Question de M. BIZET Jean (Manche - RPR) publiée le 27/03/1998

M. Jean Bizet attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur la décision prise récemment par le Gouvernement de revaloriser de 2,6 % sur les deux prochaines années le traitement des fonctionnaires. Cette décision, lourde de conséquences pour le budget de l'Etat, semble faire abstraction de l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés de la fonction publique de 11,1 % ces cinq dernières années quand, dans le même temps, ce pouvoir d'achat ne progressait que de 6,3 % pour les salariés du secteur privé. Cette décision, avec 5 millions et demi de fonctionnaires, alourdira ainsi les dépenses publiques de plus de 15 milliards de francs. Cette décision, s'ajoutant à la récente création des emplois jeunes qui constitueront à terme et pour la plupart d'entre eux autant d'emplois publics supplémentaires, fera de notre pays le leader incontesté des pays créateurs d'emplois publics avec 1,6 million de postes créés depuis 1979 pendant que 600 000 emplois privés étaient détruits. Cette décision s'intégrant selon toute vraisemblance et dans un proche avenir à la politique de réduction du temps de travail imposée par le Gouvernement, on comprendrait mal en effet que l'Etat ne donne pas l'exemple et exclut dans cette mesure 25 % des actifs de ce pays, peut-on alors imaginer que l'application de cette politique nécessitera la création de nouveaux emplois... publics ? En clair, il lui demande pourquoi cette augmentation et comment elle sera financée : par emprunt ou par accroissement de la fiscalité. Entre rigueur budgétaire et augmentation de la dépense publique, où se trouve en cette affaire la cohérence gouvernementale ?

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Réponse du ministère : Fonction publique publiée le 29/04/1998

Réponse apportée en séance publique le 28/04/1998

M. Jean Bizet. Je tiens à attirer l'attention de M. le ministre sur la décision prise récemment par le Gouvernement de
revaloriser de 2,6 % sur les deux prochaines années le traitement des fonctionnaires.
Cette décision, lourde de conséquences pour le budget de l'Etat, me semble faire abstraction de l'augmentation du
pouvoir d'achat des salariés de la fonction publique de 11,1 % ces cinq dernières années, quand, dans le même temps, ce
pouvoir d'achat ne progressait que de 6,3 % pour les salariés du secteur privé.
Cette décision, en raison des 5,5 millions de fonctionnaires que compte notre pays, alourdira ainsi les dépenses publiques
de plus de 15 milliards de francs.
Cette décision, s'ajoutant à la récente création des emplois-jeunes, qui constitueront à terme, et pour la plupart d'entre
eux, autant d'emplois publics supplémentaires, fera incontestablement de la France le premier pays créateur d'emplois
publics, avec 1,6 million de postes créés depuis 1979 pendant que 600 000 emplois privés étaient détruits.
Cette décision s'ajoutant, selon toute vraisemblance, dans un proche avenir, à la politique de réduction du temps de travail
imposée par le Gouvernement - on comprendrait mal en effet que l'Etat ne donne pas l'exemple et exclue de cette mesure
25 % des actifs de ce pays - on peut imaginer que l'application de cette politique nécessitera la création de nouveaux
emplois publics.
En clair, monsieur le ministre, pourquoi cette augmentation et comment sera-t-elle financée ? Par emprunt ou par
accroissement de la fiscalité ?
Entre rigueur budgétaire et augmentation de la dépense publique, je vous avoue mon inquiétude, et je souhaiterais savoir
où se trouve, en cette affaire, la cohérence gouvernementale.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le
sénateur, vous semblez surpris par le principe même d'un accord salarial dans la fonction publique. Mais la règle de
négociations salariales régulières est inscrite dans la loi, en l'occurrence la loi Auroux. L'Etat, même si cette loi ne s'impose
pas strictement à lui, doit prendre en compte, comme tout employeur, la nécessité de s'assurer la collaboration d'agents
motivés par le dialogue social comme par la politique salariale.
Je ne vous suivrai pas sur le thème, familier à certains, selon lequel les fonctionnaires seraient des privilégiés et
représenteraient, dans certains cas, une charge pour la nation, taisant les services qu'ils rendent - ils sont globalement
appréciés, tous les sondages d'opinion le montrent - et le rôle central qu'ils jouent dans la cohésion sociale de notre pays
et dans le pacte républicain.
Vous avez avancé des chiffres sur le passé. Permettez-moi de les compléter et de rappeler que, au cours de la période
1982-1995, l'évolution des salaires moyens nets du secteur privé et du secteur public a été la même, avec une
progression annuelle moyenne de 0,6 % en francs constants, et ce avant une année blanche pour les fonctionnaires en
1996.
L'accord passé renoue avec la politique contractuelle, après quatre ans sans accord. Cet accord équilibré a pour objet de
garantir le pouvoir d'achat des fonctionnaires au cours des deux années à venir, en fonction des prévisions d'inflation. Il a
été l'occasion de corriger l'anomalie que constituait l'existence de traitements de base inférieurs au SMIC dans la fonction
publique et de réaffirmer la priorité que le Gouvernement accorde aux rémunérations les plus faibles.
Au total, cet accord aboutit à une dépense budgétaire de 5 milliards de francs en 1998 et de 9 milliards de francs
supplémentaires en 1999. Il sera financé dans le cadre de la loi de finances pour 1998 - il n'y aura de ce faut ni emprunt ni
impôts supplémentaires - et dans le respect des objectifs de la France en vue du passage à la monnaie unique
européenne.
En ce qui concerne le temps de travail, le Premier ministre a eu l'occasion de dire qu'il n'y avait pas de raison que la
fonction publique soit écartée de la perspective des 35 heures, même si ce n'est pas dans ce secteur que se situe l'urgence
parce que ce n'est pas dans ce secteur que le chômage trouve son origine. Je vous rejoindrai au moins sur un point : pour
regretter que le secteur marchand ne crée pas davantage d'emplois.
En tout état de cause, la complexité du dossier du temps de travail dans la fonction publique, marqué par une diversité
extrême de situations, notamment des unités de mesure du temps de travail, imposait de réaliser un état des lieux complet
avant de fixer des objectifs. C'est ce que l'accord a clairement stipulé. J'ai chargé M. Jacques Roché, personnalité
reconnue, de procéder à cet état des lieux. Il s'est mis au travail dans un esprit de large concertation et son rapport sera
remis aux partenaires sociaux avant la fin de 1998.
M. Jean Bizet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous m'avez apportées.
Loin de moi l'idée de remettre en cause la qualité de la fonction publique. On sait que nous avons des fonctionnaires de
grande qualité dans notre pays.
J'ai cru sentir dans cette revalorisation du traitement des fonctionnaires un début de partage de la croissance. En
l'occurrence, nous agissons dans le cadre de « l'exception française », et cela me préoccupe. En effet, la croissance est
certes de retour, mais, je le crains, nous connaîtrons des lendemains qui ne seront pas aussi mirobolants. Ce n'est pas
dans le cadre de la fonction publique et par l'augmentation de ses emplois que notre pays trouvera la voie du progrès et
de la richesse.

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