Exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales

PROJET DE LOI ORGANIQUE

relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales

présenté au nom de M. Lionel JOSPIN,

Premier ministre,

par M. Jean-Pierre CHEVENEMENT

ministre de l'Intérieur





Exposé
des motifs - Texte du projet de loi

EXPOSÉ DES MOTIFS



MESDAMES, MESSIEURS,
Le traité instituant la Communauté européenne, dans son article 8B (premier paragraphe) issu de l'article G du traité sur l'Union européenne, dispose que « tout citoyen de l'Union résidant dans un Etat membre dont il n'est pas ressortissant a le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'Etat membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat. Ce droit sera exercé sous réserve des modalités à arrêter, avant le 31 décembre 1994, par le conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la commission et après consultation du Parlement européen ; ces modalités peuvent prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des problèmes spécifiques à un Etat membre le justifient. »
Le texte intervenu à cet effet est la directive fixant les modalités de l'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales pour les citoyens de l'Union résidant dans un Etat membre dont ils n'ont pas la nationalité, adoptée par le conseil des Communautés européennes le
19 décembre 1994.
Pour en assurer la mise en oeuvre, il est nécessaire de transposer dans son droit les dispositions de nature législative contenues dans ladite directive. Cette transposition doit par ailleurs s'inscrire dans le cadre de l'article 88-3 de notre Constitution, lequel dispose : « Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l'Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d'application du présent article. »
Précisons enfin que, conformément à l'article 14 de la directive précitée, les Etats membres de la Communauté européenne doivent mettre en vigueur avant le 1er janvier 1999 les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour s'y conformer.
Compte tenu de ce qui précède, le présent projet de loi organique prévoit trois séries de mesures : celles destinées à permettre aux citoyens de l'Union non ressortissants français d'exercer leur droit de vote à l'occasion de l'élection des conseillers municipaux dans notre pays ; celles précisant les conditions dans lesquelles ils peuvent être élus ; enfin, celles adaptant les modalités d'élection des sénateurs pour tenir compte de la présence éventuelle au sein des assemblées municipales de conseillers n'ayant pas la nationalité française.
1° La participation des citoyens de l'Union non ressortissants français à l'élection des conseillers municipaux
C'est l'objet de l'article premier du projet de loi organique, qui s'inspire d'ailleurs étroitement des dispositions homologues adoptées dans la loi n° 94-104 du 5 février 1994 pour assurer la participation des citoyens de l'Union à l'élection des représentants de notre pays au Parlement européen.
A cet effet, une section nouvelle est insérée dans le chapitre du code électoral traitant des dispositions applicables dans toutes les communes pour l'élection des conseillers municipaux.
Le premier article de la nouvelle section (article L. O. 227-1) pose le principe de la participation des étrangers communautaires, dès lors qu'ils résident en France, à l'élection des conseillers municipaux dans les mêmes conditions que les Français. Le deuxième (article L. O. 227-2) prévoit que l'exercice de ce droit est subordonné à l'inscription préalable des intéressés sur une liste électorale complémentaire.
Pour assurer une réelle égalité de droits entre les Français et les autres citoyens de l'Union, l'inscription de ces derniers sur une liste électorale complémentaire est soumise aux mêmes règles que celles édictées en ce qui concerne l'inscription des Français sur les listes électorales
(article L. O. 227-3). En particulier, l'établissement et la révision de la liste électorale complémentaire sont confiés aux mêmes autorités que celles compétentes pour l'établissement et la révision des listes électorales ; les citoyens communautaires doivent remplir les mêmes conditions que celles imposées aux Français et les règles du contentieux des listes électorales sont étendues au contentieux des listes électorales complémentaires.
La seule exception à ces principes est que le citoyen de l'Union non français doit produire à l'appui de sa demande d'inscription un document d'identité en cours de validité, ainsi qu'une déclaration précisant notamment qu'il n'est pas privé du droit de vote dans son Etat d'origine et qu'il n'exercera son droit de vote aux élections municipales qu'en France tant qu'il restera inscrit sur une liste électorale complémentaire dans notre pays
(article L. O. 227-4). L'inexactitude de cette déclaration est sanctionnée par l'article L. O. 227-6, tandis que l'article L. O. 227-5 autorise la communication aux autres Etats de l'Union, à leur demande, de l'identité de leurs ressortissants inscrits sur une liste électorale complémentaire.
Les sanctions pénales des fraudes concernant les inscriptions sur les listes électorales sont étendues aux fraudes concernant les inscriptions sur les listes électorales complémentaires (article L. O. 227-5).

