EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La délinquance financière ne constitue pas seulement une infraction économique : elle est devenue un levier stratégique du crime organisé, un facteur de fragilisation des institutions démocratiques, et un puissant moteur de distorsion du modèle républicain. Le blanchiment des flux criminels irrigue aujourd'hui des pans entiers de l'économie légale et se combine à des pratiques frauduleuses de plus en plus sophistiquées, qui affaiblissent les mécanismes de contrôle et échappent aux radars classiques de la répression pénale.
Selon les travaux de la commission d'enquête du Sénat rendus publics le 18 juin 20251(*), le montant des flux annuels issus des trafics et recyclés dans les circuits légaux serait compris entre 38 et 58 milliards d'euros, soit un taux de récupération de 2 %.
98 % de l'argent sale continue de profiter aux acteurs du crime. Il faut donc « réveil et sursaut ! »
Le délinquant emprisonné à Marseille qui achète des biens par téléphone en cryptoactifs et via le système du hawala à Dubaï constitue une synthèse des enjeux !
Le rapport de la commission d'enquête met en lumière une réalité inquiétante : la criminalité économique ne repose plus uniquement sur des schémas anciens, mais sur des structures éphémères, des prête-noms fictifs, l'usage massif de néobanques non agréées, des détournements de véhicules immatriculés frauduleusement, et des montages délocalisés rendus opaques par des défauts de coordination entre les autorités de contrôle et l'accueil de pays bienveillants, l'argent n'ayant pas d'odeur et pas de nom s'agissant des cryptoactifs.
Au-delà des constats chiffrés, le Sénat dénonce une absence de stratégie globale, un cloisonnement des administrations, une fragmentation normative et une inertie institutionnelle qui entravent toute politique efficace de lutte contre l'argent sale, de même que la faiblesse de la vision financière de l'infraction.
Le dispositif actuel souffre d'un empilement de règles, d'une sous-dotation chronique des organes de régulation, d'un manque d'interopérabilité entre les fichiers publics et d'un retard dans la mise en oeuvre des technologies de détection.
Face à cette situation, la présente proposition de loi a pour ambition de repenser en profondeur les outils juridiques de lutte contre la délinquance financière, dans une logique systémique et cohérente. Elle repose sur une triple conviction : renforcer la capacité de l'État à détecter les anomalies, responsabiliser les acteurs économiques dans la prévention du risque, et accroître l'efficacité des sanctions appliquées aux infractions les plus graves.
Composée de vingt chapitres et trente articles, cette proposition, issue des travaux de la commission d'enquête sénatoriale dont le rapport a été rendu le 18 juin 2025, ne se limite pas à une addition de mesures techniques. Elle trace les contours d'une nouvelle doctrine, fondée sur la transparence des flux, l'identification des personnes, l'autonomie des autorités de régulation et la traçabilité des montages financiers. Elle propose notamment d'alourdir les peines en matière de corruption, de contrefaçon et de fraude identitaire, de donner aux greffiers des tribunaux de commerce un véritable pouvoir de contrôle, de supprimer l'anonymat des cartes prépayées, de créer des mécanismes renforcés pour les lanceurs d'alerte, et d'élargir les compétences du parquet national financier à l'ensemble des délits économiques. Elle s'articule en cinq titres : le renforcement des sanctions en matière de corruption, la modernisation de la réponse pénale face à la contrefaçon considérée à tort comme un crime sans victime, alors que le chiffre d'affaires des réseaux criminels qui la pratiquent est le double de celui du narcotrafic, la sécurisation de l'environnement entrepreneurial, la consolidation des dispositifs de lutte contre la criminalité économique organisée et l'intensification des actions contre différentes fraudes.
Cette proposition de loi s'inscrit dans une volonté de refonder la culture administrative et judiciaire de la lutte contre la criminalité financière. Il ne prétend pas épuiser le sujet, mais il propose une base solide, juridiquement précise et politiquement structurante, pour une reconquête durable de l'État de droit économique, qui a débuté avec le remarquable travail sénatorial et législatif pour lutter contre le narcotrafic.
Le terme « piège » a été utilisé par la commission d'enquête sénatoriale sur le narcotrafic. Ce terme est exact mais son ampleur est bien plus importante. En matière de criminalité organisée, le piège se transforme en pieuvre toxique, polymorphe et omniprésente.
C'est donc en termes de criminalité organisée qu'il faut (re)penser notre vision de cette délinquance qui gangstérise nos rues.
Les trafiquants sont « pluridisciplinaires ».
C'est cette culture et cette vision financière des infractions qu'il faut promouvoir, en même temps qu'une amélioration des formations de l'ensemble des acteurs de la chaîne judiciaire et administrative impliqués dans la lutte contre plus de « 50 nuances de blanchiment ».
Cette montée en compétences et cette stratégie financière partagée sont essentielles pour garantir une application cohérente et efficace des dispositifs proposés.
Suivre l'argent, la fabrication de l'argent sale puis son blanchiment et son intégration dans l'économie réelle constitue un impératif. Au-delà du slogan « frapper au portefeuille », il faut une volonté et des outils de lutte ex ante, et pas seulement ex post.
