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Le 9 juin 2013

N° 164
SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

RÉSOLUTION EUROPÉENNE

sur l'ouverture de négociations en vue d'un partenariat transatlantique (E 8165) .

Est devenue résolution du Sénat, conformément à l'article 73 quinquies , alinéas 4 et 5, du Règlement du Sénat, la résolution adoptée par la commission des affaires économiques dont la teneur suit :

Voir les numéros :

Sénat : 522 , 526 , 577 et 639 (2012-2013).

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 207 et 218 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu l'article 3 du traité sur l'Union européenne,

Vu l'article 22 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

Vu la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, adoptée à Paris le 20 octobre 2005,

Vu la recommandation de décision du Conseil autorisant l'ouverture de négociations concernant un accord global sur le commerce et l'investissement, appelé Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement, entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique [COM (2013) 136 final] (E 8165),

Vu la proposition de résolution du Parlement européen sur les négociations en matière de commerce et d'investissement entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique (2013/2558(RSP)) adoptée par sa commission du commerce international du Parlement européen le 24 avril 2013,

Considérant que le nécessaire approfondissement du multilatéralisme n'exclut pas la conclusion d'accords bilatéraux plus ambitieux que ceux conclus au sein de l'Organisation mondiale du commerce ;

Considérant la communauté d'intérêts politiques et économiques qui unit les États-Unis et l'Union européenne et qui est fondée sur la démocratie, la primauté du droit et les droits de l'Homme ;

Considérant que l'Union européenne et les États-Unis représentent ensemble près de la moitié du PIB mondial et le tiers des échanges, et que leur relation commerciale bilatérale est extrêmement importante pour chacun d'eux ;

Considérant que l'Union européenne est, comme la France, partie à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles précitée, et que les États-Unis ont refusé, à l'inverse, d'être partie à cette même convention ;

Considérant que les biens et services culturels ne sauraient être assimilés à des marchandises comme les autres ;

- Sur le principe du partenariat transatlantique

Se félicite que les États-Unis et l'Union européenne envisagent de négocier ensemble un accord global sur le commerce et l'investissement susceptible d'insuffler une nouvelle dynamique aux relations transatlantiques, particulièrement dans le contexte de crise actuel ;

Estime que la perspective d'un partenariat transatlantique sur le commerce et l'investissement représente une opportunité majeure pour l'Union européenne, en ce qu'un tel accord peut contribuer sensiblement à la croissance et à l'emploi, mais aussi avoir un effet d'entraînement plus large vers une meilleure régulation du commerce mondial ;

Insiste sur la nécessité que le partenariat transatlantique ne soit pas seulement un accord de libre-échange mais un réel partenariat d'égal à égal dans le respect des valeurs fondamentales, de l'identité culturelle et des préférences collectives de chacun des deux partenaires ;

- Sur les priorités européennes dans la négociation

Souligne la nécessité pour l'Union européenne de convenir avec les États-Unis d'une protection effective des droits de propriété intellectuelle, et particulièrement des indications géographiques, sur les vins comme sur les autres produits agricoles et agroalimentaires ;

Souligne son attachement au principe de la non brevetabilité du vivant et à la préservation de la réglementation existant dans ce domaine dans l'Union européenne ;

Appelle le Gouvernement à rester vigilant sur le traitement des produits sensibles, notamment agricoles, tout au long de la négociation, et à obtenir que l'accord final préserve la possibilité d'accorder un traitement spécifique aux lignes tarifaires les plus sensibles, y compris l'inclusion d'une clause de sauvegarde ;

Rappelle l'importance des règles d'origine, qui doivent avoir le même niveau d'exigence pour les deux parties à l'accord, afin de ne pas désavantager les producteurs européens ;

Souhaite que, parmi les objectifs fixés par le mandat de négociation, figure l'obtention de progrès parallèles en matière d'accès au marché et de réduction des barrières non tarifaires - principalement les procédures de douane et les restrictions réglementaires internes, notamment sanitaires -, l'expérience européenne en matière de reconnaissance mutuelle et d'harmonisation des normes et procédures pouvant être mise à profit au service d'une meilleure intégration du marché transatlantique ;

Relève que, s'agissant des barrières non tarifaires, le partenariat transatlantique représente une occasion unique pour réduire les discriminations que subissent les entreprises européennes dans l'accès aux marchés publics américains, y compris subfédéraux, alors même que l'Union européenne ouvre la quasi-totalité de ses marchés publics aux pays tiers ;

Insiste sur l'importance de ne pas négliger d'inclure dans le champ de la négociation les subventions publiques dans la mesure où elles sont susceptibles de fausser les conditions de concurrence et d'entraver l'accès au marché ;

