EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
« De tous les actes, le plus complet est celui de construire ». Ces mots de Paul Valéry nous font sentir combien le manque de logements a lentement mais sûrement instillé une souffrance dans l'intimité de nos concitoyens. En effet, la France s'enfonce dans une crise du logement. Ses effets sur le pouvoir d'achat, la qualité de vie et les parcours résidentiels des ménages nourrissent la frustration, le découragement voire la colère chez nombre de nos concitoyens.
Malgré le rebond observé au début de l'année 2025 en matière de permis de construire et de mises en chantier mais aussi de production de crédits, les indicateurs continuent de confirmer la gravité de la situation : les niveaux de la construction neuve et des transactions dans l'ancien demeurent inférieurs à ceux d'avant la crise sanitaire. Dans le même temps, plus d'un Français sur deux déclare rencontrer des difficultés d'accès au logement et le taux d'effort des ménages atteint un niveau inédit.
Loin de se limiter à un phénomène conjoncturel susceptible d'être corrigé par la seule évolution des taux d'intérêt, cette crise du logement tire ses origines de sources structurelles. Depuis deux décennies, la dégradation de la rentabilité locative et l'érosion du pouvoir d'achat des ménages, combinées à la hausse continue des prix immobiliers, ont restreint l'accès à la propriété et réduit l'offre locative. Parallèlement, la production de logements neufs n'a pas suivi les besoins, entravée par la complexité normative et par une défiance croissante à l'égard de la construction.
Ces dynamiques ont malheureusement été aggravées par le désengagement progressif de l'État et l'affaiblissement des politiques publiques du logement engagés par les Gouvernements successifs depuis 2017 malgré des tentatives de redressement depuis septembre 2024.
Des initiatives législatives récentes, souvent sectorielles, à l'instar de l'encadrement de la location meublée touristique ou de la reconversion de bureaux en logements ont apporté des réponses ponctuelles, sans pour autant définir une stratégie d'ensemble et donner un cap à notre politique du logement.
Or, notre pays a précisément besoin d'une action publique volontariste en faveur du logement, s'inscrivant dans la durée et source de stabilité et de prévisibilité. L'enjeu est de regagner la confiance et de redonner des marges de manoeuvre aux élus locaux, aux professionnels du bâtiment et aux bailleurs privés et sociaux qui investissent, font vivre et habitent nos territoires.
La présente proposition de loi vise donc à établir les fondations d'une politique du logement à moyen terme. Celle-ci doit prendre autant appui sur le logement privé que sur le logement social et faire le pari de la confiance à l'égard des élus locaux, en vue de relancer la construction et la production de logements au sens large dans nos territoires. Elle s'attache ainsi à relancer les parcours résidentiels, grâce à des mesures en faveur de l'accession, y compris sociale, à la propriété.
***
Le titre Ier a pour objectif de rétablir une programmation nationale de la politique du logement, déclinée à l'échelle territoriale grâce à un renforcement des outils aux mains des collectivités.
L'article premier vise à créer un consensus national autour d'objectifs programmatiques annuels de production de logements à l'horizon 2030. Il s'agit de créer une vision partagée de la tâche à accomplir collectivement, mais aussi d'affirmer le rôle d'impulsion de l'État. C'est un préalable indispensable pour offrir de la visibilité aux élus locaux ainsi qu'aux acteurs économiques.
Cet article fixe donc des objectifs à l'attention de l'État dans la conduite de sa politique publique en faveur du logement.
Il insère un nouveau chapitre au sein du titre préliminaire du livre III du code de la construction et de l'habitation, intitulé « Objectifs de la politique du logement et de l'habitat ». Doté d'un article unique, ce nouveau chapitre explicite les objectifs de construction de logements à l'échelle nationale à horizon 2030. Ils devraient tendre vers 400 000 logements par an, dont au moins 120 000 logements sociaux.
L'objectif de 400 000 logements par an repose sur des travaux d'évaluation notamment publiés par le Service des données et études statistiques (SDES) du Ministère chargé du logement. Si les données en matière d'évolution du nombre de ménages1(*) de même que celles en matière de résidences secondaires2(*) ont été reprises à l'identique, un horizon de résorption du mal-logement de 15 ans a été préféré à celui de 40 ans projeté par les services du Gouvernement, qui a été jugé excessivement long au regard de la situation dramatique des mal-logés en France. Les projections du Ministère s'appuyant sur des données à l'échelle d'une décennie (2020-2030), un paramètre de rattrapage de la période 2020-2025 a également été introduit aux projections prévues dans la présente proposition de loi.