Par exemple, mieux contrôler les documents remis pour l'enregistrement d'une société, avant la délivrance de l'extrait Kbis, priverait de permis de frauder des entreprises éphémères, qui auront organisé bien des fraudes (TVA, URSSAF, dumping économique, corruption) avant d'être repérées et stoppées. On ne parle même pas de recouvrer les sommes volées aux contribuables !
Prévenir les infractions dont nous maîtrisons parfaitement les schémas avant qu'elles ne soient commises est possible ! Le président de la commission d'enquête sénatoriale, M. Raphaël Daubet, et son rapporteur, auteur de la présente proposition de loi, en sont persuadés et vous proposent d'adopter la présente proposition de loi.
Son titre Ier vise à renforcer le dispositif de prévention et de répression de la corruption. Celui -ci passe par la consolidation des outils de lutte contre la corruption, en renforçant les sanctions pénales, en élargissant le champ d'application de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin II », en garantissant l'indépendance de l'Agence française anticorruption (AFA) et en améliorant la protection des lanceurs d'alerte.
La faiblesse des sanctions encourues pour les délits de corruption nuit à l'efficacité du dispositif répressif. L'article 1er alourdit les peines encourues pour les délits de corruption, de trafic d'influence et de prise illégale d'intérêts. Ce renforcement s'inscrit dans un contexte où les sanctions actuelles sont jugées insuffisamment dissuasives ; bien que le code pénal prévoie jusqu'à 10 ans d'emprisonnement et 1 million d'euros d'amende pour les personnes physiques, les condamnations effectives restent rares et peu sévères. Le rapport de la commission d'enquête du Sénat souligne que cette faiblesse nuit à la crédibilité du dispositif répressif et à l'image de la France à l'international. L'aggravation des peines vise donc à réaffirmer l'exigence de probité et à aligner le droit français sur les standards européens et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
L'article 2 abaisse les seuils d'application de l'article 17 de la loi Sapin II (actuellement 500 salariés et 100 millions d'euros de chiffre d'affaires) et supprime la condition de localisation du siège social en France. Le rapport sénatorial critique ces seuils comme trop élevés, excluant de nombreuses entreprises exposées à des risques réels de corruption, notamment dans les secteurs sensibles (BTP, énergie, conseil). En outre, la condition de siège en France empêche de soumettre les filiales françaises de groupes étrangers aux obligations de conformité, ce qui crée une asymétrie réglementaire. L'article 2 répond à ces lacunes en élargissant le périmètre du dispositif, conformément aux recommandations du Sénat et aux exigences de l'OCDE.
L'article 3 transforme l'Agence française anticorruption (AFA) en autorité publique indépendante. Le rapport de la commission d'enquête du Sénat pointe les limites du statut actuel de l'AFA, qui reste un service à compétence nationale placé sous l'autorité du ministère de la justice. Ce rattachement nuit à son autonomie, à sa capacité de contrôle et à sa crédibilité auprès des entreprises. En la dotant d'un budget propre, de pouvoirs élargis et d'un statut d'autorité indépendante, l'article 3 vise à garantir son impartialité, à renforcer son efficacité opérationnelle et à lui permettre de jouer un rôle central dans la régulation anticorruption, à l'image de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ou de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
L'article 4 garantit une protection renforcée des lanceurs d'alerte. Il attribue au Défenseur des droits une nouvelle mission d'accompagnement juridique et psychologique des lanceurs d'alerte et consacre une priorité pour leur accès à la formation.
L'article 5 inscrit dans la loi « Sapin II » l'obligation de formation des personnes chargées de recueillir et de traiter les signalements dans les entreprises d'au moins cinquante salariés.
Le titre II vise à renforcer la lutte contre la contrefaçon en adaptant les outils répressifs aux pratiques contemporaines et en facilitant la réponse pénale aux infractions les plus courantes. Selon les travaux du Sénat, la contrefaçon constitue un phénomène endémique en forte progression, avec plus de 22 millions de saisies en France en 2024, et une explosion des circuits numériques de diffusion. Le rapport de la commission d'enquête souligne l'inefficacité des poursuites classiques face à la vente à la sauvette et aux infractions de faible gravité, appelant à une réponse pénale plus rapide et proportionnée.
L'article 6 introduit une amende forfaitaire délictuelle pour les détentions non professionnelles de produits contrefaits, afin de désengorger les juridictions et de sanctionner efficacement les infractions mineures.
L'article 7 rehausse les peines encourues pour les délits de contrefaçon les plus graves, en cohérence avec les recommandations du Sénat sur l'aggravation des sanctions et la dissuasion renforcée.
Le chapitre Ier du titre III traite de la lutte contre les entreprises éphémères, en renforçant les capacités de détection et de traçabilité des structures juridiques utilisées à des fins frauduleuses, notamment celles qui présentent une durée de vie très courte et sont mobilisées pour des opérations de blanchiment ou de fraude. Le rapport de la commission d'enquête du Sénat souligne que ces entités, souvent créées dans des secteurs sensibles comme le BTP ou le commerce en ligne, permettent de contourner les obligations fiscales et réglementaires, tout en brouillant les responsabilités juridiques. Leur identification précoce est donc essentielle pour prévenir les infractions économiques complexes et renforcer la transparence du tissu entrepreneurial.
