N° 309

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 6 avril 2000.

PROPOSITION DE LOI

tendant à instituer une journée nationale du souvenir des victimes civiles et militaires de la guerre d' Algérie et des combattants du Maroc et de Tunisie,

PRÉSENTÉE

Par MM. Guy FISCHER, Jean-Yves AUTEXIER, Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Robert BRET, Thierry FOUCAUD, Gérard LE CAM, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Roland MUZEAU, Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme Odette TERRADE,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Anciens combattants et victimes de guerre.

EXPOSÉ DE MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Certaines périodes s'avèrent déterminantes quant au destin et au devenir d'une Nation.

Il en est ainsi des pages de notre Histoire de France souvent exaltantes mais toujours douloureuses, écrites du sang et des larmes par ces femmes et ces hommes qui ont porté dignement les couleurs de notre pays, consentant que leur destin individuel s'efface devant le destin collectif de la France.

La fin de tous ces conflits a toujours été une victoire de la sagesse des hommes prenant conscience que la guerre est une grave erreur de l'humanité, un mal qui déshonore le genre humain.

Trop d'êtres ont souffert, sont morts pour autoriser quiconque à arracher ces pages d'un livre qui n'est pas à refermer.

Chaque citoyen a pour devoir de respecter leur sacrifice, veiller à ce qu'il ne reste pas vain et serve la cause de la paix.

Le combattant est certes le plus concerné par le souvenir à ses frères d'armes tués, blessés ou disparus et le devoir de mémoire ; sa voix étant la plus qualifiée pour s'élever en faveur d'une vie sans haine ni violence.

Mais l'ensemble de nos concitoyens se reconnaissent dans des cérémonies patriotiques officielles dignes d'un hommage solennel, conscients qu'un peuple oubliant son passé n'a pas d'avenir.

Pour les guerres mondiales 1914-1918 et 1939-1945, les dates symboliques retenues sont tout naturellement celles du cessez-le-feu : jour essentiel pour le combattant qui risque sa vie à tout instant.

Dates de cessation des hostilités, elles sont porteuses d'espérances communes, mais chacune d'un message particulier réfutant toute idée d'une journée unique du souvenir qui introduirait l'élément destructeur de l'unité nationale et trahirait la mémoire particulière de la mémoire collective de notre peuple.

Pour la guerre d'Algérie se pose avec acuité la question de la reconnaissance officielle d'une journée nationale du souvenir et du recueillement dédiée à la mémoire des morts civils et militaires en Algérie, Maroc et Tunisie.

Le cessez-le-feu du 19 mars 1962 marque bien l'arrêt officiel de cette guerre. Il cristallise la mémoire de l'événement. Il est un enjeu de la mémoire française qui, désormais, n'identifie plus que deux dates : la Toussaint sanglante du 1er novembre 1954 et le cessez-le- feu du 19 mars 1962, premier jour où la France ne fut en guerre avec aucun peuple, l'une des dates les plus importantes de notre histoire contemporaine.

Après un débat de haute tenue, où consensus et devoir de mémoire ont prévalu, le Parlement unanime (l'Assemblée nationale le 10 juin 1999, le Sénat le 5 octobre 1999) a voté la loi n° 99-882 reconnaissant la guerre d'Algérie.

Nous avons su mettre en conformité le langage officiel avec le langage courant, conscients qu'une société ne peut vivre sans référence à des valeurs.

La Nation, qui rend ainsi sa dignité au citoyen combattant, doit également affirmer sa volonté d'honorer dignement la mémoire des victimes civiles et militaires en leur dédiant une journée nationale du souvenir et du recueillement.

Si, après la fin des hostilités, à l'instar de tous les conflits, il nous faut hélas! déplorer des morts que nous ne saurions oublier, les conditions sont désormais réalisées pour officialiser le jour anniversaire du cessez-le-feu proclamé en Algérie le 19 mars 1962 et légitimé par la volonté populaire dès le 8 avril 1962 : 90,71 % des Françaises et des Français approuvaient la fin de la guerre d'Algérie lors du référendum organisé à l'initiative du Président de la République, le général de Gaulle.

Avec la promulgation de la loi reconnaissant la guerre d'Algérie, lui conférant une légitimité incontestable, le 19 mars, qui rencontre une adhésion massive tous courants politiques confondus, s'affirme bien être la seule date commémorative en hommage aux morts civils et militaires de cette guerre, aucune autre date ne pouvant s'y substituer.

Plus de la moitié des conseils municipaux, trente-neuf conseils généraux de toutes sensibilités ont déjà adopté un voeu dans ce sens. Le nombre des communes inaugurant des artères du « 19 mars 1962 - Fin de la guerre d'Algérie » est en constante progression.

L'enquête d'opinion réalisée par l'IFOP, les 12 et 13 novembre 1999, conforte cette volonté nationale, tout particulièrement chez les jeunes de 15 à 24 ans cherchant à concilier l'étude de leur programme d'Histoire et la commémoration de la date anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie.

La commémoration, instant privilégié de la réflexion, renforce les liens entre générations. Elle présente une dimension pédagogique fondamentale. Elle est propice à tirer des enseignements, l'incompréhension du présent naissant de l'incompréhension du passé.

Au-delà des anciens combattants d'Algérie, la date du 19 mars appartient à notre peuple, à son Histoire, à tous ceux qui sont épris de paix.

Nous avons l'exigence du devoir de mémoire. Nous avons pour mission de faire vivre les valeurs de civisme et de citoyenneté, éléments fondateurs de toute démocratie.

Je vous demande donc de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

La République française institue une journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des morts civils et militaires de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie 1952-1962.

Article 2

Cette journée, ni fériée ni chômée, est fixée au 19 mars, jour anniversaire du cessez-le-feu proclamé le 19 mars 1962 en Algérie, mettant fin à dix années de guerre en Afrique du Nord.

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