Des objectifs en matière de rénovation énergétique des logements sont également introduits, reprenant ceux inscrits lors du dernier examen de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur de l'énergie, déposée par Daniel Gremillet et adoptée par le Sénat en juillet dernier. Le texte fixe un objectif de 800 000 rénovations d'ampleur par an soutenues par « MaPrimeRénov' » à l'horizon 2030.
Enfin, cet article retient l'objectif de soutenir, à l'horizon 2030, l'adaptation d'au moins 50 000 logements par an au vieillissement ou au handicap grâce au soutien de « MaPrimeAdapt' ».
L'article 2 vise à donner les moyens aux collectivités de travailler de concert avec l'État pour décliner ces objectifs programmatiques. Pour ce faire, il prévoit de renforcer et d'enrichir le statut de l'autorité organisatrice de l'habitat (AOH), créée à l'initiative du Sénat, par la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS ».
Depuis, seules six collectivités ont obtenu la reconnaissance de leur statut d'AOH : les métropoles de Brest, Grand Chalon Agglomération, Lyon, Nantes, Nice et Rennes.
Mais les compétences des AOH sont à l'heure actuelle moins larges que celles initialement souhaitées par le Sénat lors de l'examen de la loi dite « 3DS » de 2022. Les AOH sont notamment consultées sur les modifications en matière de zonages d'investissement locatif. Elles sont également signataires des conventions d'utilité sociale des organismes possédant au moins 5 % des logements du parc social situé dans leur ressort territorial et peuvent orienter la reconstitution des logements démolis dans une opération de renouvellement urbain vers les communes carencées en logements sociaux.
Ces prérogatives, certes bienvenues, sont donc trop limitées alors que le bilan positif de la délégation des aides à la pierre depuis 2005 témoigne du rôle d'impulsion des intercommunalités en matière d'habitat.
Tenant compte de l'extinction du dispositif « Pinel », l'article 2 étend le champ des zonages sur lesquels est consultée l'AOH et rend sa consultation systématique préalablement à toute modification des zonages.
Surtout, reprenant des dispositions de la proposition de loi de MM. François-Noël BUFFET, Mathieu DARNAUD, Mme Françoise GATEL et M. Jean-François HUSSON, déjà présentes dans leur esprit au sein de l'amendement sénatorial à la loi dite « 3DS » à l'origine de l'AOH, cet article vise à permettre aux AOH de contractualiser avec l'État afin d'adapter certaines normes en matière d'habitat et de logement et de réviser les zonages utilisés en matière de tension locative, pour l'application de certaines aides au logement ou encore pour les plafonds de ressources et de loyers des logements sociaux.
Toujours dans la continuité de la proposition de loi précitée, l'article 2 permet également aux AOH d'adapter, à la Guadeloupe, à la Martinique, à la Guyane, à La Réunion et à Mayotte, les caractéristiques du logement décent ainsi que les situations d'insalubrité aux situations particulières de leur territoire.
***
Le titre II entend relancer la production de logements grâce à une réhabilitation de l'acte de construire.
Le chapitre 1er vise à renouveler le pacte entre l'État et les élus locaux en matière de production de logement social, en replaçant ces derniers au coeur de cette politique cruciale pour le territoire.
L'article 3 entend assouplir les obligations issues de l'article 55 de la loi dite « SRU » de 2000, pour mieux tenir compte des réalités territoriales et ainsi favoriser le pragmatisme plutôt que le dogmatisme en matière de logement social : la loi doit cesser d'être un carcan uniforme, et l'État un donneur de leçon qui sanctionne au lieu d'accompagner les élus.
Plus précisément, il s'agit de reprendre les propositions de la commission des affaires économiques du Sénat, adoptées en juin 2024 lors de l'examen du projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables, dont l'examen n'a pu être poursuivi en séance publique en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale.
L'article 3 vise donc à supprimer certaines sanctions contre-productives, à l'instar de la reprise par le préfet du droit de préemption ou de l'instruction des permis de construire, mais aussi des taux planchers de pénalités. Il prévoit également que le versement de ces dernières bénéficie à l'échelon local pour y financer du logement social plutôt que de remonter au niveau national.
