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N° 107

SÉNAT

PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1981-1982

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 décembre 1981.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête sur l' évasion des capitaux et les moyens d'y mettre fin.

PRÉSENTÉE

Par M. Paul JARGOT, Mmes Marie-Claude BEAUDEAU, Danielle BIDARD, MM. Serge BOUCHENY, Raymond DUMONT, Jacques EBERHARD, Gérard EHLERS, Pierre GAMBOA, Jean GARCIA, Bernard HUGO, Charles LEDERMAN, Fernand LE FORT, Mme Hélène LUC, M. James MARSON, Mme Monique MIDY, MM. Louis MINETTL Jean OOGHE, Mme Rolande PERLICAN, MM. Marcel ROSETTE, Guy SCHMAUS, Camille VALLIN, Hector VIRON et Marcel GARGAR,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Finances, du Contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, et, pour avis, en application de l'article 11 du Règlement, à la commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale.)

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Douanes - Capitaux - Commissions d'enquête et de contrôle.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

L'estimation approximative d'évasion de capitaux depuis le 10 mai 1981 est de 32 milliards de francs. Elle s'élève à 7 milliards pour la période antérieure de l'année.

Le Gouvernement a pris des premières mesures positives pour combattre la fuite des capitaux qui constitue une activité antinationale mettant en cause la relance économique et la lutte contre le chômage. Compte tenu de la gravité et de l'ampleur du problème, il serait souhaitable de créer une commission d'enquête parlementaire sur les évasions de capitaux et les transferts de fonds à l'étranger.

La commission devrait examiner l'ensemble du problème posé.

Il s'agit d'abord des techniques et mécanismes utilisés en matière de transferts et d'évasion de capitaux, c'est-à-dire les exportations physiques (véhicules personnels, passeurs, autres moyens de transports, avions-taxis ou privés, etc.) ; les jeux de compensation bancaire (liquidités disponibles par le biais des opérations de banque à banque) ; les opérations effectuées sous couvert de transactions commerciales et les opérations effectuées des filiales vers les maisons mères et vice-versa.

Les principales techniques de fraudes utilisées actuellement en matière commerciale sont les suivantes :

1. Majoration et minoration de valeur.

A l'importation : maison mère à l'étranger - filiale en France ; la marchandise est facturée 120 F, alors qu'elle ne vaut que 100 F.

Il y a un système corollaire à l'exportation : une société française vend une marchandise à l'étranger par l'intermédiaire d'une société « relai » : valeur 100 F, facturation 80 F, refacturation 100 F.

Le contrôle est d'autant plus difficile que les déclarations import-export ont augmenté de 242 % en vingt ans sans que les effectifs budgétaires des douanes aient varié de manière significative.

2. Brevets et contrats d'assistance technique.

La société française signe un contrat pour brevet de marque d'assistance et le coût des redevances est artificiellement majoré (10 à 15 %). En réalité, le service rendu ne correspond pas à ce pourcentage.

3. Commissions.

La société française invoque la nécessité de verser une commission pour obtenir un marché. Cette pratique existe au plan international. Elle fixe le taux de cette commission à 3 ou 5 % et verse 1,5 ou 2,5 % sur un compte à l'étranger en ne versant donc que la moitié au titre de « pots-de-vin » pour obtenir ce marché. Cette commission peut également être fictive.

La commission devra examiner également l'insuffisance des moyens de l'Administration des douanes. Le Syndicat national des agents des douanes C.G.T. estime à 4.000 agents les besoins immédiats (1.500 agents dans le service des opérations commerciales, 2.500 dans celui de la surveillance).

La diminution de deux heures de la durée hebdomadaire de travail prévue le 1 er janvier 1982 annule les effets du collectif budgétaire pour le service de la surveillance (douaniers en tenue), les 1.000 emplois suffiront à peine à combler les effets de cette diminution.

Se pose également le problème des sanctions : l'administration des douanes dispose du pouvoir de transaction. Il est souhaitable qu'elle conserve cette possibilité pour les petites contraventions ou délits mineurs. Mais les affaires contentieuses importantes doivent être soumises à la justice. On ne doit pas transiger avec des délinquants qui pratiquent une politique antinationale en spéculant contre notre monnaie et contre les intérêts économiques de notre pays.

La collaboration des divers services intéressés (Douanes, Direction générale des impôts, Banque de France, banques) pour la lutte contre l'évasion des capitaux, pourrait être renforcée.

L'échange d'informations, les interventions communes sont nécessaires pour mener à terme des affaires du type Paribas, par exemple.

De la même façon qu'il existe des contrats d'assistance administrative mutuelle pour la fraude, il conviendrait d'envisager l'extension de la collaboration au niveau de la C.E.E., pour les questions de contrôle des changes. L'existence de multinationales pose d'énormes problèmes au niveau des contrôles.

Ces mesures et d'autres pourraient faire l'objet de l'examen de la commission parlementaire d'enquête qui serait amenée à procéder à toutes les auditions nécessaires.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de résolution.

PROPOSITION DE RESOLUTION

Article unique.

Conformément à l'article 11 du Règlement, il est créé une commission d'enquête de 21 membres sur l'évasion des capitaux et les moyens d'y mettre fin.

La commission étudiera notamment les techniques actuelles d'évasion de capitaux et proposera en conclusion les moyens de toute nature nécessaires en matière de prévention et de sanction.

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