociale et de mise à disposition d'instruments facilitant la fraude sociale.
* 14 Conseil constitutionnel, décision n° 2019-789 QPC du 14 juin 2019, cons. 7
* 15 CJCE, 26 mars 1996, aff. C-238/94, José García e.a. c/ Mutuelle de prévoyance sociale d'Aquitaine e.a.
* 16 CJUE, Gde Chambre, 11 novembre 2014, C 333/13, Elisabeta Dano, Florin Dano c/Jobcenter Leipzig.
* 17 « Las ambulancias asistenciales deberán contar, además, con dispositivos de transmisión de datos y localización GPS con su Centro de Coordinación de Urgencias (CCU). ».
* 18 « Las ambulancias deberán contar con dispositivos de transmisión de datos y localización GPS que deberán garantizar en todo momento la comunicación del vehículo con el Centro de Gestión del Tráfco correspondiente, con el Centro de Coordinación de Urgencias y con el Centro de Emergencias 112 Aragón ».
* 19 L. 322-5-2 du code de la sécurité sociale, alinéa 1 : « Les obligations respectives des organismes qui servent les prestations d'assurance maladie et des entreprises de transports sanitaires ».
* 20 Données Cnam.
* 21 Bilan 2024 de la convention de gestion Cnam.
* 22 Les taxis et VTC : accès à la profession, offre de transport, équipement, rapport 2024 de l'Observatoire national des transports publics particuliers de personnes, mars 2024.
* 23 Décision n° 2010-622 DC du 28 décembre 2010.
* 24 Décision n° 2019-789 QPC, 14 juin 2019, paragr. 7 et 10.
* 25 Ces chiffres sont issus des bilans d'activité transmis annuellement par les caisses nationales à l'autorité de tutelle.
* 26 Trois contrôles sont effectués : 1° s'il y a effectivement un accompagnement pédagogique (peu importe sa qualité) ;
2° si le formateur dispose des titres et qualités en lien avec l'action de formation réalisée et
3° si l'action de formation professionnelle déclarée est celle effectivement réalisée (cas d'emprise sectaires, de dérives thérapeutiques, d'emprise fondamentaliste... maquillée en action de formation classique afin de percevoir des fonds publics ou mutualisés).
* 27 Conseil constitutionnel, décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, cons. 32 ; n° 2021-908 QPC, 26 mai 2021, cons. 8.
* 28 Conseil constitutionnel, décision n° 2019-789 QPC, 14 juin 2019, cons. 7.
* 29 Conseil constitutionnel, décision n° 2019-789 QPC du 14 juin 2019, cons. 7.
* 30 Bilan prévention des fraudes France Travail 2024. Le préjudice subi correspond au montant des allocations indûment versées à un demandeur d'emploi fraudeur, que France Travail n'a pas pu récupérer. Le préjudice évité correspond au montant des allocations qui auraient été versées si la fraude n'avait pas été détectée suffisamment à temps.
* 31 Insécurité et délinquance en 2023, Analyse Interstats n°64, janvier 2024.
* 32 Drogues et addictions, les chiffres clés 2025, OFDT, 15 janvier 2025.
* 33 Rapport d'information n° 1846, Suivi de l'évaluation de la lutte contre la contrefaçon, Assemblée nationale, 9 novembre 2023.
* 34 Rapport d'information n° 1846 précité.
* 35 D'après un communiqué de presse de la Banque de France du 29 Janvier 2024, 467 000 billets en euros contrefaits ont été retirés de la circulation en 2023.
* 36 Rapport relatif à la fraude sociale, HCFiPS, juillet 2024.
* 37 Cons. const., n° 2010-88 QPC ; Cons. const., 28 déc. 1990, n° 90-285 DC, loi de finances pour 1991.
* 38 Art. 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (DDHC).
* 39 Cons. const. n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012.
* 40 Conseil d'Etat, Assemblée générale, avis n° 387402 du 21 mars 2013
* 41 Cons.const. n° 2019-793 QPC du 28 juin 2019.
* 42 Cons. const., n° 90-285 DC du 28 décembre 1990, Loi de finances pour 1991.
* 43 La CSG portant sur les revenus issus des jeux n'est pas déductible.
* 44 Source : DGFiP, montant de l'assiette de l'art. 1649 quater 0 B bis du CGI, issu des contrôles fiscaux réalisés au titre du dernier exercice clos soit 2024.
* 45 Conseil constitutionnel, décision n°2022-988 QPC du 8 avril 2022.
* 46 Conseil constitutionnel, décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989 ; décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997.
* 47 Ces biens de haute valeur comprennent aussi les véhicules à moteur, les aéronefs et les véhicules nautiques d'un prix supérieur à un certain seuil. Ces biens sont traités de manière distincte par le droit national, avec un assujettissement de ces vendeurs de biens au titre des 10°bis au 10°quater de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier depuis la loi n°2025-532 du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic (article 4).
* 48 Données collectées sur « Mon activité formation » à l'issue de la campagne de remise des bilans pédagogiques et financiers pour 2024.
* 49 Décision n° 2016-550 QPC du 1er juillet 2016 (paragraphes 6 et 7).
* 50 Décisions n° 2016-550 QPC du 1er juillet 2016 et n° 2016-621 QPC du 30 mars 2017.
* 51 Décision n° 2019-783 QPC du 17 mai 2019 (paragraphe 14).
* 52 Décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018 (paragraphes 18 à 20).
* 53 Ces chiffres sont issus des bilans d'activité transmis annuellement par les caisses nationales à l'autorité de tutelle. Ils ont été publiés dans l'annexe 6 au projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (PLACSS) pour 2024.
