Question de M. DOUBLET Michel (Charente-Maritime - RPR) publiée le 12/06/1998

Question posée en séance publique le 11/06/1998

M. le président. La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet. Ma question originale s'adressait à M. le Premier ministre, et je suis désolé qu'il n'ait pu venir au
Sénat. Je la pose donc à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, comme l'ont fait MM. Bécot et
Bordas.
Nous avons appris hier que la société Air France et le principal syndicat de pilotes de cette compagnie étaient parvenus
à un accord mettant fin à une période trouble durant laquelle plus d'un milliard de francs de chiffre d'affaires a été
dilapidé. Cela nous ramène au début des années quatre-vingt-dix où, en ne décidant rien, les gouvernements socialistes
avaient laissé les pertes des entreprises publiques non financières augmenter de plus de 300 % en deux ans.
Pour nos compatriotes, qui ont eu à souffrir des conséquences de ce conflit, pour l'économie de notre pays et pour
l'image internationale de la France encore une fois détériorée, cette issue est la bienvenue. Pourtant, rien n'a été réglé
et tout reste à faire.
Les termes de l'accord sont plein d'enseignements, puisqu'ils renvoient à des négociations à la fin du mois d'août.
Tout cela démontre que le temps joue contre Air France et que le Gouvernement lui refuse les moyens qui feraient d'elle
l'une des premières compagnies mondiales. Pour y parvenir, la seule voie possible est la privatisation d'Air France.
Le Gouvernement refuse cette solution pour de simples raisons dogmatiques, afin de ménager ses alliés communistes
et écologistes. La situation que connaît aujourd'hui Air France, faite de blocages et de tensions dus à la pesanteur de
son statut public, éloigne un peu plus chaque jour la participation de cette compagnie aux bouleversements du
transport aérien international.
Vous nous parlez de l'ouverture du capital comme la solution à tous les problèmes. Mais celle-ci n'attirera pas les fonds
propres nécessaires à la satisfaction du besoin de financement en 1999, à cause du statut public de l'entreprise.
Comparaison n'est pas raison et France Télécom, que vous avez utilisée pour illustrer votre politique, ne peut pas être
comparée à Air France, tant la nature de la concurrence qui règne sur leurs activités est différente.
Ma question est simple : le président d'Air France a annoncé la nécessité d'effectuer 40 milliards de francs
d'investissements dans les cinq prochaines années sans qu'aucun plan de financement ne soit actuellement prévu.
Quelles mesures vont être prises pour procéder à ces investissements ? Ferez-vous à nouveau appel aux contribuables,
puisque les aides directes vous sont désormais interdites ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Charles de Cuttoli. Il s'agit de 27 milliards de francs de déficit !

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Réponse du ministère : Équipement publiée le 12/06/1998

Réponse apportée en séance publique le 11/06/1998

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous avez dit, monsieur le
sénateur, que ce conflit vous ramenait au début des années quatre-vingt-dix.
En réalité, le conflit que nous venons de vivre nous ramènerait plutôt au début des années soixante-dix, puisque, c'est
en 1971, sous un gouvernement de votre sensibilité politique, qu'un conflit à Air France a duré vingt-six jours.
M. Alain Gournac. C'était en 1981 !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mais revenons-en à des choses
plus sérieuses.
L'accord intervenu respecte les objectifs d'efficacité économique et de compétitivité nécessaires au développement de
l'entreprise qui avaient été fixés par le Gouvernement et qui figuraient d'ailleurs dans la lettre de mission que Dominique
Strauss-Kahn et moi-même avions adressée à M. Jean-Cyril Spinetta lors de sa nomination.
Cette fin de conflit permet d'aborder d'autres sujets : la création d'emplois, mais également le développement des
activités « frêt ».
Ainsi, comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, de nouveaux chantiers de développement et de
rayonnement s'ouvrent aujourd'hui pour Air France, à l'échelon tant national qu'européen ou mondial.
S'agissant des chiffres que vous avez cités, monsieur le sénateur, je précise qu'il s'agit non pas de 40 millions de francs
d'investissements, mais de 40 milliards de francs. Ce n'est pas rien !
Je sais que certains d'entre vous jugent insupportable qu'Air France n'ait pas été privatisée et pensent que la
privatisation aurait changé le cours des événements.
D'abord, c'est une vue de l'esprit : rien ne le prouve. A titre de comparaison, j'ai cité tout à l'heure le cas de la
compagnie Pan Am, entreprise privée qui a été liquidée, fermée, alors qu'elle était pourtant parmi les plus grandes
compagnies américaines. Je pourrais prendre l'exemple de British Airways : 30 000 suppressions d'emplois ! Quant au
périmètre de l'entreprise, non seulement il n'a pas augmenté, mais il a été réduit parce que l'on a considéré que tout ce
qui n'était pas rentable au jour le jour devait être liquidé. C'est votre philosophie : celle de l'ultralibéralisme, c'est-à-dire la
loi de la jungle. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye. C'est une image d'Epinal pour communiste !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Eh bien, cette philosophie n'est
pas la nôtre ! Nous préférons que l'entreprise publique soit modernisée et qu'elle développe ses atouts, son efficacité
économique. Je suis persuadé que tous ceux qui joueront le jeu dans le cadre de la future ouverture de 20 % du capital,
participeront au développement de l'entreprise.
M. Dominique Braye. Nous, nous ne jouons pas avec Air France !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le fait que le capital public reste
majoritaire sera pour eux la garantie qu'ils n'y perdront pas mais, au contraire, qu'ils y gagneront, parce que aucune
entreprise ne peut sérieusement se développer si, à côté des objectifs et des critères économiques, ne figure un volet
plus social et de participation. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

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