Question de M. LEJEUNE Max (Somme - G.D.) publiée le 03/08/1989

M. Max Lejeune s'étonne de ne pas avoir reçu de réponse à sa question écrite n° 4385, (J.O., Débats parlementaires, Sénat, questions, du 20 avril 1989) et attire de nouveau l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur un important article, paru dans Le Figaro du 3 avril dernier, concernant les résultats d'une enquête publiée par le centre de recherche du ministère de la justice et confiée à un chercheur du C.N.R.S. sur la mise en exécution des peines prononcées par les tribunaux de grande instance. Cette étude faite à partir de statistiques remontant à 1977 établirait qu'à Paris notamment, deux personnes sur trois condamnées à la prison ne seraient jamais écrouées et cette constatation mettrait en cause plus particulièrement le fonctionnement de la deuxième section du parquet de Paris de la mise à exécution des peines. En effet, selon les chiffres fournis, sur 6 360 condamnés dont les peines sont devenues définitives, 4 660 n'auraient p
as été incarcérés, soit trois délinquants sur quatre. Il s'étonne que l'actuel garde des sceaux, dans le cadre des fonctions qu'il a assumées pendant de nombreuses années, que ce soit comme procureur général auprès de la cour d'appel de Paris ou comme procureur général auprès de la Cour de cassation, n'ait pas réagi pour mettre un terme à une carence d'autant plus inquiétante que rien n'aurait été entrepris pour que soient activement recherchés en priorité les condamnés aux peines les plus lourdes. Il lui demande de lui faire connaître quelles sont les dispositions qu'il compte prendre pour faire cesser cette situation scandaleuse qui, d'après les conclusions de Mme Jacqueline Bernat de Celis, chargée de cette enquête, correspondrait " à une réalité constante et actuelle ".

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Réponse du ministère : Justice publiée le 04/01/1990

