Question de M. TAITTINGER Pierre-Christian (Paris - U.R.E.I.) publiée le 02/05/1991

M. Pierre-Christian Taittinger demande à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, quelles mesures il envisage de proposer au vote du Parlement, à la suite des discussions qui ont eu lieu au sein du comité des usagers du Conseil national du crédit sur les mesures à prendre pour remédier au développement des chèques sans provision. La recrudescence de cette délinquance porte un réel préjudice aux commerçants, aux consommateurs et aux banques. Il est urgent de rechercher de meilleures solutions pour faire évoluer la législation.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 17/10/1991

Réponse. - Le garde des sceaux est en mesure d'indiquer à l'honorable parlementaire qu'il partage entièrement ses préoccupations touchant à l'augmentation constante du nombre des incidents de paiement par chèque. Ainsi, en 1990, le fichier central des chèques tenu par la Banque de France a reçu 6 400 000 avis d'incident pour défaut de provision : ce chiffre correspond à une progression du phénomène de 5,1 p. 100 par rapport à l'année précédente. Au-delà de ce constat, la législation actuellement en vigueur se révèle largement inadaptée sur plusieurs aspects essentiels : les victimes ne peuvent en pratique utiliser la procédure du certificat de non-paiement que si elles font l'avance des frais à l'huissier ; une telle démarche n'est à l'évidence intéressante que pour les chèques d'un montant relativement élevé : or, 73,5 p. 100 des incidents recensés concernent des chèques inférieurs à 1 000 francs ; les émetteurs de chèque sans provision ne sont guère incités à rembourser les bénéficiaires : ils n'ignorent pas qu'à l'issue de la période d'interdiction ils pourront de nouveau, en tout état de cause, réclamer un chéquier et peut-être l'obtenir ; les banques ne peuvent assurer pleinement leur rôle dans le système de prévention dont elles ont la charge, dès lors qu'aucune information interbancaire ne leur permet de faire jouer le principe légal selon lequel l'interdiction est valable sur tous les comptes d'une même personne ; l'autorité judiciaire, enfin, ne peut à l'évidence faire face - et pas davantage les services de police judiciaire - à un tel contentieux, dont le traitement ne peut se passer d'enquêtes toujours lourdes et dont l'aboutissement se traduit souvent par des condamnations par défaut, voire par des relaxes, motivées par l'absence de l'élément intentionnel du délit, expressément exigé par la loi. Il convient enfin d'observer que dans certaines conditions l'émetteur d'un chèque sans provision encourt les peines de l'escroquerie, alors que l'utilisateur d'une carte, en cas d'absence de paiement, risque seulement des sanctions de nature contractuelle. Ces considérations ont conduit la chancellerie à étudier les axes d'une refonte de la législation en la matière, en vue de développer autant que possible les moyens de prévention et de sanction dont dispose le système bancaire à l'égard des émetteurs de chèques impayés, et de renforcer de manière significative les garanties accordées à leurs victimes, tout en réservant l'intervention du juge pénal aux cas réellement frauduleux. Telles sont les orientations retenues dans le projet de loi relatif à la sécurité des chèques et cartes de paiement, adopté par le Gouvernement et déposé sur le bureau du Sénat en vue de son examen à l'automne prochain.

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