EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs années maintenant, des spécialistes, médecins, psychologues ou orthophonistes, des personnels éducatifs ou chercheurs alertent sur les conséquences de l'exposition des jeunes de plus en plus précoce et importante aux écrans, aux plateformes en ligne et aux réseaux sociaux qui valorisent leur profit, au détriment de la sécurité des plus jeunes. Leurs designs et systèmes algorithmiques de recommandation très addictifs ont en effet des effets néfastes sur la santé physique et mentale des jeunes.

Tout d'abord, leur exposition importante à des écrans peut entraîner des troubles du sommeil et des difficultés de l'attention, un retard dans les apprentissages, par exemple du langage, ou encore le développement d'une myopie... Par ailleurs les mineurs sont régulièrement exposés à des contenus inappropriés à leur âge, à des contenus illicites, haineux ou violents, susceptibles d'affecter durablement leur rapport à eux-mêmes et aux autres, à leur corps, à la sexualité et à leur développement affectif et social.

Confrontés à un phénomène qui a pris une ampleur inquiétante, beaucoup de parents avouent être démunis et la communauté éducative est le plus souvent impuissante.

Dès 2018, dans un rapport d'information fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, « Prendre en main notre destin numérique : l'urgence de la formation », l'auteure de la présente proposition de résolution européenne alertait sur la nécessité d'« apprendre à se servir des écrans et [d']apprendre à s'en passer » et formulait des propositions pour lutter contre la surexposition des enfants aux écrans.

Conduisant parallèlement des travaux sur le numérique pour la commission des affaires européennes du Sénat, elle a très tôt, dès 2013, demandé à ce que la Commission européenne rouvre les négociations sur la directive e-commerce et qu'une véritable régulation des plateformes et des réseaux soit votée.

Plusieurs autres travaux sénatoriaux, notamment le rapport d'information « Porno : l'enfer du décor » de 2022 et le rapport d'information « La tactique Tiktok : opacité, addiction et ombres chinoises » de 2023, ont aussi bien montré les effets néfastes des réseaux sociaux et des plateformes en ligne ainsi que les risques d'addiction, de cyberharcèlement, d'escroquerie ou de « pédopiégeage ».

L'Union européenne, compétente pour la régulation du numérique, a fini par se saisir d'une partie de la question.

Dès 2018, le règlement sur la protection des données (RGPD) a accordé une protection particulière aux données personnelles des mineurs. En 2022, aiguillonnée par plusieurs États membres, l'Union européenne a adopté le Règlement sur les Services Numériques (DSA), qui oblige les plateformes à prendre des mesures identifiées d'atténuation des risques (vérification de l'âge, mise en place d'outils de contrôle parental, interdiction de publicité ciblée, mise en place de « signaleurs de confiance » désignés par l'ARCOM...).

Dans le rapport d'information « Amplifier la législation européenne sur les services numériques (DSA) pour sécuriser l'environnement en ligne » rédigé en 2021, avec sa collègue Florence Blatrix Contat, l'auteure de la présente proposition de résolution européenne avait en outre plaidé pour une exigence accrue et l'interdiction de la publicité ciblée pour les enfants.

Adaptée et confortée par la loi « Sécuriser et réguler l'espace numérique », votée en 2024, cette législation est en cours de déclinaison. La Commission européenne a lancé ses premières enquêtes contre des réseaux sociaux et des sites pornographiques non respectueux de la loi.

L'auteure de la présente proposition de résolution vient précisément de rendre un travail sur l'évaluation de ces mesures, qui nécessitera d'être extrêmement suivi.

Cependant, alors que les phénomènes d'addiction, de cyberharcèlement et d'incitation à la violence ne font qu'augmenter chez les jeunes et que l'on parle aujourd'hui de véritable guerre cognitive visant à affaiblir les jeunes générations, il est désormais nécessaire d'aller plus loin afin de protéger les mineurs en ligne.

Il convient notamment d'établir des normes en matière d'éthique et de respect des droits fondamentaux qui devraient être respectées lors de l'élaboration des algorithmes d'ordonnancement des contenus, de modération et d'adressage de la publicité ciblée utilisés par les fournisseurs de service intermédiaires, selon un principe de « legacy » et « safety by design ».

Des solutions de vérification de l'âge et de logiciels de contrôle parental obligatoires et intégrés à tous les appareils et services accédant à internet et disponibles sur le marché européen doivent être trouvées.

Enfin, une majorité numérique, âge en dessous duquel les mineurs ne pourront pas accéder aux réseaux sociaux, doit être également instaurée. L'auteure de la présente proposition de résolution européenne suggère que celle-ci soit fixée à 15 ans, mais cet âge doit faire l'objet d'un débat entre tous les États membres.

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