Réponse. - La recherche publiée en 1988 par le Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, laboratoire dépendant du ministère de la justice, et à laquelle fait référence l'honorable parlementaire, appelle certaines précisions pour éviter des interprétations erronées. L'enquête a exclusivement porté sur un échantillon de condamnations prononcées en 1977 par le tribunal de grande instance de Paris : malgré leur intérêt, ses résultats ne sauraient ainsi être interprétés comme reflétant la réalité de 1989 sur l'ensemble du territoire national. Sur l'ensemble des 2 345 peines d'emprisonnement ferme constituant l'échantillon retenu, 1 135 (soit 48,3 p. 100) n'étaient pas prononcées à titre définitif et ont donné lieu à l'exercice, par le condamné, de voies de recours (858 oppositions à jugement par défaut et 277 appels) sur la suite desquelles la recherche n'apporte aucune précision. 574 autres condamnations (soit 24,4 p. 100) ont été ramenées à exécution dès l'audience de jugement, suite, soit à la délivrance d'un mandat de dépôt, soit à une décision, s'agissant de personnes comparaissant détenues à titre provisoire, de maintien en détention. Pour les 636 condamnés restant, 170 (soit 7,2 p. 100 des 2 345 peines) ont été incarcérés après jugement et expiration des voies de recours, huit ont fait l'objet d'une suspension de la mise à exécution suite à des erreurs de procédure ou à des difficultés de gestion, 20 sont décédés et 424 (soit 18,5 p. 100) ont bénéficié des dispositions de la loi d'amnistie du 4 août 1981 ou de la prescription de leur peine avant exécution. En résumé, et sauf à considérer abusivement que l'utilisation d'une voie de recours constitue un obstacle anormal à l'exécution, c'est moins d'un condamné sur cinq qui a pu échapper, pour des raisons légales, à l'exécution de sa peine. Même ramené à ses justes proportions, un tel taux d'inexécution, qui tenait à la durée des mises à exécution par le parquet de Paris et aux défaillances dans les modalités policières de recherche des condamnés dont l'adresse est inconnue, était préoccupant. Ces éléments statistiques se sauraient toutefois refléter la situation actuelle, puisque le parquet de Paris, grâce à une attention soutenue des magistrats et fonctionnaires concernés, a remédié, en bonne partie, aux difficultés constatées, comme en fait foi une étude réalisée à la demande du ministère de la justice dès la connaissance des résultats de la recherche précitée : c'est ainsi que, au premier trimestre 1983, sur 1001 condamnations à l'emprisonnement ferme exécutoires ou définitives prononcées par trois des chambres du tribunal correctionnel prises comme échantillon, 139 (soit 13,8 p. 100) n'ont pu être ramenées à exécution dans les délais légaux faute de découverte des intéressés : il s'agit de condamnés sans domicile connu, usant parfois de plusieurs identités et qui, s'ilsn'ont pas fui à l'étranger, savent tirer bénéfice de l'anonymat des grandes concentrations urbaines telles que l'agglomération parisienne. Le taux d'inexécution doit être, pour 1989, encore plus réduit, les délais de mise à exécution ayant été généralement ramenés à deux mois pour les condamnations contradictoires et à trois mois pour les autres condamnations. Sur un plan plus général, le garde des sceaux, convaincu que la sanction perd toute signification et la justice pénale une grande part de sa crédibilité lorsque les peines ne sont pas ramenées à exécution ou ne le sont que très tardivement, a appelé l'attention des parquets, dès son entrée en fonction, sur la nécessité de reconnaître une véritable priorité à l'exécution des décisions de justice - carcérales ou non. Les enquêtes statistiques et missions d'inspection menées depuis lors ont permis de déterminer, de manière précise, les dysfonctionnements auxquels il convient de remédier. Un inventaire des innovations en matière pénale réalisé par la direction des affaires criminelles et des grâces auprès de l'ensemble des parquets a apporté récemment des éléments concrets de solution à plusieurs difficultés rencontrées : ces solutions concernent essentiellement les modes de poursuite à privilégier, notamment la convocation par officier de police judiciaire, les moyens à mettre en oeuvre pour éviter des jugements par défaut, les réformes d'organisation destinées à éviter les doubles emplois générateurs de perte de temps entre les services d'exécution des peines et les parquets, tous éléments qu'un comité d'experts est chargé de généraliser. Paralèllement, les étudesconduites dans le cadre du schéma directeur de l'informatique font une large place à la question de l'exécution des peines, qu'il s'agisse de la nouvelle chaîne pénale qui sera installée dans les juridictions ou de la nouvelle version du casier judiciaire national qui apportera une aide décisive en ce domaine, notamment pour la recherche des délinquants et la cohérence de l'exécution. Enfin, un mémento de l'exécution des peines, destiné aux praticiens, est actuellement préparé par la chancellerie. Une telle action devra, bien évidemment, être prolongée au niveau de toutes les administrations de l'Etat qui participent à l'exécution des peines afin de placer celle-ci au premier rang de leurs priorités. ; nécessité de reconnaître une véritable priorité à l'exécution des décisions de justice - carcérales ou non. Les enquêtes statistiques et missions d'inspection menées depuis lors ont permis de déterminer, de manière précise, les dysfonctionnements auxquels il convient de remédier. Un inventaire des innovations en matière pénale réalisé par la direction des affaires criminelles et des grâces auprès de l'ensemble des parquets a apporté récemment des éléments concrets de solution à plusieurs difficultés rencontrées : ces solutions concernent essentiellement les modes de poursuite à privilégier, notamment la convocation par officier de police judiciaire, les moyens à mettre en oeuvre pour éviter des jugements par défaut, les réformes d'organisation destinées à éviter les doubles emplois générateurs de perte de temps entre les services d'exécution des peines et les parquets, tous éléments qu'un comité d'experts est chargé de généraliser. Paralèllement, les étudesconduites dans le cadre du schéma directeur de l'informatique font une large place à la question de l'exécution des peines, qu'il s'agisse de la nouvelle chaîne pénale qui sera installée dans les juridictions ou de la nouvelle version du casier judiciaire national qui apportera une aide décisive en ce domaine, notamment pour la recherche des délinquants et la cohérence de l'exécution. Enfin, un mémento de l'exécution des peines, destiné aux praticiens, est actuellement préparé par la chancellerie. Une telle action devra, bien évidemment, être prolongée au niveau de toutes les administrations de l'Etat qui participent à l'exécution des peines afin de placer celle-ci au premier rang de leurs priorités.

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