L'article 8 impose aux professionnels assujettis à la législation anti-blanchiment, et notamment aux greffiers des tribunaux de commerce, de procéder à une déclaration de soupçon lorsqu'ils constatent, à l'occasion de l'immatriculation ou de la modification d'une personne morale, des éléments laissant présumer l'existence d'une entreprise éphémère. Il définit une typologie indicative de ces structures, fondée sur des critères objectifs : durée de vie très courte, absence d'activité physique, domiciliation commerciale, usage de néobanques non agréées, siège hors UE, structure sociale atypique ou liens avec des séries de sociétés créées et dissoutes par les mêmes personnes. Cette mesure vise à mobiliser les acteurs de terrain dans la détection précoce des montages frauduleux, en s'appuyant sur leur connaissance fine des pratiques d'immatriculation et sur leur rôle de vigie institutionnelle.
L'article 9 crée un fichier national automatisé recensant les identités fictives et les prête-noms impliqués dans des affaires de blanchiment. Ce fichier, tenu par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, constitue un outil de traçabilité et de prévention, permettant d'éviter la réutilisation de ces identités dans de nouvelles structures frauduleuses. Il est accessible aux greffiers, aux magistrats, aux services du ministère de la justice, à certaines administrations et aux chambres consulaires, dans le cadre de leurs missions de contrôle. Le rapport de la commission d'enquête du Sénat insiste sur la nécessité de mieux repérer les schémas de gérance de paille et les interpositions de personnes, qui permettent à des individus condamnés ou interdits de gérer de continuer à agir sous couvert d'un prête-nom. Cet article répond à cette exigence en instituant un dispositif encadré, conforme aux règles de protection des données personnelles et destiné à renforcer la vigilance institutionnelle.
Le chapitre II du même titre III traite de la vérification systématique de l'origine des fonds avant la reprise d'une entreprise, dans une logique de prévention du blanchiment et de sécurisation des opérations de cession. Le rapport de la commission d'enquête du Sénat souligne que les reprises d'entreprises - qu'il s'agisse de fonds de commerce, de parts sociales ou d'actions - peuvent servir de vecteur à des flux financiers illicites, notamment dans les secteurs à risque ou à l'occasion de montages opaques. L'absence d'obligation explicite de justification des fonds dans les actes de cession crée une vulnérabilité juridique et opérationnelle, qui peut être exploitée par des réseaux criminels ou des acteurs malveillants.
L'article 10 impose à l'acheteur de justifier l'origine des fonds apportés pour l'acquisition, dès lors qu'il prend le contrôle d'une entreprise par voie amiable. Cette justification doit être remise au professionnel chargé de la rédaction de l'acte ou au greffier du tribunal de commerce, selon les cas. Cette mesure vise à introduire un filtre préventif dès l'étape de la transaction, en responsabilisant les parties et les intermédiaires. Elle permet également de renforcer la traçabilité des flux financiers et d'anticiper les risques de blanchiment.
L'article 10 prévoit également une obligation déclarative pour le vendeur, dans les cas où il sait, soupçonne ou a de bonnes raisons de soupçonner que les fonds utilisés pour l'acquisition sont d'origine criminelle ou liés au financement du terrorisme. Cette disposition s'inscrit dans le prolongement des obligations de vigilance prévues par le code monétaire et financier et vise à mobiliser les cédants dans la détection des opérations suspectes.
Enfin, l'article 10 précise que cette obligation s'applique systématiquement lorsque l'entreprise exerce une activité dans un secteur à risque défini par décret ou lorsque le montant de la cession dépasse un seuil réglementaire. Cette gradation permet de cibler les opérations les plus exposées, tout en garantissant une base légale claire et opérationnelle.
Le chapitre III dudit titre III vise à combler une lacune du dispositif fiscal actuel, qui limite l'obligation de déclaration des comptes bancaires étrangers aux personnes physiques, associations et sociétés n'ayant pas la forme commerciale. Cette exclusion des sociétés commerciales constitue une faille dans la traçabilité des flux financiers internationaux, alors même que ces entités peuvent détenir des comptes à l'étranger dans le cadre de montages opaques ou à des fins de dissimulation.
L'article 11 supprime cette exception et étend l'obligation déclarative aux sociétés commerciales, en leur imposant de déclarer à l'administration fiscale l'ensemble des comptes bancaires qu'elles détiennent à l'étranger. Les modalités de cette déclaration (informations requises, délais, supports, rôle du représentant légal) seront fixées par décret, afin d'assurer une mise en oeuvre opérationnelle et homogène.
Le texte prévoit également que les déclarations révélant des incohérences ou des éléments suspects pourront être transmises par l'administration fiscale au service de renseignement financier (TRACFIN), dans les conditions définies par décret en Conseil d'État. Cette articulation entre le volet fiscal et le volet LCB-FT permet de renforcer la détection des risques et d'améliorer la circulation de l'information entre les autorités compétentes.
Cet article s'inscrit dans une logique de transparence fiscale accrue, de prévention du blanchiment et de renforcement de la coopération inter administrative, en cohérence avec les standards internationaux en matière de lutte contre les flux financiers illicites.
