EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis le 9 octobre 2019, le nord-est de la Syrie est en proie à une offensive de l'armée turque qui aurait déjà causé la mort d'un grand nombre de combattants kurdes et de civils. D'après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 130 000 personnes auraient été déplacées du fait de la violence des combats. Cette offensive fait suite à celle d'Afrine en 2018, qui avait déjà suscité de vives réactions de la communauté internationale.

L'offensive turque progresse rapidement. Elle se concentre sur une bande de territoire d'une centaine de kilomètres entre les villes de Tal Abyad et Ras al-Aïn, frontalière de la Turquie et de la Syrie et tenue par les Unités de protection du peuple (YPG) - les combattants kurdes qui constituent la colonne vertébrale des Forces Démocratiques Syriennes (FDS). En six jours, les forces turques se seraient déjà emparées de Tal Abyad et de quarante villages, ce qui correspond au territoire de toute la région frontalière, de Tal Abyad jusqu'à l'ouest de Ras al-Aïn, cette dernière ville résistant encore aux frappes aériennes et aux tirs d'artillerie de l'armée turque.

Dans cette zone, se trouvent également quelque 10 000 djihadistes, dont 2 000 étrangers, capturés au cours des combats et enfermés dans des prisons placées sous le contrôle des FDS. Les forces kurdes du nord-est syrien surveillent également les camps abritant environ 80 000 membres des familles de ces djihadistes et dans lesquels l'idéologie du groupe État islamique est encore très présente. Parce qu'ils ont dû mobiliser une partie de leurs forces contre les Turcs au détriment de la surveillance des camps et des prisons djihadistes, les FDS ont alerté sur le risque très élevé que l'offensive menée par la Turquie ne favorise l'évasion de nombreux combattants terroristes détenus dans ces prisons. D'après les forces kurdes, certaines attaques turques auraient même ciblé ces prisons et campements.

Cette offensive intervient trois jours après l'annonce du retrait des troupes américaines de cette région. Les quelque 2 000 soldats américains présents dans la région constituaient jusqu'alors un rempart contre une attaque turque. Bien qu'il ait affirmé ne pas soutenir cette attaque, le président américain Donald Trump n'est pas revenu sur sa décision de retrait de 1 000 soldats américains.

Avec cette offensive, la Turquie entend créer une zone tampon d'une trentaine de kilomètres de long et de cinq cents kilomètres de large entre la frontière turque et les zones syriennes contrôlées par les forces kurdes dans la région, notamment afin d'y installer une partie des quelque 3,5 millions de réfugiés syriens présents en Turquie. À cet égard, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a rappelé dans un communiqué que « tout retour de réfugiés en Syrie doit se faire sur une base volontaire, dans la dignité et à un moment où le retour est sûr ».

À la demande de cinq pays européens, dont la France et l'Allemagne, le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni en urgence, le 10 octobre, sans parvenir à prendre de décision unanime. Le 12 octobre, après plusieurs condamnations fermes de cette offensive sans effet, la France et l'Allemagne ont suspendu leurs exportations d'armes vers la Turquie.

Au-delà de la simple condamnation par la France et l'Union européenne de cette action militaire, aussi ferme soit-elle, la présente proposition tend à demander l'engagement résolu de la France en faveur de toute initiative concertée au niveau européen ou international, de nature à faire cesser l'offensive militaire menée par la Turquie au nord-est de la Syrie.

Car il y a urgence. En effet, en réponse aux préoccupations exprimées par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et la Commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU sur la Syrie, la présente résolution souligne également l'absolue nécessité de protéger les populations civiles et d'assurer de manière durable un accès humanitaire sans entrave sur tout le territoire syrien.

À terme, il s'agit de favoriser le respect des engagements de la communauté internationale en Syrie, de maintenir l'unité, la souveraineté et l'intégrité territoriale de ce pays, et de défendre le respect de toutes ses composantes ethniques et religieuses.

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