EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Au cours de ces dernières années, nos départements ont été confrontés à l'augmentation croissante des dépenses sociales, que ce soit en raison du revenu de solidarité active (RSA), des mineurs non accompagnés (MNA) ou, plus récemment, de l'extension des bénéfices Ségur et des revalorisations salariales. Certaines prises en charge par l'État n'ont rien changé à cette situation critique pour nos départements. Les départements sont pourtant tenus par la loi d'intervenir dans certains domaines.
Certains départements, qui ont déjà de faibles ressources, sont dans des situations difficiles qui risquent de compromettre leur capacité à agir dans le domaine social. Cette situation risque en effet de s'aggraver car les départements sont de plus en plus sollicités, alors que leurs recettes ne progressent pas, voire régressent.
L'appel à un soutien de l'État par le biais de dotations ou d'autres formes de soutiens ne peut être que délicate dans une situation budgétaire tendue, qui appelle notamment à un effort de discipline au niveau des finances publiques. Les départements peuvent aussi être appuyés financièrement par le biais de mécanismes de péréquation horizontale qui consistent à atténuer les disparités de ressources en considération des charges qu'ils doivent supporter. Ces dispositifs ne sont nullement antinomiques avec nos principes les plus fondamentaux, car notre Constitution prévoit dans son article 72-2 que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ». Cette disposition avait été introduite par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 et a été mise en oeuvre à plusieurs reprises, notamment à partir de 2010.
Il y a quelques années, en 2020 le législateur avait mis en place un fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) consistant en deux prélèvements. Ce fonds national, qui est prévu par l'article L. 3335-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) intégrait notamment un fonds national de péréquation des DMTO institué en 2011. Si le premier prélèvement est prélevé sur chaque département, le second ne touche que les départements dont le montant par habitant de l'assiette des DMTO perçus l'année précédant la répartition est supérieur à 0,75 % fois la moyenne nationale. Ce prélèvement est constitué en trois tranches.
La troisième tranche est en effet prélevée sur les départements « dont le montant par habitant dont le montant de l'assiette est supérieur à deux fois le montant par habitant de l'assiette pour l'ensemble des départements » et s'élève à 150 millions d'euros. Il est calculé « de manière proportionnelle sur la fraction du montant par habitant de l'assiette du département supérieure à deux fois le montant par habitant de l'assiette pour l'ensemble des départements, multipliée par la population du département ».
Pour mieux aider les départements qui perçoivent un montant plus faible de DMTO, cette proposition souhaite renforcer la troisième tranche du second prélèvement. Ce renforcement ne concernerait que les départements percevant un montant par habitant de l'assiette supérieur à deux fois le montant par habitant de l'assiette pour l'ensemble des départements. Ainsi, cette troisième tranche serait portée à 350 millions d'euros.
Il est donc proposé de modifier le III de l'article L. 3335-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) pour prendre en compte ce passage de 150 à 350 millions d'euros et ses conséquences sur le montant total du second prélèvement qui serait alors porté à 950 millions d'euros.
Pour maintenir les ressources du fonds national de péréquation des DMTO, il est également proposé de relever le plafonnement du second prélèvement de 15 % à 18 %.
En effet, le dernier alinéa du III de l'article L. 3335-2 du code général des collectivités territoriales précise que « pour chaque département, le montant prélevé au titre du second prélèvement ne peut excéder 15 % du produit des droits de mutation à titre onéreux perçu par le département l'année précédant celle de la répartition en application des articles 1594 A et 1595 du code général des impôts ». Or ce plafonnement du second prélèvement a été porté de 12 % à 15 % lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2024 par l'adoption d'un amendement sénatorial. En s'inspirant de ce précédent, on peut envisager une augmentation du plafonnement de ce second prélèvement mis en place par l'article 56 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
Une augmentation de la troisième tranche du prélèvement permettrait de répondre aux besoins des départements confrontés à des dépenses croissantes et qui subissent une baisse de leurs DMTO. Elle ne concernerait que les départements dont le montant par habitant de l'assiette excède 0,75 fois le montant moyen par habitant de l'assiette pour l'ensemble des départements.
Enfin, pour assurer au mieux la péréquation, il est également proposé de renforcer et de réaménager deux des trois enveloppes qui visent à répartir les ressources du fonds et qui sont prévues par les V et VII de l'article L. 3335-2 du code général des collectivités territoriales.
Ainsi, concernant la première enveloppe, il est proposé de faire en sorte que sa première fraction puisse mieux bénéficier aux départements dont le potentiel financier net par kilomètre carré est inférieur à un certain pourcentage du potentiel financier net moyen par kilomètre carré. Ainsi, on pourrait porter le pourcentage de 50 % à 55 %. Ce seuil de 50 % est pénalisant pour des départements qui sont juste au-dessus.
Pour la troisième enveloppe, il est également proposé trois modifications.
La première vise à prendre en compte les dépenses engagées au titre de la prime Ségur en élargissant le solde qui fait la différence entre les dépenses exposées par le département au titre du revenu de solidarité active et l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), d'un côté, et leurs compensations, de l'autre côté : ainsi, ce solde serait élargi aux dépenses prévues au titre de la prime Ségur étendue par l'accord du 4 juin 2024 agréé par l'arrêté du ministre des du travail, de la santé et des solidarités du 25 juin 2024 pris sur le fondement de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles dont on déduirait les éventuels montants de compensation versés au titre de cette prime. En effet, l'extension de cette prime s'est faite sans concertation avec les départements. Malgré une compensation décidée le 29 avril 2025 et consistant en un soutien de l'État par la CNSA, ce soutien ne représente que 50 % du coût annuel qui est estimé à 170 millions d'euros.
La deuxième modification vise à augmenter le montant de la première fraction qui bénéficie aux départements dont le potentiel fiscal est inférieur au potentiel fiscal moyen par habitant de l'ensemble des départements ou dont le revenu par habitant est inférieur à 1,2 fois le revenu moyen par habitant de l'ensemble des départements : elle passerait ainsi de 30 % à 40 %. Corrélativement, la part de la seconde fraction passerait de 70 % à 60 % de l'enveloppe.
La troisième modification vise à supprimer la référence à la population qui intervient dans le calcul de la seconde fraction de cette troisième enveloppe. En effet, la prise en compte de ce critère a conduit à une baisse des ressources en défaveur des départements les moins dotés en DMTO.
Cette proposition de loi entend répondre aux difficultés subies par plusieurs départements dont les ressources sont limitées au regard de leurs charges. Elle s'inscrit dans une démarche qui vise justement à ne pas pénaliser le contribuable en évitant une augmentation des impôts. Elle vise surtout à rappeler la situation délicate des départements qui ont été confrontés à l'augmentation de leurs charges tout en subissant une baisse significative de leurs ressources, notamment en DMTO.