En outre, il assouplit les conditions d'élaboration des contrats de mixité sociale (CMS), laissant plus libre cours à la négociation entre les maires et les préfets pour définir des objectifs de rattrapage adaptés aux circonstances locales.
Il permet également aux communes ayant conclu un tel CMS de réaliser une partie de leurs objectifs de rattrapage sous la forme de logements intermédiaires, sans qu'ils ne viennent accroître les obligations de construction de logements sociaux en étant pris en compte dans le nombre de résidences principales de la commune.
Par ailleurs, l'article assouplit les conditions d'exemption des communes au dispositif « SRU » pour mieux prendre en compte les communes isolées et faiblement attractives.
Enfin, il supprime la commission nationale SRU qui s'interpose entre les maires et les préfets et conduit à imposer des décisions nationales contre des accords locaux.
L'article 4 a pour objet de redonner la main aux maires sur les attributions de logements sociaux, pour lutter contre un sentiment de dépossession des maires de plus en plus marqué, notamment en raison des attributions dites « en flux ».
Il reprend pour ce faire les dispositions de la proposition de loi de Mme Sophie Primas visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux, adoptée par le Sénat dès octobre 2023 et réintroduites par les rapporteures lors de l'examen du projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables en juin 2024.
Les maires sont en effet les premiers responsables de la construction de logements sociaux à travers les permis de construire et les garanties d'emprunt mais aussi de l'accueil des populations à travers les écoles, les centres sportifs et d'action sociale. Il est logique qu'ils soient au centre de la politique dite « de peuplement ».
Cet article crée donc un droit d'opposition motivée du maire pour l'ensemble des attributions de logements sociaux. La présidence de la commission d'attribution serait assurée par le maire ou, dans le cas d'une commission pluricommunale voire départementale, par un membre du conseil municipal. La participation, avec voix consultative, du président du conseil départemental où sont implantés les logements attribués est également prévue. L'article prévoit en outre la délégation systématique à la commune du contingent préfectoral pour les primo-attributions des programmes neufs.
Enfin, l'article procède à la correction d'une erreur de référence et supprime les accords collectifs intercommunaux et départementaux afin d'encourager l'adoption de conventions intercommunales d'attribution (CIA), les deux faisant doublons et ne s'articulant pas.
*
Le chapitre II tend à faciliter la mobilisation du foncier à un coût abordable en vue de la production de logements.
L'article 5 tend à renforcer les outils aux mains des maires en matière de politique foncière pour faciliter l'accès au foncier à un coût abordable. Il crée ainsi un droit de préemption urbain visant à la régulation des marchés, aux fins de lutte contre la spéculation, comme adopté par la commission des affaires économiques du Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif au développement d'une offre de logements abordables en juin 2024. Il s'agit de permettre aux collectivités d'être plus réactives lorsque des ensembles fonciers ou immobiliers font l'objet de pratiques spéculatives.
L'article 6 vise à faciliter et accélérer les opérations de transformation des bureaux en logements. La loi du 16 juin 2025 visant à faciliter la transformation des bureaux en logements porte en effet des avancées utiles et concrètes pour ces opérations, qui doivent être approfondies.
S'inspirant des travaux des groupes de travail sur la transformation des bureaux en logements, créés par Valérie Létard, alors ministre chargée du Logement3(*), cet article vise à intégrer la transformation des bureaux en logements dans le champ des opérations de revitalisation de territoires (ORT), afin d'accélérer ces opérations grâce à un cadre d'action partenarial, mais aussi de s'assurer que la création de logements soit assortie d'aménagements favorables à la qualité de vie des habitants.
Il vise aussi à accélérer les procédures de ces opérations de transformation en facilitant l'éviction des locataires des bureaux ayant vocation à être transformés en logements, dans le périmètre des ORT. Reprenant la proposition n° 12 du rapport « Sisyphe » visant à simplifier le cadre réglementaire pour la production d'habitation par le reconditionnement d'immobilier d'entreprise, il entend ainsi aligner les règles d'éviction des locataires de bureaux à transformer sur celles des opérations de restauration immobilières, qui permettent le départ du locataire des lieux dès le versement d'une indemnité provisionnelle.
