EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Bien que largement minoritaire, l'instruction à domicile est un phénomène en plein développement : elle concernait 18 800 enfants en 2011 pour atteindre près de 25 500 enfants en 2017. Cette augmentation pose nécessairement question, dans la mesure où elle met notamment en lumière les failles de l'identification et du contrôle de l'instruction à domicile, qui peuvent également être détournés par des mouvements prônant des valeurs contraires à celles de la République.

Selon la direction générale de l'enseignement scolaire, seuls 0,12 % des enfants d'âge scolaire sont réellement instruits dans leur famille. Or un certain nombre d'entre eux échappe encore au suivi de l'État ou des services sociaux. Retirés de l'école sans être déclarés comme étant instruits à domicile, absents des registres ou mal instruits, ces enfants peuvent être parfois dans des situations à risque.

Si ces enfants sont numériquement peu importants, quoiqu'en relative progression, il subsiste un flou administratif manifeste autour de leur identification, leur contrôle et leur suivi. La présente proposition de loi a donc pour objectif de créer les outils visant à une meilleure connaissance de la réalité de l'instruction à domicile, ainsi qu'à une amélioration du contrôle de cette forme particulière d'instruction.

En premier lieu, en tant qu'agent de l'État, chaque maire a actuellement le devoir d'effectuer le recensement de la population de sa commune en âge d'être instruite et de tenir un registre communal des enfants non scolarisés. Toutefois, la déclaration d'instruction à domicile faite en mairie, sur laquelle se fonde le recensement, n'est pas systématiquement réalisée par les parents ou les tuteurs en charge de l'enfant. L'incomplétude de certains recensements empêche l'identification précise des enfants instruits à domicile, créant une situation à risque pour les enfants concernés entre autres par des dérives sectaires ou intégristes religieuses. Afin d'y remédier, la proposition de loi prévoit, en son article 1 er , que la déclaration d'instruction à domicile en mairie ne devrait plus être autorisée après la fin du premier trimestre de l'année scolaire. L'instauration d'une telle date limite doit permettre que les enfants puissent faire l'objet d'un contrôle très rapidement après leur retrait de l'école.

À la suite de ce recensement, le maire a l'obligation de diligenter une enquête au domicile des familles qui pratiquent l'instruction à domicile, afin de vérifier de façon générale les conditions de vie des enfants. Cette enquête vise également à établir les raisons ayant motivé ce choix d'instruction et s'il est bien donné aux enfants une instruction compatible avec leur état de santé et les conditions de vie de la famille. L'enquête de la mairie ne porte pas sur la qualité de l'instruction dispensée qui, elle, relève des autorités compétentes du ministère chargé de l'éducation nationale, à la suite de l'enquête sur l'environnement de l'enfant. Malgré la diffusion de la circulaire n° 2017-056 du 14 avril 2017 relative au contrôle de l'obligation scolaire et du guide interministériel du 27 novembre 2017 sur le rôle des acteurs locaux dans le cadre de l'instruction dans la famille, l'obligation pour les maires de diligenter une enquête reste mal connue des élus locaux, et soulève l'incompréhension des administrés. Un certain nombre de maires, par manque d'information ou de moyens, ne conduisent pas cette enquête, parfois délicate à mener, en raison du sentiment d'intrusion qu'elle peut générer dans les familles. Cette carence administrative est un nouveau frein à l'identification et au contrôle de ces enfants, alors même que cette enquête est parfois le point de départ de procédures de protection des enfants. Afin de s'assurer du contrôle systématique et surtout immédiat des raisons avancées par les parents à l'appui de ce choix d'instruction, l'article 2 de la proposition de loi confie au représentant de l'État dans le département cette enquête.

Enfin, le suivi et la connaissance des enfants identifiés comme étant instruits à domicile sont clairement insuffisants. S'inspirant d'une proposition de la mission flash de l'Assemblée nationale du 18 juillet 2018 concernant la déscolarisation, l'article 3 de la présente proposition de loi améliore le suivi et l'identification au niveau national des enfants non scolarisés en leur attribuant à tous un numéro d'identification national élève (INE) dès l'âge de la scolarité obligatoire. L'objectif est de disposer au niveau national d'un outil académique harmonisé de suivi de tous les élèves, incluant ceux scolarisés à domicile.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

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