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N° 423

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 mai 2009

PROPOSITION DE LOI

relative à la sécurisation des réseaux de distribution d'électricité contre les intempéries liées aux changements climatiques ,

PRÉSENTÉE

Par M. Xavier PINTAT,

Sénateur

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

À dix ans d'intervalle, en 1999 et 2009, le territoire français métropolitain a été confronté à des intempéries particulièrement violentes qui ont occasionné de très nombreux dommages aux réseaux de distribution d'électricité et provoqué des interruptions d'alimentation électrique d'une durée de plusieurs jours dans certaines communes.

Le pic de foyers privés d'électricité a atteint 1,7 million en 2009 (représentant plus de 5 millions de personnes physiques) ; il avait été de 3,45 millions de foyers (représentant environ 11 millions de personnes physiques) en 1999.

Si le périmètre d'impact de ces événements climatiques a été certes différent - les tempêtes de décembre 1999 ayant touché tant la moitié nord que la moitié sud du territoire national, alors que celles du début de 2009 ont été heureusement circonscrites aux départements du sud-ouest - il n'en demeure pas moins que la récurrence sur une décennie seulement d'épisodes tempétueux de cette nature témoigne que leur probabilité est sans doute désormais beaucoup plus élevée que ne le prévoyaient les anciens modèles météorologiques.

La fragilité mécanique des ouvrages aériens de transport et de distribution d'électricité dans ce type de situation est manifeste. Dans le cas des tempêtes des 26 et 28 décembre 1999, près de 12 000 kilomètres de lignes, dont plus d'une centaine de kilomètres de lignes Très Haute Tension (THT), ont été détruits ou fortement endommagés à l'échelle nationale. S'agissant de la seule distribution publique d'énergie, ce sont à l'époque 3 800 kilomètres de réseau qui ont été détruits, et 8 000 kilomètres qui ont été gravement endommagés, soit un total de 11 800 kilomètres dont 6 000 kilomètres en HTA et 5 800 kilomètres en BT ; 54 800 supports ont également subi des dommages, dont 40 % en HTA et 60 % en BT.

En ce qui concerne les événements climatiques du début de 2009, les données sont encore actuellement trop fragmentaires pour en établir un bilan complet et fiable. En particulier, ERDF, qui exploite ces réseaux, n'a toujours pas communiqué, ni aux autorités concédantes des départements touchés, ni au Fonds d'amortissement des charges d'électrification, d'éléments exhaustifs sur les dommages subis par les ouvrages. Il semble qu'au minimum 1 500 km de lignes de distribution aient été impactés, mais un diagnostic sérieux reste à faire.

En tout état de cause, le constat des conséquences dommageables très importantes d'une tempête pourtant limitée au sud-ouest de notre pays, qui a conduit à mobiliser des moyens humains et matériels bien au-delà des seules régions concernées, conduit à conclure par extrapolation que, confronté à une tempête majeure d'ampleur nationale, comme en 1999, notre pays serait, aujourd'hui encore, dans l'incapacité de garantir à nos concitoyens la sécurité minimale d'approvisionnement électrique qui leur est pourtant indispensable.

C'est en effet le fonctionnement de services publics ou d'intérêt général aussi fondamentaux que la distribution d'eau potable ou la téléphonie filaire ou mobile, ainsi que de larges pans de l'économie des territoires concernés, qui se trouvent dans une telle situation également compromis, voire totalement interrompu.

Par ailleurs, en dehors de ces événements climatiques exceptionnels, la fragilité croissante des réseaux de distribution d'électricité s'observe d'année en année, avec une inexorable érosion de la qualité de l'énergie électrique et une augmentation du temps moyen de coupure par abonné et par an, passé de 56 minutes en 2004 à 72 minutes en 2006, 66 en 2007, 76 en 2008 (toutes causes confondues, le temps de coupure moyen est passé de 72 minutes en 2007 à 93 minutes en 2008).

Cette dégradation tient sans doute à plusieurs facteurs ; l'un des plus déterminants provient des caractéristiques physiques de nos réseaux de distribution d'électricité, qui se singularisent par un pourcentage très élevé - et atypique en Europe - de lignes aériennes BT en fils nus.

Ce linéaire peut être estimé à 120 000 km, soit environ 20 % des 600 000 km de lignes de distribution en basse tension. Il est à souligner que cette technologie est interdite depuis plus de quinze ans par l'arrêté technique régissant la construction des nouvelles lignes de distribution et qu'elle a complètement disparu du réseau allemand.

Ces 20 % de lignes aériennes en fils nus sont la composante la plus fragile du parc aérien (environ deux tiers du linéaire total des ouvrages de distribution), qui comprend également des ouvrages en câbles torsadés, certes isolés, mais dont les performances en termes de continuité d'alimentation restent toutefois sensiblement inférieures à celles des ouvrages souterrains. Il y a en effet environ deux fois moins d'incidents sur un réseau souterrain que sur un réseau aérien, les réseaux souterrains étant non seulement mieux protégés contre les effets des intempéries, mais ayant également des conséquences indirectes sur l'ensemble des installations, en réduisant sensiblement le nombre des surtensions ou des courts-circuits.

Dans ces conditions, on conçoit que la faiblesse de la proportion de réseaux en souterrain en France, en comparaison des pays voisins, soit un facteur et donc un indicateur de vulnérabilité, dont la fragilité avérée de nos ouvrages dans un contexte d'intempéries sévères confirme le diagnostic. Rappelons, à titre indicatif, que la proportion de linéaire en souterrain, qui demeure inférieure à 40 % dans notre pays, atteint plus des trois quarts des longueurs de réseaux de distribution en Allemagne, et environ les deux tiers de ces longueurs en Grande-Bretagne. Pour la seule basse tension, le pourcentage des lignes souterraines dépasse même les 80 % dans ces deux pays.

