Question de M. BALARELLO José (Alpes-Maritimes - RI) publiée le 26/01/1995

M. José Balarello appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la nécessité d'une meilleure prise en compte des besoins éducatifs spécifiques des enfants intellectuellement précoces. Ces enfants, que l'on qualifie parfois de surdoués, proviennent de toutes les couches sociales et représentent en moyenne 5 p. 100 des effectifs scolaires. Il lui rappelle l'expérience très positive qu'avait constitué la création en 1987 de classes adaptées à l'école Las Planas de Nice, concrétisant un projet élaboré à la demande du ministre de l'époque en collaboration avec l'Association nationale pour les enfants intellectuellement précoces dont le président est l'un des plus éminents spécialistes de cette question, et le fait que cette opération a été interrompue en 1990 par le ministre suivant, au motif que la réforme de l'école primaire prévoyait la mise en place de cycles permettant la prise en compte des besoins de tous les enfants. En réalité, la réforme s'est traduite par la suppression de la possibilité d'admission précoce au cours préparatoire - heureusement rétablie en juin 1992 - et l'interdiction toujours en vigueur d'accéder avant l'âge de dix ans en classe de 6e (art. 4 du décret no 90-788 du 6 septembre 1990). A ce jour, des entraves persistent qui font obstacle à la prise en compte des spécificités de l'éducation de ces enfants. Ainsi, la proposition no 3 du nouveau contrat pour l'école, qui précise que " les nouveaux programmes sont allégés et recentrés sur les savoirs essentiels ", revient à dire que les enfants précoces seront davantage encore freinés dans leur développement. Dans le même ordre d'idées, les propositions 122 et 123 font que les conseillers d'orientation-psychologues devront dorénavant recentrer leur activité sur l'information et la documentation au détriment des tests qui permettraient d'identifier des enfants intellectuellement précoces en situation d'échec scolaire. Il est également très regrettable que le nouveau règlement général du baccalauréat général interdise aux élèves de se présenter à cette épreuve avant l'âge de 17 ans (décret no 93-1092 du 15 septembre 1993), les candidats les plus jeunes devant constituer un dossier spécial pour solliciter une dérogation du recteur d'académie. Ceci est d'autant plus paradoxal que les élèves les plus jeunes ont le pourcentage de réussite le plus élevé au baccalauréat : 90 p. 100 contre environ 70 p. 100 pour ceux qui ne s'y présentent pas en avance. Enfin, il est urgent que soit incluse dans la formation des enseignants une information sur les enfants précoces. Il attire en outre son attention sur le rapport sur l'éducation des enfants surdoués adopté par le Conseil de l'Europe le 13 septembre 1994 qui précise notamment que " si, pour des raisons pratiques, il faut des systèmes d'enseignement qui assurent une éducation satisfaisante à la majorité des enfants, il y aura toujours des enfants avec des besoins particuliers pour lesquels des dispositions spéciales devront être prises. Les enfants surdoués figurent parmi ceux-là ". Le Conseil reconnaît également que " les enfants surdoués devraient pouvoir bénéficier de conditions d'enseignement adaptées leur permettant de mettre pleinement en valeur leurs possibilités dans leur propre intérêt et dans celui de la société " et que " aucun pays ne peut en effet se permettre de gaspiller des talents, et ce serait gaspiller des ressources humaines que de ne pas déceler à temps des potentialités intellectuelles ou ; autres ". Cette instance recommande enfin au Conseil des ministres de demander aux autorités compétentes des Etats signataires de la Convention culturelle européenne de prendre en compte dans leur politique d'éducation de six propositions particulières. Au vu de l'ensemble de ces éléments qui mettent en jeu la capacité du système éducatif de la France à assurer le développement d'enfants de toutes origines sociales disposant de potentialités considérables qui sont pour eux trop souvent et paradoxalement un facteur d'inadaptation ou d'échec scolaire, il lui demande de lui faire connaître si le Gouvernement est disposé à lever les entraves réglementaires précitées et comment il envisage d'appliquer les préconisations du Conseil de l'Europe.

