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N° 83

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.

PROPOSITION DE LOI

relative aux conditions de développement des thérapies génique et cellulaire,

PRÉSENTÉE

par MM Jean-Pierre FOURCADE, Claude HURIET, José BALARELLO, Henri BELCOUR, Jacques BIMBENET, Paul BLANC, Mme Annick BOCANDÉ, MM. Louis BOYER, Jean-Pierre CANTEGRIT Jean CHÉRIOUX, Charles DESCOURS, Georges DESSAIGNE, Alfred FOY, Serge FRANCHIS, Alain GOURNAC, André JOURDAIN, Pierre LAGOURGUE, Dominique LECLERC, Marcel LESBROS, Jean-Louis LORRAIN, Simon LOUECKHOTE, Jacques MACHET, Jean MADELAIN, René MARQUES, Serge MATHIEU Georges MOULY, Lucien NEUWIRTH, Mme Nelly OLIN, MM André POURNY, Henri de RAINCOURT, Bernard SEILLIER, Louis SOUVET, Martial TAUGOURDEAU, Alain VASSELLE et Jean-Pierre VIAL,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Vie, médecine et biologie.

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le rapport d'information n° 53 consacré aux conditions de développement des thérapies génique et cellulaire, adopté par la commission des Affaires sociales le 25 octobre 1995 a conclu à la nécessité de l'examen par le Sénat, dans les meilleurs délais, d'une proposition de loi tendant à favoriser le développement des thérapies génique et cellulaire et à garantir leur sécurité sanitaire.

En effet, ce rapport a montré que la législation actuelle est à la fois complexe et lacunaire.

La lourdeur des procédures qu'elle met en place comme le statut incertain des produits de thérapies génique et cellulaire qu'elle détermine ne favorisent pas le développement de ces thérapies.

Pour autant, la sécurité sanitaire n'est pas garantie en raison de l'existence de chevauchements de compétences et de vides juridiques.

La proposition de loi est bâtie autour d'un schéma très simple.

Elle propose un statut unique pour l'ensemble des produits de thérapie génique et cellulaire. Ce régime juridique est celui du médicament, qui garantit mieux que tout autre la sécurité sanitaire grâce à l'application des bonnes pratiques cliniques et de fabrication.

Il sera adapté, cependant, en certains de ses aspects pour tenir compte des spécificités de ces thérapies et pour éviter que la réalisation des essais cliniques concernant des produits de thérapies génique et cellulaires ainsi que leur fabrication soient réservés à l'industrie pharmaceutique.

Elle propose aussi d'instituer une autorité unique responsable de l'ensemble de la chaîne thérapeutique, du stade des essais à celui de la fabrication et du prélèvement jusqu'au lit du malade, à charge pour elle de consulter, le cas échéant, les commissions concernées ou de vérifier que les autorisations ministérielles nécessaires ont été obtenues.

Fait nouveau : elle institue une autorisation de protocoles d'essais. Afin que l'augmentation des contrôles et le renforcement de la sécurité sanitaire ne pénalisent pas les chercheurs, un délai de réponse est imposé à l'autorité administrative.

Un régime juridique unique, un guichet unique, une seule autorité responsable, une autorisation de protocoles d'essais cliniques, des délais de réponse de l'administration : ces cinq éléments sont favorables aux chercheurs. Ils présentent également l'avantage de garantir la sécurité sanitaire, grâce à l'application des bonnes pratiques, et l'existence d'un système de responsabilité, de contrôle et d'évaluation simple et cohérent.

La section 1 de la proposition de loi, qui comprend les articles 1 et 2, a pour objet de définir les produits de thérapies génique et cellulaire et de leur conférer un régime juridique unique.

L'article premier insère la référence aux produits de thérapies génique et cellulaire dans l'article L. 511 du code de la santé publique qui fixe le champ d'application du droit du médicament.

L'article 2 en tire les conséquences dans la loi sur la sécurité transfusionnelle en modifiant l'article L. 666-8 qui prévoyait un statut spécifique pour les produits de thérapies génique et cellulaire d'origine sanguine.

La section 2 de la proposition de loi, qui comprend les articles 3, 4 et 5, a pour objet de prévoir un régime d'agrément unique pour la fabrication, la conservation, la distribution, l'importation et l'exportation des produits de thérapies génique et cellulaire.

L'article 3 précise les modalités d'attribution de cet agrément.

L'Agence du médicament devra vérifier, avant de délivrer l'agrément, que sont respectés :

- les principes généraux applicables au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain ;

- les bonnes pratiques de fabrication ;

- le cas échéant, si ces produits utilisent des organismes génétiquement modifiés, la loi n° 92-654 du 13 juillet 1992 relative au contrôle de l'utilisation et de la dissémination des organismes génétiquement modifiés, dite loi « OGM »;

Elle vérifiera aussi que les autorisations ministérielles d'administration des produits et, s'il y a prélèvement de cellules, de prélèvement, ont bien été obtenues.

