EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2030, 1 Français sur 3 aura plus de 60 ans. Ainsi, et pour la première fois, les Français âgés de plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 15 ans.

La même année, pas moins de 800 000 particuliers employeurs seront âgés de 80 ans et plus, témoignant du poids du secteur des particuliers employeurs et de lemploi à domicile dans laccompagnement à domicile tant en matière de prévention qu'en matière de perte dautonomie.

Le vieillissement de la population constitue un défi démographique majeur : comment permettre aux 92 % de Français qui aspirent à vieillir à domicile d'être acompagnés dans les gestes du quotidien ? Dans ce contexte, le secteur des particuliers employeurs et de lemploi à domicile a un rôle à jouer.

De nombreux rapports se sont succédé ces dernières années : les rapports Libault « Concertation grand âge et autonomie » en 2019 et « Vers un service public territorial de lautonomie » en 2022, le rapport Vachey « La branche autonomie : périmètre, gouvernance et financement » en 2020, le rapport El Khomri « Plan de mobilisation nationale en faveur de lattractivité des métiers du grand âge » en 2019, le rapport du CESE « La prévention de la perte dautonomie liée au vieillissement » en 2023, le rapport du Conseil de l'âge du Haut Conseil de la famille, de lenfance et de l'âge « Bien vivre et vieillir dans lautonomie à domicile » du 24 février 2024 ou encore le rapport du CESE « Soutenir lautonomie : les besoins et leurs financements » du 26 mars 2024.

En parallèle de la profusion de la production documentaire, les initiatives législatives senchaînent : outre les projets de loi de financement de la Sécurité sociale chaque année, lactualité parlementaire est rythmée par la proposition de loi « bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie » et le Gouvernement sest engagé à déposer un projet de loi de programmation pluriannuel en faveur du grand âge à l'été 2024.

Malgré la multiplicité des rapports et des initiatives législatives, laccompagnement de la perte dautonomie à domicile nest envisagé par la loi que sous le seul prisme des prestataires autorisés daide à domicile.

Or, lemploi à domicile constitue un atout majeur pour relever le défi en tant que contributeur de ces politiques publiques.

De ce point de vue, la loi du 28 décembre 2015 relative à ladaptation de la société au vieillissement (ASV) est très différente de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

En effet, la loi de 2015 exclut lemploi à domicile des politiques publiques de laccompagnement à domicile alors que la loi de 2005 reconnaît lemploi à domicile, fonde un dispositif de solvabilisation performant et ouvre la délégation de gestes de soins pour les particuliers employeurs en situation de handicap.

Alors que lemploi à domicile est pleinement contributif de laccompagnement des personnes en situation de handicap car soutenu par les politiques publiques, ce nest pas le cas de laccompagnement des personnes dont la fragilité est due au vieillissement. Lemploi à domicile reste en dehors des politiques publiques.

Cette proposition de loi souhaite corriger cette iniquité.

Si être particulier employeur est un choix, en matière daccompagnement de la perte dautonomie à domicile, 1 million de Français ont fait ce choix dans tous les territoires.

Lemploi à domicile se caractérise par la liberté que ce modèle demploi confère au particulier employeur comme au salarié.

La personne fragile, sa famille ou son proche aidant organisent, sur mesure, la réponse à son besoin daccompagnement de vie à domicile.

Par ailleurs, le salarié organise son temps de travail et laccompagnement professionnel du particulier employeur.

Lemploi à domicile rend la capacité aux personnes en perte dautonomie de déterminer ce qui est souhaitable pour elles-mêmes. Le modèle demploi promu par le secteur préserve lautonomie décisionnelle car choisir à la place dune personne fragile, cest déjà la déposséder de sa propre autonomie.

Cette relation unique confère un sens qui va bien au-delà de la simple réalisation du contrat de travail. Elle constitue une réponse globale à lisolement social des personnes fragiles qui renforce, dans bien des situations, lalimentation du lien social.

