EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de résolution fait suite au rapport d'information sénatorial intitulé « Transformation de l'offre de soins périnatals dans les territoires : le travail doit commencer », publié le 10 septembre 2024.
Si la France a atteint de très bons résultats en matière de santé périnatale au début du XXIe siècle, la dégradation des indicateurs depuis une dizaine d'années l'a désormais reléguée aux 21e et 22e rangs européens en matière de mortinatalité spontanée (3,8 enfants nés sans vie après 24 semaines d'aménorrhée pour 1 000 naissances vivantes) et de mortalité infantile (4,1 décès d'enfants de moins d'un an pour 1 000 naissances vivantes).
Concernant la situation des prématurés, dont le nombre élevé mérite d'être souligné, on constate là encore des taux dégradés, avec des perspectives significativement défavorables pour les plus grands prématurés.
Par ailleurs, la santé de la femme enceinte et de la mère suscite de vives inquiétudes, tant en ce qui concerne les décès maternels que, plus particulièrement, les complications graves survenant après l'accouchement. À titre d'exemple, les hémorragies du post-partum, qui concernent 10 % des accouchements, ne font pas toujours l'objet d'une prise en charge adéquate.
Si les causes de la dégradation de la santé périnatale en France restent difficiles à appréhender dans leur globalité, certains facteurs de risques sont bien identifiés : l'âge plus tardif de la grossesse ou encore le mauvais état de santé général, l'obésité et la précarité. Au-delà de ces facteurs de risques individuels, d'autres raisons peuvent être reliées à l'organisation du système de santé et à des facteurs environnementaux : offre de réanimation néonatale insuffisante, défaut d'organisation des soins ou soins sous-optimaux.
Ce constat met en lumière la nécessité de faire évoluer le parcours de soins de la femme et de l'enfant.
Tout d'abord, la disponibilité en nombre suffisant et la formation des professionnels de santé constituent un enjeu majeur.
La santé périnatale connaît la même crise pour les professionnels concernés que notre système de santé en général, peut-être de manière parfois plus sévère. Ainsi, les spécialités de gynécologie-obstétrique, de néonatologie et de pédiatrie n'ont plus aujourd'hui la même attractivité qu'hier auprès des internes en médecine, a fortiori s'agissant de l'exercice hospitalier. Aussi, alors que l'on manque de pédiatres et que les généralistes sont en première ligne, une expérience solide en pédiatrie au cours de la formation des généralistes doit être garantie. De même, il est regrettable que les activités de santé périnatale, particulièrement de pédiatrie, ne soient plus systématiquement pratiquées en stage infirmier.
S'agissant du suivi prénatal, bien qu'il soit dense et relativement bien assuré, il demeure parfois peu clair pour les futurs parents. La parentalité est parfois mal appréhendée, tandis que la grossesse est souvent idéalisée, notamment sous l'influence des représentations véhiculées sur les réseaux sociaux. C'est pourquoi, au-delà d'une meilleure lisibilité du parcours de soins et de l'articulation des dispositifs de référents, la présente proposition de résolution souligne l'intérêt de renforcer la communication grand public autour de la grossesse et la parentalité.
Pour ce qui est du suivi postnatal, les dispositifs d'accompagnement au retour à domicile, comme le Prado maternité, doivent être relancés et renforcés. De surcroît, les services de protection maternelle et infantile (PMI) doivent être rénovés pour trouver une juste place à la fois auprès des professionnels de ville et au sein des structures hospitalières.
Alors que le suicide représente aujourd'hui la première cause de décès maternel dans l'année suivant l'accouchement, que 70 % des femmes déclarent des symptômes de « baby blues » et que la dépression du post-partum touche une mère sur cinq et un père sur dix, il est indispensable de renforcer l'accompagnement en matière de santé mentale.
Concernant l'acte d'accouchement en lui-même, le constat a été fait d'une grande fragilité de notre réseau de maternités sur le territoire. Nombre d'entre elles ont dû voir au cours des dernières années leurs activités partiellement ou totalement suspendues, de manière temporaire ou durable.
Surtout, si ces difficultés touchent souvent des structures qualifiées de « petites maternités », ces risques de fermetures pèsent aujourd'hui sur des structures de taille importante. Si l'interruption de l'activité de petites structures est une source de stress pour les parturientes et, quand elle n'est pas organisée, un risque de pertes de chances, la suspension même temporaire de plus grosses maternités aurait des effets déstabilisateurs bien plus importants pour l'organisation des soins dans nos territoires.
Ces fermetures sont réalisées faute de pouvoir disposer des personnels exigés en secteur de naissance, du fait de la pénurie de professionnels de santé, en partie, et de la perte d'attractivité des carrières hospitalières, notamment dans les petits établissements, au regard des contraintes de gardes fréquentes. Mais elles résultent aussi d'un phénomène plus profond qu'est le souhait de jeunes médecins de travailler dans de grandes structures, au sein desquelles ils trouvent un environnement de travail plus sécurisant, dans des équipes nombreuses, avec des actes plus fréquents et des cas plus complexes.
Cette situation dégradée se nourrit en réalité d'elle-même, de telle sorte que les fermetures temporaires subies agissent souvent comme des signaux de déclassement et donc comme effet repoussoir pour les professionnels comme pour les femmes enceintes. Surtout, la configuration de manques de personnels et les fragilités persistantes de certaines structures poussent à soutenir à bout de bras et à renfort d'intérim coûteux des équipes incomplètes et changeantes, et donc à dégrader la qualité des soins.
Cette situation n'est plus tenable actuellement et le maintien en l'état de l'offre de soins n'est pas viable. Pour citer Yves Ville, il ne s'agit rien de moins que d'un « lent pourrissement ».
Laisser cette restructuration se faire d'elle-même conduirait en réalité à une perte de chances pour toutes et tous, sur l'ensemble du territoire, avec le risque de dégrader encore la situation sanitaire. Maintenir des structures peu sûres, notamment dans les petits établissements, est un facteur d'inégalités sociales et territoriales inacceptables, alors que certaines parturientes bien informées évitent déjà certaines maternités.
L'enjeu de la présente proposition de résolution est donc, dans la continuité du rapport « Transformation de l'offre de soins périnatals dans les territoires : le travail doit commencer », d'apporter, en lien avec le Gouvernement, une réponse organisée et assumée à la fragilité actuelle de l'offre de soins périnatals. La transformation de cette offre de soins ne pourra être établie qu'au regard, d'une part, dans chaque bassin de naissance, d'une connaissance claire des besoins de santé, de l'évolution de la natalité et des indicateurs de santé et, d'autre part, d'un état de la situation et des capacités de prise en charge des structures.