EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi Montagne I promulguée en janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne a été mise à jour en 2016 pour tenir compte des évolutions dans les domaines du numérique, de l'emploi, de l'agriculture, des services publics ou de des règles en matière de construction aboutissant à la loi Montagne II.

Dans un rapport d'information adopté en mars 2020 et intitulé Evaluation de la loi de modernisation, développement et protection des territoires de montagne, la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale a émis un certain nombre de recommandations afin de prendre en compte les besoins des territoires de montagne. Sans aller toutefois jusqu'à proposer une loi Montagne III, ce rapport préconise un certain nombre de mesures afin de rendre les lois Montagne I et II plus opérantes dans le quotidien des communes de montagne.

En matière de construction notamment, ce rapport souligne ainsi qu' : « il existe, aujourd'hui, un véritable problème de constructibilité en zone de montagne (...) qui concerne surtout des petits villages peu denses, qui ne réussissent à obtenir qu'un ou deux permis de construire par mandat, les maires se voyant opposer injustement la loi Montagne II et devant négocier âprement ».

Si l'objectif fixé par les lois Montagne vise principalement une urbanisation en continuité afin d'éviter le mitage inutile du foncier tout en faisant preuve de bon sens pour adapter les constructions aux contraintes locales, il convient de reconnaître que cette méthode génère des difficultés.

La première d'entre elles est la profonde disparité d'interprétation selon les départements, et ce malgré l'instruction du Gouvernement du 12 octobre 2018 relative aux dispositions particulières à la montagne du code de l'urbanisme dans laquelle l'ancien Ministre Jacques Mézard explique en préambule : « j'insiste sur le fait que les dispositions du code de l'urbanisme particulières à la montagne ne doivent pas être envisagées comme un frein au développement, mais au contraire comme un moyen permettant de concilier les différents enjeux du territoire, à savoir préserver les espaces naturels et agricoles en luttant contre l'artificialisation des sols, tout en garantissant aux communes et intercommunalités de pouvoir répondre à la demande de logement et de développement des activités économiques ».

La seconde difficulté découle de la première entrainant le blocage des projets des élus pour le développement de leurs communes.

Le rapport de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale estime qu'il est désormais « indispensable de mener un travail de clarification du principe d'urbanisation en continuité, pour limiter les divergences d'interprétation entre départements, mais aussi et surtout assouplir les conditions de la construction en zone de montagne en faisant prévaloir le bon sens et en considérant, en premier lieu, les besoins des territoires isolés qui se désertifient ».

En parallèle de ce travail parlementaire d'évaluation et de contrôle, le dérèglement climatique a engendré des catastrophes naturelles répétées et violentes sur l'ensemble du territoire français. Leur nombre a été multiplié par quatre depuis les années 1970 et leurs coûts ont sensiblement augmenté au regard des déclarations de sinistres atteignant désormais plusieurs milliards d'euros.

Dans les territoires de montagne, outre les risques spécifiques qui façonnent la topographie (avalanches, mouvements de terrain et aléas torrentiels), il est d'autant plus nécessaire de faire évoluer la législation afin de donner l'agilité juridique nécessaire pour reconstruire les infrastructures après chaque sinistre.

Dans les Alpes-Maritimes, la tempête Alex des 2 et 3 octobre 2020 a été un point de rupture dans cette réflexion. Les vallées de la Roya, de la Vésubie et de la Tinée ont été lourdement impactées puisque 55 communes ont été déclarées en état de catastrophe naturelle pour des inondations et des coulées de boue ainsi que des inondations par choc mécanique des vagues.

Les réparations sont chiffrées à plusieurs milliards d'euros et le bilan sur l'état des biens immobiliers indique que tout ne pourra pas être reconstruit, que des sites entiers ne pourront plus être occupés et que des nouvelles solutions sont déjà attendues pour mettre en sécurité les habitants et reconstruire les vallées.

Enfin, si la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) s'est intéressée à assouplir le principe de l'urbanisation en continuité consacré dans la loi Littoral du 3 janvier 1986 afin de permettre la construction de hameaux et les besoins d'aménagements nécessaires dans les hameaux, rien n'avait été réalisé pour les territoires de montagne.

Ainsi, cette proposition de loi a pour ambition de relever ce défi et définir une législation habile et suffisamment souple au service des projets d'aménagement portés par les élus et les populations sans porter atteinte à la protection des territoires de montagne.

L'article 1 er instaure un bandeau de constructibilité dans un rayon de 300 mètres d'une construction existante en continuité d'une commune afin de pouvoir porter des projets de construction. Le bandeau est limité aux communes de montagne de 3 500 habitants ou moins. Afin de ne pas laisser un vide juridique à propos des résidences secondaires qui risquerait d'entrainer un mitage, l'article 1 er limite leur incidence en prévoyant que chaque résidence secondaire compte pour deux habitants. En outre, l'article 1 ne joue que dans la mesure où le PLU n'a pas prévu de l'écarter afin de laisser les élus locaux libres de se l'approprier ou non.

L'article 2 vise tout particulièrement les communes de montagne frappées par des catastrophes naturelles telles que les inondations et tend à limiter l'assouplissement en matière de constructibilité uniquement au regard de l'exigence de continuité. Effectivement, assouplir l'exigence de reconstruction à l'identique pour tenir compte du fait qu'un bâtiment a été détruit pas une catastrophe naturelle doit pouvoir justifier que la nouvelle construction soit un peu différente de la construction détruite. Par exemple, une maison emportée par une rivière en crue pourrait être surélevée ou, sur un terrain en pente, être déplacée pour se retrouver plus en hauteur. L'article 2 précise que, lorsqu'il s'agit de protéger la construction nouvelle d'une catastrophe qui a détruit la construction d'origine, les aménagements et déplacements (sur la même parcelle) n'empêchent pas, à eux seuls, de dire que la reconstruction envisagée n'est pas identique.

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