Le chapitre IV du même titre III vise à intégrer un dispositif renforcé de vigilance sur les comptes rebonds et sur le contrôle des néobanques en répondant aux lacunes structurelles identifiées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en matière de détection de certaines formes de fraude financière liées à l'usage de comptes à vocation transitoire, notamment dans les établissements à modèle numérique. Le rapport de l'ACPR, publié le 17 juillet 2025, souligne une sous-détection des schémas de blanchiment via des flux éclatés, un manque de coopération entre acteurs, et des dispositifs internes inadaptés aux parcours automatisés. Ce chapitre propose une réponse législative articulée en trois volets.
L'article 12 introduit une définition légale des comptes dits « rebonds » afin de qualifier juridiquement un usage à risque identifié dans de nombreux cas de fraude. Ces comptes sont souvent utilisés pour recevoir des fonds frauduleux, puis les transférer rapidement sans lien apparent avec la relation d'affaires. Le rapport de l'ACPR souligne que ce type de schéma constitue une forme d'opacité qui fragilise les mécanismes classiques de vigilance. En conséquence, l'article 12 impose des mesures de vigilance renforcées dès l'entrée en relation, et prévoit une déclaration obligatoire dans un registre national lorsque ce comportement est détecté.
L'article 13 crée un registre national des comptes rebonds, géré par la direction générale des finances publiques (DGFiP), afin d'institutionnaliser le croisement des alertes et une traçabilité centralisée. Le rapport de l'ACPR pointe que les établissements restent trop souvent isolés dans leurs analyses comportementales, ce qui conduit à des angles morts. Le registre national permet d'outiller les acteurs pour détecter des usages atypiques communs, d'appliquer des délais d'activation prudents et de sécuriser les premiers jours d'activité d'un nouveau compte. Il prévoit aussi un régime de responsabilité et de sanctions, pour répondre aux manquements répétés relevés par l'ACPR en matière de transmission d'information.
L'article 14 impose un audit externe annuel aux néobanques, définies comme opérant exclusivement en ligne. Le rapport de l'ACPR signale que dans plusieurs établissements à modèle numérique, les dispositifs de conformité sont trop théoriques, mal calibrés aux risques opérationnels, ou limités à des checklists automatisées. L'absence de guichet physique et de contact humain limite la capacité à repérer les comportements frauduleux, notamment ceux associés aux comptes rebonds. L'audit indépendant permet de fiabiliser ces dispositifs, d'évaluer leur robustesse technique, et de garantir une supervision homogène dans un marché en évolution rapide. Le décret d'application, pris après avis de l'ACPR, permettra d'adapter le périmètre du contrôle aux spécificités sectorielles.
Ce chapitre IV marque ainsi une évolution structurante du cadre de la LCB-FT face à la montée des usages financiers atypiques et des fragilités associées aux modèles bancaires numériques. Il articule, d'une part, la création d'un registre national des comptes dits « rebonds », pour répondre aux schémas d'opacité identifiés par l'ACPR et garantir une traçabilité coordonnée entre établissements et autorités ; et d'autre part, l'instauration d'un audit externe annuel des néobanques, afin de fiabiliser leurs dispositifs de conformité, d'accompagner la montée en maturité du secteur, et de sécuriser les parcours dématérialisés. Conformément aux recommandations de l'ACPR, ce chapitre contribue à améliorer l'effectivité des obligations de vigilance, à combler les angles morts des usages transitoires, et à prévenir les risques d'instrumentalisation de structures émergentes à des fins frauduleuses.
Le chapitre V du même titre III vise à renforcer le rôle des greffiers des tribunaux de commerce en proposant de consolider leurs missions de contrôle, en leur attribuant de nouveaux leviers juridiques et techniques pour prévenir les fraudes documentaires, améliorer la fiabilité des registres et renforcer la transparence des structures économiques. Ces dispositifs devront, le cas échéant, être mis en conformité avec le droit local alsacien-mosellan.
L'article 15 vise à renforcer les pouvoirs de contrôle des greffiers des tribunaux de commerce, afin de mieux prévenir les fraudes à l'identité et les manquements aux obligations de transparence des entreprises. Le rapport de la commission d'enquête du Sénat souligne que les greffiers jouent un rôle central dans la fiabilité du registre du commerce et des sociétés, mais qu'ils ne disposent pas toujours des outils nécessaires pour exercer pleinement leur mission de vérification. La mesure prévoit donc d'affirmer explicitement que leurs contrôles ont pour finalité la prévention des risques de fraudes, de leur fournir des moyens techniques pour authentifier les pièces d'identité étrangères et de leur permettre de radier d'office les sociétés qui ne régularisent pas leur déclaration de bénéficiaires effectifs après mise en demeure. Cette dernière disposition répond à une problématique récurrente : l'existence de sociétés écrans ou dormantes, utilisées pour des montages frauduleux ou du blanchiment, qui échappent aux obligations de transparence faute de sanction effective. En conférant au greffier un pouvoir de radiation encadré, l'article 15 renforce la traçabilité des structures juridiques et la crédibilité du registre national des entreprises.