L'article 4 tire les conséquences de l'article 3 en élargissant les missions de l'inspection de l'Agence du médicament.

L'article 5 procède de même en rectifiant l'article du code de la santé publique qui définit les compétences de l'Établissement français des greffes. Celui-ci demeure responsable de l'élaboration des bonnes pratiques de prélèvement, de conservation et de transport des cellules. Mais la transformation des cellules sera désormais soumise au respect des bonnes pratiques de fabrication applicables au médicament.

La section 3 de la proposition de loi, qui comprend les articles 6, 7 et 8, met en place un régime d'autorisation ministérielle pour le prélèvement de cellules destinées à la mise en oeuvre des thérapies génique et cellulaire ainsi que pour l'administration des produits qui en sont issus.

L'article 6 modifie l'article L. 673-13 qui place sous un même régime les greffes de tissus et de cellules. Dans la mesure où la proposition de loi vise à mettre en place un régime unique pour l'administration des produits de thérapies génique et cellulaire, distinct de celui des greffes de tissus, il convient en effet de dissocier ces deux régimes.

L'article 7 institue une autorisation ministérielle pour prélever des cellules destinées à la mise en oeuvre de thérapies génique et cellulaire ainsi qu'une autorisation ministérielle pour l'administration des produits de ces thérapies.

L'article 8 prévoit que ces autorisations seront accordées en fonction du respect de règles techniques, médicales et, le cas échéant, financières.

La section 4 de la proposition de loi comprend un seul article, l'article 9, qui traite des protocoles d'essais cliniques des produits de thérapie génique et cellulaire.

Cet article 9 institue une autorisation de protocoles d'essais cliniques qui sera accordée par l'Agence du médicament, en fonction notamment du respect des bonnes pratiques cliniques et de fabrication.

La section 5 de la proposition de loi comprend les articles 10,11 et 12.

Elle vise à dissocier le régime d'exportation et d'importation des cellules non transformées, qui relèvera comme aujourd'hui d'une autorisation du ministre après avis de l'Établissement français des greffes et l'importation ou l'exportation de produits de thérapies génique et cellulaire, qui seront réalisés selon le régime applicable au médicament.

La section 6 de la proposition de loi comprend un seul article, l'article 13.

Cet article 13 institue un Haut Conseil des thérapies génique et cellulaire qui aura pour tâche, en coordonnant l'action des différents acteurs, de proposer des orientations nouvelles pour le développement de ces thérapies.

PROPOSITION DE LOI

tendant à favoriser le développement des thérapies génique et cellulaire
et à garantir leur sécurité sanitaire

Section 1

Définition des produits de thérapies génique et cellulaire

Article premier

Après le premier alinéa de l'article L. 511 du code de la santé publique, il est inséré quatre alinéas ainsi rédigés :

« En conséquence, sont des médicaments :

« Les produits de thérapie cellulaire définis comme des préparations de cellules vivantes d'origine humaine ou animale ayant subi un traitement visant à modifier leurs fonctions initiales ;

« Les produits de thérapie génique, définis comme visant à transférer du matériel génétique.

« Sauf dispositions contraires et à l'exception de l'article L. 512, les produits mentionnés aux deux alinéas précédents sont soumis aux dispositions du présent livre.

Art. 2

Le 4° de l'article L. 666-8 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« 4° des préparations cellulaires réalisées à partir du prélèvement de cellules souches hématopoïétiques et de cellules somatiques mononuclées soumises aux dispositions prévues pour les produits mentionnés aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 511.

Section 2

Fabrication et distribution des produits de thérapies génique et cellulaire

Art. 3

L'article L. 672-11 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 672-11 - La fabrication, la conservation et la distribution des produits mentionnés aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 511 sont régis par les dispositions du titre premier du présent livre dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.

« La fabrication, la conservation, la distribution, l'importation et l'exportation de ces produits sont réalisées par des établissements ou organismes agréés par l'Agence du médicament qui s'assure du respect des dispositions visées à l'alinéa précédent, de l'article L. 600 et le cas échéant de la loi n° 92-654 du 13 juillet 1992 relative au contrôle de l'utilisation et de la dissémination des organismes génétiquement modifiés et modifiant la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Elle s'assure également que les lieux d'administration et, le cas échéant, de prélèvement disposent des autorisations prévues par la loi.

« En cas d'infraction à ces dispositions, l'agrément peut, après mise en demeure, être suspendu ou retiré dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.

« Toute modification des éléments figurant dans l'agrément initial doit faire l'objet d'un nouvel agrément. »

Art. 4

I - Après le 5° de l'article L. 567-9 du code de la santé publique, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° - Le respect des dispositions du titre premier du livre VI par les établissements ou organismes ayant reçu l'agrément mentionné à l'article L. 672-11.

