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N° 421

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 février 2012

PROJET DE LOI

autorisant la ratification du traité relatif à l'établissement du bloc d' espace aérien fonctionnel « Europe Central » entre la République fédérale d' Allemagne , le Royaume de Belgique , la République française, le Grand-Duché de Luxembourg , le Royaume des Pays-Bas et la Confédération suisse ,

PRÉSENTÉ

au nom de M. François FILLON,

Premier ministre

Par M. Alain JUPPÉ,

ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes

(Envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

I. - CONTEXTE

Le règlement (CE) n° 550/2004 du Parlement Européen et du Conseil du 10 mars 2004 relatif à la fourniture de services de navigation aérienne dans le ciel unique européen, modifié par le règlement (CE) n° 1070/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009, impose aux États de mettre en oeuvre avant le 4 décembre 2012 des blocs d'espace aérien fonctionnels. L'un des objectifs de ce règlement constitutif du paquet « ciel unique européen » est de mettre fin à la fragmentation de l'espace aérien et à certaines discontinuités constatées au passage des frontières.

La démarche retenue par l'Union européenne, qui consiste à laisser aux États l'initiative, participe d'une démarche respectant la souveraineté de ceux-ci en matière d'espace aérien. Dans le même temps, diverses dispositions adoptées par les règlements « ciel unique » tendent à ce que les limites entre blocs d'espace aérien fonctionnels ne soient pas des freins à cette défragmentation et à permettre une gestion du trafic aérien européen formant un continuum dans toute l'Europe du point de vue des compagnies aériennes

Cet objectif a été défendu par la France, même s'il s'est heurté à un certain nombre de difficultés, en particulier la capacité des États regroupés dans un bloc d'espace aérien fonctionnel à harmoniser leurs règles et procédures.

Par ailleurs, la clarification des modalités d'indemnisation des victimes lorsque des raisons opérationnelles ayant conduit un prestataire de services de navigation aérienne situé dans un autre État à assurer le contrôle de la circulation aérienne au-dessus du territoire d'un autre État commet une faute ayant des conséquences dans ce dernier, a fait l'objet de longues négociations pour emporter notamment l'adhésion de l'Allemagne. L'accident d'Überlingen survenu en 2002 en territoire allemand mais imputable à la faute commise par le prestataire suisse a révélé un véritable imbroglio juridique. De nombreuses questions ont été soulevées sur la détermination de la loi applicable et du juge compétent pour traiter des questions de responsabilité civile. Cela a donné lieu à de nombreuses procédures civiles particulièrement complexes. Sous l'impulsion de la France, cette difficulté est contournée dans le traité par la création d'un régime de responsabilité destiné à régir la responsabilité délictuelle des prestataires de services de navigation aérienne lorsqu'ils fournissent des services dans l'espace d'un autre État que celui dont ils relèvent.

II. - PRINCIPALES DISPOSITIONS DU TRAITÉ

Le traité portant création du bloc d'espace aérien fonctionnel « Europe Central » dénommé FABEC (acronyme de Functional Airspace Block Europe Central), signé le 2 décembre 2010, décrit dans son article 3 le volume d'espace aérien dans lequel les dispositions s'appliquent. Il correspond aux espaces aériens confiés par l'Organisation de l'aviation civile internationale aux six pays, à savoir les régions d'information de vol dont les limites pour certaines s'étendent au-dessus de la haute mer, au-delà des frontières physiques.

Il rappelle à l' article 4 que, s'agissant d'espace aérien, la souveraineté des États n'est pas affectée.

L' article 7 fait la synthèse des différents domaines dans lesquels les États parties au traité s'engagent à coopérer : espace aérien (en particulier les aspects transfrontaliers), harmonisation réglementaire en cas de besoin, fourniture des services de navigation aérienne, coopération civile - militaire (l'espace étant cogéré par les deux autorités), politique de redevances commune, surveillance des prestataires de services de navigation aérienne (par accord spécifique en particulier pour traiter les situations transfrontalières) et gestion de la performance commune. On les retrouve ainsi détaillés par chapitre dans le corps du traité. Certains de ces domaines sont directement liés à des règlements d'application de la Commission européenne dans le cadre du paquet ciel unique (performance par exemple).

La gouvernance du FABEC fait l'objet d'un chapitre spécial (chapitre IX). Les décisions du Conseil du FABEC, organe de pilotage du FABEC composé des représentants des États parties au traité ne sont pas du droit dérivé, les six États étant convenus de ne pas créer une organisation internationale jouissant de la personnalité juridique internationale ( article 2.2 ). Afin de donner du poids aux décisions de ce Conseil, tout en conservant un droit de veto à chaque État, l'article 23 précise que les décisions sont prises à l'unanimité des voix, chaque État contractant disposant d'une voix, ces décisions étant considérées comme des décisions des représentants des États du FABEC. Ce même article, au paragraphe 3, précise qu'elles ne peuvent cependant pas être mises en oeuvre sans l'accord des instances législatives nationales, lorsque leur accord est nécessaire.

La responsabilité fait l'objet également d'un chapitre à part (chapitre XI). Le texte prévoit l'obligation pour l'État dans l'espace aérien duquel survient un accident, d'indemniser les victimes, dès lors que cet accident présente un lien de causalité avec le contrôle aérien dans la situation particulière où les services de contrôle sont fournis par un prestataire étranger relevant de l'un des États du FABEC. Un certain nombre de garde-fous sont prévus afin de limiter le risque encouru par les États au regard de l'obligation d'indemnisation des victimes. Le champ d'application est par ailleurs limité aux situations transfrontalières et l'État qui indemnise dispose d'un recours contre le prestataire étranger. Il n'en demeure pas moins que cette disposition fait peser sur les États parties une charge financière potentielle, ce qui aurait été probablement le cas sans disposition précise. L'acceptation d'un tel risque par les États peut s'analyser comme constituant la contrepartie de l'autorisation donnée par un État à un prestataire étranger de fournir des services dans son espace aérien. Elle trouve son fondement juridique dans les dispositions combinées des articles 1 er et 28 de la Convention de Chicago et s'explique par la nature intrinsèquement régalienne des services de contrôle de la circulation aérienne.

Telles sont les principales observations qu'appelle le traité relatif à l'établissement du bloc d'espace aérien fonctionnel « Europe Central » entre la République fédérale d'Allemagne, le Royaume de Belgique, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la Confédération suisse qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'établissement du bloc d'espace aérien fonctionnel « Europe Central » entre la République fédérale d'Allemagne, le Royaume de Belgique, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la Confédération suisse, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée la ratification du traité relatif à l'établissement du bloc d'espace aérien fonctionnel « Europe Central » entre la République fédérale d'Allemagne, le Royaume de Belgique, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la Confédération suisse, signé à Bruxelles le 2 décembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 23 février 2012

Signé : FRANÇOIS FILLON

Par le Premier ministre :

Le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes,

Signé : ALAIN JUPPÉ

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