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N° 711

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 juillet 2014

PROPOSITION DE LOI

visant à rénover les rapports entre les collectivités territoriales et les clubs professionnels et à moderniser le modèle économique du sport professionnel ,

PRÉSENTÉE

Par M. Michel SAVIN, Mme Françoise BOOG, MM. Alain DUFAUT et Bernard SAUGEY,

Sénateurs

(Envoyée à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les relations entre le sport professionnel et les collectivités territoriales sont devenues complexes, déséquilibrées et, au final, problématiques. Tant que les clubs étaient peu professionnalisés et bénéficiaient de moyens financiers limités, la propriété communale des stades et le recours aux subventions publiques pour soutenir les clubs pouvaient apparaître légitimes. Il en est autrement aujourd'hui, alors que la hausse des droits TV comme celle des recettes de billetterie et des ressources issues des partenariats a fait changer d'univers certains clubs de 1 re division de football et, dans une moindre mesure, de rugby.

Afin d'étudier ces évolutions, le Sénat a mis en place en octobre 2013, à l'initiative du groupe RDSE, une mission commune d'information présidée par M. Michel SAVIN et dont le rapporteur était M. Stéphane MAZARS. Cette mission a adopté son rapport à l'unanimité le 29 avril 2014, assorti de 30 propositions.

La présente proposition de loi reprend parmi ces préconisations celles ayant une dimension législative, qui concernaient plus particulièrement les rapports entre les collectivités territoriales et les clubs professionnels. Elle vise, en particulier, à tirer toutes les conséquences de l'émergence d'un nouveau « sport business » financé très largement par des droits audiovisuels en forte augmentation. Elle prévoit ensuite de conforter le nouveau modèle économique des grands clubs en leur permettant de devenir propriétaires de leur stade afin de diversifier leurs sources de revenus. Elle entend, enfin, renforcer la responsabilité sociale des clubs en les invitant à consacrer davantage de moyens aux actions sociales et éducatives menées dans le cadre de leurs fondations et de leurs fonds de dotation.

Titre I er - Supprimer les subventions de fonctionnement aux clubs professionnels financés essentiellement par les droits d'exploitation audiovisuelle

L' article 1 er tire les conclusions du fait que les collectivités territoriales n'ont pas vocation à contribuer à l'inflation salariale des clubs de sport professionnel dont le modèle économique est arrivé « à maturité » et repose sur un certain nombre de ressources pérennes et relativement importantes. Pour ce faire, il modifie l'article L. 113-2 du code du sport relatif aux subventions versées par les collectivités territoriales aux associations sportives ou aux sociétés sportives en prévoyant que ne seront plus éligibles celles qui perçoivent plus de 10 millions d'euros par saison au titre des droits d'exploitation audiovisuelle.

La limite de 10 millions d'euros a pour effet d'exclure du bénéfice des subventions au titre de l'article L. 113-2 l'ensemble des clubs professionnels de football de 1 ère division. En effet, selon les données établies par la Ligue de football professionnel, près de 490 millions d'euros ont été répartis au cours de la saison 2013/2014 et le club le moins doté, l'AJ Ajaccio, a néanmoins reçu 13,16 millions d'euros au titre des droits audiovisuels. La forte augmentation de ces droits au cours des dernières années a rendu superflues les subventions des collectivités territoriales puisqu'elles ne représentent qu'une part minime du budget de ces clubs.

On peut également s'interroger sur leur légitimité puisqu'elles concourent directement aux dépenses de fonctionnement du club, ceci en contradiction avec la législation, et participent ainsi à l'inflation de la rémunération des joueurs.

On observera que cette interdiction ne concerne pas les clubs professionnels autres que ceux de la Ligue 1 de football, à savoir, notamment, les clubs de Ligue 2 de football 1 ( * ) et les clubs du TOP 14 de rugby 2 ( * ) qui tous reçoivent moins de 10 millions d'euros par saison au titre des droits audiovisuels.

L' article 2 étend l'interdiction de subventions des collectivités territoriales aux clubs professionnels percevant plus de 10 millions d'euros par saison de droits audiovisuels, prévue par l'article 1 er , aux contrats de prestation de services (achats de billets et d'espaces publicitaires par exemple), prévus par l'article L. 113-3 du code du sport.

