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N° 405

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996 - 1997

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 juin 1997.

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 août 1997.

PROPOSITION DE LOI

relative au contrôle des licenciements économiques,

PRÉSENTÉE

Par MM. Robert PAGÈS, Michel DUFFOUR, Mmes Marie-Claude BEAUDEAU, Cohen-Seat Nicole BORVO, M. Jean-Luc BÉCART, Mme Danielle BIDARD-REYDET, MM. Guy FISCHER, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Louis MINETTI, Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme Odette TERRADE,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Emploi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Les dispositions actuelles du code du travail relatives à la prévention des licenciements sont particulièrement inefficaces eu égard à la gravité des problèmes du chômage.

La suppression en 1986 de l'autorisation administrative de licenciement réclamée par le CNPF, qui disait que son maintien empêchait la création de 300 000 emplois, a seulement réduit les garanties que les salariés sont en droit d'attendre.

La loi du 27 janvier 1993 a obligé, en matière de plan social, les employeurs à présenter, au-delà des conventions de conversion, de réelles mesures de reclassement. L'absence de telles propositions a été régulièrement sanctionnée par la jurisprudence des tribunaux civils.

La loi quinquennale relative à l'emploi du 20 décembre 1993, présentée par le Gouvernement Balladur, a amoindri sensiblement les garanties existant par ailleurs.

C'est pourquoi il est aujourd'hui indispensable de renforcer sensiblement le code du travail en matière de licenciement économique.

La proposition de loi modifie en profondeur l'article L. 321-7 du code du travail, qui concerne le rôle de l'inspection du travail, de la direction départementale de l'emploi et du ministère du travail.

Le projet de licenciement doit faire l'objet par l'employeur d'une demande d'autorisation auprès de l'autorité administrative compétente.

Celle-ci appréciera la demande sur plusieurs critères : le respect de la procédure, l'intérêt général, la réalité et le sérieux des difficultés de l'entreprise, mais aussi de l'établissement, ce qui permettra un contrôle, y compris jurisprudentiel, des délocalisations.

L'examen portera aussi sur le bien-fondé du motif économique de licenciement, dans l'intérêt général, celui de l'entreprise (ce qui est différent de la compétitivité) et aussi de l'emploi.

L'autorité administrative compétente aura deux mois pour répondre ; elle pourra également demander que d'autres mesures de reclassement soient proposées par l'employeur et en suggérer elle-même. Cette procédure pourra durer quatre mois.

Dans le même temps, le comité d'entreprise ou les délégués du personnel, informés du projet de licenciement, pourront demander que s'ouvre pour une durée de trois mois une procédure de recherche de solutions économiques et sociales.

À défaut du respect de cette procédure, les licenciements prononcés seront nuls et les salariés devront être réintégrés.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, d'adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L'article L. 321-7 du code du travail est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 321-7. - Dans toute entreprise ou établissement, tout projet de licenciement économique, individuel ou collectif, fait l'objet d'une demande d'autorisation auprès de l'autorité administrative compétente.

« Celle-ci apprécie le respect de la procédure de licenciement, la réalité et le sérieux des difficultés de l'entreprise ou de l'établissement invoquées, le bien-fondé du motif économique, dans l'intérêt de l'entreprise, dans l'intérêt général et de l'emploi, ainsi que la portée des mesures de reclassement envisagées.

« L'autorité administrative compétente s'assure que les représentants du personnel ont été informés, réunis et consultés conformément aux dispositions légales et conventionnelles en vigueur, que les règles relatives à l'élaboration des mesures sociales prévues par les articles L. 321-4 et L. 321-5 du présent code ou par des conventions ou accords collectifs de travail ont été respectées et que les mesures prévues aux articles L. 321-4 et L. 321-5 seront effectivement mises en oeuvre.

« En l'absence ou insuffisance de plan social au sens de l'article L. 321-4-1, l'autorité administrative dresse un constat de carence par notification à l'entreprise dès qu'elle en a eu connaissance et copie en est simultanément transmise au comité d'entreprise ou aux délégués du personnel.

« Le projet de licenciement est notifié au comité d'entreprise ou aux délégués du personnel, qui peuvent saisir l'autorité administrative compétente lorsqu'ils estiment que le licenciement pourrait être évité. Cette saisine ouvre un délai de trois mois pendant lequel toute solution économique et sociale est recherchée.

« Lorsque l'autorité administrative compétente estime qu'une disposition du troisième alinéa du présent article n'a pas été respectée, elle adresse à l'employeur un avis motivé. Simultanément, elle envoie copie de ses observations au comité d'entreprise ou aux délégués du personnel.

« L'employeur est tenu de répondre aux observations de l'autorité administrative compétente et des représentants du personnel.

« Dans un délai de deux mois, l'autorité administrative compétente donne son accord ou son refus d'autorisation.

« Elle peut également demander à l'employeur de présenter de nouvelles mesures sociales. Elle peut présenter elle-même toute proposition en tenant compte de la situation économique de l'entreprise.

« Ces propositions sont communiquées à l'employeur et au comité d'entreprise ou aux délégués du personnel. En l'absence de comité d'entreprise ou de délégués du personnel, elles sont portées, par voie d'affichage sur les lieux de travail, à la connaissance des salariés, qui peuvent demander aux unions locales des syndicats de leur choix de les représenter.

« L'autorité administrative compétente dispose d'un délai d'un mois renouvelable une fois pour donner ou refuser son autorisation.

« Des lettres de licenciement ne peuvent être adressées par l'employeur aux salariés concernés qu'après réception de l'accord de l'autorité administrative compétente ou, à défaut de réponse de celle-ci, qu'après expiration des délais prévus aux alinéas précédents.

« Les prud'hommes sont juges de la régularité de la procédure pour tous les licenciements économiques, et, également, pour les litiges nés des conventions de conversion.

« Les litiges nés de l'autorisation du licenciement sont du ressort du tribunal administratif.

« En cas de non-observation des dispositions précédentes, la procédure de licenciement est nulle et de nul effet, et le salarié est réintégré dans le poste de travail qu'il occupait.

« Le non-respect des dispositions du présent texte est considéré comme constitutif du délit d'entrave et sanctionné comme tel. »

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