Question de M. LORIDANT Paul (Essonne - CRC) publiée le 13/02/1998

Question posée en séance publique le 12/02/1998

M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Ma question porte sur la crise dite irakienne et s'adresse à M. le Premier ministre.
Sept ans après la guerre du Golfe, menée, à titre d'exemple disait-on, au nom d'un « nouveau » droit international et qui
devait servir de précédent à une nouvelle conception des relations internationales, les Etats-Unis réitèrent ou plutôt
accentuent leurs pressions internationales sur l'Irak et cherchent pathétiquement des appuis extérieurs.
En effet, depuis quelques semaines, la diplomatie américaine multiplie les contacts pour entraîner de nouveau ses alliés
traditionnels dans une opération militaire contre l'Irak, qui possèderait encore des armes de destruction massive. On peut
du reste se demander si cet activisme diplomatique n'est pas le cache-sexe d'un président (Exclamations sur diverses
travées) pris dans un débat politique et médiatique typiquement américain.
Les rumeurs sur les missiles bactériologiques et chimiques dont disposerait ce pays laissent perplexe.
En effet, ou bien les Etats-Unis reconnaissent l'incompétence de la commission chargée du désarmement de l'Irak,
pourtant composée en majorité d'experts américains, et les insuffisances de leurs services de renseignement ; ou bien il
faut conclure que cette campagne n'a pour but que de donner un prétexte pour une nouvelle action militaire en vue de
déstabiliser l'Irak et ses dirigeants. En effet, les experts sérieux reconnaissent aujourd'hui que ce pays ne constitue plus
une menace militaire significative pour ses voisins directs que sont l'Arabie Saoudite, la Turquie, l'Iran, voire Israël.
Dès lors, comment justifier cette volonté d'écraser l'Irak et de poursuivre l'embargo qui frappe pour l'essentiel son peuple
depuis tant d'années ?
La situation de ce pays est réellement dramatique, mais elle ne semble intéresser personne. Dans une indifférence totale,
cinq cent mille enfants irakiens sont morts de malnutrition ou faute de soins, comme l'indiquait le rapport de l'OMS et celui
de l'UNICEF.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Loridant !
M. Alain Gournac. La question !
M. Paul Loridant. La vérité réside, comme souvent dans cette région du monde, dans le pétrole. Les Etat-Unis ont mis
provisoirement les réserves pétrolières de ce pays sous tutelle.
M. le président. Posez votre question, monsieur Loridant !
M. Jean Chérioux. La question !
M. Paul Loridant. Je la pose, monsieur le président !
Outrepassant les termes de la résolution 687 et de son article 22, le président Clinton fait du départ de Saddam Hussein
un préalable à toute discussion sur la levée de l'embargo, quitte à en faire payer le prix fort au peuple Irakien, au risque de
développer un processus qui favoriserait...
M. le président. Monsieur Loridant, posez votre question, je vous prie !
M. Alain Gournac. C'est une déclaration !
M. Paul Loridant. Ma question est triple, monsieur le ministre.
La France est-elle déterminée à faire entendre sa voix dans cette lamentable affaire en s'opposant aux frappes aériennes
de l'Irak par un veto au Conseil de sécurité de l'ONU ? J'ai bien dit « la France », car, pour ce qui est de l'Europe et de la
politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, je crois que l'on peut raisonnablement parler de faillite (« Oh ! » sur
les travées de l'Union centriste) avec l'alignement de la Grande-Bretagne travailliste et de l'Allemagne démocrate
chrétienne sur les positions américaines. Tout cela sans discussion préalable (Protestations sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste... !)
M. Alain Gournac. La question !
M. Paul Loridant. Notre pays est-il disposé à tout mettre en oeuvre (Nouvelles protestations sur les mêmes
travées)...
M. le président. Monsieur Loridant, vous avez déjà posé votre question. Je vais être obligé de vous couper la parole.
M. Paul Loridant. ... pour trouver un plan de sortie à l'embargo qui frappe injustement le peuple de ce pays ?
M. Alain Gournac. C'est une déclaration !
M. Paul Loridant. Enfin, quels sont les résultats des contacts bilatéraux entre la France et l'Irak (marques d'impatience
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) et les réponses... (Les propos de l'orateur deviennent
inaudibles, M. le président ayant coupé le micro.)