En raison des contraintes physiques de ces opérations, cet article vise aussi à octroyer des bonus de constructibilité dans les ORT, sauf si le plan local d'urbanisme en dispose autrement, pour les opérations de transformation de bureaux en logement.
L'article 7 vise à faciliter l'acquisition par les collectivités des « biens sans maître », levier de maîtrise foncière et de réhabilitation d'immeubles abandonnés au coeur des communes.
Il reprend ainsi des mesures adoptées par le Parlement dans le cadre de l'examen de la proposition de loi de simplification de l'urbanisme et du logement mais censurées par le Conseil constitutionnel comme « cavaliers » car sans lien, même indirect, avec le texte initial.
Il propose notamment d'abaisser de trente à quinze ans le délai de droit commun d'acquisition de ces biens, sans préjudice du droit de restitution ouvert aux héritiers et pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007 seulement.
Pour lever des blocages fréquemment rencontrés par les collectivités, l'article vise enfin à autoriser la transmission encadrée, par l'administration fiscale, d'informations nécessaires à la mise en oeuvre de cette procédure.
***
Le titre III vise à revaloriser la propriété et à relancer les parcours résidentiels.
Il regroupe des mesures en faveur de la lutte contre le squat, de la relance du crédit et de l'accession, y compris sociale, à la propriété.
L'article 8 vise à compléter les mesures issues de la loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements de l'occupation illicite afin de préserver encore davantage le droit de propriété, droit inviolable et sacré inscrit à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
D'une part, il tend à éviter les contournements de la loi liés à la location meublée touristique : des personnes mal intentionnées réservent un logement via une plateforme de location meublée touristique en vue de l'occuper illégalement à l'issue de la période prévue lors de la réservation, sans pouvoir faire l'objet de la procédure administrative ad hoc créée pour les squatteurs, qui ne s'applique qu'en cas d'entrée illégale dans les lieux. L'article pénalise donc le maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, au même titre que l'introduction par les mêmes moyens. Conformément à la volonté du Sénat lors de l'examen de la loi précitée en 2023, le cas des locataires en difficultés de paiement reste distinct afin de ne pas les associer à des squatteurs.
D'autre part, cet article vise à élargir la procédure administrative d'expulsion des squatteurs aux locaux qui ne sont pas des logements, à l'instar des bureaux, afin de préserver le droit de propriété de manière générale.
L'article 9 entend contribuer au desserrement du crédit en faveur de l'habitat, en introduisant davantage de souplesse dans les règles du Haut Conseil pour la stabilité financière, conformément à la recommandation n° 2 du rapport de la mission d'information sur la crise du logement d'avril 2024.
Il s'agit notamment de consacrer la prise en compte, par le Haut conseil de stabilité financière, de l'objectif de favoriser l'accès au logement, la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent étant un objectif de valeur constitutionnelle découlant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 19464(*).
L'article 10 entend accélérer le développement de l'accession sociale à la propriété. Il vise notamment trois mesures.
Cet article facilite le recours aux sociétés immobilières d'accession progressive à la propriété (SCI-APP). Mode d'accession sociale à la propriété innovant, proche des démarches coopératives et participatives, ce dispositif destiné prioritairement aux ménages à revenus modestes n'ayant pas accès aux prêts bancaires peine à émerger, malgré des premières opérations réussies. L'article 10 entend donc apporter plusieurs éléments de simplification à leur régime juridique sur la base des enseignements tirés des premières expériences : il supprime la durée maximale de 25 ans, modifie l'organisation des reventes et du relogement au cours de la vie de la SCI-APP et supprime des clauses inadaptées comme l'application du surloyer et la remise en cause du droit au maintien dans les lieux. Cet article vise également à permettre la combinaison des SCI-APP avec les baux réels solidaires (BRS).
L'article 10 encourage également l'inscription de l'offre de logements faisant l'objet d'un dispositif d'accession sociale au sein des programmes locaux de l'habitat (PLH).
Enfin, l'article 10 autorise la vente HLM avec une décote de 20 % aux locataires et aux gardiens. Depuis la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi ELAN), les bailleurs ne peuvent plus proposer que deux prix de vente : un prix vacant ou un prix occupé. En effet, le code de la construction et de l'habitation ne permet plus la pratique des bailleurs visant à accorder un prix préférentiel aux locataires de logements sociaux. L'article 10 a pour objectif de rétablir cette possibilité tout en l'encadrant et en adaptant le dispositif anti-spéculatif en conséquence.
