Question de M. ROCCA SERRA Jacques (Bouches-du-Rhône - SOC) publiée le 02/06/1994

M. Jacques Rocca Serra souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme sur la grande rigueur avec laquelle il lui appartient de faire respecter le principe de continuité territoriale posé par l'article 73 de la loi no 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse. Régulièrement en effet, pour des raisons qui nous échappent, relatives à la situation des dockers, des marins et autres personnels de la société nationale Corse Méditerranée (SNCM), les liaisons maritimes avec la Corse sont suspendues, prenant en otage l'île de Beauté et entraînant ainsi de graves préjudices sur le plan économique et social. Cette situation n'est absolument plus tolérable pour la Corse qui souffre régulièrement de ce terrible handicap. Dès lors il lui paraît impératif d'imposer un service régulier minimum en matière de transport maritime tout comme il existe déjà en matière aérienne. C'est pourquoi, sans remettre en question le droit de grève garanti par notre Constitution, il a l'honneur de lui demander solennellement quelles mesures il envisage de prendre pour que, d'une part, en aval des décisions de justice force reste toujours à la loi et, d'autre part, remédier aux causes récurrentes qui provoquent au sein d'une société nationale sous sa tutelle le dépôt régulier de préavis de grève.

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Réponse du ministère : Équipement publiée le 29/12/1994

Réponse. - La nécessité d'une limitation du droit de grève s'imposerait, sans aucune doute, si l'interruption de toutes les liaisons vers l'île de Beauté était simultanée et durable. Une telle hypothèse supposerait, entre autres, que le service assuré par les deux compagnies concessionnaires de la desserte maritime soit suspendu. Une telle situation ne s'est, pour l'instant, jamais présentée. L'exemple de la grève, qui a eu lieu du 10 décembre 1986 au 3 janvier 1987 est, à cet égard, significatif. C'est l'une des grèves les plus longues et les plus dures qu'ait connue la Corse. A l'époque, soucieux de voir réparer le préjudice qui lui avait été causé, la société Copacor avait demandé à la juridiction administrative de se prononcer. Dans son arrêt rendu le 25 mars 1993, la cour administrative d'appel de Lyon a, à l'époque reconnu deux faits. D'une part, la cour admet que " pendant la période en question, la desserte maritime de la Corse, si elle a connu d'importantes perturbations, n'a pas été interrompue ". D'autre part, elle souligne que le trafic au départ du port de Bastia avait été assuré pour plus de la moitié pendant la grève, en conséquence de quoi la société Copacor a été déboutée. Cet exemple permet de souligner que le besoin d'un service minimum ne peut être apprécié isolément de l'ensemble du système de transport de desserte de la Corse qui comprend aussi des liaisons aériennes et des liaisons maritimes vers l'Italie. Le mouvement de grève de marins de la SNCM déclenché le 9 mai 1994, au moment de l'appareillage du cargo mixte " Paglia-Orba ", qui devait quitter Marseille pour Bastia est, lui aussi, un exemple significatif. Pendant la durée de la grève, la compagnie a dû supprimer vingt-deux traversées. Néanmoins, le transport de tout le fret roulant à destination de l'île a pu être effectué normalement. Les ensembles routiers ont été transférés sur les cargos mixtes de la compagnie méridionale de navigation dont les capacités n'étaient pas saturées et qui travaillaient en horaire normal. Ce mouvement de grève faisait suite à quatre-vingt-douze préavis de grève (déposés chaque jour depuis le 9 février par le syndicat CGT). Saisi par la compagnie, le juge des référés a constaté que l'attitude de ce syndicat constituait en fait un détournement des dispositions du code du travail. Celui-ci stipule en effet que les personnels des entreprises concessionnaires de service public, et donc la SNCM, doivent déposer un préavis de grève de cinq jours avant le début effectif du mouvement. Dès que les organisations syndicales ont eu connaissance de la décision du juge des référés, elles ont immédiatement suspendu leur mouvement et des négociations se sont engagées avec la direction de la compagnie. Dans ces deux conflits, la position des organisations syndicales compromet l'avenir de la société alors que les échéances de sa concession de service public approchent et que l'ouverture à la concurrence des lignes maritimes qu'elle dessert est inéluctable. Néanmoins, légiférer pour limiter le droit de grève de ces personnels ne résoudrait, en aucune façon, les problèmes que rencontre, dans ces situations, l'économie insulaire. En effet, au sens strict, un service minimum devrait assurer la sécurité de l'acheminement des produits de première nécessité. Or, ce transport qui ne concerne qu'une part très faible du trafic est facilement réalisé en toute circonstance. Un autre point de vue consiste à assimiler les besoins minima de la Corse aux conditions de bon fonctionnement de l'économie insulaire. Ceci amènerait à définir un service minimal équivalent au service normal. Dans ce cas, cette nouvelle législation passerait difficilement l'épreuve du contrôle constitutionnel. En effet, le Conseil constitutionnel invite le législateur à opérer les conciliations nécessaires entre la défense des intérêts professionnels et la sauvegarde de l'intérêt général. C'est la raison pour laquelle imposer une limitation supplémentaire au droit de grève à celle qui existe déjà, alors que le service proposé dans ce cas reste supérieur à un service minimum tel qu'il conviendrait de le définir, ne serait pas admis par le Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, il ne paraît pas opportun de proposer, à court terme, l'inscription à l'ordre du jour des assemblées d'un projet de loi sur ce sujet. ; insulaire. Ceci amènerait à définir un service minimal équivalent au service normal. Dans ce cas, cette nouvelle législation passerait difficilement l'épreuve du contrôle constitutionnel. En effet, le Conseil constitutionnel invite le législateur à opérer les conciliations nécessaires entre la défense des intérêts professionnels et la sauvegarde de l'intérêt général. C'est la raison pour laquelle imposer une limitation supplémentaire au droit de grève à celle qui existe déjà, alors que le service proposé dans ce cas reste supérieur à un service minimum tel qu'il conviendrait de le définir, ne serait pas admis par le Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, il ne paraît pas opportun de proposer, à court terme, l'inscription à l'ordre du jour des assemblées d'un projet de loi sur ce sujet.

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