II - Après le premier alinéa de l'article L. 567-10 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ils ont les mêmes missions et les mêmes pouvoirs que les officiers et agents mentionnés à l'article 13 de la loi n° 92-654 du 13 juillet 1992 relative au contrôle de l'utilisation et de la dissémination des organismes génétiquement modifiés et modifiant la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, pour ce qui concerne les thérapies mentionnées aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 511.

Art. 5

Le début du sixième alinéa de l'article L. 673-8 du code de la santé publique est rédigé comme suit :

« de préparer les règles de bonnes pratiques qui doivent s'appliquer au prélèvement, à la conservation et au transport de l'ensemble des parties et produits du corps humain, à l'exception du sang humain, ainsi que celles qui s'appliquent à la transformation des organes et tissus du corps humain : (le reste sans changement).

Section 3

Prélèvement de cellules destinées aux thérapies génique et cellulaire et administration des produits de thérapies génique et cellulaire

Art. 6

Au premier alinéa de l'article L. 672-13 du code de la santé publique, les mots : « et de cellules » sont supprimés.

Art.7

Il est inséré à la section 4 du chapitre II du titre III du livre VI du code de la santé publique un article L. 672-13-1 ainsi rédigé :

«Art. L. 672-13-1 - Le prélèvement de cellules destinées aux thérapies génique et cellulaire et l'administration des produits mentionnés aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 511 ne peuvent être réalisés que dans des établissements de santé ou de transfusion sanguine autorisés par le ministre chargé de la santé. Le cas échéant, il s'assure du respect des dispositions de la loi n° 92-654 du 13 juillet 1992 relative au contrôle de l'utilisation et de la dissémination des organismes génétiquement modifiés et modifiant la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement. Cette autorisation vaut agrément au sens de l'article 6 de ladite loi.

« En cas d'infraction à ces dispositions, l'autorisation peut, après mise en demeure, être suspendue ou retirée dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.

« Toute modification des éléments figurant dans l'autorisation initiale doit faire l'objet d'une nouvelle autorisation. »

Art. 8

À l'article L. 672-14 du code de la santé publique, les mots : «  et L. 672-13 » sont remplacés par les mots : « , L. 672-13 et L. 672-13-1 ».

Section 4

Protocoles d'essais cliniques concernant des produits de thérapies
génique et cellulaire

Art. 9

Il est inséré, après l'article L. 672-11 du code de la santé publique un article L. 672-11-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 672-11-1 - Les protocoles d'essais cliniques concernant les produits mentionnés aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 511 ne peuvent être réalisés que dans des établissements de santé ou de transfusion ayant reçu l'autorisation mentionnée à l'article L. 672-13-1. Cette autorisation vaut pour l'application de l'article L. 209-18.

« Les dispositions de la troisième phrase du quatrième alinéa de l'article L. 209-12 ne s'appliquent pas aux protocoles visés au présent article. Ces protocoles ne peuvent être mis en oeuvre qu'après avoir été autorisés par l'Agence du médicament en fonction du respect des dispositions relatives aux essais de médicaments et, le cas échéant, de la loi n° 92-654 du 13 juillet 1992 relative au contrôle de l'utilisation et de la dissémination des organismes génétiquement modifiés et modifiant la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement.

« L'autorisation ou le refus d'autorisation est prononcé dans un délai de six semaines à compter de la réception de la demande. À défaut de décision dans ce délai, le protocole est réputé autorisé.

« Ce délai peut être prorogé une fois sur décision motivée de l'Agence du médicament.

« La méconnaissance des disposition précitées fonde, à tout moment, les mesures de suspension ou d'interdiction mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 209-12. L'autorisation est alors suspendue ou retirée. »

Section 5

Importation et exportation des produits de thérapies génique et cellulaire

Art. 10

La première phrase du premier alinéa de l'article L. 603 du code de la santé publique est complétée par les mots : « ou à l'article L. 672-11 ».

Art. 11

À la fin du septième alinéa du paragraphe II de l'article L. 673-8 du code de la santé publique, sont insérés les mots : « à l'exception des produits mentionnés aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 511 ».

Art. 12

Le début du troisième alinéa de l'article 18 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 modifiée relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane est ainsi rédigé : « À l'exception des produits de thérapies génique et cellulaire dont le régime est fixé par l'article L. 511 du code de la santé publique, l'importation ... (le reste sans changement).

Section 6

Création d'un Haut Conseil des thérapies génique et cellulaire

Art. 13

Un Haut Conseil des thérapies génique et cellulaire, placé auprès du Premier Ministre, lui présente les orientations susceptibles de favoriser leur développement et de coordonner l'action des organismes publics ou privés qui y concourent.

Il comprend des représentants :

- des ministères chargés de la santé, de la recherche et de l'industrie ;

- des organismes de recherche ;

- des établissements de santé ;

- des organismes contribuant au financement des recherches ;

- de l'industrie.

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