EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La crise économique consécutive au désastre sanitaire et humain de l'épidémie de Covid-19 a gravement et brutalement déstabilisé l'agriculture des États membres de l'Union européenne, à l'instar, au demeurant, de l'ensemble du tissu économique et financier.

Les filières agricoles se trouvent, en effet, confrontées, tout à la fois, à une baisse brutale de la demande et à une diminution de l'offre, faute de main d'oeuvre suffisante. La fermeture pendant plusieurs semaines de nombreux points de vente et canaux de distribution s'est enfin conjuguée aux facteurs traditionnels de fragilité du secteur, en particulier le caractère rapidement périssable des produits, pour entraîner de fortes perturbations sur les prix et les volumes des produits agricoles.

Dans ce contexte inédit par son extrême gravité depuis 1945, la Commission européenne a fini par se saisir, le 22 avril 2020, des prérogatives exceptionnelles de gestion des crises dont elle dispose, au titre des articles 219 et 222 du règlement relatif à l'Organisation commune des marchés agricoles (« OCM unique ») du 17 décembre 2013, quitte à déroger au cadre général du droit de la concurrence. Mais, les moyens financiers qu'elle prévoit d'y consacrer se limitent encore à environ 90 millions d'euros, ce qui apparaît très insuffisant.

Bien longtemps avant que ne survienne la crise économique actuelle, la commission des affaires européennes du Sénat s'est mobilisée sur les questions, d'une part, de la régulation des marchés agricoles face aux perturbations de marché, d'autre part, de l'application des règles de concurrence à l'agriculture : trois rapports d'information y ont été, totalement ou partiellement, consacrés en 2012 1 ( * ) , en 2013 2 ( * ) et en 2016 3 ( * ) . Ces sujets, vastes et complexes, sont, il est vrai, au coeur du fonctionnement de la Politique agricole commune (PAC).

Nous sommes amenés aujourd'hui à y revenir, non seulement en raison de l'actualité, mais aussi de la prochaine réforme de la PAC pour la période 2021/2027, à l'étude depuis trois ans, et également des difficultés structurelles de plusieurs filières agricoles françaises, à commencer par celles de la viande bovine, qui handicapent fortement la position de la France dans les négociations commerciales internationales.

En ce qui concerne la prochaine réforme de la PAC, trois résolutions ont été adoptées par le Sénat, à l'initiative de la commission des affaires européennes et en collaboration étroite avec la commission des affaires économiques, respectivement les 8 septembre 2017 4 ( * ) , 6 juin 2018 5 ( * ) et 7 mai 2019 6 ( * ) . Plusieurs points y étaient consacrés à l'insuffisante prise en compte des spécificités de l'agriculture et à la nécessité « d'oser » une plus grande régulation.

Enfin, le retour à une situation de crise des marchés agricoles, consécutif à l'actuelle épidémie de Covid-19, remet à l'ordre du jour les faiblesses structurelles des mécanismes de gestion prévus par la réglementation de la PAC, pour traverser de telles périodes exceptionnelles. Force est de constater qu'au cours de la dernière décennie, ces mécanismes n'ont été activés qu'avec lenteur (lors de la crise laitière de 2014/2017) ou même pas du tout (lors de l'effondrement des cours du sucre en 2017/2019). Là encore, le primat donné au droit de la concurrence sur les objectifs de la PAC explique une bonne part des difficultés rencontrées.

Dans ce contexte général inquiétant, la présente proposition de résolution européenne vise à faire oeuvre utile, en demandant, d'une part, le renforcement des mesures exceptionnelles de la Politique agricole commune pour faire face au Covid-19, ainsi que l'affirmation, d'autre part, de la primauté effective de la PAC au regard des règles de concurrence.

La commission des affaires européennes a donc conclu au dépôt de la proposition de résolution européenne qui suit :


* 1 Rapport d'information n° 721 (2011-2012), Le rôle des organisations de producteurs dans la négociation du prix du lait de M. Jean Bizet au nom de la commission des affaires européennes, publié le 27 juillet 2012.

* 2 Rapport d'information n° 214 (2013-2014), La politique agricole et le droit de la concurrence de M. Jean Bizet au nom de la commission des affaires européennes, publié le 10 décembre 2013.

* 3 Rapport d'information n° 672 (2016-2017), PAC : traverser le cap dangereux de 2020 de M. Daniel Gremillet, Mme Pascale Gruny, et MM. Claude Haut et Franck Montaugé, au nom de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires économiques, publié le 20 juillet 2017.

* 4 Résolution européenne n° 130 (2016-2017) du Sénat du 8 septembre 2017 sur l'avenir de la

Politique agricole commune à l'horizon 2020.

* 5 Résolution européenne n° 116 (2017-2018) du Sénat du 6 juin 2018 en faveur de la préservation d'une politique agricole commune forte, conjuguée au maintien de ses moyens budgétaires.

* 6 Résolution européenne n°96 (2018-2019) du Sénat du 7 mai 2019 sur la réforme de la PAC.

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