Question de M. HAENEL Hubert (Haut-Rhin - RPR) publiée le 03/07/1997

M. Hubert Haenel demande à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, de bien vouloir rappeler à la représentation nationale et à nos concitoyens les règles fondamentales qui régissent l'expression individuelle et collective des magistrats de l'ordre judiciaire dans le débat politique et dans l'exercice de leurs fonctions ou à l'occasion de l'exercice de celles-ci, et notamment d'indiquer si les textes et la jurisprudence en vigueur, tant du Conseil supérieur de la magistrature que du Conseil d'Etat, autorisent les magistrats, qu'ils soient du siège ou du parquet, à appeler publiquement à la désobéissance civique en affirmant qu'ils n'appliqueront pas les dispositions d'un projet de loi si celles-ci venaient à être adoptées par le Parlement. Il lui demande en outre de préciser les points suivants : quelle est la portée exacte des dispositions de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant statut de la magistrature, et notamment l'article 6 qui régit le serment des magistrats et qui dispose : " Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des déclarations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. " Quel est le sens exact de ce serment ? Et de lui indiquer si, dans le passé, des manquements au serment, nécessairement prêté lors de la première prise de fonctions, ont déjà été relevés et sanctionnés par des décisions du Conseil supérieur de la magistrature, statuant en matière disciplinaire ou à l'occasion de l'examen, en Cassation, par le Conseil d'Etat de certaines de ces sanctions. De préciser à la représentation nationale la portée du principe de la séparation des pouvoirs entre le judiciaire et le législatif lorsqu'il s'agit des relations tant du législatif vers le judiciaire que du judiciaire vers le législatif. Ne serait-il pas nécessaire et urgent de clarifier tous ces principes et en en rappelant la portée ? Il lui demande, en outre, quelle pourrait-être la situation des juridictions composées de magistrats ayant personnellement et publiquement pris des positions enfreignant l'obligation de réserve, dans le cas où, par exemple, l'auteur présumé d'une infraction pénale invoquerait le fait qu'il estime la loi au nom de laquelle il est sanctionné contraire à sa façon de concevoir la vie en société ? Qu'adviendrait-il aussi du bon fonctionnement de la justice dans le cas du recours systématique à des procédures de suspicion légitime, etc., envers des magistrats ? Il lui demande donc quelles initiatives elle entend prendre à l'avenir lorsqu'elle estime qu'il a été contrevenu à des règles déontologiques écrites ou non écrites et de lui préciser lesquelles.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 11/09/1997

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que l'article 10 de l'ordonnance no 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, interdit aux magistrats " toute délibération politique " ainsi que " toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leus fonctions ". Le Conseil supérieur de la magistrature, dans son rapport d'activité de 1996, a ainsi rappelé qu'il veillait, dans ses décisions et ses avis, à ce que les magistrats qui jugent ou qui requièrent au nom du peuple français le fassent dans l'honneur, la dignité, la sérénité, le respect du justiciable et du devoir de réserve. Toutefois, selon la jurisprudence dégagée par les organes disciplinaires au cours des dernières années, l'obligation de réserve ne constitue aucunement une obligation au silence, le magistrat, comme tout citoyen, jouissant des libertés d'opinion et d'expression, corollaires de son indépendance. L'obligation de réserve impose au magistrat de s'exprimer de façon prudente et mesurée, de s'abstenir de toute expression outrancière qui serait de nature à faire douter de son impartialité ou à porter atteinte au crédit et à l'image de l'institution judiciaire et des juges. L'article 6 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 qui régit le serment prêté par les magistrats avant leur entrée en fonctions, définit, en termes généraux, les contours des devoirs de l'état de magistrat. Lorsque des poursuites disciplinaires sont engagées, elles sont fondées sur l'article 43 de ladite ordonnance qui définit la faute disciplinaire comme " tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité ". Le principe de séparation des pouvoirs judiciaire et législatif ne fait pas obstacle à ce que les magistrats expriment, dans le cadre notamment de l'exercice de leurs droits syndicaux, des opinions sur la législation en vigueur ou en préparation, et ce, dans la limite que constitue leur devoir de réserve.

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