Comprenant une proportion de lignes aériennes beaucoup trop élevée, composées de surcroît, pour la basse tension, pour un cinquième de fils nus alors que cette technologie a totalement disparu en Allemagne, nos réseaux de distribution d'électricité doivent pouvoir bénéficier très rapidement d'un effort de modernisation volontariste et de grande ampleur.

Dans cette perspective, les collectivités locales ou leurs groupements exerçant la compétence d'autorités organisatrices de la distribution d'électricité, propriétaires des réseaux de distribution d'électricité en basse et moyenne tension, et garantes du bon fonctionnement de ce service public vis-à-vis de ses utilisateurs, sont très nombreuses à souhaiter prendre désormais l'initiative d'une approche cohérente et programmée, en liaison avec les gestionnaires de ces réseaux, au premier rang desquels ERDF, des investissements à réaliser afin de sécuriser l'alimentation électrique face à la montée des risques climatiques, et des financements à mobiliser à cette fin.

Il semble tout particulièrement opportun de privilégier trois orientations :

- prévoir l'élaboration, par les autorités organisatrices de la distribution d'électricité, en concertation avec leurs gestionnaires de réseaux, de schémas de protection de leurs réseaux contre les risques climatiques, comprenant d'une part un diagnostic des fragilités mécaniques de ces réseaux et d'autre part des préconisations d'améliorations réduisant ou supprimant ces fragilités ;

- inciter les collectivités territoriales qui perçoivent la taxe sur l'électricité à contribuer financièrement aux travaux de sécurisation des réseaux de distribution d'électricité situés sur leurs territoires, ces travaux d'investissement concourant d'ailleurs à l'impératif de relance de l'économie auquel nous sommes actuellement confrontés ;

- dans le but de favoriser le renouvellement du parc d'ouvrages et l'élimination des lignes obsolètes, préciser le régime des provisions afférentes aux renouvellements à réaliser avant le terme du contrat de concession, dont ce contrat prévoit en règle générale le principe, mais dont la couverture par les tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution est actuellement juridiquement imprécise, ce qui peut mettre ERDF en difficultés sur ce point.

Il semble opportun d'insérer ce dispositif dans le chapitre III de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, relatif à la sécurité et à la sûreté des réseaux et à la qualité de l'électricité.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Après l'article 21-1 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, sont insérés deux articles ainsi rédigés :

« Art. 21-2 - Les autorités organisatrices mentionnées à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales élaborent des schémas de protection de leurs réseaux publics de distribution d'électricité contre les risques climatiques, prévoyant la réalisation de travaux de sécurisation mécanique de ces réseaux selon un échéancier d'une durée maximum de cinq ans.

« Chaque schéma de protection du réseau public de distribution d'électricité est adopté par l'instance délibérante ou l'organe délibérant de l'autorité organisatrice, après avis du ou des gestionnaires de son réseau. Il comprend un inventaire du réseau de distribution, l'identification des ouvrages et parties de réseau présentant une fragilité au regard des risques d'intempéries, les préconisations techniques relatives à la suppression ou à la réduction de cette fragilité et la détermination des opérations de travaux de sécurisation préventive à réaliser en conséquence, ainsi que l'évaluation du coût de celles-ci.

« Lorsque l'autorité organisatrice unique mentionnée au IV de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales n'a pas été constituée, les schémas élaborés par les autorités organisatrices du département sont transmis à la conférence prévue par l'article susmentionné.

« La maîtrise d'ouvrage des travaux figurant sur ces schémas est exercée par l'autorité organisatrice ou le gestionnaire de réseau conformément aux dispositions des cahiers des charges de concession ou des règlements de service des régies.

« Le maître d'ouvrage peut subordonner la réalisation d'une opération de sécurisation préventive concernant le territoire d'une collectivité territoriale mentionnée aux articles L. 2333-2 et L. 3333-2 du code général des collectivités territoriales, qui n'exerce pas elle-même les compétences visées à l'article L. 2224-31 de ce code, au versement par cette collectivité d'une contribution au maître d'ouvrage.

« Un décret détermine en tant que de besoin les conditions et modalités d'application du présent article. »

« Art. 21-3 - Les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité ayant, en vertu d'un contrat de délégation de service public ou d'un règlement de service de régie, l'obligation de procéder, avant l'expiration du contrat de concession ou avant la date prévue par le règlement de service et dans des conditions déterminées par ce contrat ou ce règlement, au renouvellement d'ouvrages dont ils assurent l'exploitation évaluent, de manière prudente, ces charges de renouvellement, et constituent des provisions afférentes à ces charges.

« La couverture des dotations correspondantes est assurée, pour chaque exercice, par le produit du tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution d'électricité mentionné à l'article 4 de la présente loi. Le gestionnaire de réseau affecte à la couverture de ces provisions les actifs nécessaires.

« Les gestionnaires de réseaux transmettent chaque année à l'autorité organisatrice de chacun des réseaux dont ils assurent l'exploitation un compte rendu décrivant l'évaluation des charges susmentionnées, les méthodes appliquées pour le calcul des provisions afférentes à ces charges, ainsi que l'utilisation de celles-ci pour le financement des travaux de renouvellement réalisés au cours de l'exercice. Ils communiquent à sa demande à l'autorité organisatrice copie de tous documents comptables ou pièces justificatives.

« Un décret détermine en tant que de besoin les conditions et modalités d'application du présent article.»

Article 2

I. - Les éventuelles conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de la présente loi sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

II. - Les pertes de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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