Question de Mme DUSSEAU Joëlle (Gironde - RDSE) publiée le 14/05/1998

Mme Joëlle Dusseau appelle à l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur l'information rapportée le 4 mai par l'agence FIDES sur la détention d'un millier d'enfants par les combattants de l'armée soudanaise, qui les considèrent comme un butin de guerre. Ces supplétifs de l'armée soudanaise les ont obtenus à titre de " récompense " pour leur participation aux combats des derniers mois contre l'armée de libération du peuple du Soudan, dans la région de Bahr al-Ghazal. Le destin de ces enfants, presque tous âgés de moins de 12 ans, serait d'être vendus pour travailler ou être exploités sexuellement. Cette vente d'enfants contreviendrait aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par l'assemblée générale des Nations unies, il y a tout juste cinquante ans, qui interdit l'esclavage. Elle révolterait les consciences en cette année où nous commémorons également l'abolition de l'esclavage dans nos colonies il y a cent cinquante ans. C'est pourquoi elle lui demande d'exercer de fortes pressions diplomatiques sur la junte au pouvoir à Karthoum afin d'empêcher cette odieuse vente d'enfants et plus généralement pour persuader le régime du président Omar al-Béchir de la nécessité d'ouvrir un dialogue avec l'opposition et la SPLA en vue d'aboutir à un accord rétablissant la paix civile et le respect des droits de l'homme au Soudan.

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 09/07/1998

Réponse. - Le sort réservé aux enfants originaires du sud du Soudan, qui pâtissent d'un conflit armé entre les forces gouvernementales du Nord arabo-musulman et une rébellion en majorité animiste ou chrétienne, est particulièrement préoccupant. En effet, la reprise du conflit dans le sud du pays en 1983 touche la plus grande partie de la population soudanaise et a des conséquences dramatiques sur la situation des droits de l'homme. En particulier, les femmes et les enfants, quels que soient leur statut social, leur origine ethnique ou leur appartenance religieuse, en sont les premières victimes. Avec la guerre qui perdure, le phénomène traditionnel des razzias pour le contrôle du pâturages et de points d'eau, notamment dans l'ouest du pays, s'est amplifié. Menées principalement par les milices gouvernementales, ces razzias, outre le vol de bétail, se sont accompagnées d'enlèvements de femmes et d'enfants, le plus souvent sudistes. Selon certaines informations, certains d'entre eux seraient passés du statut de captifs à celui de travailleurs forcés. Ce phénomène serait surtout attesté dans les zones rurales de l'ouest du Soudan où des combats se déroulent. La difficulté d'accès aux zones concernées permet difficilement d'obtenir des informations fiables. Néanmoins, la question de l'enlèvement et de la détention d'enfants, qui seraient destinés à être vendus en tant qu'esclaves, fait l'objet d'une attention soutenue de la communauté internationale. Le soin a été confié à M. Gaspar Biro, rapporteur spécial de la commission des Nations Unies pour les droits de l'homme, d'enquêter au Soudan. De nouveau admis dans le pays depuis août 1996, après trois années d'interdiction du séjour, M. Biro a naturellement appelé l'attention, des autorités de Khartoum sur les graves violations des droits de l'homme, en particulier à l'égard des enfants originaires des zones de conflit. Signataire de la convention des Nations Unies sur l'esclavage de 1956, entrée en vigueur le 30 avril 1957, le Soudan a, semble-t-il, admis l'existence de disparitions et de cas d'esclavage, puisque, pour répondre à l'une des exigences du rapporteur spécial, il a créé une commission d'enquête à cet effet. Toutefois, peu de résultats paraissent avoir été obtenus jusqu'à présent. La France, dont la position à l'égard du régime soudanais s'inscrit dans le cadre des décisions de l'Union européenne et des résolutions du conseil de sécurité des Nations Unies qu'elle respecte, a de nouveau coparrainé en avril 1998 la résolution de la commission des droits de l'homme des Nations Unies qui a tout spécialement appelé l'attention sur les violations commises à l'encontre des enfants. Parallèlement, lors d'une visite début mai 1998 à Khartoum, le directeur des affaires africaines et malgaches n'a pas manqué de faire valoir les attentes du gouvernement français en matière des droits de l'homme au Soudan, et plus particulièrement des enfants. Il a saisi l'occasion de chacun de ses entretiens avec les autorités soudanaises pour souligner l'importance accordée par la France à ces questions. Les violations constatées relevant en grande partie du fait de la guerre dans le sud du pays, il est tout aussi important d' uvrer en faveur du retour à la paix. C'est pourquoi la France soutient avec ses partenaires de l'Union européenne toute initiative permettant d'y parvenir, en particulier la médiation entreprise par l'autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD). Elle a notamment salué la reprise, en octobre 1997, sous l'égide de l'IGAD, des pourparlers de paix entre le gouvernement soudanais et la rébellion sudiste. La France est en tout cas déterminée à apporter son plein soutien à tous progrès sur la voie d'un règlement qui soit conforme aux aspirations légitimes des populations soudanaises. Elle uvre en ce sens auprès des parties en présence et, en liaison avec ses partenaires de l'Union européenne, auprès des dirigeants des pays membres de l'IGAD.

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