L'article 16 institue une expérimentation encadrée dans trois juridictions commerciales - Paris, Lyon et Marseille - permettant aux greffiers d'accéder aux données cadastrales relatives aux immeubles détenus par des personnes morales immatriculées dans leur ressort. Cette expérimentation, fondée sur l'article 37-1 de la Constitution, répond à une problématique identifiée dans le rapport de la commission d'enquête du Sénat : le manque d'interconnexion entre les registres économiques et les bases foncières empêche de détecter certaines incohérences ou montages frauduleux.
En permettant aux greffiers de croiser les données du registre du commerce avec les informations cadastrales, l'article 16 vise à améliorer la qualité du contrôle, à détecter plus efficacement les anomalies patrimoniales et à renforcer la lutte contre le blanchiment immobilier. L'expérimentation est strictement encadrée : elle dure deux ans, interdit toute cession ou usage commercial des données et fait l'objet d'un rapport d'évaluation transmis au Parlement. Ce rapport devra notamment mesurer l'impact du dispositif sur la détection des fraudes et formuler des recommandations sur une éventuelle généralisation législative.
Le chapitre VI du même titre III vise à encadrer le recours par les professions assujetties aux bases de données privées sur les clients à risque en matière de LCB-FT (ou watchlists).
Il répond à une préoccupation croissante du rapport du Sénat : le recours par les professionnels assujettis à des bases de données privées (ou watchlists) pour identifier les clients à risque en matière de LCB-FT s'est largement développé, souvent sans cadre juridique clair ni garanties suffisantes en matière de protection des données personnelles. Ces outils, fondés sur des critères ou des sources non officielles, peuvent conduire à des classements arbitraires ou discriminatoires et exposent les personnes concernées à des restrictions injustifiées.
L'article 17 introduit une définition légale de ces bases de données privées et impose aux professionnels qui y recourent une obligation de documentation sur les critères utilisés, les sources exploitées, les modalités de mise à jour et les mesures de sécurité. Cette documentation devra être accessible à la CNIL et aux autorités de supervision.
Un décret en Conseil d'État viendra préciser les conditions de recours à ces traitements, les catégories de données concernées, les droits des personnes visées, ainsi que les modalités de supervision et de sanction en cas de manquement. Enfin, une clause d'évaluation est prévue : le Gouvernement devra remettre au Parlement, dans un délai de dix-huit mois, un rapport sur les pratiques observées, leur conformité au règlement général sur la protection des données (RGPD) et aux recommandations de la CNIL.
Cet article permet de préserver l'équilibre entre les impératifs de sécurité financière et les droits fondamentaux, en encadrant juridiquement une pratique sensible et en garantissant la transparence, la licéité et la proportionnalité des traitements mis en oeuvre.
Le chapitre Ier du titre IV vise à renforcer les sanctions pécuniaires à l'encontre des professionnels assujettis ne respectant pas leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). En effet, le rapport de la commission d'enquête du Sénat souligne que les sanctions pécuniaires actuellement prévues à l'encontre des professionnels assujettis au dispositif LCB-FT sont insuffisamment dissuasives, en particulier pour les acteurs économiques de grande taille ou opérant dans des secteurs à risque. Cette faiblesse du régime de sanction nuit à l'efficacité globale du dispositif de conformité et peut encourager des comportements de contournement ou de négligence.
L'article 18 propose une modification ciblée du code monétaire et financier, en doublant le plafond de la sanction pécuniaire pouvant être prononcée par la Commission nationale des sanctions (CNS), passant de 5 à 10 millions d'euros. Cette évolution vise à renforcer la portée dissuasive des sanctions administratives, en les rendant proportionnées à la capacité financière des entités concernées et à la gravité des manquements constatés.
Ce rehaussement du plafond s'inscrit dans une logique de responsabilisation accrue des professionnels assujettis, notamment dans les secteurs financiers, juridiques, immobiliers, ou encore les prestataires de services sur actifs numériques. Il permet également de rapprocher le droit français des standards internationaux, notamment ceux du Groupe d'action financière (GAFI), qui préconise des régimes de sanction robustes et adaptés aux risques identifiés.
Enfin, cette mesure contribue à renforcer la crédibilité des autorités de contrôle, en leur offrant une marge de manoeuvre plus large pour sanctionner les manquements graves ou répétés, et à préserver l'intégrité du système financier face aux menaces croissantes liées au blanchiment et au financement du terrorisme.
Le chapitre II du même titre IV vise à doter les collèges de supervision de l'ACPR et de l'Autorité des marchés financiers (AMF) d'un pouvoir d'injonction assorti d'une astreinte, afin de renforcer l'effectivité des obligations LCB-FT imposées aux professionnels assujettis et de garantir une mise en conformité rapide en cas de manquement grave ou répété.
Le rapport de la commission d'enquête du Sénat met en lumière les limites des pouvoirs d'injonction des autorités de supervision (ACPR et AMF), qui ne peuvent actuellement contraindre efficacement les professionnels assujettis à se conformer à leurs obligations en matière de LCB-FT. En l'absence d'astreinte, les injonctions peuvent rester lettre morte, notamment en cas de manquement grave ou répété.