Encourage les négociateurs du partenariat transatlantique à promouvoir la convergence des règles existantes et l'élaboration de règles conjointes en matière sociale et environnementale, à condition d'éviter un nivellement de ces règles par le bas, dans le but d'améliorer la relation commerciale bilatérale mais aussi d'influer sur l'ensemble du système commercial mondial dans une perspective de développement durable ;

Juge particulièrement impératif de faire converger les règles prudentielles et leur interprétation par les régulateurs de part et d'autre de l'Atlantique, pour assurer des conditions loyales de concurrence aux entreprises financières européennes ;

Souhaite que la Commission européenne exclue le recours à l'arbitrage en matière de règlement des différends entre les investisseurs et les États, car cela lui paraît de nature à remettre en cause la capacité des États à légiférer ;

Souligne à cet égard que l'accord devra être contraignant pour tous les niveaux d'administration ainsi que pour toutes les autorités de régulation et autres autorités compétentes des deux parties ;

Estime que les nouvelles règles dont l'Union européenne est en train de se doter en matière de protection des données personnelles devront être complétées par la finalisation d'un accord avec les États-Unis encadrant le transfert de données sur requête des autorités américaines, afin de garantir aux citoyens européens une protection conforme à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et que cet accord pourrait constituer un volet du partenariat transatlantique ;

- Sur le périmètre de la négociation

Affirme son attachement au principe de la neutralité technologique, en vertu duquel la nature du support ne modifie pas le contenu de l'oeuvre, et souligne que l'insertion des technologies de l'information et de la communication dans l'accord de libre-échange ne saurait être un moyen de contourner la protection de la diversité culturelle, attachée en particulier aux contenus audiovisuels et cinématographiques ;

Considère que la mention expresse de la protection de la diversité culturelle dans la recommandation de décision du Conseil précitée, adoptée par la Commission européenne le 12 mars 2013, ne saurait suffire à garantir la protection effective de la diversité culturelle ;

Demande, en conséquence, au Gouvernement de requérir l'exclusion explicite des services audiovisuels du mandat de négociation que le Conseil confiera à la Commission européenne concernant le partenariat transatlantique, pour éviter toute atteinte à la diversité culturelle de l'Union européenne et laisser toute latitude aux législateurs européen et national s'agissant de la régulation à venir du secteur audiovisuel, tout particulièrement dans l'environnement numérique ;

Fait valoir que, dès lors que l'unanimité serait en tout état de cause requise pour la conclusion d'un accord incluant une libéralisation des services audiovisuels et risquant de ce fait de porter atteinte à la diversité culturelle de l'Union, il est dans l'intérêt de l'Union européenne que la décision du Conseil autorisant l'ouverture des négociations sur le partenariat transatlantique soit d'emblée adoptée par consensus afin de garantir au négociateur communautaire la plus grande sécurité juridique et d'éviter le veto final d'un État membre empêchant la conclusion de l'accord ;

Observe que, de même, il convient de tenir compte, dès la rédaction du mandat de négociation, de la résolution adoptée par le Parlement européen à l'initiative de sa commission du commerce international, afin de se prémunir contre un rejet final par le Parlement européen de l'accord négocié, empêchant ainsi sa conclusion ;

Demande au Gouvernement de requérir également l'exclusion explicite des marchés publics de défense et de sécurité du mandat de négociation que le Conseil confiera à la Commission européenne concernant le partenariat transatlantique, afin de préserver l'industrie de défense européenne et de ne pas menacer la souveraineté de l'Union européenne en ce domaine stratégique ;

Insiste pour que le mandat de négociation vise explicitement à obtenir dans l'accord final la reconnaissance de la possibilité, pour chaque partie, d'apprécier différemment le risque alimentaire, sanitaire ou environnemental lié à l'émergence de nouvelles technologies en fonction du niveau de protection requis par les préférences collectives de ses citoyens ;

- Sur le suivi des négociations

Rappelle que le comité de politique commerciale doit être consulté par la Commission européenne à toutes les étapes de la procédure de négociation et invite la Commission à faciliter le suivi régulier et transparent du déroulement des négociations par les autorités nationales ;

Invite le Gouvernement à fournir au Parlement français une étude d'impact permettant d'apprécier, par secteur d'activité, les effets pour la France de différents scénarios de négociation ;

Insiste sur le fait que l'objectif premier de l'Union européenne doit être d'aboutir à un accord équilibré, se caractérisant par des progrès simultanés et substantiels sur les trois volets que constituent l'accès au marché, les barrières non tarifaires et la régulation du commerce.

Devenue résolution du Sénat le 9 juin 2013.

Le Président,

Signé : Jean-Pierre BEL

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