L'article 11 vise à élargir le droit de préemption du locataire en cas de congé pour vente du propriétaire aux logements meublés. Aujourd'hui, seul un logement loué en contrat de bail « nu » donne au locataire un droit de préemption en cas de congé pour vente. Or dans les zones tendues les logements meublés représentent une part importante des logements mis en location.
***
Le titre IV entend donner aux organismes HLM les moyens de relancer la production de logements et de faire face aux défis de la rénovation et de la réhabilitation de leur parc.
L'article 12 vise à redonner des marges de manoeuvre et de la visibilité financières aux organismes de logement social.
Il vise à supprimer la mention dans la loi d'une contribution annuelle de 375 millions d'euros de ces organismes au fonds national des aides à la pierre (Fnap), estimant que le montant de cette contribution doit faire l'objet d'une concertation entre l'État et les bailleurs sociaux, tenant notamment compte du montant de la réduction de loyer de solidarité (RLS). Cette dernière est effectivement une ponction qui grève leurs recettes sans pour autant être réinvestie dans la production de logements sociaux comme l'est au contraire la fraction de leur contribution à la caisse de garantie du logement social (CGLLS) versée au Fnap.
L'article 13 entend quant à lui dessiner une trajectoire de financements de l'État en faveur du logement social d'ici à 2030, horizon temporel correspondant à une amélioration de la situation des finances publiques.
Partant du constat du désengagement total de l'État du Fnap depuis 2018, plaçant ce dernier dans une situation financière critique, soulignée par le rapport de la commission des finances du Sénat5(*) de juillet dernier, l'article inscrit dans la loi, à l'horizon 2030, une trajectoire de financement du Fnap à parité entre l'État d'un côté et les bailleurs sociaux de l'autre, conformément à l'engagement de l'État en 2016, lors de la création du fonds.
D'autre part, il inscrit dans la loi une trajectoire de réduction de la RLS, également à l'horizon 2030, afin que l'État s'engage dans une voie de concertation avec les bailleurs sociaux pour réduire cette ponction improductive tout en compensant cette réduction par une augmentation des APL que touchent les locataires bénéficiant de la RLS.
L'article 14 vise à porter des assouplissements et flexibilités en faveur des bailleurs sociaux et notamment de l'équilibre économique de leurs opérations.
Reprenant des propositions de la commission des affaires économiques dans le cadre du projet de loi relatif au développement d'une offre de logements abordables, il vise ainsi à :
- permettre aux bailleurs sociaux d'être également gestionnaires des logements produits ou acquis par leurs filiales de logements intermédiaires. Cela remédie à une absence de souplesse qui est aujourd'hui un frein à l'origine de la création de ces filiales car le parc en devenir ne permet pas de supporter les charges de personnel spécialisé. Cette situation est contre-productive, les programmes incluant bien souvent du logement intermédiaire et du logement social ;
- permettre aux sociétés de vente HLM d'acquérir en bloc des logements intermédiaires auprès des organismes HLM pour les revendre aux particuliers, comme elles peuvent déjà le faire en matière de logement social ;
- permettre, de manière encadrée, aux organismes HLM de recourir à l'usufruit locatif social dans le cadre de démembrements de propriété. Il vise ainsi à autoriser ces organismes à conserver la nue-propriété de logements qu'ils réalisent dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement (Vefa) à la condition que leur usufruit reste dans le champ social ou de réserver l'usufruit de ces logements à leur profit. L'article autorise aussi les sociétés de vente HLM à acquérir la nue-propriété de logements anciens.
Enfin, cet article vise à autoriser la vente de logements construits ou acquis depuis plus de cinq ans au moyen d'un contrat de location-accession, contre dix ans dans le cadre juridique actuel.
L'article 15 vise à donner aux bailleurs sociaux des marges de manoeuvre pour relever le défi de la rénovation et de la réhabilitation de leur parc, alors que le dispositif « Seconde vie » est conditionné à des classes énergétiques parfois hors d'atteinte pour certains immeubles et que la durée de l'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties dans le cadre de ce dispositif serait réduite de 25 ans à 15 ans à compter du 31 décembre 2026.