L'article 19 vise à renforcer l'efficacité des injonctions administratives en permettant aux collèges de supervision de l'ACPR et de l'AMF d'y adjoindre une astreinte financière. Cette astreinte, dont le montant journalier et les modalités de liquidation seront fixés par décret en Conseil d'État, constitue un levier coercitif pour accélérer la mise en conformité des professionnels.
La mesure s'applique aux manquements aux obligations de vigilance, de déclaration et de conservation prévues aux chapitres Ier et II du titre VI du livre V du code monétaire et financier. Elle permet également une coordination entre les deux autorités en cas de double supervision, afin d'éviter les injonctions contradictoires ou redondantes.
Enfin, l'introduction d'un rapport d'évaluation parlementaire dans un délai de deux ans garantit un suivi de l'impact de cette réforme sur les pratiques des professionnels assujettis et sur l'efficacité du dispositif LCB-FT.
Le chapitre III dudit titre IV vise à transposer en droit interne les dispositions de la directive (UE) 2024/1260 du Parlement européen et du Conseil du 24 avril 2024 relative au recouvrement et à la confiscation d'avoirs, qui renforce les capacités des États membres à identifier, geler, confisquer et gérer les biens issus d'activités criminelles. Le rapport de la commission d'enquête du Sénat souligne que le cadre juridique français, bien qu'ayant évolué, reste incomplet pour permettre une confiscation efficace dans les cas où la condamnation pénale est impossible ou insuffisante.
L'article 20 introduit un nouveau titre dans le code de procédure pénale, consacré à l'enquête patrimoniale post-condamnation. Il permet au procureur de la République de diligenter une enquête pour recenser les biens confiscables non identifiés au moment du jugement, avec des pouvoirs d'investigation étendus pour les officiers de police judiciaire. La gestion des biens confisqués est confiée à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc).
Le texte modifie également le code pénal pour permettre la confiscation sans condamnation, dans deux cas : lorsque la personne mise en cause est décédée ou que les faits sont prescrits ; lorsque la personne n'a pas été condamnée mais qu'il est établi qu'elle appartient à une organisation criminelle, que les biens sont le produit d'une activité illicite et qu'elle ne peut justifier de ressources compatibles avec son patrimoine.
Ces dispositions élargissent le champ de la confiscation patrimoniale, en cohérence avec les standards européens, et permettent de priver les organisations criminelles de leurs ressources économiques, même en l'absence de condamnation formelle. Elles renforcent la capacité de l'État à lutter contre la criminalité organisée et à préserver l'intégrité du système économique.
Le chapitre IV du même titre IV vise à élargir le périmètre d'intervention du parquet national financier (PNF) à l'ensemble des infractions relevant de la criminalité financière, en cohérence avec les constats du rapport de la commission d'enquête du Sénat sur la fragmentation des compétences judiciaires. À ce jour, certaines infractions économiques et financières complexes échappent encore à la saisine directe du PNF, ce qui nuit à la cohérence du traitement judiciaire et à la centralisation des poursuites.
L'article 21 permet au PNF de se saisir de l'ensemble des infractions économiques et financières présentant un haut degré de technicité ou de gravité, y compris celles liées à la criminalité organisée, à la fraude fiscale sophistiquée, au blanchiment, à la corruption ou aux atteintes aux marchés financiers. Cette extension de compétence vise à renforcer la capacité du PNF à conduire des enquêtes stratégiques, à articuler son action avec celle du parquet européen et à garantir une réponse pénale homogène sur le territoire national.
Cet article s'inscrit dans une logique de rationalisation du traitement judiciaire de la délinquance financière, en dotant le PNF d'un mandat élargi pour lutter contre les montages transnationaux, les fraudes complexes et les atteintes systémiques à la probité publique. Il permet également de renforcer la coopération interinstitutionnelle et d'améliorer la lisibilité de l'action judiciaire en matière économique et financière.
Le chapitre V du même titre IV, dédié à la création d'une plateforme automatisée d'obtention des données bancaires, répond à une préoccupation centrale du rapport de la commission d'enquête du Sénat : l'accès aux données bancaires reste fragmenté, hétérogène et peu réactif, ce qui limite la capacité des autorités à détecter les flux suspects.
L'article 22 prévoit la remise d'un rapport gouvernemental au Parlement, dans un délai de six mois, afin d'évaluer les conditions de mise en place d'une plateforme automatisée permettant un accès sécurisé et standardisé aux données bancaires dans le cadre des missions LCB-FT.
Ce rapport devra examiner les conditions d'interopérabilité entre les établissements bancaires, les formats de données, les garanties de sécurité, les modalités de supervision, ainsi que la conformité au RGPD et à la loi Informatique et Libertés, après consultation de la CNIL. L'objectif est de poser les bases d'un outil technique robuste, capable de renforcer la réactivité et la précision des contrôles, tout en respectant les exigences de protection des données personnelles.
Le chapitre VI du même titre IV vise à étendre le dispositif PNR (passenger name records) aux vols privés, en réponse aux constats du rapport de la commission d'enquête du Sénat sur les lacunes du système actuel. À ce jour, seuls les vols commerciaux sont couverts par le traitement des données passagers, alors que les déplacements en jets privés échappent largement à toute surveillance, malgré leur exposition potentielle à des risques de fraude, de blanchiment ou de contournement des contrôles.
