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N° 767

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 septembre 2012

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la protection pénale des forces de sécurité et l'usage des armes à feu ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Louis NÈGRE, Pierre CHARON, René BEAUMONT, Michel BÉCOT, Mme Natacha BOUCHART, MM. Christian CAMBON, Jean-Noël CARDOUX, Gérard CÉSAR, Jean-Pierre CHAUVEAU, Mme Isabelle DEBRÉ, M. Roland du LUART, Mme Marie-Annick DUCHÊNE, MM. Alain DUFAUT, Hubert FALCO, Mme Jacqueline FARREYROL, MM. Louis-Constant FLEMING, Bernard FOURNIER, Jean-Paul FOURNIER, Jacques GAUTIER, Bruno GILLES, Mme Colette GIUDICELLI, M. François GROSDIDIER, Mme Christiane HUMMEL, MM. Roger KAROUTCHI, Marc LAMÉNIE, Antoine LEFÈVRE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-François MAYET, Jackie PIERRE, Mme Catherine PROCACCIA, M. Bernard SAUGEY, Mme Esther SITTLER, MM. François TRUCY, René VESTRI, François-Noël BUFFET, Michel SAVIN, Gérard CÉSAR, Michel HOUEL et Marcel-Pierre CLÉACH,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a pour objet de faire évoluer le droit de la légitime défense dans un sens plus protecteur pour les fonctionnaires de police.

Cette protection se justifie pour des raisons évidentes compte tenu de l'augmentation de la violence des agressions commises à l'égard des forces de police.

Le contexte actuel est alarmant.

Le drame récent de Collobrières, avec deux gendarmes assassinés, encore présent dans tous les esprits confirme l'extrême dangerosité des malfaiteurs. Certains n'hésitent plus à ouvrir le feu face aux policiers.

Plus récemment, lors d'un cambriolage, une policière cagnoise a été contrainte, au vu de la législation actuelle, de rengainer son arme, alors même qu'elle était violemment et volontairement agressée. Ce geste aurait pu lui être fatal.

La mort du Lieutenant Éric LALÈS touché par des tirs de kalachnikov le 28 novembre 2011 alors qu'il poursuivait des cambrioleurs l'illustre également tragiquement. Les agressions pouvant conduire à des blessures très graves voire attenter à la vie même des agents se multiplient malheureusement toutes les semaines. Les 16 et 17 septembre 2012 à nouveau, deux policiers ont été violement agressés à Mulhouse et à Nice.

Ces situations sont malheureusement trop nombreuses, et par peur de poursuites administratives ou judiciaires, des policiers ont pu hésiter à se défendre, devant des agresseurs dénués de tout scrupule.

Aujourd'hui, nos policiers et nos gendarmes sont quotidiennement confrontés à des situations très dangereuses. Ils doivent faire face à une nouvelle forme de délinquance, dont les acteurs n'hésitent pas à utiliser des armes de guerre contre eux. Leurs actions se font désormais de plus en plus fréquemment au péril de leur vie. Cet état de fait ne saurait perdurer.

Dans la conjoncture de cette nouvelle criminalité, plus violente et banalisée, il faut donner aux forces de l'ordre les moyens de se protéger et de pouvoir exercer leur mission le plus sûrement possible. Contrairement aux gendarmes et aux douaniers qui peuvent le faire après des sommations verbales et dans des conditions limitatives, les policiers ne sont autorisés à faire usage de leur arme à feu qu'en réponse à une agression de même nature.

Mais le strict respect de la légitime défense, en l'état actuel du droit, met quasiment sur le même plan les malfaiteurs et les forces de l'ordre. C'est moralement, psychologiquement et concrètement inadmissible. Le droit commun qui s'applique aux policiers n'est donc plus adapté.

Cette insécurité juridique est malheureusement confirmée par la qualification d'homicide volontaire retenue par le Parquet de Bobigny à l'encontre d'un policier, après le décès d'un homme recherché pour des vols à main armée lors d'une intervention à Noisy-le-Sec, le 21 avril 2012. Il est inacceptable qu'aujourd'hui, en France, un policier doive avoir été blessé pour être juridiquement en mesure de riposter. Le fondement même de l'État de droit suppose qu'un policier agissant dans l'exercice de ses fonctions ne soit pas mis sur le même plan qu'un délinquant.

Par ailleurs, la mission de réflexion sur la protection fonctionnelle des policiers et des gendarmes mise en place par le ministre de l'intérieur, a malheureusement écarté l'option consistant à créer un nouveau cas de présomption de légitime défense, méconnaissant ainsi la gravité de la situation.

C'est pour tenter de remédier à cette situation inacceptable que la législation doit être adaptée. Elle doit donner la possibilité aux policiers de faire usage de leurs armes dans un cadre légal protecteur des forces de l'ordre et sous réserves de certaines conditions limitatives. Plusieurs pays européens disposent d'ailleurs d'un cadre juridique similaire. Dans un État de droit, si les délinquants bénéficient de la présomption d'innocence, il est tout aussi légitime que les forces de police bénéficient de la présomption de légitime défense.

C'est la raison pour laquelle la présente proposition de loi a pour objectif de compléter les dispositions du code pénal, afin de créer une présomption de légitime défense spécifique aux forces de l'ordre et de définir très précisément le cadre légal de l'usage de leurs armes.

Tels sont les motifs pour lesquels il vous est demandé de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

La loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure est complétée par un article 143 ainsi rédigé :

« Art. 143. - Les fonctionnaires des services actifs de la police nationale peuvent, en l'absence de l'autorité judiciaire ou administrative, déployer l'usage des armes dans les cas suivants :

« 1° Lorsque des violences, des voies de fait ou tentatives d'agressions sont exercées délibérément contre eux ou lorsqu'ils sont menacés par des individus armés dès lors qu'il y a eu sommation ;

« 2° Lorsqu'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ou, enfin, si la résistance est telle qu'elle ne puisse être vaincue que par la force des armes ;

« 3° En cas de crimes ou de délits graves, lorsque les personnes invitées à s'arrêter par des appels répétés de « halte police » faits à haute voix cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et ne peuvent être contraintes de s'arrêter que par l'usage des armes ;

« 4° Lorsqu'ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt.

« Ils sont également autorisés à faire usage de tous engins ou moyens appropriés pour immobiliser les moyens de transport quand les conducteurs ne s'arrêtent pas à leurs sommations. »

Article 2

Il est ajouté deux alinéas à l'article 122-6 du code pénal ainsi rédigés :

« 3° Dans le cadre des autorisations accordées aux officiers et sous-officiers de gendarmerie à l'article L. 2338-3 du code de la défense.

« 4° Dans le cadre des autorisations accordées aux fonctionnaires des services actifs de la police nationale à l'article 143 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. »

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