Lassistant de vie (ADV), tel que défini dans la classification des métiers et emplois de la convention collective du secteur des particuliers employeurs et de lemploi à domicile, sinscrit dans un cadre protecteur et attractif qui est celui dune convention collective nationale. Entrée en vigueur le 1er janvier 2022, elle témoigne de la richesse du dialogue social dans la promotion de lemploi à domicile et lattractivité des métiers.

Les partenaires sociaux se sont vivement engagés pour structurer un secteur prêt à relever le défi démographique et poursuivre le chantier de lattractivité des métiers. Ils ne sauraient toutefois parvenir seuls à relever le défi du « bien vieillir à domicile ».

Le chapitre Ier et larticle 1er portent la reconnaissance du secteur des particuliers employeurs et de lemploi à domicile comme contributeur des politiques publiques daccompagnement dans la perte dautonomie à domicile.

La reconnaissance de la contribution de lemploi à domicile est constitutive du respect du libre choix du mode daccompagnement au profit de la personne en perte dautonomie, dans un contexte où toutes les solutions sont utiles.

Le chapitre II sattache au renforcement de la qualité de laccompagnement.

Larticle 2 reconnaît le rôle du Relais Assistant de Vie (RAVie), initiative de la branche du secteur des particuliers employeurs et de lemploi à domicile, pour répondre à la professionnalisation des assistants de vie et en fait un prérequis à laccompagnement du particulier employeur bénéficiaire de lAPA.

Les RAVie ont été expérimentés et déployés depuis plus de quinze ans par la branche, avec le soutien de la Caisse Nationale de Solidarité pour lAutonomie (CNSA). De fait, ils deviennent loutil au service du renforcement de la qualité daccompagnement à domicile du secteur des particuliers employeurs et de lemploi à domicile, cest le projet du « RAVie prérequis ».

À titre dexemple, 70 % des assistants de vie qui ont participé à un RAVie suivent un parcours professionnalisant.

Par ailleurs, le passage en RAVie facilite laccompagnement du particulier employeur fragile grâce à lanimation territoriale dune communauté dADV permettant de rompre lisolement professionnel et de simplifier la coordination en cas dabsence.

Cet article sinspire de la préconisation n°5 du rapport du CESE intitulé « Soutenir lautonomie : les besoins et leurs financements », qui dispose : « Assurer la qualité de laccompagnement à domicile sur tout le territoire et réduire les inégalités en reconnaissant le « relais assistant de vie » et en le rendant obligatoire pour tout assistant de vie désireux daccompagner un particulier employeur fragile bénéficiaire de lAPA ».

Larticle 3 ouvre la délégation de gestes de soins aux personnes âgées en perte dautonomie.

Depuis la loi de 2005, les particuliers employeurs en situation de handicap peuvent déléguer des gestes de soins à leur assistant de vie dans le cadre dun avenant au contrat de travail, avec lobligation d'être accompagné par un professionnel de soin.

Il est alors reconnu spécifiquement dans la classification de la convention collective du secteur des particuliers employeurs et de lemploi à domicile.

Laccompagnement à domicile, qui repose sur un puissant lien de confiance unissant le binôme, devient alors vital !

Au même titre que les particuliers employeurs en situation de handicap, la délégation de gestes de soins pourrait être envisagée pour les particuliers employeurs dont la perte dautonomie est due au vieillissement.

Le chapitre III garantit la liberté de choix du mode daccompagnement à domicile.

Le libre choix du mode dintervention, au moment de l'élaboration du plan daide, est doublement altéré : par la hiérarchisation des modes dintervention, dune part (article 4), et par la moindre solvabilisation du particulier employeur fragile, dautre part (article 5).

La hiérarchisation des modes dintervention pose le principe dune priorité donnée aux prestataires autorisés daide à domicile dans laccompagnement des personnes dont la perte dautonomie est avancée et, pour les personnes dont la perte dautonomie est moins avancée, oriente le bénéficiaire vers un mode dintervention au détriment dun autre.

Larticle 4 propose de moduler cette hiérarchisation et donc de garantir le libre choix en replaçant le bénéficiaire au centre de la prise de décision, sans pour autant le priver des conseils ou recommandations de l'équipe médico-sociale au moment de la constitution du plan daide.

