Question de M. BONNET Christian (Morbihan - U.R.E.I.) publiée le 24/11/1988

M. Christian Bonnet expose à M. le ministre de l'intérieur que, lors du scrutin référendaire du 6 novembre 1988, le résultat des votes a fait apparaître que près de 12 p. 100 des électeurs qui sont allés voter ont déposé dans les urnes un bulletin blanc ou nul, comme tel avait été le cas à peu de chose près le 23 avril 1972. Il lui indique que, d'après les indications qui lui ont été données, il s'est agi dans le premier cas au moins de Français et de Françaises désireux de remplir ce qu'ils tiennent pour un devoir civique, et que les intéressés sont marris de voir leurs bulletins confondus dans les statistiques officielles avec ceux qu'annulent telles ou telles irrégularités. Il lui demande s'il ne lui apparaît pas dès lors convenable de déposer un projet modifiant l'article L. 66 du code électoral dans le sens d'une reconnaissance officielle du vote blanc comme expression du suffrage.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 19/01/1989

Réponse. - La règle selon laquelle les bulletins " blancs " ne sont pas comptabilisés parmi les suffrages exprimés est traditionnelle dans notre droit électoral. Elle a été pour la première fois codifiée dans l'article 30 du décret réglementaire du 2 février 1852 ; elle a été reprise dans l'article 9 de la loi du 29 juillet 1913, lequel est devenu par la suite l'article L. 66 du code électoral. Il convient tout d'abord d'établir nettement la signification qu'on doit accorder aux bulletins " blancs ". La personne qui prend soin de confectionner elle-même, et à l'avance (puisqu'il n'est pas mis à la disposition de l'électeur), son bulletin " blanc " pour l'insérer ensuite dans l'enveloppe électorale manifeste le scrupule d'accomplir exactement son devoir électoral en même temps que le souci de n'avantager aucun des candidats ou aucune des listes en présence. Qu'en serait-il de cette volonté de neutralité si les bulletins " blancs " étaient comptabilisés parmi lessuffrages exprimés ? 1° Dans les élections à la représentation proportionnelle. Dans ce type de scrutin, les sièges sont attribués à des listes, proportionnellement au nombre de voix qu'elles ont obtenu. Les bulletins " blancs " ne peuvent, par hypothèse, entraîner l'attribution de sièges au profit d'une liste qui n'existe pas. Que ces bulletins soient comptabilisés ou non parmi les suffrages exprimés ne modifie en rien la répartition mathématique des sièges entre les listes en présence. La réforme suggérée n'aurait d'autre effet que de compliquer inutilement les opérations de dépouillement, puisqu'il devrait être prévu une totalisation spéciale pour les bulletins " blancs ", celle-ci n'existant pas à l'heure actuelle, les bulletins " blancs " étant totalisés avec les " nuls ". 2° Pour les élections au scrutin majoritaire à deux tours (élection des députés, des conseillers généraux et des conseillers municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants). Le décompte des bulletins " blancs " parmi les suffrages exprimés aurait pour effet d'élever le chiffre de la majorité absolue. L'élection d'un candidat ou d'une liste au premier tour serait ainsi rendue plus difficile, ce qui augmenterait le nombre des seconds tours. Le résultat final ne pourrait cependant guère avoir de chance d'être modifié à l'issue du second tour, dans le cas d'un candidat ou d'une liste qui a obtenu au premier tour plus de voix que tous ses adversaires réunis. Il n'en reste pas moins que les votes blancs auraient joué au détriment du candidat ou de la liste arrivés en tête, et au détriment d'eux seuls. A la limite, on peut d'ailleurs se trouver dans une " impasse " juridique, dans l'hypothèse où le nombre des bulletins " blancs " représenterait la majorité absolue des suffrages au premier tour ou leur majorité relative au second. Aucun candidat ne pourrait en effet alors être proclamé, si bien qu'on ne pourrait que constater la vacance du ou des sièges à pourvoir, avec la perspective d'une élection partielle pour la combler. 3° Pour l'élection présidentielle. L'article 7 de la Constitution prévoit que " le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés ". Dans le régime actuel, si cette condition n'est pas réalisée au premier tour, elle l'est obligatoirement au second, puisque ne peuvent alors se présenter que " les deux candidats qui, le cas échéant, après retrait de candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour ". On conçoit aisément que, si les bulletins " blancs " entrent dans le décompte des suffrages exprimés, donc dans le calcul de la majorité absolue, ils joueront automatiquement au premier tour à l'encontre du candidat arrivé en tête, son élection étant ainsi rendue plus difficile. Mais, résultat plus grave, il peut très bien se faire qu'au second tour aucun des candidats n'obtienne la majorité absolue, surtout si les deux adversaires ne sont séparés que par un nombre de voix relativement réduit. 4° Pour les référendums. En cas de référendum, un projet est adopté à la majorité des suffrages exprimés. Si les bulletins blancs sont considérés comme des suffrages exprimés, le projet ne pourra être adopté que si le nombre des bulletins " oui " est supérieur au nombre des bulletins " non " et " blancs " réunis. Le projet pourrait même être rejeté si aucun électeur n'avait voté " non " dès lors que les votes " blancs " l'emporteraient sur les votes " oui " . Pour les référendums, voter " blanc " reviendrait ainsi à voter " non ". Comptabiliser les bulletins " blancs " parmi les suffrages exprimés serait donc sans effet pratique dans les élections à la représentation proportionnelle. Dans tous les autres scrutins, en revanche, une telle réforme irait à l'encontre de la volonté de neutralité manifestée par les électeurs qui auraient déposé un bulletin " blanc " dans l'urne. Compte tenu des observations qui précèdent, l'auteur de la question comprendra que sa suggestion ne puisse être retenue. ; majorité absolue, ils joueront automatiquement au premier tour à l'encontre du candidat arrivé en tête, son élection étant ainsi rendue plus difficile. Mais, résultat plus grave, il peut très bien se faire qu'au second tour aucun des candidats n'obtienne la majorité absolue, surtout si les deux adversaires ne sont séparés que par un nombre de voix relativement réduit. 4° Pour les référendums. En cas de référendum, un projet est adopté à la majorité des suffrages exprimés. Si les bulletins blancs sont considérés comme des suffrages exprimés, le projet ne pourra être adopté que si le nombre des bulletins " oui " est supérieur au nombre des bulletins " non " et " blancs " réunis. Le projet pourrait même être rejeté si aucun électeur n'avait voté " non " dès lors que les votes " blancs " l'emporteraient sur les votes " oui " . Pour les référendums, voter " blanc " reviendrait ainsi à voter " non ". Comptabiliser les bulletins " blancs " parmi les suffrages exprimés serait donc sans effet pratique dans les élections à la représentation proportionnelle. Dans tous les autres scrutins, en revanche, une telle réforme irait à l'encontre de la volonté de neutralité manifestée par les électeurs qui auraient déposé un bulletin " blanc " dans l'urne. Compte tenu des observations qui précèdent, l'auteur de la question comprendra que sa suggestion ne puisse être retenue.

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