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N° 325

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 mars 2015

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 34-1 DE LA CONSTITUTION,

pour un guide de pilotage statistique pour l' emploi ,

Par M. Jean DESESSARD et les membres du groupe écologiste,

Sénateurs

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Au mois de septembre 2013, le Conseil d'orientation pour l'emploi a rendu un rapport estimant que près de 400 000 tentatives de recrutement étaient abandonnées chaque année, faute de candidat adapté. Ce rapport avance également le chiffre de 820 000 emplois non pourvus.

Au moins trois facteurs peuvent expliquer qu'un poste ne soit pas pourvu : d'abord, le contexte économique, des variations conjoncturelles pouvant par exemple empêcher de procéder à un recrutement prévu antérieurement ; ensuite, l'attractivité objective d'un poste, c'est-à-dire le salaire et les conditions de travail, ou son attractivité subjective, par exemple l'image de la filière ; enfin, l'inadéquation des compétences des candidats au poste proposé.

Concernant le contexte économique, un processus de recrutement peut être interrompu par l'employeur. Une offre d'emploi peut être publiée, un processus de recrutement engagé, mais celui-ci n'est pas mené à son terme, car l'entreprise revoit ses prévisions d'activité à la baisse.

Une enquête réalisée par Meteojob et Companeo au mois de décembre 2013 sur un panel de 772 très petites entreprises, ou TPE, et petites et moyennes entreprises, ou PME, a révélé qu'un tiers d'entre elles a abandonné un projet de recrutement au cours de l'année 2013.

Il ne s'agit donc pas d'emplois non pourvus : lorsque le processus de recrutement s'arrête, le poste n'existe plus. Cependant, certains employeurs ne font pas part de cette raison et préfèrent déclarer que le recrutement n'a pas eu lieu par manque de candidat qualifié, ce qui fausse les statistiques du Conseil d'orientation pour l'emploi.

Un poste peut également être non pourvu à cause de son attractivité subjective, celle qui renvoie à l'image du métier. Cette notion est véhiculée par des représentations culturelles, des clichés, des stéréotypes.

Des initiatives existent pour mieux renseigner les candidats sur les réalités des métiers auxquels ils postulent et celles-ci méritent d'être poursuivies.

Mais l'attractivité d'un poste ne se limite pas à son image, les conditions de travail sont également déterminantes.

Les enquêtes en besoin de main-d'oeuvre de Pôle emploi et les évaluations du Gouvernement qui ont précédé la mise en place du plan formations prioritaires pour l'emploi identifient les besoins les plus forts dans les mêmes filières : BTP, hôtellerie-restauration, agroalimentaire. Ces secteurs ont une caractéristique commune : une stabilité de l'emploi des salariés relativement limitée et des rythmes de travail que l'on peut sans peine qualifier de soutenus. Par exemple, il sera difficile à un serveur de trouver une offre d'emploi en CDI, avec les conséquences qui en résulteront pour lui en termes d'accès à un logement ou à un prêt. De telles conditions de travail peuvent freiner de nombreux candidats, qui préféreront postuler à des emplois plus durables.

L'attractivité repose aussi sur l'adéquation du salaire et des conditions de travail avec l'expérience et les qualifications du demandeur d'emploi. À titre d'exemple, un informaticien à la recherche d'un emploi n'aura pas forcément envie d'accepter un salaire de débutant s'il a quinze ans d'expérience et maîtrise de nombreuses compétences.

Pour ce qui concerne l'adéquation des compétences des demandeurs d'emploi aux postes, il se peut qu'un employeur mette un terme au processus de recrutement parce qu'il n'arrive pas à trouver de candidat possédant les compétences souhaitées. La formation est un facteur important, qu'elle soit initiale, assurée par l'éducation nationale, ou continue, dispensée par les différents organismes de formation.

S'agissant de la formation initiale, les lacunes de l'enseignement dispensé à l'école, au collège et au lycée ont des répercussions évidentes sur l'employabilité des demandeurs d'emploi. À cet égard, le programme compétences clés mis en place par l'État pour combler les lacunes, entre autres, des demandeurs d'emploi en matière d'informatique, de langues, ou encore de mathématiques connaît un grand succès : les 50 000 formations réalisées chaque année dans ce cadre ne suffisent pas à satisfaire toutes les demandes.