2° Les conditions d'éligibilité des citoyens de l'Union non français
Les étrangers communautaires sont éligibles en qualité de conseillers municipaux dans les mêmes conditions que les Français (article 2 du projet de loi organique), sous réserve qu'ils jouissent de leur droit d'éligibilité dans leur Etat d'origine (articles 3 et 4). S'agissant des modalités de dépôt des candidatures dans les communes de 3 500 habitants et plus, elles sont aménagées en tant que de besoin pour répondre à l'hypothèse où des listes de candidats comporteraient des citoyens de l'Union non français (article 5).
Toutefois, les conseillers municipaux qui ne jouissent pas de la nationalité française sont exclus des fonctions de maire ou d'adjoint
(article 8). Par voie de conséquence, doit être réglé le cas où, faute de conseillers municipaux français, les fonctions de maire ou d'adjoint ne pourraient être assurées (article 9).
3° L'adaptation des modalités d'élection des sénateurs
Les conseillers municipaux non français ne peuvent être membres du collège électoral sénatorial ni participer à l'élection des délégués sénatoriaux et de leurs suppléants (article 6).
Par ailleurs, ils ne peuvent être eux-mêmes désignés en qualité de délégués ou de suppléants (article 7).
Enfin, le projet de loi organique est complété par quatre articles traitant de dispositions diverses ou transitoires :
- les articles 10 et 11 permettent, conformément à la directive, la participation des étrangers communautaires à l'élection, d'une part, des conseillers d'arrondissement (dans les trois villes où notre législation a institué des conseils d'arrondissement), d'autre part, de l'organe délibérant des sections de communes ;
- l'article 12 précise que la loi organique est applicable dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte ;
n l'article 13 garantit une exacte application de l'article 14 de la directive, compte tenu de la date prévisible d'adoption de la loi organique. A cet effet, les étrangers communautaires pourront participer aux élections municipales partielles éventuellement organisées avant la clôture de la période de révision des listes électorales 1998/1999 en obtenant leur inscription sur une liste électorale complémentaire avec effet immédiat par le juge du tribunal d'instance selon la procédure prévue par les articles L. 31 à L. 35 du code électoral.

PROJET DE LOI ORGANIQUE



Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'intérieur,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi organique relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et portant transposition de la directive 94/80/CE du
19 décembre 1994, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté au Sénat par le ministre de l'intérieur, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.


