EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis la perte du statut d'établissement public d'Électricité de France (EDF) intervenue en 2004, la Commission européenne fait pression sur la France pour obtenir, dans le cadre du renouvellement des concessions, l'ouverture à la concurrence de nos installations hydroélectriques.

En octobre 2015, la Commission, qui avait engagé une première procédure en 2006, a adressé à la France une mise en demeure, mettant en cause les « mesures étatiques qui, en faisant obstacle à l'entrée et à l'expansion de concurrents, ont pour effet de maintenir ou de renforcer la position dominante d'EDF ».

Une nouvelle mise en demeure a été adressée le 7 mars 2019 au motif que la législation et la pratique des autorités françaises, qui ont autorisé le renouvellement ou la prolongation de certaines concessions hydroélectriques sans recourir à des procédures d'appel d'offres, seraient contraires au droit européen.

Par ailleurs, il n'est pas acceptable que la Commission Européenne, de surcroît ait avancé l'idée d'une obligation de moyens mais aussi de résultats qui consisterait à plafonner le nombre de concessions hydro-électriques françaises par opérateur. Ce qui reviendrait de fait, à exclure l'opérateur dominant même s'il était le mieux disant.

Conformément aux orientations du chef de l'État, le Gouvernement actuel a fait lui-même de la concurrence l'une de ses priorités et ouvert une discussion pour répondre aux attentes de Bruxelles.

Un large consensus se dessine pourtant, dans la population comme chez les élus locaux et nationaux, pour rejeter comme dangereuse et irrationnelle l'ouverture à la concurrence de ce secteur stratégique au plan économique, social et environnemental, qui s'adosse à un patrimoine financé de longue date par les Français.

Au-delà des questions de concurrence, faut-il rappeler également que nous touchons là à des enjeux de service public de gestion des multiples usages de l'eau.

L'enjeu est d'abord énergétique , puisque les barrages hydroélectriques sont encore la première source d'électricité renouvelable en France et produisent 12 % de notre mix électrique et sont le seul outil de stockage de masse d'électricité.

L'enjeu est aussi industriel , puisque la filière emploie 25 000 personnes et génère 1,5 milliard d'euros de recettes publiques.

L'enjeu est également environnemental et de service public car il concerne les différents usages de la ressource en eau et le rôle propre des barrages sur nos territoires, en matière d'irrigation agricole, de fourniture d'eau potable, de soutien d'étiage ou de tourisme.

L'enjeu est enfin de sécurité , en matière notamment de gestion des crues et de fourniture de source froide des installations nucléaires.

Dès lors l'injonction de Bruxelles se révèle d'autant plus absurde que chez ceux de nos voisins qui ne disposent pas d'un régime concessif, la mise en concurrence peut être exclue et n'a donc pas été mise en oeuvre.

Il appartient donc au Gouvernement de prendre ses responsabilités et de défendre à Bruxelles une alternative solide à la mise en concurrence.

Les traités autorisent notamment notre pays à organiser la fourniture de services en tant que services d'intérêt économique général, assortis ou non d'un droit exclusif ou spécial de gestion ou d'exploitation, sous réserve du respect des dispositions de l'article 82 du traité instituant la Communauté européenne et de l'article L. 420-2 du code de commerce sur l'abus de position dominante.

Nous considérons, en tout état de cause, que les opérateurs historiques que sont Électricité de France, la société anonyme d'intérêt général Compagnie nationale du Rhône et la Société hydroélectrique du midi, sont les seuls à offrir aujourd'hui des garanties suffisantes en matière de gestion des risques sécuritaires, de soutien à l'économie et à l'emploi et de prise en compte effective de la diversité des usages de la ressource en eau.

Face aux risques engendrés par la mise en concurrence en termes de désoptimisation, face aux enjeux de préservation de l'emploi et des atouts du système hydroélectrique français, il est aujourd'hui à la portée des autorités françaises de plaider en faveur d'une dérogation au principe de remise en concurrence .

La simplicité pratique de la mise en oeuvre d'une solution fondée sur l'existant et son intérêt en matière de politique de l'eau et de l'énergie justifie pleinement qu'elle soit défendue devant la Commission européenne. C'est une question de volonté politique.

Comme cela a été également fait à l'Assemblée nationale par les députés de différents groupes parlementaires, nous invitons le Gouvernement à se rapprocher de ses partenaires européens en vue d'exclure explicitement le secteur hydroélectrique du champ de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur et de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession.

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