Il prévoit ainsi d'insérer un nouvel article L. 113-4 dans le code du sport prohibant les contrats de prestation de services pour ces clubs, mais leur ouvrant la possibilité de conclure plus largement des partenariats avec leurs fondations et leurs fonds de dotation afin de conduire des actions d'intérêt général. Cette obligation de recourir aux fondations et aux fonds de dotation vise à prévenir le risque, relevé par la Cour des comptes dans son rapport de 2009, que les achats de prestations constituent, en réalité, des subventions déguisées venant abonder le budget de fonctionnement des clubs.

Titre II - Permettre aux clubs professionnels de devenir propriétaires de leurs infrastructures

L' article 3 doit permettre l'émergence d'un nouveau modèle économique du sport professionnel dans lequel les clubs professionnels peuvent être propriétaires de leurs infrastructures. À cette fin, il prévoit une nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article L. 113-1 du code du sport, qui autorise les communautés d'agglomération, les communautés urbaines et les métropoles à accorder, pour une durée et à hauteur de montants limités, des garanties d'emprunt et des cautionnements aux associations sportives ayant créé des sociétés sportives.

Le choix de limiter cette faculté aux communautés d'agglomération, aux communautés urbaines et aux métropoles s'explique par la nécessité que l'autorité publique puisse disposer d'une certaine taille critique et d'une expertise suffisante afin de ne pas s'engager de manière inconsidérée dans des projets qui ne seraient pas suffisamment solides.

Par ailleurs, la nouvelle rédaction de l'article L. 113-1 proposée par cet article prévoit également la possibilité pour les communautés d'agglomération, les communautés urbaines et les métropoles d'aider, au moyen de subventions exceptionnelles d'équipement pendant une durée et pour un montant limités, les clubs professionnels à devenir propriétaires de leurs infrastructures.

L' article 4 crée un nouvel article L. 113-5 du code du sport qui interdit aux collectivités territoriales et à leurs groupements, à compter du 1 er juillet 2015, de recourir aux partenariats public-privé (PPP) pour financer une enceinte sportive (un stade ou une aréna) qui serait utilisée majoritairement par un club professionnel.

Ce nouvel article prévoit également que les collectivités territoriales et leurs groupements pourront céder au club professionnel qui l'utilise, avant l'échéance du contrat de partenariat, une enceinte sportive construite et financée selon ce régime dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, précisant, en particulier, les conditions d'indemnisation du partenaire privé.

L' article 5 crée un nouvel article L. 113-6 du code du sport qui prévoit qu'à partir du 1 er juillet 2015, les collectivités territoriales et leurs groupements ne pourront financer plus de 50 % du montant total des dépenses de construction d'une nouvelle enceinte sportive et des équipements publics permettant d'y accéder lorsque cette enceinte sportive sera majoritairement destinée à être utilisée par un club professionnel. Cela signifie, en particulier, que les collectivités territoriales ne pourront plus financer seules, grâce à des fonds publics, des stades dont elles n'ont pas pour elles-mêmes l'utilité mais qu'elles mettent à disposition d'un club professionnel contre une redevance.

Titre III - Renforcer la responsabilité sociale des ligues et des clubs professionnels

L' article 6 crée un nouvel article L. 132-3 du code du sport dans le chapitre II du titre II du livre I er du code du sport consacré aux ligues professionnelles et prévoit l'obligation pour chaque ligue professionnelle de créer une fondation ou un fonds de dotation afin de mener des actions éducatives, sociales et sportives. Un décret en Conseil d'État déterminera le montant minimal du produit des droits d'exploitation audiovisuelle que chaque ligue devra affecter au financement de la fondation ou du fonds de dotation.

L' article 7 crée une nouvelle section 4 pour compléter le chapitre II du titre II du livre I er du code du sport dédiée aux fondations et aux fonds de dotations des associations sportives.

Cette section est composée d'un nouvel article L. 122-20 qui prévoit que les associations sportives ayant créé une société sportive doivent également constituer une fondation ou un fonds de dotation dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État afin de mener, notamment, des actions éducatives, sociales et sportives.

L' article 8 complète la première phrase du troisième alinéa du III de l'article 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, qui a créé le régime juridique des fonds de dotation afin de prévoir que l'interdiction de versement de subventions publiques aux fonds de dotation ne s'applique pas à ceux créés par les associations sportives ayant créé une société sportive.

Cette disposition vise à favoriser le développement de la responsabilisation sociale des clubs et à garantir que les subventions publiques des collectivités territoriales aux clubs professionnels permettront véritablement de concourir à des objectifs d'intérêt général.