Cet article propose donc de permettre la revalorisation des loyers au niveau de ceux pratiqués pour le neuf, uniquement lors de la remise en location des logements ayant fait l'objet d'une réhabilitation, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État. L'objectif est d'inciter et de responsabiliser les bailleurs sociaux dans leurs politiques de rénovation et de réhabilitation du parc.
En dehors des remises en location, l'article propose également une simplification grâce à une possibilité d'augmentation de loyer limitée à 5 % pour les logements ayant fait l'objet d'une réhabilitation, sans nécessité d'obtenir l'agrément préfectoral, très rarement octroyé.
***
Le titre V vise à soutenir la rénovation du parc privé.
L'article 16 vise spécifiquement à soutenir la rénovation énergétique des logements en permettant aux propriétaires de donner congé à leur locataire pour la réalisation d'importants travaux de rénovation énergétique, confirmant par là une jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis 1996.
L'article 17 vise à faciliter la mobilisation des artisans en faveur de la rénovation énergétique des logements. Comme le proposait la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en faveur de la rénovation énergétique6(*) et comme l'avaient voté les deux assemblées lors de l'examen de la loi Climat et résilience de 2021, cet article vise à lever l'obligation de solidarité financière dans le cadre des groupements momentanés d'entreprises. Il n'y a en effet guère de sens pour des entreprises artisanales de taille et de capacités financières limitées d'être responsables les unes envers les autres, surtout compte tenu de la spécialisation des activités de la rénovation.
L'article 18 concerne la réhabilitation des logements et la lutte contre l'habitat dégradé.
Il vise à lutter contre la vacance des logements en inscrivant la lutte contre la vacance parmi les missions de l'Agence nationale de l'habitat.
Il vise aussi à rendre davantage opérationnels les prêts collectifs à adhésion simplifiée créés par l'article 4 de la loi 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de l'habitat dégradé.
***
Le titre VI vise à mieux loger les travailleurs.
L'article 19 s'attache au logement des travailleurs, en reprenant plusieurs dispositions adoptées par la commission des affaires économiques du Sénat en 2024, visant notamment à :
- permettre aux préfets de déléguer tout ou partie de leur contingent à Action Logement ou à des entreprises réservataires, ainsi qu'à des bailleurs sociaux, hors fonctionnaires ;
- permettre aux employeurs publics de garantir les emprunts des bailleurs et d'acquérir des droits de réservation associés ;
- prévoir une exemption à la gestion en flux pour les employés de certaines sociétés à l'instar des entreprises de transport public en zone tendue, dans la continuité de l'exemption obtenue par le Sénat dans la loi dite « 3DS » ;
- simplifier la clause de fonction dans le logement social et l'étendre à toutes les fonctions publiques et, en zones tendues, aux employés des entreprises de transport public ;
- relever de 10 % à 50 % la part de contingent au profit du logement des agents de l'État en cas de cession d'un foncier avec décote dite « Duflot » et l'étendre au-delà de la seule administration ayant cédé le terrain en question ;
- enfin, clarifier le fait qu'une personne morale puisse prendre à bail un logement intermédiaire tant qu'il le sous-loue effectivement à une personne physique dans le respect des plafonds de ressources et qu'elle l'occupe à titre de résidence principale. Cela revient à entériner une situation déjà existante, notamment en faveur de certains établissements hospitaliers.
***
Le titre VII prévoit des dispositions diverses.
L'article 20 consiste en un « gage » pour compenser les conséquences financières de la proposition de loi pour l'État et les collectivités territoriales.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi.
* 1 Scénario central du SDES.
* 2 Scénario dynamisme « pied-à-terre » du SDES.
* 3 Un rapport sur la simplification de la réglementation, remis par Roland Cubin (Groupama Immobilier), Laurent Girometti (établissements publics d'aménagement de Marne-la-Vallée) et Philippe Vereecke (Bouygues Construction) ; un rapport sur le modèle économique et le financement rédigé par Nadia Bouyer (Action Logement) et Xavier Lépine (Institut de l'Épargne Immobilière et Foncière)
* 4 Décision n°94-369 DC du 19 janvier 1995 sur la loi relative à la diversité de l'habitat.
* 5 Rapport de Jean-Baptiste Blanc au nom de la commission des finances, « Quel avenir pour le Fonds national des aides à la pierre ? »
* 6 Proposition n° 9