Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 05/03/1997

Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur la décision prise de limiter le remboursement de la cytologie du dépistage du cancer du col de l'utérus à un examen triennal. Elle lui rappelle que 2 000 femmes meurent chaque année de ce cancer qui présente au moins 6 000 nouveaux cas par an. Elle lui rappelle également que ce cancer diagnostiqué et traité très tôt est un cancer guérissable. Elle lui demande donc quelles mesures il envisage pour autoriser une prescription médicale annuelle d'examen avec remboursement par la sécurité sociale et abrogation de la Référence médicale opposable (RMO) correspondante. Elle lui demande enfin s'il n'estime pas nécessaire et possible d'organiser une grande campagne d'information et de dépistage gratuit du cancer ou tumeur du col de l'utérus.

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Réponse du ministère : Emploi publiée le 16/04/1997

Réponse apportée en séance publique le 15/04/1997

Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame le ministre, la question que j'ai déposée le 4 mars dernier est claire. Je vous
demandais si vous envisagiez d'autoriser une prescription médicale annuelle, et non plus triennale, avec remboursement
par la sécurité sociale de la cytologie du dépistage du cancer du col de l'utérus, autrement dit, si la référence médicale
opposable correspondante serait abrogée, ce qui semblait être envisagé dernièrement par le ministère.
Depuis, a été publié au Journal officiel des lois et décrets du 29 mars 1997 le texte de la nouvelle convention médicale,
dans lequel cette référence médicale opposable est maintenue, avec une remarque qui semble d'ailleurs viser le dépistage
du cancer du col de l'utérus par frottis cervical.
Il est tout à fait exact qu'un effort d'information doit être fait en direction de toutes les femmes ; personne ne le conteste.
Les médecins et les femmes le réclament, puisque 45 % des Françaises ne font l'objet d'aucun dépistage. Pour réduire le
nombre de cancers invasifs, il convient bien entendu de généraliser et non de réduire le nombre de frottis réalisés, comme
c'est la tendance actuelle.
Le numéro 212 de la Lettre du gynécologue précise que, selon les laboratoires, une baisse de 10 % à 50 % du nombre
de frottis est à noter pour l'année 1995. Or la conséquence est la suivante : moins de lésions cancéreuses, précancéreuses
et d'infections ont été dépistées, mais leur nombre croît dans les faits, ce qui démontre à l'évidence que le dépistage, pour
être amélioré, doit concerner toutes les femmes - c'est une question de santé publique -, mais sans que soit fixé un délai
arbitraire. Cette double condition peut être satisfaite par l'ouverture de la possibilité de procéder à un examen annuel
remboursable.
En effet, madame le ministre, le délai triennal imposé ne correspond en rien aux réalités médicales : les statistiques
démontrent que le dépistage a permis, pour l'année 1994, de mettre en évidence une pathologie à potentiel cancéreux
dans 0,56 % des cas, soit 0,29 % de lésions graves d'emblée et 0,27 % de lésions persistantes au deuxième contrôle.
Ajoutons à cela qu'une pathologie infectieuse a pu être mise en évidence avec identification immédiate du germe dans
4,60 % des cas.
Bien entendu, madame le ministre, derrière ces pourcentages, il y a des femmes. J'ai ici des lettres de médecins qui
témoignent de leur situation. Ces chiffres démontrent à l'évidence l'inadaptation et les dangers des instructions
accompagnant la nouvelle convention et la RMO confirmée, que je cite : « Il n'y a pas lieu de répéter un frottis réalisé
dans les conditions techniques suffisantes plus d'une fois tous les ans. »
En conséquence, madame le ministre, je vous renouvelle ma question : envisagez-vous, enfin, d'annuler cette référence
médicale opposable ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Madame le sénateur, il est vrai qu'il existe encore un
