Question de M. PHILIBERT Louis (Bouches-du-Rhône - SOC) publiée le 04/07/1991

M. Louis Philibert rappelle à M. le ministre délégué au budget que le Conseil constitutionnel statuant le 28 décembre 1990 (J.O. du 30 décembre 1990) sur l'article 120-II de la loi de finances pour 1991, modifiant certaines dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre a déclaré contraire à la Constitution " ... l'article 120, le a et le c du paragraphe II ". Le Conseil constitutionnel a notamment considéré " qu'en raison de la finalité poursuivie par la loi, la consistance des droits des personnes frappées des mêmes infirmités ne saurait, sans qu'il soit porté atteinte au principe constitutionnel d'égalité, dépendre de la date à laquelle celles-ci formulent leur demande... ". L'article 120-II a) déclaré contraire à la Constitution avait pour objet - en rendant inapplicable aux demandes de pension déposées après le 31 décembre 1990 les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 16 du code - de supprimer totalement les suffixes qui majoraient depuis la loi initiale du 31 mars 1919, les infirmités s'ajoutant à une première infirmité atteignant 100 p. 100. Or, le troisième alinéa ajouté à l'article L. 16 du code par l'article 124-I de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 avait déjà porté une attaque très brutale aux demandes de pension déposées après le 31 octobre 1989, en limitant la valeur de chaque suffixe à concurrence du taux de l'infirmité à laquelle il se rapporte, alors que jusqu'à présent cette valeur progressait avec le rang de l'infirmité concernée. Ce texte, qui fait dépendre de la date de présentation des demandes, les droits de personnes frappées des mêmes infirmités, porte atteinte, tout comme l'article 120-II a de la loi du 29 décembre 1990, au principe constitutionnel d'égalité. Il est donc, quant au fond, contraire à la Constitution même si le Conseil constitutionnel, n'ayant pas été saisi dans les délais constitutionnels, n'a pu, dans la forme en constater la non-conformité à la Constitution. Il lui demande de donner d'urgence toutes instructions utiles pour faire cesser l'application choquante d'une mesure, contraire à la Constitution en lésant des personnes particulièrement digne d'intérêt en raison des sacrifices qu'elles ont consentis et des souffrances qu'elles ont subies pour la défense du pays.

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Réponse du ministère : Budget publiée le 09/04/1992

Réponse. -Pour revenir à plus de cohérence dans la mise en oeuvre du droit à réparation, l'article 124-I de la loi de finances initiale (L.F.I.) pour 1990 a complété l'article L. 16 du code des pensions militaires d'invalidité (P.M.I.) en vue de limiter la valeur des suffixes prévus à l'article L. 14 du même code à concurrence du taux de l'infirmité à laquelle ils se rapportent, lorsque celle-ci est décomptée au-dessus de 100 p. 100. Par ailleurs, une décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 1990 a annulé les dispositions de l'article 120-II de la loi de finances pour 1991 qui visaient à supprimer les suffixes pour les pensions correspondant à un taux d'invalidité supérieur à 100 p. 100 et uniquement pour celles concédées à la suite d'une demande déposée après le 31 décembre 1990. Le haut conseil a en effet estimé que " en raison de la finalité poursuivie par la loi, la consistance des droits de personnes frappées des mêmes infirmités ne saurait, sans qu'il soit porté atteinte au principe constitutionnel d'égalité, dépendre de la date à laquelle celles-ci formulent leur demande, dès l'instant qu'aucune forclusion ne leur est opposable en vertu de la loi ". Considérant que les dispositions de l'article 124-I de la loi de finances initiale pour 1990 portent également atteinte au principe général d'égalité, l'honorable parlementaire consteste la validité de cet article de loi au regard de la constitution au motif qu'il établirait une rupture d'égalité entre pensionnés frappés des mêmes infirmités. Il est rappelé en premier lieu que la Constitution de 1958 a organisé des procédures spécifiques tendant à soumettre au Conseil constitutionnel les lois avant leur promulgation. Une fois promulguée, la loi est soustraite à toute contestation touchant sa régularité et sa validité ne peut être mise indirectement en cause à propos de constestations sur la validité des actes administratifs qu'elle autorise. Ainsi, la loi promulguée s'impose à l'administration comme aux citoyens. En second lieu, au-delà de cet aspect formel, l'article 124-I de la L.F.I. pour 1990 vise à la fois les demandes initiales (premières concessions), et les demandes de renouvellement d'une pension temporaire, de conversion d'une telle pension en pension définitive ou d'une révision de pension. En effet, à la différence de la disposition de suppression des suffixes (1991, annulée), leur limitation (1990, en vigueur), concerne non pas les seules pensions nouvelles (c'est-à-dire concédées pour la première fois), mais l'ensemble des pensions, dès lors qu'elles font l'objet d'une demande de révision pour aggravation ou apparition d'une nouvelle infirmité postérieurement au 31 octobre 1989. Portant sur l'ensemble des pensions,cet article ne pouvait en conséquence introduire une quelconque discrimination entre pensionnés et sa conformité à la Constitution n'est pas discutable au regard du principe constitutionnel d'égalité. Par ailleurs, le fait que la limitation des suffixes concerne l'ensemble des pensions ne porte pas atteinte aux droits des pensionnés, puisque, selon une jurisprudence constante, une pension devenue définitive ne peut être affectée par cette nouvelle disposition. En revanche, dès lors que le pensionné remet en cause lui-même le caractère définitif de sa pension en en demandant la révision, la législation en vigueur à la date de la demande est applicable. Il convient enfin de rappeler que ces dispositions ont été adoptées dans un souci de justice et d'équité. En effet, le système de limitation des " suffixes " qui, à l'origine, avait été prévu pour corriger les effets trop rigoureux de la règle dite " de Balthazard " (règle de l'invalidité restante) engendrait parfois, pour les infirmités décomptées au-dessus de 100 p. 100, des taux d'invalidité aussi élevés pour une petite infirmité que pour une incapacité totale de l'organe ou du membre affecté ;les infirmités étant toujours classées dans l'ordre décroissant et les suffixes croissant de 5 en 5, les plus petites infirmités étaient en effet affectées des taux les plus élevés, ce qui semblait paradoxal. La règle de limitation des suffixes est ainsi destinée à rendre plus équitable le droit à réparation d'infirmités multiples par comparaison avec l'indemnisation d'une infirmité particulièrement grave. De surcroît, cette dernière restant décomptée au-dessus de 100 p. 100 pour sa valeur réelle, la réforme des suffixes n'altère en rien l'indemnisation attachée directement à une infirmité majeure. ; En effet, le système de limitation des " suffixes " qui, à l'origine, avait été prévu pour corriger les effets trop rigoureux de la règle dite " de Balthazard " (règle de l'invalidité restante) engendrait parfois, pour les infirmités décomptées au-dessus de 100 p. 100, des taux d'invalidité aussi élevés pour une petite infirmité que pour une incapacité totale de l'organe ou du membre affecté ;les infirmités étant toujours classées dans l'ordre décroissant et les suffixes croissant de 5 en 5, les plus petites infirmités étaient en effet affectées des taux les plus élevés, ce qui semblait paradoxal. La règle de limitation des suffixes est ainsi destinée à rendre plus équitable le droit à réparation d'infirmités multiples par comparaison avec l'indemnisation d'une infirmité particulièrement grave. De surcroît, cette dernière restant décomptée au-dessus de 100 p. 100 pour sa valeur réelle, la réforme des suffixes n'altère en rien l'indemnisation attachée directement à une infirmité majeure.

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