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Réponse du ministère : Éducation publiée le 09/03/1995

Réponse. - Cette question met en cause la réglementation en vigueur qui ne permet pas aux élèves intellectuellement précoces de poursuivre leurs études, à leur propre rythme (interdiction d'accéder au collège avant l'âge de dix ans ou interdiction de se présenter au baccalauréat avant d'avoir atteint dix-sept ans, sauf dérogation accordée par le recteur d'académie). Le rapport sur l'éducation des enfants surdoués, adopté par le Conseil de l'Europe le 13 septembre 1994, est souligné car il préconise " des conditions d'enseignement adaptées leur permettant de mettre en valeur leurs possibilités, dans leur propre intérêt et celui de la société ". Les mesures issues du nouveau contrat pour l'école ne remettent pas en cause les décrets cités mais visent à répondre, pour tous les élèves, aux objectifs de ce rapport : favoriser la réussite des élèves par un enseignement adapté à la diversité de leurs souhaits, de leurs aptitudes et de leurs besoins, qu'il s'agisse d'élèves éprouvant des difficultés d'apprentissage ou d'élèves plus précoces pour l'acquisition et la construction des savoirs. La mesure no 12 concerne la mise en place effective de l'organisation de l'école primaire en cycles. La décision no 14 insiste, pour sa part, sur le nécessaire dépistage et la prise en compte dès l'école maternelle des difficultés scolaires et de leur suivi, en proposant des réponses individualisées. Les orientations générales de la politique éducative insistent tout particulièrement sur la globalité de l'éducation de l'enfant et non pas uniquement sur les aptitudes à la pensée logique et abstraite ; il importe en effet de rester attentif aux aspects liés aux capacités motrices, aux compétences physiques et artistiques qui concourent à favoriser un développement harmonieux des enfants. Il convient bien en effet de veiller à leur épanouissement et à leur équilibre, autant qu'à l'excellence scolaire, la souplesse laissée à l'équipe pédagogique des maîtres de cycle pour adapter l'action pédagogique au rythme et des spécificités de chacun afin de permettre à ceux qui y sont manifestement prêts, en cours d'année scolaire, d'entreprendre les activités caractéristiques du cycle suivant. Dès la rentrée prochaine, de nouveaux programmes allégés, en cohérence avec les cycles et recentrés sur les savoirs essentiels seront mis en application. Ils font état d'une exigence de qualité des connaissances nécessaires pour assurer une meilleure cohérence de tous les apprentissages, et d'une recherche de la meilleure continuité dans l'organisation de la scolarité. De plus l'accent est mis sur l'acquisition des méthodes de travail personnel, indispensable pour la réussite scolaire mais aussi sociale. La nouvelle organisation du collège en trois cycles répond aux mêmes objectifs : proposer à tous les élèves jusqu'à la classe de troisième des parcours de réussite pour les préparer à la poursuite de leurs études, dans les meilleures conditions. L'introduction de parcours diversifiés accompagnés d'options, à partir de la classe de cinquième, doit favoriser une réelle prise en compte des goûts et des capacités des élèves afin de les motiver et de les valoriser dans leur scolarité. Cette mesure envisage également des dispositifs pédagogiques différenciés pour les élèves qui ne tireraient pas pleinement profit des formes de diversifications évoquées. Néanmoins si des élèves particulièrement précoces ne pouvaient s'adapter à un cursus scolaire répondant à ce type d'enseignement, des dérogations pourraient être étudiées afin d'accélérer leur scolarité, tout en veillant à ne pas nuire à leur vie sociale et à leur épanouissement personnel. Il importe, enfin, d'éviter pour les enfants précoces les risques de marginalisation, et d'éduquer tous les enfants aux notions de partage, d'acceptation des autres et de solidarité, c'est-à-dire au respect d'une conception démocratique de l'enseignement. ; veillant à ne pas nuire à leur vie sociale et à leur épanouissement personnel. Il importe, enfin, d'éviter pour les enfants précoces les risques de marginalisation, et d'éduquer tous les enfants aux notions de partage, d'acceptation des autres et de solidarité, c'est-à-dire au respect d'une conception démocratique de l'enseignement.

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