taux élevé de mortalité féminine par cancer du col utérin, même s'il a été possible d'enregistrer une baisse significative de
ce taux au cours des quinze dernières années, avec une chute de 33,5 % du nombre des cancers du col entre 1982 et
1992.
Cette réduction est sans conteste largement imputable à la pratique des frottis de dépistage. Il faut souligner à ce sujet
qu'environ 6 millions de frottis sont pratiqués annuellement, ce qui devrait permettre un dépistage correct de ce type de
cancer parmi l'ensemble de la population féminine pour peu que ces examens soient harmonieusement répartis. Or les
frottis sont, pour l'essentiel, effectués sur des femmes jeunes, en période d'activité génitale et sous contraception, alors
que, incontestablement, les femmes de plus de cinquante ans ne bénéficient qu'insuffisamment de ce dépistage.
C'est pourquoi, afin d'améliorer encore l'efficacité du dépistage du cancer du col de l'utérus, le Gouvernement a demandé
un rapport sur ce sujet au Conseil national du cancer. Ce rapport, remis au mois de juin 1996, a notamment conclu à la
justification de la référence médicale opposable, élaborée par les parties conventionnelles en mars 1995, dont vous
demandez, madame Beaudeau, l'abrogation.
Le Gouvernement a récemment approuvé par arrêté la nouvelle convention médicale, qui comporte en annexe l'ensemble
des références rendues opposables, depuis la convention de 1993, par les partenaires conventionnels.
Parallèlement à la prise de cet arrêté d'approbation, mes collègues Jacques Barrot et Hervé Gaymard ont demandé - et je
crois que c'est très important - à l'Agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale d'examiner l'ensemble
de ces références médicales opposables, sans distinction aucune parmi ces références, à fin de validation scientifique. Le
Gouvernement transmettra évidemment sans délai l'avis, une fois obtenu, aux parties conventionnelles.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je suis obligée de vous dire, madame le ministre, que votre réponse ne se justifie ni du
point de vue scientifique ni du point de vue humain.
Du point de vue scientifique, une patiente sur neuf présentant une cytologie atypique développe, selon les médecins, une
lésion dans un délai d'un an.
Du point de vue humain, le rapport de un à neuf appliqué au nombre de dépistages national - vous avez cité le chiffre de
six millions - fait que 1 860 femmes supplémentaires développent une lésion à haut risque d'évolution vers un cancer
invasif en cas de frottis tous les ans. Si l'on applique ces statistiques à l'ensemble des Françaises, c'est la vie de plusieurs
milliers d'entre elles qui est en jeu.
Je sais bien qu'il y a débat, madame le ministre. Vous dites d'ailleurs vous-même qu'une validation scientifique et des
recherches sont encore en cours.
En ce qui concerne les éventuels facteurs de risque, le débat existe donc. Cela dit, ne faudrait-il pas, comme le pensent les
médecins, conclure un protocole d'accord afin d'améliorer la qualité des frottis et de réduire les risques ?
Je sais bien qu'il y a débat, puisque, le 19 février, le conseiller technique de M. Gaymard a déclaré à une délégation à
laquelle j'appartenais - je puis donc en témoigner puisque j'étais présente - que cette RMO ne sera pas reconduite et
qu'on en reviendrait à la situation antérieure hors RMO.
Par ailleurs, le 24 février, l'AFP publiait une dépêche du ministère de la santé selon laquelle « l'annulation de la RMO n'est
pas exclue, mais elle n'est pas non plus décidée ».
Vous n'avez donc pas véritablement répondu ce matin à ma question, madame le ministre.
Fait plus grave, la convention médicale est désormais publiée au Journal officiel et 4 000 femmes, selon les chiffres
actuels, risquent d'être sacrifiées. Un gynécologue m'a écrit qu'il serait criminel de ne pas abroger cette RMO. Aussi, je
vous demande, madame le ministre, d'être l'interprète de mon groupe auprès du Gouvernement pour que cette RMO soit
abrogée.
M. Claude Billard. Très bien !

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