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Réponse du ministère : Affaires européennes publiée le 13/02/1998

Réponse apportée en séance publique le 12/02/1998

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, la France est très
préoccupée par le développement de la crise entre l'Irak et les Nations unies. Dès les premiers jours de cette crise, nous
avons entrepris des démarches afin qu'une solution diplomatique prévale. Cela continue d'être notre position.
Le secrétaire général du Quai d'Orsay, porteur d'un message du Président de la République au chef de l'Etat irakien, s'est
rendu en Irak du 3 au 5 février. Il y a rappelé la position de la France et a exprimé des suggestions très concrètes.
Les efforts de notre diplomatie se poursuivent. Je dois rappeler que le différend à l'origine de cette crise est précis, limité,
circonscrit. Il concerne l'accès à huit sites présidentiels que l'Irak refuse à la commission spéciale chargée, par le Conseil
de sécurité, du désarmement de l'Irak.
Nous travaillons activement pour sortir de l'impasse. Nous avons fait des suggestions pour que soient définies des
modalités d'accès spécifiques à ces sites qui, d'une part, respecteraient les prérogatives de la commission spéciale - cela
est fondamental - et, d'autre part, tiendraient compte de la souveraineté et de la dignité de l'Irak. Ces idées font leur
chemin. Bagdad a déjà reconnu le principe de l'accès aux huit sites qui posent problème. Les modalités précises de cet
accès restent toutefois aujourd'hui à définir.
Un premier pas a été franchi, mais il reste insuffisant. L'Irak doit, c'est certain, en accomplir d'autres afin de parvenir à une
formule qui soit acceptable par les Nations unies dans le cadre du droit international. Les discussions se poursuivent.
Mais - je voudrais insister sur ce point - l'heure est toujours à la diplomatie. Nous demeurons convaincus - c'est la
position de la France - qu'une solution politique est possible même si, reconnaissons-le, au fur et à mesure que le temps
passe, les chances de la diplomatie s'amenuisent.
Nous sommes favorables à une issue politique, en concertation étroite avec nos partenaires. Le ministre des affaires
étrangères, M. Hubert Védrine, qui est en Autriche aux côtés du Président de la République, s'est entretenu récemment
par téléphone avec M. Primakov. Le secrétaire général des Nations unies est en contact régulier avec Mme Albright. M.
Hubert Védrine a appelé directement M. Tarek Aziz mardi soir.
Comme vous évoquiez les problèmes humanitaires, je vous dirai que M. Kouchner a reçu le ministre des affaires sociales
et de la santé d'Irak.
Nous informons par ailleurs nos partenaires de l'Union européenne et les pays de la région, par l'envoi d'émissaires, de la
position que nous défendons dans la crise actuelle.
Notre sentiment est que le recours à la force armée créerait plus de problèmes qu'il n'en résoudrait. Une intervention
militaire serait en effet susceptible d'entraîner le départ de la commission spéciale du territoire irakien et l'arrêt de
l'application du dispositif « pétrole contre nourriture », qui permet à la population irakienne de bénéficier d'une aide
humanitaire dont il n'est pas besoin de souligner l'urgence.
A l'heure actuelle, la commission spéciale continue de travailler normalement en Irak et aucun incident notable n'a été
relevé ces derniers temps.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je termine, monsieur le président.
Le secrétaire général des Nations unies envisage de se rendre à Bagdad. Nous faisons pleinement confiance à M. Kofi
Annan pour parvenir à un accord satisfaisant sur les modalités d'accès aux sites présidentiels. On ne pourra pas dire que
tout a été tenté pour parvenir à une issue diplomatique tant qu'une telle initiative n'aura pas été menée, avec des chances
raisonnables de succès. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

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