Quant à la formation continue, si Pôle emploi finance seulement 10 % des formations, il est le prescripteur d'environ 90 % d'entre elles. Celles-ci peuvent être classées en trois grandes catégories : les formations de préparation à l'embauche, de 400 heures au maximum, sur des contrats de deux ans, par exemple, lorsque le demandeur d'emploi fait l'objet d'un processus de recrutement dans une entreprise ; les formations mobilisées individuellement, par le droit individuel à la formation et, aujourd'hui, par le compte personnel de formation, et les formations conventionnées par Pôle emploi.

Ces formations dépendent des branches professionnelles et les dispositifs sont si nombreux et complexes que personne ne parvient à évaluer leur nombre exact. Ainsi, même l'Inspection générale des affaires sociales, dans son rapport du mois d'août 2013, ne parvient pas à chiffrer précisément ces dispositifs et évoque seulement un système complexe, basé sur une addition de « logiques différentes selon les acteurs institutionnels ».

Les conseillers de Pôle emploi, acteurs clés de la lutte contre le chômage et premiers interlocuteurs des demandeurs d'emploi ne maîtrisent pas tous les outils et circuits de financement de la formation professionnelle. Ils s'y retrouvent difficilement, et cette illisibilité se répercute sur l'information donnée aux chômeurs, notamment via le site internet de Pôle emploi. La simplification de tous ces dispositifs semble nécessaire.

Les causes des emplois non pourvues sont ainsi connues, identifiées. Mais leur proportion dans chacun des emplois non pourvues reste en revanche non élucidée. Aucun acteur institutionnel ne dispose de chiffres, de statistiques permettant d'orienter les politiques publiques, ce qui interroge le bien-fondé et la légitimité des moyens déployés, notamment via la formation, pour que ces postes soient pourvus.

Les politiques en direction des chômeurs ont besoin d'un tableau de bord, un outil de gestion précis, mobilisé par les pouvoirs publics, permettant d'identifier précisément la cause de ces emplois non pourvus, avec des objectifs chiffrés et des moyens suffisants. Cet outil répond à un besoin de vision d'ensemble, pour déterminer les secteurs en tension, les leviers institutionnels devant être mobilisés, mais aussi les filières devant être soutenues.

C'est précisément l'objet de la présente proposition de résolution.

Le Gouvernement est ainsi invité à prendre les mesures nécessaires pour mettre en place un Guide de Pilotage Statistique pour l'Emploi (GPS-Emploi), destiné à connaitre précisément les causes des emploi non pourvus et leur proportion. Il permettra d'orienter les politiques publiques de l'emploi vers les bons outils, les bons secteurs d'activités, afin de garantir une réelle adéquation entre les politiques en direction des demandeurs d'emploi et les besoins de l'économie française.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 34-1 de la Constitution,

Prenant acte des conclusions du conseil d'orientation pour l'emploi qui estime le nombre d'emplois vacants en France à plus de 800 000 ;

Reconnaissant les raisons multiples qui expliquent ce chiffre : formation et compétences inadaptées, attractivité limitée du poste, éloignement des demandeurs d'emploi du lieu de travail, abandon du projet de recrutement ;

Prenant acte de l'absence de statistiques, aussi bien nationales que locales, permettant de chiffrer le nombre de postes vacants imputables à chacune de ces causes ;

Estimant que l'existence de postes non pourvus dans une société où le chômage est élevé laisse libre cours à toutes les interprétations et accusations, le plus souvent à l'encontre des chômeurs ;

Affirmant que l'objectif de l'emploi pour tous doit être inscrit au coeur de toutes les politiques publiques ;

Souhaite que le Gouvernement prenne les mesures nécessaires pour mettre en place un guide de pilotage statistique pour l'emploi (GPS-Emploi), référençant au niveau local et national les offres d'emploi non pourvues ainsi que leurs causes.

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