EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le présent texte a vocation à traiter le phénomène de l'usage détourné du protoxyde d'azote vendu dans le commerce, insuffisamment régulé, qui ne cesse de prendre de l'ampleur. Au-delà des risques induits, notamment sociaux et sanitaires, il constitue un véritable fléau pour les collectivités qui, en dehors de devoir assurer la collecte et le traitement de ce déchet complexe, ne bénéficient aujourd'hui pas d'un cadre sécurisant pour endiguer le phénomène de sa consommation sur l'espace public et sa vente alors même qu'elles sont de plus en plus nombreuses à se saisir de ce sujet par arrêtés municipaux aujourd'hui fragiles en l'absence de clarification législative.
Le protoxyde d'azote est un gaz dont le statut juridique diffère selon les usages.
Utilisé à des fins médicales principalement sous la forme de MEOPA (mélange équimolaire d'oxygène et de protoxyde d'azote), il est soumis à une réglementation stricte en raison de ses propriétés analgésiques et anxiolytiques, mais aussi de son potentiel addictif. Il s'agit d'un médicament réservé à l'usage hospitalier, dont la forme pure est inscrite sur la liste 1 des substances vénéneuses. Conformément à l'article R. 5121-80 du code de la santé publique, il ne peut être prescrit, délivré ou administré que par des professionnels de santé habilités.
Sous sa forme commerciale, son usage est principalement gastronomique et ses mésusages très, trop nombreux.
Plusieurs pays européens ont décidé de prendre des mesures radicales.
En France, un texte d'initiative sénatoriale en 2021 a permis son interdiction de vente (et d'offre) aux mineurs « quel qu'en soit le conditionnement », ainsi que l'obligation pour les commerces qui vendent ce produit de demander à l'acheteur une preuve de sa majorité et pour les sites de commerce électronique de spécifier cette interdiction sur leurs pages. Par ailleurs, la vente de ce produit, y compris aux majeurs, a été à cette occasion interdite dans les bars et les débits de tabac. Enfin, un arrêté du 19 juillet 2023 (entrée en vigueur en 2024) est venu compléter ce cadre en restreignant les volumes vendus afin d'éviter les achats en gros.
Mais force est de constater que les problèmes persistent et que l'action publique doit continuer.
Globalement, l'interdiction de la vente aux mineurs dans les commerces de détail apparaît peu respectée et peu contrôlée. Lors de son audition, la directrice qualité de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), rapportait qu'une seule enseigne de grande distribution disait avoir mis en place la vente assistée pour les cartouches de protoxyde d'azote, par ailleurs enlevées de la vente en ligne ; dans les autres enseignes, le contrôle de l'âge en caisse apparaît aléatoire, selon les agents et le contexte local. Au-delà de la grande distribution, de nombreuses épiceries de nuit semblent avoir continué à vendre des cartouches aux mineurs.
Sur les risques sanitaires et sociaux d'une part, selon Santé publique France, 14 % des 18-24 ans ont déjà consommé du protoxyde d'azote en dehors d'un usage médical ; selon les chiffres publiés par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour l'année 2021, le nombre de cas graves déclarés aux centres d'addictovigilance a été multiplié par 3 en un an, passant de 82 cas en 2020 à 265 cas en 2021 ; les services durgence et de neurologie alertent sur des atteintes graves (troubles neurologiques, paralysies, troubles de l'équilibre, pertes de mémoire, comas), nous assistons à la multiplication des hospitalisations avec de jeunes patients souvent atteints de séquelles irréversibles et les centres antipoison signalent une hausse continue des intoxications (plus de 400 cas graves en 2023).
Le protoxyde est par ailleurs impliqué dans de nombreux accidents mortels de la route : la mort récemment de Mathis fauché à Lille en a été une nouvelle triste illustration.
Sur les difficultés des élus locaux d'autre part, la liste des communes ayant pris un arrêté municipal interdisant sa consommation sur l'espace public ne cesse de s'allonger et plusieurs d'entre elles en viennent même à interdire sa vente aux particuliers, tout en étant conscientes que, sans renfort législatif, l'espoir d'inverser la tendance reste mince et leur action fragile juridiquement.
En 2025, au cours d'auditions, l'ancien préfet de Police de Paris rappelait que ces arrêtés relevaient en partie du symbole, d'une part parce que leur effet dissuasif est en effet limité par le caractère modique de la sanction possible, qui ne peut être qu'une amende de deuxième classe, plafonnée à 150 euros et, d'autre part car leur fondement juridique peut s'avérer être fragile, ce qui les expose à des annulations devant le tribunal administratif.
La collecte et le traitement de ces déchets font également peser sur les collectivités des contraintes importantes.
La consommation détournée du protoxyde d'azote utilisé en tant que « faisant fonction de stupéfiant » ne cesse d'augmenter : dangereux pour la santé de celui ou celle qui le consomme, il est également dangereux pour autrui, de nombreux accidents routiers mortels ont été recensés impliquant le protoxyde d'azote. À la question « les défunts justifient-ils les moyens ? » : la réponse est oui.
Il est temps d'interdire la vente de protoxyde d'azote à tous les particuliers et non plus seulement aux mineurs : tel est l'objet de l'article 1er de la présente proposition de loi qui fait écho à d'autres initiatives parlementaires et réserve aux seuls professionnels la possibilité dacheter du protoxyde dazote. Linterdiction générale sapplique à la vente en ligne, dans les commerces et dans lensemble des lieux publics. Le texte prévoit également que la distribution aux professionnels fasse lobjet de circuits spécifiques définis par décret. Enfin, il introduit des sanctions dissuasives, allant jusqu'à la fermeture administrative des établissements en infraction et des peines pénales en cas de récidive.
De nombreuses communes, confrontées à la prolifération des cartouches, ont adopté des arrêtés pour interdire la vente et la consommation -- signe dun besoin urgent dun cadre national. Les élus locaux, les professionnels de santé, les associations de prévention appellent à une réponse forte et claire.
L'article 2 propose d'introduire des mesures de prévention dans le code de l'éducation avec notamment une sensibilisation spécifique dans le cadre des enseignements scolaires ainsi que ceux liés à la sécurité routière, portant sur les risques liés à l'usage détourné du protoxyde d'azote pour en obtenir des effets psychoactifs. Cela répond à une vraie nécessité de prévention et d'éducation en sensibilisant les jeunes et les futurs jeunes conducteurs aux dangers de cette pratique.
Cette proposition de loi sinscrit dans une démarche de responsabilité et de santé publique.
Elle répond à une exigence de protection de la jeunesse et à la demande des territoires.