EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 9 novembre 2020, un accord de cessez-le-feu conclu entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan sous l'égide de la Russie a permis de mettre un terme à plusieurs semaines d'intenses et violents affrontements armés à l'intérieur et autour du Haut-Karabagh, dans le Caucase du Sud.

Ces hostilités étaient le point d'orgue de tensions persistantes entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan au sujet du « conflit gelé « autour du Haut-Karabagh, territoire non-autonome dépourvu de statut juridique reconnu par le droit international et dont le contrôle effectif est contesté. Ces derniers affrontements ont été lancés le 27 septembre 2020, à l'initiative de l'Azerbaïdjan qui avait pour but la reconquête des territoires du Haut-Karabagh.

Les signataires de cette résolution prennent acte, avec soulagement, de ce cessez-le-feu du 9 novembre et appellent solennellement toutes les parties au conflit à continuer de le respecter rigoureusement, afin d'éviter de nouvelles pertes de vies humaines.

De même, ils appellent solennellement tous les acteurs régionaux, et surtout la Turquie, à s'abstenir de toute action ou déclaration susceptible de compromettre le cessez-le-feu.

Si les conséquences de ce conflit ne peuvent à l'heure actuelle être déterminées avec exactitude, les chiffres les plus crédibles font état de plusieurs milliers de morts militaires et de nombreux morts civils, mais également d'un important déplacement de populations vers l'Arménie.

De nombreux témoignages font état de violations manifestes du droit international humanitaire et de crimes de guerres, qui auraient eu lieu au cours de ces affrontements. Tout crime de guerre et toute violation du droit international humanitaire susceptible d'avoir été commis doit faire l'objet d'une enquête et appelle une condamnation sans ambiguïté de la part de notre haute Assemblée.

Les ingérences turques dans le cadre de ce conflit ont notamment pris la forme d'une mise à disposition de l'armée azerbaïdjanaise de mercenaires ayant combattu en Syrie au sein de groupes insurgés, dont certains groupes djihadistes.

Les signataires considèrent donc qu'il appartient à notre haute Assemblée de condamner ce qui constitue une décision irresponsable participant à l'intensification et à la persistance de ces affrontements meurtriers, ainsi qu'à la dangereuse déstabilisation du Caucase du Sud.

Les signataires soutiennent les parties intéressées à obtenir que la Cour pénale internationale puisse engager une enquête internationale sur les crimes de guerre survenus au cours de ces affrontements militaires. Ainsi, ils demandent que toute action soit prise pour engager les poursuites relatives à toute violation constatée du droit international humanitaire, et notamment, tout constat de recours aux armes à sous-munitions et aux armes incendiaires contre les populations civiles.

Pour l'ensemble de ces raisons, il appartient au Gouvernement de redoubler d'efforts, au sein du Groupe de Minsk dont la France assure la co-présidence aux côtés de la Russie et des États-Unis, et par le biais des canaux bilatéraux, afin de contribuer à l'installation d'une paix durable dans la région du Caucase du Sud.

Les signataires encouragent la France à tenir sa place à la table des négociations et à poursuivre sa mobilisation sans relâche en faveur d'un arrêt total des violences, en appelant à une internationalisation de la surveillance du respect du cessez-le-feu, actuellement effectué par un centre spécial de maintien de la paix, notamment en associant l'OSCE. Les priorités doivent impérativement être la sécurisation des populations civiles du Haut-Karabagh, le respect des droits des femmes et la protection des enfants.

Les signataires invitent solennellement à saisir le Conseil de sécurité des Nations unies, afin d'assurer au plus vite une protection internationale du Haut-Karabagh et de ses populations civiles.

De plus, ils demandent le retrait total et immédiat de tous les combattants étrangers de la région, à l'exception naturellement des forces d'interposition et de maintien de la paix, et se félicitent que le ministre de l'Europe et des affaires étrangères ait évoqué une telle exigence lors de son entretien avec le secrétaire général de l'OTAN, le 20 novembre 2020.

Les signataires appellent la France à apporter toute l'assistance humanitaire nécessaire afin de répondre aux besoins des populations civiles, victimes du conflit. Ainsi, ils saluent le déploiement, à la demande du Président de la République et du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, d'une mission médicale à Erevan, et dernièrement, d'un dispositif global et structuré d'aide à la population arménienne affectée par le conflit du Haut-Karabagh. Piloté par le Centre de crise et de soutien du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères, il implique la mobilisation de l'État, des associations de solidarité, des organisations humanitaires, des collectivités territoriales, des fondations d'entreprises et des établissements hospitaliers. De plus, les signataires appellent solennellement toutes les parties à garantir l'accès de l'aide humanitaire par des couloirs dédiés.

En outre, ils appellent à garantir la possibilité du retour volontaire, sûr, digne et durable des populations déplacées à l'intérieur et autour du Haut-Karabagh.

Les signataires sont particulièrement attachés au renforcement du rôle des femmes dans la prévention et dans le règlement des conflits, aussi, ils rappellent qu'on ne peut pas établir une paix durable sans y associer la moitié de l'humanité.

Les signataires invitent les parties, le Groupe de Minsk, l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH) et l'UNESCO à tout mettre en oeuvre pour préserver le patrimoine culturel et religieux à l'intérieur et autour du Haut-Karabagh. Il convient que cette mobilisation pour le patrimoine soit durable.

Les signataires appellent la France à redoubler d'efforts pour parvenir à un accord de paix négocié, global et durable, puisque cette cessation des hostilités ne constitue qu'une première étape pour mettre un terme à un conflit de longue date, qui était jusqu'à présent relativement « gelé «. La France doit poursuivre son engagement dans le cadre international du Groupe de Minsk de l'OSCE, comme les autorités arméniennes en font la demande.

Enfin, concernant la question spécifique de la reconnaissance du Haut-Karabagh, les signataires soulignent leur attachement à la souveraineté des peuples et des États, dans le cadre du respect du droit international. Aussi, ils invitent le Groupe de Minsk, dont la France assure la co-présidence, à examiner cette question dans l'agenda des négociations pour une résolution durable du conflit.

De même, et dans le prolongement des conclusions de la réunion extraordinaire du Conseil européen des 1er et 2 octobre 2020, il convient que l'Union européenne puisse apporter sa contribution au processus de résolution pacifique du conflit, en adoptant toute mesure d'appui pouvant soutenir un discours de paix et de coexistence pacifique dans la région.

Les signataires soutiennent ainsi l'Union européenne dans sa volonté de suivre attentivement la mise en oeuvre des dispositions du cessez-le-feu et de « contribuer de manière effective à la mise en place d'un règlement durable et global du conflit, y compris, dans la mesure du possible, en soutenant des mesures de stabilisation, de réhabilitation après le conflit et de rétablissement de la confiance », tel que cela a été énoncé dans la déclaration du haut représentant, au nom de l'Union européenne, à la sortie de la réunion du Conseil Affaires étrangères du 19 novembre 2020.

Au-delà du Haut-Karabagh, la question des « conflits gelés » dans le monde préoccupe les signataires, conscients que ces conflits constituent une menace latente sur la stabilité internationale et un défi pour la souveraineté des peuples.

Tel est le sens de la présente proposition de résolution.

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