N° 506

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2004-2005

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 13 juillet 2005

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 septembre 2005

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à restaurer les droits du Parlement,

PRÉSENTÉE

Par MM. Claude BIWER, Marcel DENEUX, Jean-Léonce DUPONT, Mme Gisèle GAUTIER, MM. Adrien GIRAUD, Jean-Claude MERCERON, Yves POZZO di BORGO, Mme Françoise FÉRAT, M. Jean-Jacques JÉGOU,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Parlement.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Tous les responsables des formations politiques reconnaissent qu'il conviendrait de réformer les institutions de la V ème République, le degré d'intensité des réformes à entreprendre étant évidemment variable suivant que l'on se situe dans l'opposition ou dans la majorité.

D'aucuns reconnaissent, par exemple, que la « monarchie présidentielle à la française » introduite par la réforme constitutionnelle de 1962, sans véritable contre-pouvoir au niveau du Parlement, doit être revue.

Mais l'expérience prouve également que les bonnes intentions exprimées par les formations politiques de toutes sensibilités lorsqu'elles sont dans l'opposition suggérant, à la veille d'échéances électorales majeures, « qu'il est indispensable et urgent de  renforcer les droits du Parlement » demeurent souvent lettre morte une fois arrivées au pouvoir, le Président de la République du moment se satisfaisant parfaitement d'une situation qui demeure tout à son avantage.

L'abaissement du rôle du Parlement induit par la Constitution de 1958 s'explique, tout naturellement, par des raisons historiques et notamment du fait de la très grande instabilité ministérielle qu'a connue la IV ème République : les Constituants de 1958 ont dès lors cru devoir mettre en place des institutions à l'origine, il faut bien le dire, taillées sur mesure pour le Général de Gaulle, offrant une plus grande stabilité, en renforçant les pouvoirs du Président de la République au détriment du Parlement et en introduisant le scrutin majoritaire pour l'élection des députés à l'Assemblée nationale.

Avec, désormais, 47 années de recul on perçoit mieux les avantages et les inconvénients de cette réforme : des majorités stables voire massives ont, effectivement, pu être dégagées à l'Assemblée nationale au risque de se transformer quelquefois en « chambre introuvable » puisque avec seulement 30 ou 35% des suffrages exprimés au 1 er tour, une formation politique peut y détenir une écrasante majorité des sièges alors que d'autres formations n'y sont pas représentées du tout !

Le rôle et les pouvoirs du Président de la République ont été très nettement renforcés, sauf il est vrai en période de cohabitation, éventualité qui n'a sans doute pas été envisagée par les constituants de 1958 mais dont il convient de bien avoir à l'esprit que, contrairement à ce que souhaitaient leurs promoteurs, la réduction de la durée du mandat du Président de la République et l'organisation des élections législatives à la suite des élections présidentielles ne saurait nous mettre à l'abri d'une nouvelle période de cohabitation.

Quant au Parlement, il a subi une « diminutio capétis » sans précédent.

- le Parlement peut être privé de son pouvoir législatif en autorisant le Gouvernement à légiférer en ses lieu et place par ordonnances ;

- le Gouvernement est maître de l'ordre du jour du Parlement : ainsi, depuis 2001, 22 propositions de loi adoptées soit par l'Assemblée nationale, soit par le Sénat au cours des séances réservées n'ont pas été inscrites à l'ordre du jour de l'autre assemblée ;

- les amendements présentés par les députés et les sénateurs ayant une incidence financière ne sont pas recevables ;

- l'Assemblée nationale ou le Sénat peuvent se voir imposer un vote bloqué sur un texte restreignant, de fait, leur capacité d'amendement ;

- le « dernier mot » octroyé à l'Assemblée nationale constitue une diminution sans précédent des pouvoirs du Sénat, voire une défiance à son égard ;

- un texte peut être « considéré comme adopté » en cas d'engagement de la responsabilité du Gouvernement sauf vote d'une motion de censure : cela veut dire qu'un projet de loi présenté par le Gouvernement pourra être appliqué sans que l'Assemblée nationale ne l'ait formellement approuvé et malgré l'éventuelle opposition du Sénat.

La présente proposition de loi n'a pas pour prétention d'instaurer, comme le suggèrent certains, une VI ème République mais à tout le moins, tout en demeurant dans le cadre de la V ème République, d'assurer un meilleur équilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

C'est ainsi que nous suggérons, en premier lieu, que le régime électoral des assemblées parlementaires soit régi par une loi organique et non par une loi ordinaire.