L'article 23 prévoit que les personnes utilisant un aéronef dont elles sont propriétaires devront transmettre un ensemble de données définies par décret, afin de permettre leur intégration dans le système PNR. Il précise également que ces déplacements seront inclus dans le périmètre du traitement automatisé des données de voyage, au même titre que les vols commerciaux.
Cet article s'inscrit dans une logique de traçabilité renforcée des déplacements privés, en garantissant que les vols opérés en dehors des circuits commerciaux fassent l'objet d'un recueil de données comparable. Il contribue à améliorer la détection des flux suspects, à renforcer les capacités d'analyse des autorités compétentes, et à garantir une égalité de traitement entre les différents modes de transport aérien.
Le chapitre VII du même titre IV sur l'évaluation régulière des montants des revenus des principaux trafics et du blanchiment en France répond à une carence structurelle identifiée par le rapport de la commission d'enquête du Sénat : l'absence de données consolidées et actualisées sur les revenus issus des trafics criminels et des opérations de blanchiment. Cette lacune entrave la capacité des pouvoirs publics à calibrer leur réponse pénale, à orienter les priorités d'enquête et à évaluer l'efficacité des dispositifs de lutte contre la criminalité économique.
L'article 24 prévoit que le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport évaluant le montant des revenus tirés des principaux trafics et du blanchiment en France. Cette obligation vise à instituer un outil de pilotage stratégique, fondé sur des données issues de TRACFIN, des services judiciaires, des douanes, des autorités de contrôle et des travaux universitaires. Elle permet de mieux cerner l'ampleur des flux illicites, de suivre leur évolution, et de renforcer la transparence de l'action publique en matière de lutte contre les circuits financiers criminels.
Ce rapport annuel constitue également un levier de conformité aux engagements internationaux de la France, notamment dans le cadre des évaluations du GAFI et des recommandations de l'OCDE. Il contribue à la construction d'une politique publique fondée sur l'analyse des risques, en cohérence avec les standards européens en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Dans cet esprit, les dispositions proposées peuvent être vues comme une première étape dans la transposition de la directive (UE) 2024/1260 précitée, appelant à être complétées et affinées au fil de la navette parlementaire, en lien avec l'expertise des services ministériels concernés.
Le chapitre Ier du titre V traite de la suppression de l'anonymat et de la limitation du nombre de cartes prépayées pouvant être détenu par une même personne, dans une logique de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Le rapport de la commission d'enquête du Sénat souligne que les cartes prépayées anonymes, distribuées notamment en bureaux de tabac ou en ligne, constituent un vecteur privilégié pour les flux financiers illicites. Leur usage discret, non relié à un compte bancaire, permet de contourner les dispositifs de traçabilité et d'échapper aux obligations déclaratives. Plusieurs enquêtes ont montré que ces cartes ont été utilisées dans la préparation logistique des attentats qui ont eu lieu à Paris en novembre 2015, ainsi que dans des schémas d'escroquerie ou de fraude fiscale.
L'article 25 vise à mettre fin à cette vulnérabilité en interdisant explicitement l'anonymat des cartes prépayées, quel que soit leur montant ou leur mode de chargement. Il impose également aux établissements émetteurs de monnaie électronique de veiller à ce que leurs clients ne puissent détenir plusieurs supports physiques, afin d'éviter les stratégies de contournement par accumulation de cartes. Cette mesure s'inscrit dans le prolongement des directives européennes LCB-FT et des recommandations du GAFI, qui appellent à une régulation stricte des instruments de paiement anonymes. Elle vise à renforcer la traçabilité des flux, à limiter les risques de fragmentation des identités financières, et à garantir une identification systématique des utilisateurs dès le premier euro.
Le chapitre II du même titre V vise à renforcer les garanties opérationnelles dans le cadre des ventes d'oeuvres d'art, en cas de suspicion de blanchiment ou de fraude. Le rapport de la commission d'enquête du Sénat souligne que les ventes aux enchères peuvent être utilisées comme vecteur de dissimulation de flux illicites, notamment par le biais d'achats anonymes ou de montages opaques. Or, le délai légal de deux mois entre le paiement par l'acquéreur et le reversement des fonds au vendeur peut s'avérer insuffisant pour permettre aux autorités de traiter les signalements effectués par les opérateurs de ventes volontaires.
L'article 26 prévoit que ce délai soit porté à quatre mois lorsque l'opérateur a effectué une déclaration de soupçon auprès de TRACFIN. Cette mesure permet de sécuriser la transaction, en laissant aux autorités compétentes un temps supplémentaire pour instruire les signalements et, le cas échéant, bloquer ou orienter les flux financiers.
Cet article s'inscrit dans une logique de renforcement de la vigilance sectorielle, en articulant les obligations des commissaires-priseurs avec les mécanismes de lutte contre le blanchiment. Il contribue à préserver l'intégrité du marché de l'art, tout en garantissant un cadre juridique clair pour les opérateurs et les parties à la transaction.
L'article 27 complète les dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux dans le secteur des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Il prévoit d'intégrer expressément les commissaires de justice, dans le cadre de ces activités, parmi les professionnels visés à l'article L. 561-3 du code monétaire et financier. Cette précision permet de lever toute ambiguïté sur leur assujettissement aux obligations LCB-FT et renforce l'arsenal juridique déjà applicable aux opérateurs de ventes.
