N° 66

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 novembre 2006

PROPOSITION DE

RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête sur le Groupe EADS , et sur les raisons des retards de production et de livraison du groupe Airbus ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Bertrand AUBAN, Jean-Pierre BEL, Mme Maryse BERGÉ-LAVIGNE, MM. Jean-Pierre PLANCADE, Marc MASSION, Jean-Pierre MASSERET, Bernard ANGELS, Mme Nicole BRICQ, MM. Michel CHARASSE, Jean-Pierre DEMERLIAT, Jean-Claude FRÉCON, Claude HAUT, François MARC, Gérard MIQUEL, Michel MOREIGNE, Michel SERGENT, Didier BOULAUD, Jean-Louis CARRÈRE, Mmes Monique CERISIER-ben GUIGA, Josette DURRIEU, MM. Jean-Noël GUÉRINI, Louis LE PENSEC, Philippe MADRELLE, Pierre MAUROY, Louis MERMAZ, Daniel PERCHERON, Gérard ROUJAS, André ROUVIÈRE, Mme Catherine TASCA, M. André VANTOMME, Mme Dominique VOYNET et les membres du groupe socialiste (1), apparentés (2) et rattachés (3),

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et pour avis à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, en application de l'article 11, alinéa 1 du Règlement).

(1) Ce groupe est composé de : Mmes Jacqueline Alquier, Michèle André, MM. Bernard Angels, David Assouline, Bertrand Auban, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean Besson, Jean-Marie Bockel, Yannick Bodin, Didier Boulaud, Mmes Yolande Boyer, Nicole Bricq, M. Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Michel Charasse, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Roland Courteau, Yves Dauge, Jean-Pierre Demerliat, Mme Christiane Demontès, MM. Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mmes Odette Herviaux, Sandrine Hurel, Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Charles Josselin, Alain Journet, Mme Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, André Lejeune, Louis Le Pensec, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mme Gisèle Printz, MM. Marcel Rainaud, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Roland Ries, Gérard Roujas, André Rouvière, Mme Michèle San Vicente-Baudrin, M. Claude Saunier, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Sergent, Jacques Siffre, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Robert Tropéano, André Vantomme, André Vézinhet, Richard Yung.

(2) Apparentés : MM. Jacques Gillot, Serge Larcher, Claude Lise.

(3) Rattachés administrativement : Mmes Marie-Christine Blandin, Alima Boumediene-Thiery, M. Jean Desessard, Mme Dominique Voynet.

Industrie.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 3 octobre 2006, le conseil d'administration d'European Aeronautic Defence and Space company (EADS), maison mère d'Airbus, a annoncé un nouveau retard d'un an des livraisons de l'A 380. À cette occasion, a été présenté le plan dit « power 8 », dont l'objet principal serait de réaliser des économies pour faire face aux conséquences de retards de livraison.

Le 13 juin 2006, un premier retard de production de l'A 380 de près d'un an avait déjà été annoncé par la direction du Groupe. Le titre de la société EADS s'effondrait dès le lendemain de 26 %. Cette première annonce était alors assortie de révélations sur la vente massive, quelques jours auparavant, par Noël Forgeard (à l'époque co-président exécutif), de titres de la société EADS, acquis au moyen d'un plan de souscription d'actions.

Ces retards répétés dans la production et la livraison d'un avion, présenté à juste titre comme une réussite technologique de l'industrie aéronautique européenne, conduisent à s'interroger sur l'attitude de la direction du groupe EADS et de sa filiale Airbus, sur l'organisation de la production, sur les relations fonctionnelles entre EADS et Airbus, sur la circulation des informations et les prises de décision entre les deux groupes, sur le comportement des différents actionnaires et sur la stratégie de l'État (actionnaire de référence d'EADS par le biais de la SOGEAD) et, d'une façon générale, sur l'opacité de la gestion du Groupe EADS-Airbus.

