Question de M. LAURET Edmond (La Réunion - NI) publiée le 23/05/1996

M. Edmond Lauret attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les différentes situations pouvant, à ses yeux, justifier la non-application dans les départements d'outre-mer des articles 18 bis et 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et, en particulier, sur la réalité des flux migratoires et les contraintes administratives qui, dans le cas de la Réunion, ont été retenues pour motiver une adaptation législative selon l'article 73 de la Constitution. Il lui demande si le Gouvernement estime, d'une manière générale, que les droits fondamentaux de la personne, reconnus par la Constitution et les conventions internationales, peuvent faire l'objet " d'adaptations " législatives liées à la situation particulière des DOM.

- page 1240


Réponse du ministère : Intérieur publiée le 02/01/1997

Réponse. - L'article 30 de la loi no 93-1027 du 24 août 1993 a reconduit les dispositions de l'article 19 de la loi du 2 août 1989 modifiant l'ordonnance du 2 novembre 1945 en maintenant pour une période transitoire de cinq ans dans les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon certaines dispositions de la loi du 9 septembre 1986 relatives à la reconduite à la frontière. Par ailleurs, l'article 18 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 n'est pas non plus applicable durant cette période. En conséquence de ce régime transitoire, ces départements et cette collectivité territoriale sont demeurés en dehors du champ d'application des dispositions issues de la loi du 10 janvier 1990 instaurant devant le tribunal administratif un recours à caractère suspensif ouvert à l'étranger dans les vingt-quatre heures suivant la notification qui lui est faite de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre. Le Conseil constitutionnel, consulté sur la loi du 24 août 1993, a considéré que l'article 30 de cette loi ne portait pas atteinte aux garanties juridictionnelles de droit commun applicables aux mesures de police administrative. En effet, l'article concerné précise qu'un étranger, qui fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière dans ce cadre et qui défère cet acte au tribunal administratif, a la possibilité d'assortir son recours d'une demande de sursis à exécution. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a déclaré que la non-consultation de la commission du séjour n'était qu'un aménagement de la procédure administrative. Cet avis a tenu compte de l'état des flux migratoires dans les départements d'outre-mer et de leur particularisme géographique lié à leur insularité et à leur éloignement. Toutefois, il convient également de souligner que ces dispositions étaient justifiées non seulement par le nombre élevé d'étrangers en situation irrégulière dans ces zones géographiques mais aussi par les effectifs limités de magistrats affectés dans les tribunaux administratifs. En effet un même président assure la présidence des tribunaux administratifs de Basse-Terre, de Cayenne, de Fort-de-France et de Saint-Pierre-et-Miquelon. En outre, ces tribunaux sont le plus souvent composés de membres communs, renforcés, le cas échéant, par des magistrats de l'ordre judiciaire. Aussi, l'instauration du recours suspensif et de la commission du séjour aurait pour effet de bloquer, d'une part, le fonctionnement de la juridiction administrative et, d'autre part, celui de l'administration. S'agissant du cas particulier de la Réunion, j'ajoute que les décisions de reconduite à la frontière étant quasi immédiatement exécutoires - à l'expiration d'un délai d'un jour franc -, le taux d'exécution des reconduites à la frontière est particulièrement élevé puisqu'il atteint 99,95 %. Ce régime dérogatoire est donc essentiel pour protéger la Réunion de l'immigration clandestine en provenance des îles voisines, touchées par un taux élevé de travail clandestin et de prostitution, et pour lesquelles elle constitue un pôle d'attraction incontestable du fait de sa situation économique.

- page 38

Page mise à jour le