Cet article sinspire de la préconisation n°3 du rapport du CESE précité et qui dispose : « Garantir la réalité du libre choix en permettant aux bénéficiaires de lAPA de recourir de manière effective à lemploi à domicile ».

La moindre solvabilisation du particulier employeur fragile provient de son exclusion du tarif plancher de lAllocation Personnalisée dAutonomie (APA) dont bénéficient les usagers et les clients des prestataires autorisés daide à domicile. Ce tarif plancher permettrait une homogénéisation des montants dAPA pratiqués sur lensemble du territoire. On constate aujourd'hui des disparités d'un département à lautre.

Larticle 5 propose une refonte du mode de calcul de lAPA pour les particuliers employeurs en sinspirant du mode de calcul de la Prestation de Compensation du Handicap (PCH). Le montant de la PCH se base sur les salaires de la convention collective du secteur concerné et garantit un haut degré de pertinence dans la délivrance de la prestation, à tel point que 95% des bénéficiaires nont aucun reste à charge (P.19 annexe 9 PLFSS pour 2024).

Afin de diminuer le reste à charge des particuliers employeurs bénéficiaires de lAPA, de garantir une homogénéité des tarifs dAPA pratiqués sur lensemble du territoire et de sassurer de la pertinence de leur mode de calcul, il est proposé de fonder un tarif plancher de lAPA pour les particuliers employeurs sur les salaires garantis par la convention collective des particuliers employeurs et de lemploi à domicile. Une telle mesure ne remet pas en cause lexistence du ticket modérateur.

Cet article sinspire de la préconisation n°3 du rapport du CESE précité et qui dispose : « Faire de lAPA la prestation autonomie liée à l'âge dont le modèle converge vers celui de la PCH et est indexé sur les salaires des professionnels du secteur ».

Cet article sinspire également dune préconisation (P.71) du rapport du conseil de l'âge du Haut Conseil de la famille, de lenfance et de l'âge (HCFEA), intitulé « Bien vivre et vieillir dans lautonomie à domicile » et qui dispose « pour les modes mandataire et emploi direct, un tarif plancher national devrait être fixé à linstar de ce qui est arrêté pour la PCH, prenant en compte les niveaux de qualification et de rémunération conventionnelles, ainsi que les enseignements dune étude de coût propre à ces types dintervention ».

Enfin, le chapitre IV renforce la prévention de la perte dautonomie par la garantie du libre choix du mode daccompagnement dès les premiers signes de perte dautonomie.

La perte dautonomie nest pas le fait inéluctable du vieillissement, elle peut être prévenue grâce à des politiques publiques coordonnées et adaptées aux besoins du bénéficiaire.

En matière de prévention, lemploi à domicile constitue un atout majeur car le lien de confiance unissant le binôme permet lentretien dun lien social de qualité dont le rapport Libault « Concertation grand âge et autonomie » reconnaît toute limportance : « Il est démontré que la santé des personnes en perte dautonomie est tributaire de lintensité, de la variété et de la qualité du lien social dont elles disposent ».

Le même constat est fait par les rédacteurs du rapport « Prévention de la perte dautonomie » du CESE : « la réduction ou la perte de liens sociaux contribuent eux aussi à lentrée dans la dépendance ».

Larticle 6 inscrit le principe du libre choix du mode daccompagnement dans les sujets traités par la conférence des financeurs de la perte dautonomie et ce, dès les premiers signes de la perte dautonomie.

Plus tôt laccompagnement à domicile débute, plus tôt la perte dautonomie est prévenue et sa progression repoussée. Cest dès lentrée dans la perte dautonomie que le principe du libre choix doit apparaître car une fois le mode daccompagnement choisi, cest bien souvent le même qui accompagne le bénéficiaire tout au long de la perte dautonomie.

Le chapitre V et larticle 7 gagent financièrement la proposition de loi.

En conclusion, dans le contexte du vieillissement de la population, du désir largement partagé des Français de vieillir à domicile et dune exclusion systématique de lemploi à domicile des politiques publiques, cette proposition de loi porte la reconnaissance de lemploi à domicile dans laccompagnement des personnes fragiles et garantit un libre choix effectif du mode daccompagnement à domicile.

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