CHAPITRE IER
De l'exercice du droit de vote aux élections municipales par les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France
Article 1er
Il est inséré dans le chapitre 1er du titre IV du livre 1er du code électoral, une section 1 bis ainsi rédigée :
« Section 1 bis
« Dispositions spéciales à l'exercice par les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France du droit de vote pour l'élection des conseillers municipaux et des membres du Conseil de Paris
« Art. L. O. 227-1.- Les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France résidant sur le territoire français peuvent participer à l'élection des conseillers municipaux dans les mêmes conditions que les électeurs français, sous réserve des modalités particulières prévues, en ce qui les concerne, par la présente section.
« Pour l'application de la présente section, l'élection des membres du Conseil de Paris est assimilée à celle des conseillers municipaux.
« Art. L. O. 227-2.- Pour exercer leur droit de vote, les personnes visées à l'article L. O. 227-1 doivent être inscrites, à leur demande, sur une liste électorale complémentaire.
« Elles peuvent demander leur inscription si elles jouissent de leur capacité électorale dans leur Etat d'origine et si elles remplissent les conditions légales autres que la nationalité française pour être électeurs et être inscrites sur une liste électorale en France.
« Art. L. O. 227-3.- Pour chaque bureau de vote, la liste électorale complémentaire est dressée et révisée par les autorités compétentes pour dresser et réviser la liste électorale.
« Les dispositions des articles L. 10 et L. 11, L. 15 à L. 41 et L. 43 du présent code, dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la loi organique n° ............du ............, qui sont relatives à l'établissement des listes électorales et au contrôle de leur régularité sont applicables à l'établissement des listes électorales complémentaires et au contrôle de leur régularité. Les droits conférés par ces articles aux nationaux français sont exercés par les personnes mentionnées à l'article L. O. 227-1.
« En sus des indications prescrites par les articles L. 18 et L. 19, la liste électorale complémentaire mentionne la nationalité des personnes qui y figurent.
« Les recours prévus au deuxième alinéa de l'article L. 25 peuvent être exercés par les électeurs français et par les personnes inscrites sur la liste électorale complémentaire tant en ce qui concerne la liste électorale que la liste électorale complémentaire.
« Art. L. O. 227-4.- Outre les justifications exigibles des ressortissants français, le ressortissant d'un Etat de la Communauté européenne autre que la France produit, à l'appui de sa demande d'inscription sur une liste électorale complémentaire, un document d'identité en cours de validité et une déclaration écrite précisant :
« a) sa nationalité ;
« b) son adresse sur le territoire de la République ;


« c) qu'il n'est pas privé du droit de vote dans l'Etat dont il est ressortissant ;
« d) qu'il n'exercera son droit de vote aux élections municipales qu'en France aussi longtemps qu'il sera inscrit sur la liste complémentaire.
« Art. L. O. 227-5.- L'identité de leurs ressortissants inscrits sur une liste électorale complémentaire est communiquée, sur leur demande, aux autres Etats membres de la Communauté européenne.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article.
« Art. L. O. 227-6.- Est rayé d'office de la liste électorale complémentaire, tout ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France qui aura contrevenu à l'engagement pris par lui de n'exercer son droit de vote aux élections municipales qu'en France.
« En outre, si l'intéressé est titulaire du mandat de conseiller municipal, il sera déclaré démissionnaire d'office de ce dernier par le représentant de l'Etat dans le département ou le territoire.
« Art. L. O. 227-7.- Est passible d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 100 000 F :
« a) toute personne qui se sera fait inscrire sur la liste électorale complémentaire sous de faux noms ou de fausses qualités ou aura, en se faisant inscrire, dissimulé une incapacité, ou aura réclamé et obtenu une inscription sur deux ou plusieurs listes ;
« b) toute fraude dans la délivrance ou la production d'un certificat d'inscription ou de radiation des listes électorales complémentaires ;
« c) toute personne qui, à l'aide de déclarations frauduleuses ou de faux certificats, se sera fait inscrire ou aura tenté de se faire inscrire sur une liste électorale complémentaire, ou qui, à l'aide des mêmes moyens, aura fait inscrire ou rayer, tenté de faire inscrire ou rayer indûment une autre personne de cette liste. »