En second lieu, nous proposons de supprimer l'article 38 de la Constitution relatif aux ordonnances : le Parlement siège, désormais, en session unique d'une durée de 9 mois cela devrait constituer un temps suffisant pour pouvoir examiner tous les projets de loi que souhaite lui soumettre le Gouvernement sans avoir besoin de se dessaisir de son pouvoir législatif à son profit.

En 3 ème lieu, nous proposons de compléter l'article 40 de la Constitution en rendant recevables les amendements financiers présentés par les députés et les sénateurs à condition qu'ils comportent une compensation.

En 4 ème lieu, nous proposons la suppression du vote unique ou bloqué qui ne fait pas honneur à une démocratie parlementaire.

En 5 ème lieu, nous souhaitons donner une importance accrue à la concertation entre les deux assemblées à travers la commission mixte paritaire en l'incitant à aboutir à un accord ; cette réforme s'appliquerait également aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. L'Assemblée nationale et le Sénat seraient mis sur un pied d'égalité en matière législative, aucune raison ne justifiant la différence de traitement actuelle.

En 6 ème lieu, si l'on peut concevoir que le Gouvernement demeure maître de l'ordre du jour du Parlement s'agissant des projets de loi qu'il souhaite lui soumettre par priorité, il serait hautement souhaitable que les propositions de loi adoptées par l'Assemblée nationale ou par le Sénat au cours des séances réservées par priorité à l'ordre du jour fixé par chaque assemblée puissent être portées à la connaissance et, le cas échéant, adoptées par l'autre assemblée : dans cet esprit, nous proposons que deux séances par mois soient désormais réservées par priorité à l'ordre du jour fixé par chaque assemblée et que l'ordre du jour des assemblées comporte, par priorité et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé, la discussion des projets de loi déposés par le Gouvernement et des propositions de loi adoptées par l'une ou l'autre des assemblées.

En dernier lieu, l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur un projet de loi ne serait plus possible de manière à rendre à l'Assemblée nationale la plénitude de son pouvoir législatif : rappelons qu'un texte peut être « considéré comme adopté » sauf si une motion de censure est votée. Or, en 47 ans, seule une motion de censure fut adoptée !

Telles sont les modifications que nous souhaitons voir apportées à la Constitution de la Vème République afin de restaurer les droits du Parlement et ce sont toutes les raisons pour lesquelles, nous vous prions de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article 1 er

Au premier alinéa de l'article 25 de la Constitution, après les mots « Une loi organique fixe » sont insérés les mots : « le régime électoral des assemblées parlementaires, ».

Article 2

L'article 38 de la Constitution relatif aux ordonnances est abrogé.

Article 3

L'article 40 de la Constitution est complété par les mots : « non compensées par une recette d'un montant équivalent ».

Article 4

Le dernier alinéa de l'article 44 de la Constitution relatif au vote unique ou bloqué est supprimé.

Article 5

Les deux derniers alinéas de l'article 45 de la Constitution sont ainsi rédigés :

« Le texte élaboré par la commission mixte paritaire est soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux assemblées. Aucun amendement n'est recevable.

« Si la Commission mixte paritaire ne parvient pas à l'adoption d'un texte commun , le texte est retiré de l'ordre du jour des assemblées. »

Article 6

Le troisième alinéa de l'article 46 de la Constitution est supprimé.

Article 7

Les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 47 de la Constitution relatifs aux lois de finances sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

«  L'Assemblée nationale et le Sénat disposent chacun de vingt-cinq jours pour statuer sur les projets de loi de finances. Si aucun accord n'a pu être trouvé entre les deux assemblées et dans l'attente de l'adoption d'un nouveau texte, le Gouvernement est autorisé à percevoir les impôts et peut ouvrir par décret les crédits se rapportant à la loi de finances de l'année précédente ».

Article 8

Les deuxième et troisième alinéas de l'article 47-1 de la Constitution relatifs aux projets de loi de financement de la sécurité sociale sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« L'Assemblée nationale et le Sénat disposent chacun de dix jours pour statuer sur les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Si aucun accord n'a pu être trouvé entre les deux assemblées et dans l'attente de l'adoption d'un nouveau texte, les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année précédente peuvent, provisoirement, être mises en oeuvre ».

Article 9

1°) A la fin du 1 er alinéa de l'article 48 de la Constitution les mots « acceptées par lui » sont remplacés par les mots : « adoptées par l'une ou l'autre des assemblées conformément aux dispositions du dernier alinéa du présent article ».

2°) Au début du dernier alinéa du même article, le mot : « Une » est remplacé par le mot : « Deux ».

Article 10

Le troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution est supprimé.

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