EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Il arrive, bien que rarement, qu'un second tour d'élection doive être organisé alors qu'un unique candidat reste en lice. Cette situation résulte du retrait volontaire d'un ou de plusieurs candidats qualifiés, laissant seul un dernier candidat habilité à se présenter au second tour.
Ce cas de figure, aussi singulier soit-il, n'est pas inédit. Il s'est produit, par exemple, lors des élections législatives de 2024 dans la 2? circonscription de Guyane, ou encore lors des législatives de 2007 dans la 7? circonscription de Seine-Saint-Denis et dans la 19? circonscription du Nord. Dans chacune de ces situations, les électeurs ont été appelés à voter pour un scrutin sans véritable alternative, se résumant à choisir entre un vote pour l'unique candidat restant ou un vote blanc. L'organisation de tels scrutins, en l'absence de tout enjeu de choix démocratique, interroge à plus d'un titre.
D'une part, elle impose la mobilisation complète de l'appareil électoral - ouverture des bureaux de vote, présence des personnels, impression de documents électoraux - pour une procédure dont l'issue est déjà acquise. Cette mobilisation a un coût financier et humain, dont la légitimité est ici difficilement défendable. Bien que marginale à l'échelle d'un scrutin, cette dépense publique devient symbolique d'une forme d'inertie administrative, peu compréhensible aux yeux des citoyens.
D'autre part, elle brouille la portée civique et solennelle du vote. À l'heure où la démocratie représentative fait face à une érosion de la participation et à une défiance croissante à l'égard des institutions, il est essentiel de renforcer la lisibilité et la pertinence des démarches électorales. Comme le souligne le rapport de la mission d'information sénatoriale sur la redynamisation de la culture citoyenne : Jeunesse et citoyenneté, une culture à réinventer, remis le 7 juin 2022 par les sénateurs Henri CABANEL et Stéphane PIEDNOIR, « la crise de confiance entre citoyens et élus à laquelle notre pays est aujourd'hui confronté exige a minima des mesures pour faciliter les démarches liées au vote ». Maintenir un scrutin sans véritable enjeu apparaît, à rebours, comme un facteur de lassitude et d'incompréhension démocratique.
Or, le droit électoral ne prévoit pas aujourd'hui l'hypothèse dans laquelle un seul candidat demeure en lice au second tour. Cette lacune entretient des situations absurdes, où l'on persiste à convoquer les électeurs sans qu'un véritable choix leur soit offert. À travers un article unique, la présente proposition de loi vise donc à combler ce vide juridique. Elle prévoit qu'en cas de retrait des autres candidats qualifiés au second tour, et si un seul candidat demeure en lice, le second tour n'est pas organisé et ce dernier est proclamé élu. Cette mesure de bon sens permettrait de rationaliser l'organisation des scrutins, de limiter des dépenses publiques injustifiées et de contribuer à restaurer une exigence de cohérence dans les pratiques démocratiques.
Elle ne remet nullement en cause les principes de pluralisme ou d'égalité des candidats, mais vise à adapter notre droit à des configurations électorales particulières, en évitant que des procédures automatiques ne conduisent à des résultats absurdes.