* 54 Sénat, compte rendu intégral des débats sur le PLFSS pour 2010, séance du 14 novembre 2009 sur l'article 30
* 55 Données CNAM.
* 56 Données CNAM.
* 57 Données CNAM.
* 58 Estimations de la Caisse nationale d'Assurance maladie.
* 59 Estimations de la Caisse nationale d'Assurance maladie.
* 60 Voir par exemple la décision-cadre n° 2008/841/JAI, relative à la lutte contre la criminalité organisée, impose aux États membres d'augmenter le quantum de la peine en cas de circonstance aggravante de bande organisée.
* 61 Conseil constitutionnel, décision n° 2023-862 DC du 28 décembre 2023.
* 62 Source : OCDE - Rapport lutte-contre-la-délinquance-fiscale-les-dix-principes-mondiaux- chapitres-par-pays - chapitre pays par pays - mai 2024.
* 63 Conseil constitutionnel, décision n°2016-618 QPC du 16 mars 2017.
* 64 Source : HCFIPS, observatoire de l'impact du travail dissimulé sur les finances sociales, réunion du 5 décembre 2024.
* 65 Article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales.
* 66 Ancien article L. 243-7-4 du code de la sécurité sociale, en vigueur du 21 décembre 2011 au 1er janvier 2017.
* 67 Décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, considérant 18
* 68 Des cotisations et contributions éludées, des majorations prévues à l'article L. 243-7-7 du présent code et, le cas échéant, des majorations et pénalités afférentes, ainsi que du montant des réductions ou exonérations de cotisations ou contributions sociales, dont a pu bénéficier le débiteur, annulées en application du deuxième alinéa de l'article L. 133-4-2.
* 69 Article L16-0 BA du livre des procédures fiscales.
* 70 Source : HCFIPS, observatoire de l'impact du travail dissimulé sur les finances sociales, réunion du 5 décembre 2024
* 71 Conseil constitutionnel, décision n° 2010-38 QPC du 29 septembre 2010 ; décision n° 2012-268 QPC du 27 juillet 2012 ou plus récemment décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017.
* 72 Conseil constitutionnel, décision n° 2023-1038 QPC du 24 mars 2023.
* 73 Conseil constitutionnel, décision n° 2011-203 QPC du 2 décembre 2011.
* 74 Conseil constitutionnel, décision n° 2015-500 QPC du 27 novembre 2015.
* 75 Conseil constitutionnel, décision n° 2019-788 QPC du 7 juin 2019.
* 76 Prévue à l' article R.133-3 du code de la sécurité sociale, la contrainte constitue un mécanisme de recouvrement forcé des cotisations sociales impayées.
* 77 Source : bilan du plan national de lutte contre le travail illégal (PNLTI) 2019-2021.
* 78 Article L. 8221-3 du code du travail.
* 79 Article L. 8221-5 du code du travail.
* 80 Source : HCFIPS, observatoire de l'impact du travail dissimulé sur les finances sociales, réunion du 5 décembre 2024.
* 81 Source : HCFIPS, observatoire de l'impact du travail dissimulé sur les finances sociales, réunion du 5 décembre 2024.
* 82 Sur le modèle de l'obligation de vigilance prévue à l'article L. 8222-1 du code du travail.
* 83 L'article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 précise que l'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous- traitant et faire agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître d'ouvrage. L'article L. 2193-4 du code de la commande publique prévoit un mécanisme similaire d'acceptation du sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement pour les marchés publics.
* 84 Pris sur le fondement de l'article L. 8222-7 du code du travail.
* 85 Liste des documents si le cocontractant est établi en France : article D. 8222-5 du code du travail / Liste des documents sur le cocontractant est établi à l'étranger : article D. 8222-7 du code du travail.
* 86 Article D. 243-15 du code de la sécurité sociale.
* 87 Civ. 2e, 11 juill. 2013, 12-21.554.
* 88 Source : Insee, étude « Une entreprise sur deux a recours à la sous-traitance ou la réalise en 2021 ».
* 89 Conseil constitutionnel, décision n° 89-268 DC du 29 décembre 1989 relative à la loi de finances pour 1990.
* 90 Voir par exemple Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 24/06/2022, 21MA04707.
* 91 Rétribution financière ou sous forme de cadeaux, transmission de droits à un tiers, obtention auprès d'un organisme de formation de formations non éligibles, réalisation de fausses déclarations pour obtenir un financement CPF ou des alimentations supplémentaires ....
* 92 Pour chaque dossier à recouvrer, aux frais liés au contentieux visant à l'obtention d'un titre exécutoire (étant précisé que les honoraires des cabinets d'avocat varient usuellement entre 1 000 € et 3 000 € HT selon le montant de la créance à recouvrer et la complexité du dossier) s'ajoutent les frais nécessaires relatifs à la mise en oeuvre des mesures d'exécution.
* 93 Source : HCFIPS, observatoire de l'impact du travail dissimulé sur les finances sociales, réunion du 5 décembre 2024.
* 94 Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf), caisses générales de sécurité sociales (CGSS), caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM) et caisses de mutualité sociale agricole (MSA).
* 95 Source : bilan 2024 de la lutte contre le travail dissimulé de l'Urssaf.
* 96 Article 1649 ter du code général des impôts et article L135 ZK du livre des procédures fiscales.
* 97 Articles 1 à 6 de la LOI n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante.
* 98 Article R133-9-5 du code de la sécurité sociale.
* 99 Source : « Le marché de l'assurance-vie en 2024 », ACPR Branque de France.
* 100 Données de pilotage financières issues du système d'information de France Travail.
* 101 Etudes et analyses budgétaires de France Travail.