La création d'EADS en juillet 2000 était fondée sur un pacte permettant la construction d'un groupe à dimension européenne, reposant sur l'équilibre franco-allemand et l'exclusivité de l'engagement des opérateurs. Ce pacte devait permettre la combinaison d'une logique politique de long terme et d'une logique industrielle et technologique d'excellence.

Airbus est un exemple de réussite d'intégration et de coopération européenne, gâché par des décisions successives et récentes, pour le moins contestable, qui ont fragilisé le pacte initial d'EADS.

La nomination en juin 2005, par le Président de la République, de Noël Forgeard, en remplacement de Philippe Camus, qui occupait ce poste depuis juillet 2000 et dont la compétence était reconnue, a été très mal ressentie par les responsables allemands du groupe. Les conditions du départ de Noël Forgeard au début de l'été 2006 n'ont fait qu'accentuer la crise de confiance au sein du groupe. La volonté exprimée par le Bundestag d'enquêter sur la situation du groupe EADS traduit la méfiance exprimée par nos partenaires.

Les choix de production et de montage de l'A 380 n'ont pas véritablement tenu compte de l'organisation industrielle du groupe Airbus entre ses différents sites. Les incompatibilités entre le routage du harnais et les structures de l'avion ne sont apparues qu'au moment de l'assemblage. L'organisation du groupe n'était manifestement pas suffisamment intégrée par rapport aux choix et aux options techniques retenus. La création d'EADS a conduit à une unification de certaines structures, mais la fragmentation de la production et des investissements a été maintenue.

Les choix des actionnaires industriels de référence, et notamment du Groupe Lagardère, qui a préféré céder il y a quelques mois une part important de ses titres pour se recentrer sur son activité médias, ont fragilisé la structure actionnariale du groupe EADS. Il semble donc que l'État actionnaire n'a finalement pas exercé de véritable vigilance sur le plan industriel dans la période récente, et que l'agence des participations de l'État n'a pas joué son rôle, alors que c'est l'une de ses missions.

Lorsque les retards ont été connus, le gouvernement est resté particulièrement passif, renonçant à toute intervention en tant qu'actionnaire de référence, allant jusqu'à considérer, par la voie du ministre de l'économie et des finances, lors de la séance de questions au gouvernement du 10 octobre 2006, que la « crise était derrière nous ».

Aujourd'hui, Airbus a de nombreux défis à relever : celui de l'A 380 et celui de l'A 350. La compétition avec Boeing n'est pas seulement de nature financière, mais aussi, et d'abord, de nature industrielle et commerciale. Mais pour rester compétitif sur l'ensemble de la gamme d'avions, au risque de se voir marginalisé, il est à craindre qu'Airbus supprime des emplois en son sein, et exerce une pression très forte sur tous les sous-traitants, et notamment sur les PME et PMI déjà en très grande difficulté.

Face à une telle situation, l'État se doit d'intervenir, parce qu'il est actionnaire, mais aussi parce qu'il s'agit de l'avenir d'un grand groupe industriel européen, et de milliers d'emplois directs et indirects dans de nombreuses régions de notre pays. L'aide de l'État doit passer par un soutien financier notamment en matière d'innovation et de recherche. Toute passivité serait coupable.

Dans cette perspective, le Sénat, dans le cadre de sa mission de contrôle financier des entreprises nationales, doit pouvoir enquêter sur les raisons des retards de production et de livraison de l'Airbus A 380, sur l'opacité du système de prise de décision, sur la chaîne des prises de décisions, et sur le système d'organisation du Groupe EADS, afin que les erreurs de la période passée soient corrigées, et que l'outil industriel que ce groupe constitue puisse être utilisé dans le but pour lequel il a été créé.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

Il est créé, en application de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et de l'article 11, alinéa 1, du Règlement du Sénat, une commission d'enquête de vingt et un membres sur le Groupe EADS, et sur les raisons des retards de production et de livraison du groupe Airbus.

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