CHAPITRE II
Des règles spécifiques d'éligibilité des ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France.
Article 2
Il est inséré dans le code électoral un article L. O. 228-1 ainsi rédigé :
« Art. L. O. 228-1.- Sont en outre éligibles au conseil municipal ou au Conseil de Paris les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne autres que la France qui :
« a) soit sont inscrits sur la liste électorale complémentaire de la commune ;
« b) soit remplissent les conditions légales autres que la nationalité française pour être électeurs et être inscrits sur une liste électorale complémentaire en France et sont inscrits au rôle d'une des contributions directes de la commune ou justifient qu'ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l'année de l'élection. »
Article 3
Il est inséré dans le code électoral un article L. O. 230-2 ainsi rédigé :
« Art. L. O. 230-2.- Ne peuvent être conseillers municipaux ni membres du Conseil de Paris les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne autres que la France déchus du droit d'éligibilité dans leur Etat d'origine. »
Article 4
Il est inséré dans le code électoral un article L. O. 236-1 ainsi rédigé :
« Art. L. O. 236-1.- Tout conseiller municipal ou membre du Conseil de Paris ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France, qui pour une cause survenue postérieurement à son élection se trouve dans le cas d'inéligibilité prévu par l'article
L. O. 230-2, est déclaré démissionnaire d'office par le représentant de l'Etat dans le département ou le territoire. »
Article 5
Il est inséré dans le code électoral un article L. O. 265-1 ainsi rédigé :
« Art. L. O. 265-1.- Chaque fois qu'une liste comporte la candidature d'un ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France, la nationalité de celui-ci est portée sur la liste en regard de l'indication de ses nom, prénoms, date et lieu de naissance.
« En outre, est exigée de l'intéressé la production :
« a) d'une déclaration certifiant qu'il n'est pas déchu du droit d'éligibilité dans l'Etat dont il a la nationalité ;
« b) des documents officiels qui justifient qu'il satisfait aux conditions d'éligibilité posées par l'article L. O. 228-1.
« En cas de doute sur le contenu de la déclaration visée au a) ci-dessus, est exigée, avant ou après le scrutin, la présentation d'une attestation des autorités compétentes de l'Etat dont l'intéressé a la nationalité, certifiant qu'il n'est pas déchu du droit d'éligibilité dans cet Etat ou qu'une telle déchéance n'est pas connue desdites autorités. »

CHAPITRE III
Du collège électoral sénatorial
Article 6
Il est inséré dans le code électoral un article L. O. 286-1 ainsi rédigé :
« Art. L. O. 286-1.- Les conseillers municipaux et les membres du Conseil de Paris qui n'ont pas la nationalité française ne peuvent ni être membres à un titre quelconque du collège électoral sénatorial ni participer à l'élection à ce collège de délégués, de délégués supplémentaires et de suppléants. »
Article 7
Il est inséré dans le code électoral un article L. O. 287-1 ainsi rédigé :
« Art. L. O. 287-1.- Lors de l'élection des délégués, des délégués supplémentaires et des suppléants au collège électoral sénatorial, le choix des conseillers municipaux ou des membres du Conseil de Paris ne peut porter sur une personne qui n'a pas la nationalité française. »

CHAPITRE IV
Des fonctions de maire et d'adjoints
Article 8
Il est inséré dans le code général des collectivités territoriales un article L. O. 2122-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. O. 2122-4-1.- Le conseiller municipal qui n'a pas la nationalité française ne peut être élu maire ou adjoint, ni en exercer même temporairement les fonctions ».
Article 9
La section 3 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. O. 2121-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. O. 2121-6-1.- Si, au sein d'un conseil municipal ou du Conseil de Paris, le nombre de conseillers de nationalité française est insuffisant pour permettre l'élection du maire et d'un adjoint, le conseil est dissous de plein droit. »

CHAPITRE V
Dispositions diverses et finales
Article 10
Il est inséré dans le code électoral un article L. O. 271-1 ainsi rédigé :
« Art. L. O. 271-1.- Lorsqu'ils sont inscrits sur la liste électorale complémentaire de la commune établie en application de l'article L. O. 227-2, les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France participent à l'élection des conseillers d'arrondissement dans les mêmes conditions que les électeurs français. »
Article 11
Il est inséré dans le code des communes un article L. O. 151-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. O. 151-3-1.- Lorsqu'ils sont inscrits sur la liste électorale complémentaire de la commune établie en application de l'article L. O. 227-2 du code électoral, les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France participent à l'élection de l'organe délibérant d'une section de commune dans les mêmes conditions que les électeurs français. »
Article 12
Les dispositions de la présente loi organique sont applicables dans les territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte.
Article 13
A titre transitoire et jusqu'au 1er mars 1999, les personnes mentionnées à l'article L. O. 227-1 du code électoral peuvent demander leur inscription sur une liste électorale complémentaire dans les conditions prévues par les articles L. 31 à L. 35 dudit code.


Fait à Paris, le 2  juillet  1997

Signé : LIONEL JOSPIN
Par le Premier ministre :
Le ministre de l'intérieur,

Signé : Jean-Pierre CHEVÈNEMENT


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