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N° 116

SÉNAT

PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1993 - 1994

Annexe au procès-verbal de la séance du 24 novembre 1993.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT ; sur la proposition de règlement (CEE) du Conseil relatif à l'octroi d'une aide agri-monétaire (n° E97),

Par M. Philippe FRANÇOIS,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Communautés européennes.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La proposition n° E-97, qui vous est soumise en application de l'article 88-4 de la Constitution, a pour objet de préciser les conditions dans lesquelles peut être octroyée une aide compensatoire aux agriculteurs dont le revenu se trouve diminué en raison d'une réévaluation de la monnaie de leur État entraînant une diminution du taux de conversion agricole.

Ce texte est en réalité indissociable des mesures relatives au régime agri-monétaire, c'est-à-dire aux modalités de conversion des prix en écus en prix en monnaie nationale.

Or, paradoxalement, le Parlement n'a été saisi dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution :

- ni de la proposition de règlement référencée « COM (92) 275 final » du 8 juillet 1992, qui est devenue le règlement n° 3813/92 du Conseil du 28 décembre 1992 relatif à l'unité de compte et au taux de conversion à appliquer dans le cadre de la P.A.C. ;

- ni de la proposition de règlement référencée « COM (93) 483 final » du 13 octobre 1993 qui tend à modifier le règlement précité.

L'Assemblée nationale et le Sénat se trouvent ainsi dans la situation curieuse d'être saisis de l'accessoire sans pouvoir connaître du principal.

Sur le fond, il ne paraît pas acceptable que les deux propositions de la Commission européenne relatives au régime agri-monétaire n'aient pas été soumises au Parlement dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution. En effet, ces deux propositions traitent d'une matière qui a des conséquences notables sur le fonctionnement de la P.A.C., des incidences importantes sur le budget communautaire (dont le projet a été soumis au Parlement dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution) et, par voie de conséquence, un impact sur le budget de l'État.

Comme il n'est manifestement pas possible de se prononcer sur les modalités d'octroi d'une aide agri-monétaire, objet de la proposition n° E-97 dont le Sénat est saisi, sans évoquer la réforme, actuellement en discussion, du régime agri-monétaire qui conditionne le sens et la portée de ces modalités, la présente proposition de résolution aborde les deux sujets, s'alignant ainsi au demeurant sur le Conseil qui les a constamment liés dans ses propres discussions.

A - LE PROBLÈME AGRI-MONÉTAIRE

1 . La situation ayant le 2 août 1993

Le règlement du Conseil n° 3813/92 du 28 décembre 1992 a défini un nouveau régime agri-monétaire afin de permettre la suppression du système des montants compensatoires monétaires (M.C.M.), incompatible avec l'entrée en vigueur du marché unique européen puisque reposant sur des contrôles aux frontières. Ce régime repose sur deux grands principes :

- La distinction entre « monnaies fixes » et « monnaies flottantes »

Les « monnaies fixes » sont celles qui suivent toutes les règles du S.M.E, notamment la marge de fluctuation de 2,25 %. Pour convertir les prix en écus en prix en monnaie nationale, on utilise un « taux-pivot vert » égal au taux-pivot retenu pour le S.M.E. multiplié par le facteur de correction résultant du mécanisme du « switch over » (voir ci-dessous).

Pour les « monnaies flottantes », le taux-pivot au sein du SME (lorsqu'il existe) n'intervient pas : le taux utilisé est la moyenne des taux constatés sur une période de référence, multipliée par le même facteur de correction que pour les « monnaies fixes » ; ce taux est périodiquement réajusté, dès lors que la fluctuation a dépassé 2 % dans un sens ou dans l'autre. En cas de réévaluation d'une monnaie « flottante », des aides cofinancées par la Communauté peuvent être accordées pour compenser la perte de revenus subie par les agriculteurs de l'État membre intéressé.

- Le mécanisme du « switch over »

Le mécanisme du « switch over » a pour but d'éviter une baisse de prix en cas de réévaluation d'une monnaie « fixe ». Pour cela, l'« écu vert », qui sert à fixer les prix agricoles, est à chaque réalignement des parités réévalué comme la monnaie qui se réévalue le plus, d'où l'existence d'un « facteur de correction » (de l'ordre de 1,2) pour passer du taux de change « normal » d'une monnaie à son taux « vert ». De ce fait, toute réévaluation entraîne une augmentation des prix réels dans tous les pays dont la monnaie n'a pas été réévaluée. Ce système est inflationniste et coûteux, toute réévaluation augmentant les dépenses du FEOGA-garantie. Un correctif, de portée limitée, est toutefois introduit au début de la campagne suivante, à savoir, pour les pays dont la monnaie a été réévaluée, une baisse de prix égale au quart de la baisse de prix évitée. Cette baisse est donc partielle et retardée alors que les hausses sont presqu'immédiates. Des aides nationales peuvent être accordées pour la compenser : elles doivent être de nature « socio-structurelle » et ne pas inciter à produire.

