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N° 686

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 juillet 2014

PROPOSITION DE LOI

tendant à renforcer l' information des maires et des préfets sur les donations de biens immeubles ,

PRÉSENTÉE

Par M. Marcel-Pierre CLÉACH,

Sénateur

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à préserver les communes contre les « fausses donations » de terrains agricoles, terrains sur lesquels le maire découvre ultérieurement des constructions plus ou moins précaires pour habitations, ou des installations sauvages de parkings pour caravanes, des dépôts de toutes sortes, des entrepôts pour ferrailles voire des casses non déclarées de véhicules.

On assiste en effet à la multiplication des ventes de parcelles agricoles, déguisées en donations, afin de contourner le droit de préemption des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) et de modifier la destination des terres agricoles. Outre le fait qu'un tel détournement des terres agricoles porte préjudice au foncier agricole et à la qualité des paysages, il ne va pas sans soulever pour les maires un grand nombre de difficultés puisque d'une part peuvent se poser des problèmes d'insalubrité publique pour les terrains figurant aux plans de prévention des risques, et que d'autre part ces parcelles, faute d'être destinées à de l'habitation, ne bénéficient pas de connections aux réseaux publics d'eau et d'assainissement.

De plus en plus fréquemment, ces donations de terres agricoles interviennent après un retrait de vente, parfois même elles sont effectuées suite à une préemption en révision des prix. Dans ces hypothèses, il est permis de douter de l'intention libérale. De fait, il s'agit bien souvent de transactions dissimulées dans le but de changer la destination agricole des terres.

Notre droit de l'urbanisme s'efforce de trouver un juste équilibre entre le nécessaire développement des constructions et activités, la protection des espaces naturels, le respect du droit de propriété et la sauvegarde de l'intérêt général.

L'idée pour remédier à cette difficulté de créer un droit de préemption des SAFER sur les donations ne semble pas pertinente notamment parce que cela pourrait contrevenir à la valeur constitutionnelle du droit de propriété. L'autre voie ouvrant aux maires la possibilité de faire état de simulation dans l'acte de donations n'est pas réaliste, aucun indice concret ne permettant le plus souvent de la démontrer.

En l'état du droit, le maire ou le préfet qui se trouve confronté à des installations ne respectant pas le plan local d'urbanisme, sur des terres agricoles ayant fait l'objet d'une donation assortie, dans certain cas, d'une contrepartie occulte, peut engager les actions suivantes :

- Prendre immédiatement un arrêté interruptif de travaux ;

- Saisir les matériaux et outils utilisés pour la construction ;

- Faire apposer des scellés sur le chantier ;

- Refuser le raccordement à l'eau, l'électricité, le gaz ou le téléphone ;

- Faire liquider les taxes d'urbanisme et les amendes fiscales ;

- Solliciter l'interruption judiciaire des travaux ;

- Solliciter du juge judiciaire, la démolition des immeubles construits dans un secteur soumis à des risques naturels ;

- Solliciter du juge judiciaire, en la forme des référés, la démolition de toute construction irrégulière.

Ainsi en l'état du droit, le maire ou le préfet peuvent ordonner l'interruption des travaux mais pas la démolition de l'ouvrage, car cela contreviendrait au caractère constitutionnel du droit de propriété réaffirmé expressément par le Conseil constitutionnel dans une décision historique du 6 janvier 1982 portant sur la loi de nationalisation.

Les autorités publiques ne sont donc pas dépourvues de moyens d'actions. Dans ce contexte, il importe donc avant tout de faciliter le recours du maire et du préfet aux mesures conservatoires existantes.

En réalité, le problème réside essentiellement dans le fait que les communes ne sont pas tenues informées des donations de terres agricoles intervenant sur leurs territoires.

Or la capacité à détecter les infractions, qui revêt une importance capitale puisqu'elle constitue l'événement déclencheur de tout recours, représente une difficulté majeure pour les communes. Si dès l'enregistrement de la donation à la conservation des hypothèques, les communes étaient alertées, elles pourraient organiser des tournées de surveillance, faire usage de leur droit de suite et, le cas échéant, interrompre les travaux.

C'est pourquoi, il est proposé de créer, à la charge des notaires, une obligation d'information des maires et des préfets sur les donations de biens immeubles intervenues entre des personnes présentant un degré de parenté éloigné ou dépourvues de lien d'alliance.

La notion de bien immeuble, plus large que celle de terre agricole, permettra d'assurer un regard de l'administration sur des mutations à titre gratuit entre personnes ne présentant pas un intérêt évident à se déposséder sans contrepartie.

Il apparaît par contre opportun d'exclure du champ de l'information obligatoire les donations entre alliés et parents jusqu'au 6 ème degré, en ce que cette parenté marque les limites de la dévolution successorale.

Tel est le sens de l'article unique de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L'article 939 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigée :

« Le préfet et le maire du lieu de situation de l'immeuble sont avisés, par le notaire en charge de la publicité foncière, de toutes donations de biens immeubles, à l'exception de celle intervenant entre alliés ou parents jusqu'au sixième degré ».

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