Dans la continuité de l'article 26, qui allonge les délais de reversement en cas de soupçon, l'article 27 vise à consolider le dispositif de vigilance en élargissant le périmètre des acteurs soumis à déclaration. Cette mesure répond aux préoccupations soulevées par les autorités compétentes et les instances de contrôle, qui soulignent le rôle potentiellement exposé des commissaires de justice dans la gestion de flux financiers issus de ventes à haute valeur.
En affirmant leur assujettissement aux obligations de vigilance, de déclaration et de conservation des documents, l'article 27 participe à la sécurisation des transactions dans un secteur sensible, tout en respectant les spécificités statutaires de ces professionnels réglementés.
Le chapitre III dudit titre V vise à étendre les obligations de vigilance en matière de LCB-FT à l'ensemble des organismes à but non lucratif, au-delà des seules fondations. Le rapport de la commission d'enquête du Sénat souligne que certaines structures associatives ou para-associatives peuvent être utilisées comme vecteurs de flux financiers illicites, notamment dans des contextes transnationaux ou à des fins de contournement des contrôles bancaires.
L'article 28 élargit le périmètre des entités soumises aux obligations de transparence, en intégrant explicitement les organismes à but non lucratif dans le dispositif existant. Cette évolution permet de renforcer la traçabilité des flux financiers transitant par ces structures, en leur imposant des exigences accrues en matière de contrôle interne, de documentation et de coopération avec les autorités.
Cet article s'inscrit dans une logique de prévention des risques d'abus du statut non lucratif, en garantissant que ces entités ne puissent servir de support à des opérations de blanchiment ou de financement du terrorisme. Il contribue également à harmoniser le cadre réglementaire applicable à l'ensemble du secteur associatif et philanthropique.
Le chapitre IV du même titre V vise à renforcer la lutte contre les fraudes au système d'immatriculation des véhicules (SIV).
Le système d'immatriculation des véhicules (SIV), censé garantir la traçabilité administrative des biens mobiliers les plus circulants, est aujourd'hui exposé à de nombreuses vulnérabilités : déclarations mensongères lors de l'enregistrement, usage de pièces falsifiées, maintien en circulation de véhicules frauduleux ou encore revente en chaîne de véhicules liés à des montages fictifs. Ces infractions constituent autant de vecteurs de blanchiment, en particulier dans les trafics organisés.
L'article 29 vient combler ces lacunes en réformant plusieurs dispositions du code de la route afin de rendre obligatoire l'enregistrement de toutes les informations administratives affectant la disponibilité des véhicules sous contrôle du ministre de l'intérieur. Il introduit une sanction pénale explicite en cas de fausse déclaration et autorise les traitements automatisés de données dans le respect du cadre légal existant. Il vise également à aggraver les peines encourues. L'article 29 prévoit également une peine complémentaire de confiscation du véhicule, systématique sauf décision contraire motivée.
Ce dispositif vise à priver les auteurs des moyens de commission de l'infraction tout en respectant les droits du propriétaire de bonne foi.
Enfin, cet article vise à confier à l'autorité administrative le pouvoir de suspendre immédiatement l'autorisation de circuler en cas de constat de fraude et de bloquer toute cession du certificat d'immatriculation. Un droit de recours devant l'administration ou le juge administratif est offert au propriétaire.
Ces évolutions répondent à un objectif clair : désactiver rapidement les véhicules instrumentalisés dans des montages illicites, restaurer l'intégrité du fichier SIV et rétablir un pilotage public fiable des flux automobiles. Elles s'inscrivent dans une logique de dissuasion, de réactivité et de contrôle, conformément aux propositions du rapport sénatorial.
Le chapitre V du même titre V vient renforcer les moyens d'action contre les fraudes à l'identité. Selon les travaux de la commission d'enquête du Sénat, la fraude identitaire constitue un vecteur central de la criminalité organisée, facilitant l'ouverture de comptes frauduleux, la captation d'actifs en cas de cessation d'activité et l'accès à des prestations sous de fausses identités. Le rapport souligne également la défaillance de la chaîne de l'identité, notamment dans les transmissions interinstitutionnelles et l'absence de notification aux personnes concernées.
L'article 30 vise à prévenir les usurpations d'identité dans le contexte sensible des cessations d'activité et des ouvertures de comptes bancaires, en instaurant des notifications électroniques sécurisées entre les greffes et les établissements financiers, conformément aux recommandations de la commission d'enquête du Sénat sur la sécurisation de la chaîne de l'identité.
Par ailleurs, bien que le texte mentionne que certaines structures associatives puissent être utilisées à des fins de blanchiment, il est important de rappeler que les associations sont déjà soumises à des obligations de transparence dans le code monétaire et financier. L'objectif n'est donc pas de modifier leur cadre réglementaire, mais d'améliorer la détection et l'analyse des risques dans des situations spécifiques, en complément des dispositifs en vigueur.
* 1 Rapport n° 757 (2024-2025), « Ces dizaines de milliards qui gangrènent la société » : https://www.senat.fr/rap/r24-757-1/r24-757-10.html.