EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi constitutionnelle a pour objet de renforcer les garanties constitutionnelles entourant l'examen et la mise en oeuvre des projets de loi de finances (PLF) et des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Sans remettre en cause l'équilibre général des institutions ni les prérogatives du Gouvernement en matière d'initiative et d'exécution des lois financières, le présent texte poursuit un double objectif : améliorer l'information du Parlement et garantir, d'une part, que les accords intervenus entre les deux assemblées puissent produire pleinement leurs effets dans le cas où le Gouvernement serait conduit à recourir aux ordonnances prévues aux articles 47 et 47-1 de la Constitution et, d'autre part, garantir la constitutionnalité des dispositions qui seraient ainsi mises en oeuvre.
1. Le renforcement de l'information du Parlement
Les articles 1er et 2 de la proposition de loi constitutionnelle visent, en premier lieu, à renforcer l'information du Parlement lors de l'examen des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
À cette fin, ils prévoient que l'avis rendu par le Conseil d'État sur ces projets de loi est obligatoirement transmis au Parlement. Cette exigence constitutionnelle répond à un objectif de transparence et de sincérité du débat parlementaire tel que le Gouvernement l'a déjà accepté de manière volontaire depuis 2015 pour les projets de loi autres que les PLF et PLFSS. L'avis du Conseil d'État constitue en effet un éclairage juridique essentiel sur la conformité des textes aux normes constitutionnelles et organiques, ainsi que sur la qualité de leur rédaction.
En rendant obligatoire la transmission de cet avis, la présente proposition entend placer le Parlement dans des conditions d'information comparables à celles du Gouvernement, afin de lui permettre d'exercer sa mission constitutionnelle de législateur et de contrôle de l'action gouvernementale. Au même titre que les textes financiers possèdent un régime particulier d'examen devant le Parlement, leur caractère singulier justifie que la Constitution garantisse la parfaite information du Parlement.
2. L'encadrement constitutionnel du recours aux ordonnances prévues aux articles 47 et 47-1
Les articles 1er et 2 poursuivent, en second lieu, un objectif d'encadrement du recours aux ordonnances prévues aux articles 47 et 47-1 de la Constitution, lorsque les délais constitutionnels d'examen des lois financières ne peuvent être respectés.
Le texte proposé prévoit que, dans une telle hypothèse, les ordonnances mises en oeuvre par le Gouvernement doivent reprendre le projet de loi initialement déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, tel qu'il a été modifié, le cas échéant, par les dispositions adoptées dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat.
Ce faisant, la proposition de loi constitutionnelle vise à permettre que les accords intervenus entre les deux chambres du Parlement ne soient pas privés d'effet du seul fait du dépassement des délais constitutionnels. Elle consacre ainsi, au plus haut niveau normatif, le respect du bicamérisme et la portée juridique des votes « conformes » intervenus au cours de la procédure parlementaire. Les auteurs entendent préciser, pour la clarté des débats et l'application future de ce texte, que les dispositions examinées et adoptées par l'Assemblée nationale puis transmises par le Gouvernement au Sénat en raison de l'application des procédures prévues au deuxième alinéa des articles 47 et 47-1 de la Constitution sont réputées être adoptées conformes lorsque le Sénat les a examinées et adoptées dans les mêmes termes en première lecture.
Cette évolution permet de concilier l'exigence de continuité de l'État et de la sécurité juridique, qui justifie le recours aux ordonnances, avec le respect du rôle du Parlement et de l'expression de la volonté générale.
3. L'instauration d'une loi spéciale en matière de financement de la sécurité sociale
L'article 2 prévoit en outre, en son 3°, l'instauration d'une loi spéciale applicable aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, tel que cela est prévu pour les projets de loi de finances.
Cette disposition vise à assurer une cohérence d'ensemble entre les deux grandes catégories de lois financières, compte tenu de leur importance comparable pour l'équilibre des finances publiques et la continuité des services publics et des prestations sociales. Elle permet également de renforcer la sécurité juridique du financement de la sécurité sociale en cas de circonstances exceptionnelles empêchant l'adoption du PLFSS dans les délais constitutionnels.
4. Le contrôle constitutionnel des dispositions mises en oeuvre par ordonnances
Enfin, l'article 3 de la proposition de loi constitutionnelle impose au Gouvernement de saisir le Conseil constitutionnel des dispositions du texte mises en oeuvre par les ordonnances prévues aux articles 47 et 47-1.
Cette obligation vise à garantir que le recours aux ordonnances, dans un domaine particulièrement sensible au regard des droits et libertés et de l'équilibre des finances publiques, s'exerce sous le contrôle systématique du juge constitutionnel. Elle renforce ainsi les garanties constitutionnelles entourant l'application des lois financières sans vote du Parlement.
En définitive, la présente proposition de loi constitutionnelle tend à rééquilibrer la procédure des lois financières au bénéfice du Parlement, sans affaiblir la capacité de l'État à agir dans le respect des contraintes constitutionnelles de délai. Elle s'inscrit dans une démarche de renforcement de la démocratie parlementaire, de la transparence et de la sécurité juridique, au service d'un meilleur fonctionnement de nos institutions.