PROPOSITION DE LOI

TITRE I ER

SUPPRIMER LES SUBVENTIONS DE FONCTIONNEMENT

AUX CLUBS PROFESSIONNELS FINANCÉS ESSENTIELLEMENT PAR LES DROITS D'EXPLOITATION AUDIOVISUELLE

Article 1 er

À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 113-2 du code du sport, après les mots : « sociétés sportives », sont insérés les mots : « , à l'exception de celles qui perçoivent plus de dix millions d'euros par saison au titre des droits d'exploitation audiovisuelle, ».

Article 2

Le chapitre III du titre I er du livre I er du code du sport est complété par un article L. 113-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 113-4 . - Par dérogation à l'article L. 113-3, les collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent acheter des prestations de service aux associations sportives ayant créé des sociétés sportives qui perçoivent plus de dix millions d'euros par saison au titre des droits d'exploitation audiovisuelle. Ils peuvent néanmoins réaliser des partenariats avec les fondations et les fonds de dotation des associations sportives ayant créé des sociétés sportives en vue de mener des actions d'intérêt général dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État. »

TITRE II

PERMETTRE AUX CLUBS PROFESSIONNELS DE DEVENIR PROPRIETAIRES DE LEURS INFRASTRUCTURES

Article 3

L'article L. 113-1 du code du sport est ainsi rédigé :

« Art. L. 113-1 . - I. - Les communautés d'agglomération, les communautés urbaines et les métropoles peuvent, pour une durée et à hauteur d'un montant limités, accorder des garanties d'emprunt et des cautionnements aux associations sportives ayant créé des sociétés sportives. Elles peuvent également leur accorder, pour une durée et un montant limités, des subventions afin de pouvoir devenir propriétaires de leurs infrastructures.

« II. - Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du I. »

Article 4

Le chapitre III du titre I er du livre I er du code du sport est complété par un article L. 113-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 113-5 . - Les collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent plus, à compter du 1 er juillet 2015, recourir aux contrats de partenariats mentionnés à l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales afin de financer la construction d'enceintes sportives majoritairement destinées à être utilisées par une association sportive ayant créé une société sportive.

« Les enceintes sportives préalablement construites selon ce régime peuvent être cédées avant l'échéance du contrat par les collectivités territoriales ou leurs groupements aux associations sportives ou aux sociétés sportives qui les utilisent après indemnisation des partenaires privés. Un décret en Conseil d'État prévoit les modalités de cette cession. »

Article 5

I. - Le chapitre III du titre I er du livre I er du code du sport est complété par un article L. 113-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 113-6 . - Les collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent financer plus de 50 % des dépenses de construction d'une nouvelle enceinte sportive et des équipements publics permettant d'y accéder lorsque cette enceinte sportive est destinée à être utilisée majoritairement par une association sportive ayant créé une société sportive. »

II. - Le présent article s'applique à compter du 1 er juillet 2015.

TITRE III

RENFORCER LA RESPONSABILITE SOCIALE DES LIGUES

ET DES CLUBS PROFESSIONNELS

Article 6

Le chapitre II du titre III du livre I er du code du sport est complété par un article L. 132-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 132-3 . - Chaque ligue professionnelle crée une fondation ou un fonds de dotation afin, notamment, de mener des actions éducatives, sociales et sportives. Un décret en Conseil d'État détermine le montant minimal du produit des droits d'exploitation audiovisuelle que chaque ligue affecte au financement de sa fondation ou de son fonds de dotation. »

Article 7

Le chapitre II du titre II du livre I er du code du sport est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Fondations et fonds de dotation

« Art. L. 122-20 . - Les associations sportives ayant créé une société sportive en application de l'article L. 122-1 constituent également une fondation ou un fonds de dotation dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État afin de mener, notamment, des actions éducatives, sociales et sportives. »

Article 8

La première phrase du troisième alinéa du III de l'article 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie est complétée par les mots : « , à l'exception de ceux créés par des associations sportives ayant créé une société sportive ».


* 1 Le club le mieux doté de Ligue 2, le RC Lens, a perçu, au titre de la saison 2013/2014, 5,72 millions d'euros au titre des droits audiovisuels.

* 2 Selon le rapport 2013 de la DNACG, les droits médias et marketing du championnat s'élèvent à 1,4 million d'euros en moyenne et ils sont redistribués de manière égalitaire entre les clubs du TOP 14.

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