Question de M. DELFAU Gérard (Hérault - SOC) publiée le 11/06/1992

M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et de la sécurité publique sur le refus opposé par les représentants des pouvoirs publics à l'établissement d'une procuration pour les votes des 22 et 29 mars, dans le cas d'un voyage du 3e âge. S'il est nécessaire de moraliser le vote et donc de limiter l'usage des procurations, est-ce qu'il ne conviendrait pas de prévoir ce type d'empêchement qui tendrait à devenir de plus en plus fréquent.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 13/08/1992

Réponse. - Jamais la loi n'a permis aux retraités de voter par procuration pour le seul motif qu'ils auraient quitté leur domicile habituel pour cause de villégiature. Il en est ainsi pour des raisons de fond qui s'articulent comme suit : 1° en démocratie, le vote est un acte personnel et secret. De toute évidence, le vote par procuration déroge à ce principe ; 2° une telle dérogation ne peut donc valablement s'appuyer que sur des éléments objectifs résultant, non de la volonté de l'électeur, mais de contraintes qu'il subit du fait de sa santé, de sa profession, voire d'obligations inopinées auxquelles il ne peut se soustraire. A cet égard, la lecture de l'article L. 71 du code électoral, qui énumère limitativement les catégories de citoyens autorisées à voter par procuration, traduit bien cette doctrine ; 3° on ne saurait dire que, pour les retraités, la date de leurs vacances - c'est-à-dire la date à laquelle ils choisissent de s'éloigner de leur domicile habituel - constitue une contrainte puisqu'elle ne dépend finalement que d'eux-mêmes ; 4° il résulte de ce qui précède qu'autoriser les retraités en villégiature à voter par procuration reviendrait à accorder le droit de vote par procuration pour simples convenances personnelles ; 5° dès lors, on ne voit pas pourquoi seuls les retraités pourraient bénéficier de ce droit, et non, par exemple, les chômeurs ou, plus généralement, tous les inactifs, qui se trouvent objectivement dans une situation exactement identique. Et si ce droit devait être accordé à ceux qui n'ont pas - ou qui n'ont plus - d'activité professionnelle, on ne voit pas non plus pourquoi il serait dénié à ceux qui en ont une. Un tel " privilège " accordé à certaines catégories d'électeurs constituerait une rupture du principe constitutionnel d'égalité entre les citoyens ; 6° respecter ce principe constitutionnel aboutirait en la circonstance à faire automatiquement du vote par procuration une procédure ordinaire d'expression du suffrage, en contradiction avec un autre principe fondamental de la démocratie, celui rappelé au 1°, ci-dessus ; 7° il s'ensuivrait en outre de multiples possibilités de fraudes. En effet, actuellement, parce qu'elle résulte de circonstances impératives, la procuration n'est délivrée que sur présentation de pièces justificatives précises, que le juge de l'élection peut ultérieurement contrôler. Dans l'hypothèse du vote par procuration pour convenances personnelles, il ne peut plus y avoir de contrôle ni a priori ni a posteriori. Au surplus, les officiers de police judiciaire, auxquels l'établissement des formulaires de procuration donne déjà bien du travail, seraient excessivement sollicités et ne pourraient donc matériellement procéder à aucune vérification sérieuse. Telles sont les raisons qui interdisent de réserver une suite favorable à la suggestion formulée par l'honorable parlementaire. Au demeurant, lors de la discussion de la loi n° 88-1262 du 30 décembre 1988, la question de la modification de l'article L. 71 du code électoral pour permettre aux retraités en villégiature de voter par procuration a été abordée. Il ressort sans ambiguïté des débats que le législateur a entendu écarter la proposition qui lui était faite. L'amendement déposé en ce sens a été rejeté par la commission des lois et a été ensuite retiré en séance publique par son auteur (JO, Débats, AN, 2e séance du jeudi 24 novembre 1988, p. 2754 et suivante).

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