2. La situation après le 2 août 1993

L'élargissement à 15 % des marges de fluctuation autour des taux-pivot a créé une situation où la distinction entre monnaies « fixes » et « flottantes » perd une grande partie de sa pertinence, ce qui devrait, en principe, conduire à des modifications fréquentes des « taux verts ». De ce fait, quatre réajustements ont été effectués au mois d'août 1993 ; puis, comme l'Allemagne et les Pays-Bas demandaient l'application du mécanisme du « switch over » pour éviter une baisse des prix payés à leurs agriculteurs, tandis que la Commission européenne, invoquant des raisons budgétaires, s'y opposait, un gel des taux « verts » a été décidé par la Commission à titre conservatoire, à partir du 9 septembre. Ce gel a été ensuite prorogé par la Conseil à trois reprises, le 21 septembre, le 18 octobre et le 17 novembre. Parallèlement, la Commission a élaboré une proposition de règlement, présentée le 13 octobre, qui tend à corriger les modalités d'application du régime agri-monétaire afin de tenir compte des problèmes soulevés par l'Allemagne et es Pays-Bas.

3. La proposition de la Commission

La proposition du 13 octobre référencée « COM (93) 483 final » tend :

- à ne plus recourir au mécanisme du « switch over » (qui trouvait sa justification dans l'existence d'un SME à marge étroite), et à réduire en contrepartie la fréquence des adaptations des taux verts, en élargissant à 3 % la marge de réévaluation d'une monnaie n'entraînant pas la révision de son taux de change « vert » ;

- à accélérer, dans le cas des États membres à monnaie « flottante », l'octroi des aides agri-monétaires compensatoires aux agriculteurs subissant une perte de revenus du fait de la réévaluation de la monnaie de leur pays, en permettant à ces États d'accorder une avance sur l'aide compensatoire cofinancée par la Communauté ;

- à limiter les conséquences budgétaires des fluctuations monétaires, en prévoyant, d'une part, que seuls les États membres dont le taux de change « vert » serait inférieur à son montant 24 mois auparavant pourraient demander une augmentation en Ecus des aides directes prévues par la réforme de la PAC, et d'autre part, que l'aide compensatoire cofinancée par la Communauté (réservée aux États à monnaie « flottante ») serait annulée en cas de dévaluation de la monnaie concernée à l'issue d'une période de douze mois (les avances reçues n'étant toutefois pas remboursables).

B - LE PROBLEME DE L'AIDE AGRIMONETAIRE

La proposition n° E-97 a pour objet de fixer certaines règles d'application concernant :

- l'octroi de l'aide compensatoire, éligible au cofinancement communautaire, susceptible d'être accordée aux agriculteurs en cas de baisse des prix consécutive à la réévaluation d'une monnaie « flottante » (aide prévue à l'article 8 du règlement n° 3813/92 du 28 décembre 1992) ;

- l'octroi de l'aide compensatoire nationale pouvant être accordée par les États à monnaie « fixe » pour compenser les effets de l'atténuation de 25 % du mécanisme du « switch over » (aide prévue à l'article 9 du même règlement).

Elle précise les modalités de fixation du montant de l'aide et les conditions de son versement, et en définit également la nature : il doit s'agir soit de subventions non liées à la production, soit de mesures « socio-structurelles » (notion qui est détaillée dans une annexe). Ces restrictions ont pour but d'éviter que les aides compensatoires n'entraînent des perturbations des marchés. Dans les limites de nature et de montant ainsi établies, les aides sont gérées par les États membres.

C - L'OBJET DE LA PROPOSITION DE RESOLUTION

La proposition n° E 97 n'étant pas séparable des mesures agri-monétaires actuellement en discussion (et qui comprennent d'ailleurs des dispositions relatives aux aides compensatoires), la proposition de résolution qui suit a pour but principal d'attirer l'attention du Parlement et du Gouvernement sur les dangers que comporterait tout régime agri-monétaire qui persisterait à ne pas répercuter les réévaluations des monnaies sur l'évolution des prix agricoles :

- la mise en oeuvre systématique du « switch over », que demandent l'Allemagne et les Pays-Bas, aurait pour conséquence, dans un contexte de forte instabilité monétaire, de susciter dans de nombreux pays des hausses de prix ; ces hausses compromettraient gravement la réussite de la réforme de la PAC, fondée notamment sur la reconquête du marché intérieur communautaire grâce à une baisse des prix garantis, et favoriseraient l'apparition d'excédents vraisemblablement impossibles à exporter en raison des nouvelles contraintes du GATT ;

- l'application généralisée du mécanisme du « switch over », dans le contexte actuel, serait la source de graves difficultés budgétaires ; en effet selon la Commission, le maintien de ce mécanisme, même sous une forme restrictive, conduirait à lui seul (compte non tenu du coût des aides compensatoires) à une dépense supplémentaire de 176 millions d'Ecus en 1994 pour chaque réévaluation d'1 % des monnaies allemande et néerlandaise, et de 312 millions d'écus pour les années suivantes (toujours pour chaque augmentation d'1 % de l'« écu vert »). Il faudrait alors soit relever le plafond budgétaire fixé par le Conseil européen, soit diminuer le niveau de soutien à l'agriculture, ce qui conduirait notamment à remettre en cause le montant des aides directes prévues par la réforme de la PAC.

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C'est pourquoi il vous est proposé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de résolution qui suit :

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