Organisation algorithmique du travail (PPL) - Texte déposé - Sénat

N° 770

SÉNAT


SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 juillet 2022

PROPOSITION DE LOI


relative à la maîtrise de l’organisation algorithmique du travail,


présentée

Par M. Pascal SAVOLDELLI, Mmes Cathy APOURCEAU-POLY, Laurence COHEN, Éliane ASSASSI, MM. Jérémy BACCHI, Éric BOCQUET, Mmes Céline BRULIN, Cécile CUKIERMAN, M. Fabien GAY, Mme Michelle GRÉAUME, MM. Gérard LAHELLEC, Pierre LAURENT, Mme Marie-Noëlle LIENEMANN, M. Pierre OUZOULIAS et Mme Marie-Claude VARAILLAS,

Sénateurs et Sénatrices


(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)




Proposition de loi relative à la maîtrise de l’organisation algorithmique du travail


Article 1er

Après l’article L. 1222-3 du code du travail, sont insérés deux articles L. 1222-3-1 et L. 1222-3-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 1222-3-1. – Toute décision, ensemble de décisions ou système d’aide à la décision exprimé partiellement ou entièrement par des moyens technologiques ou traitements automatisés dans le cadre d’un service organisé et produisant des impacts sur les comportements, les choix ou les situations juridiques des travailleurs relève du pouvoir de direction et du pouvoir de contrôle de l’employeur.

« Sont considérés comme des décisions les processus ayant pour objet de choisir entre plusieurs actions ou abstentions à l’égard d’une ou plusieurs personnes concernées.

« Aucune sanction disciplinaire ne saurait être prononcée par l’employeur par application automatique d’un résultat obtenu par algorithme.

« Art. L. 1222-3-2. – Le contenu d’une décision entendue au sens de l’article L. 1222-3-1 faisant grief est accessible pour les personnes concernées et accompagnée au besoin d’une explication rédigée dans un langage simple et clair. Les décisions individuelles en constituent la simple exécution.

« Il est communiqué au travailleur concerné, à sa demande, l’état des critères employés pour produire la décision individuelle qui lui est opposée, de manière qu’il puisse vérifier que la décision-cadre entendue au sens du même article L. 1222-3-1 lui a été appliquée sans erreur.

« La décision entendue au sens dudit article L. 1222-3-1 est accompagnée d’une motivation individuelle pouvant être elle-même produite par des moyens technologiques ou traitements automatisés.

« Après avoir pris connaissance de la décision et de la motivation qui l’accompagne, la personne concernée a le droit de former un recours. Elle est alors invitée par l’employeur à présenter des observations écrites en soutien de sa cause. Une nouvelle décision motivée est prise par un être humain, qui remplace entièrement la première. Les motivations de la décision humaine ne peuvent s’appuyer sur les résultats du traitement automatisé opaque.

« Une décision au sens du même article L. 1222-3-1 est considérée comme opaque lorsque le travailleur est privé d’une description exhaustive des règles qui lui sont appliquées, que ce soit par choix ou en conséquence des techniques employées, de la technologie ou du traitement automatisé. »


Article 2

Après l’article L. 1134-1 du code du travail, il est inséré un article L. 1134-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1134-1-1. – Lorsque survient un litige faisant suite à une décision au sens de l’article L. 1222-3-1, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi  2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

« Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. »


Article 3

I. – Le I de l’article L. 111-7 du code de la consommation est ainsi modifié :

1° Au 1°, après le mot : « référencement, », sont insérés les mots : « par des moyens technologiques ou traitements automatisés, » ;

2° Le 2° est ainsi rédigé :

« 2° La mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service ; »

3° Il est ajouté un 3° ainsi rédigé :

« 3° Un emploi, lorsque le service repose sur une ou des prestations effectuées par des travailleurs et dont les éléments essentiels sont économiquement et juridiquement encadrés et contrôlés de manière unilatérale, notamment par des moyens technologiques ou traitements automatisés. »

II. – L’article L. 7342-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une plateforme n’est plus considérée comme opérateur de mise en relation dès lors qu’elle exerce un contrôle juridique et économique sur les éléments essentiels de la relation de travail qui la lie avec le travailleur effectuant cette prestation, notamment par des moyens technologiques ou traitements automatisés. »

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